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Full text of "Traité de stomatologie"

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UNIVERSITYOF 
TORONTO  LIBRARY 

The 
JasonA.Hannah 

Collection 

in  the  History 

of  Médical 

and  Related 

Sciences 


s 


TRAITÉ   DE    STOMATOLOGIE 


VI 

ANESTHÉSIE 


LISTE  DES  COLLABORATEURS 


BAUDET Chirurgien  des  hôpitaux  de  Paris. 

BELOT Assistant  de  radiologie  à  l'hôpital  Saint-Antoine. 

BESSON    Chef  du  laboratoire  de  bactériologie  de  l'hôpital  Péan. 

DAUGUET Démonstrateur  à  l'Ecole  française  de  Stomatologie. 

BRÉCHOT Prosecteur  à  la  Faculté  de  médecine  de  Paris. 

DIEULAFÈ Professeur  agrégé  à  la  Faculté  de  médecine  de  Toulouse. 

DUVAL  (PIERRE) Professeur  agrégé  à  la  Faculté  de  médecine  de  Paris,  cliirurgien 

des  hôpitau.x. 

FARGIN-FAYOLLE  'P.).     Professeur    suppléant    à    l'Ecole     française    de     Stonialologie. 

Dentiste  des  hôpitau-x  de  Paris. 

FERRIER  (J. Dentiste  de  l'hôpital  Beaujon. 

FERRIER    P.) Ancien  interne  des  hôpitaux  de  Paris. 

FOURNIER  (L.) Médecin  des  hôpitaux  de  Paris. 

GAILLARD Anc^ien   président  de  la   Société  de  Stomatologie,   Professeur  â 

l'Ecole  française  de  Stomatologie,  dentiste  des  hôpitaux  de  Paris. 

GAUMERAIS Dentiste  de  l'hôpital  Pasteur. 

GUIBAUD  (M.) Docteur  en  médecine. 

HERPIN  (A.) Ancien   aide   d'anatomie   à    l'Ecole   de  médecine   de    Clermont- 

Ferrand,  dentiste  à  l'hospice  des  Ouinze-Vingls. 

KOENIG Laryngologiste  et  auriste  de  l'hôpital  Holy  Trinity  Lodge,à  Paris. 

LEBEOINSKY Professeur  à  l'École  de  chirurgie  dentaire,  dentiste  des  hôpitaux 

de  Paris. 

MAHÉ Dentiste  des  hôpitaux  de  Paris. 

NESPOULOUS Dentiste  des  hôpitaux  de  Paris. 

NOGUÉ  (R.) Professeur  à  l'Ecole  française   de    Stomatologie,   Dentiste  des 

hôpitaux  de  Paris. 

TERSON  (A.) Ancien  chef  de  clinique  à  la  Faculté  de  médecine  de  Paris. 


DIVISION    DES    FASCICULES 


Fasc.  1.  —  Anatomie  de  la  Bouche  et  des  Dents,  par  les  D"  Dieulafé  et 
Herpin.  1  volume 6  fr. 

Fasc.  II.  —  Physiologie,  Bactériologie,  Malformations  et  Anomalies  delà 
Bouche  et  des  Dents,  Accidents  de  Dentition,  par  les 
D''*Gi'iBAi'D,  Nor.iE,  Besson,  Dieulafé,  Herpin,  Baudet,  Fargin- 
Fayoi.le.  1  volume 12  fr. 

Fasc.  111.  —  Maladies  des  Dents  et  Carie  dentaire,  par  les  D"  Dieulafé, 
Herpin  et  .Nor.iÉ. 

Fasc.  IV.  —  Dentisterie  opératoire,  par  les  D""^  Fargin-Fayolle,  Mahé, 
R.  .No(;uÉ,  P.  .Nespoulous. 

Fasc.  V.  —  Maladies  paradentaires.  Hygiène  et  Prophylaxie  de  la 
Bouche  et  des  Dents,  parles  D"  Nogué,  Dauguei,  Fargin- 
Fayolle,  KctMG,  Lebedinsky,  Mahé,  Terson,  Gaumerais, 
CruiBAUD.  1  volume 12  fr. 

Fasc.     \I.  —  Anesthésie,  par  le  D''  Nogué.  1  volume 12  fr. 

Fasi:.    VII.  —  Maladies  de  la  Bouche,  par  le  D''  L.  Fourmer. 

Fasc.  VIII.  —  Maladies  chirurgicales  de  la  Bouche  et  des  Maxillaires,  par 

les  D"  Dieulafé,  Herpin,  Baudet,  Pierre  Duval,Bréchot.     12  Ir. 

Fasc.     IX.  —  Orthodontie,  Radiologie,  par  les  D"  Gaillard  et  Belot. 
Fasc.      X.  —  Prothèse  buccodentaire  et  faciale,  par  le  D""  Gaillard. 


8919.  —  CcRBElL.  Imprimerie  CrÉTÉ. 


TRAITE    DE    STOMATOLOGIE 


Publié  en  fascicules 


SOIS    l.\    D1RF.CTI0N    DE    MM. 


Le  D-  GAILLARD  Le  D-^  NOGUE 

Pmfssseiir  <\  IKcole  fr,ini;aise  de  Stomatologie  Professeur  à  l'École  française  de  Stomatologie 

Dentiste  des  Hôpitaux  de  Paris.  Dentiste  des  Hôpitaux  de  Paris. 


YI 


ANESTHÈSIE 


Le    D^    NOGUE 


PROFESSEUR     A      L    ECOLE      FRANÇAISE     DE      STOMATOLOGIE 
DENTISTE      DES      HÔPITAUX      DE      PARIS 


Avec  102  figures  intercalées  dans  le  texte. 


PARIS 
LIBRAIRIE  J.-B.   BAILLIÈRE  et  FILS 

19,  Rue  Hautefeuille,  près  du  Boulevard  Saint-Germain. 

1912 

Tous  droits  rései-vés. 


Digitized  by  the  Internet  Archive 

in  2010  with  funding  from 

University  of  Ottawa 


http://www.archive.org/details/traitdestomato06gail 


TRAITÉ   DE   STOMATOLO(;iE 


•i  I1I.I1-:  sors  i.A  i)im£CTio>   i>ii 


MM      GAILLARD    et    NOGUÉ 


ANESTHÉSIE 

PAH 

le  D^  NOGUÈ, 

Dentiste  des  hôpittiux  di-  Paris. 


Pour  nous  conformer  à  l'esprit  de  ce  Traité,  nous  devons  envi- 
sager ici  Tanesthésie  dans  ses  rapports  surtout  avec  la  stomato- 
logie. C'est  ce  que  nous  nous  sommes  elïorcé  de  l'aire  en  étudiant 
de  préférence  et  aussi  complètement  que  possible  toutes  les  méthodes 
applicables  à  celte  branche  de  la  médecine.  Prenons,  par  exemple, 
les  anesthésiques  généraux.  Tandis  que,  au  point  de  vue  scientifique, 
ils  présentent  tous  le  même  intérêt,  au  point  de  vue  particulier 
qui  nous  occupe  quelques-uns  méritaient  de  retenir  plus  spécia- 
lement notre  attention.  Tels  sont  les  anesthésiques  à  action  rapide 
comme  le  protoxyde  d'azote  et  le  (dilorure  d'éthyle,  pour  nous  d'un 
usage  journalier.  Du  bromure  déthyle,  au  contraire,  auquel  nous 
faisons  rarement  appel  et  que  nous  jugeons  sans  aucun  avantage, 
nous  avons  beaucoup  moins  parlé.  Ouant  à  l'éther  et  au  chloro- 
forme, bien  que  réservés  aux  grandes  interventions  et  rarement 
utilisés  dans  la  chirurgie  dentaire  proprement  dite,  bien  qu'étudiés 
à  fond  dans  tous  les  traités  danesthésie,  comment  les  passer  sous 
silence?  En  outre  de  leur  rôle  prépondérant  dans  les  recherches 
physiologiques,  la  connaissance  de  leur  action  clinique  comparée 
à  celle  des  autres  agents  moins  importants  était  indispensable  pour 
bien  comprendre  les  indications  des  uns  et  des  autres. 

A  côté  de  ces  anesthésiques,  pour  ainsi  dire  classiques,  beaucoup 
d'autres  ont  été  expérimentés  qui  n'ont  pas  eu  le  même  succès. 
Fallait-il  les  laisser  systématicpiement  dans  l'ombre?  Nous  avons 
pensé  qu'il  pouvait  être  utile  d'en  citer  quelques-uns,  car  tel  d'entre 

Traité  de  STOM.vTOiiOGiE  .  VI.    —    1 


2  NOGUÉ.  —  ANESÏHESIE. 

eux  ([ui  est  aujourd'hui  dédaigné  peut  demain  entrer  dans  la  pratique 
courante.  Beaucoup  de  ces  essais,  d'ailleurs,  mériteraient  d'être 
repris. 

D'autres  méthodes,  au  contraire,  encore  à  l'étude,  ne  sont  pas  sor- 
ties du  domaine  des  laboratoires.  Est-ce  à  dire  qu'elles  ne  puissent 
retenir  un  instant  l'attention  du  médecin?  Trop  souvent  elles  ont 
souflert  d'un  injustifiable  dédain,  alors  qu'elles  contenaient  peut- 
être  en  germe  l'anesthésie  de  l'avenir. 

L'historique  même  de  l'anesthésie  est  là  pour  le  prouver. 

Pour  l'anesthésie  locale,  qui  joue  un  si  grand  rôle  en  stomato- 
logie, nous  nous  sommes  longuement  étendu  et  sur  les  anesthésiques 
eux-mêmes,  et  sur  les  différentes  manières  de  s'en  servir.  Les 
méthodes  courantes  ont  été  plus  spécialement  étudiées,  comme  il 
était  naturel,  puisque  c'est  à  elles  que  le  praticien  a  surtout  recours. 
Mais  ici  encore,  d'autres  procédés  toujours  applicables  il  est  vrai  au 
système  dentaire,  ont  été  également  décrits.  Il  est  même  certaines 
méthodes,  spéciales  à  d'autres  régions,  dont  nous  avons  cru  néces- 
saire de  parler  en  raison  des  enseignements  qu'elles  pouvaient 
fournir. 

Enfin  la  rachianesthésie,  hier  encore  si  étrangère  à  la  stomatologie, 
permet  aujourd'hui  d'obtenir  l'insensibilité  de  la  tête  et  du  tronc. 
Peut-être  sera-t-elle  demain,  pour  les  régions  mêmes  qui  lui  avaient 
été  si  longtemps  interdites,  le  procédé  le  plus  inotîensif  et  le  plus 
sûr.  Nous  n'avons  donc  pas  à  nous  justifier  de  l'avoir  comprise  dans 
notre  travail. 

Nous  avons  pensé  enfin  qu'il  ne  saurait  être  déplacé  de  faire 
précéder  l'étude  des  anesthésiques  et  de  l'anesthésie  elle-même  de 
quelques  considérations  sur  la  douleur.  Les  recherches  de  la  physio- 
logie moderne  nous  ont  permis  de  mieux  comprendre  ce  phénomène 
complexe.  Sans  parler  de  l'intérêt  spéculatif  et  biologique  d'un  tel 
sujet,  auquel  nul  médecin  ne  saurait  rester  indifférent,  les  données 
expérimentales  acquises  pouvant  trouver  dans  la  pratique  les  plus 
heureuses  applications.  Et  il  ne  saurait  faire  de  doute  que,  dans 
l'avenir,  une  connaissance  plus  approfondie  du  mécanisme  intime, 
des  modalités  et  des  variations  de  la  douleur  n'aide  puissamment 
aux  progrès  de  l'anesthésie. 


HISTORIQUE. 


/.  -  HISTORIQUE. 

Sans  aucun  doulc  la  découverte  de  Tanesthésie  a  marqué  pour  la 
chirurgie  moderne  une  ère  nouvelle.  Mais,  avant  cette  date  mémo- 
rable, dès  la  plus  haute  antiquité  et  pendant  tout  le  moyen  âge,  de 
perpétuels  efl'orts  avaient  été  faits  pour  atténuer  ou  supprimer  la 
douleur.  Lécho  de  ces  tentatives  ne  nous  est  malheureusement 
parvenu  que  très  affaibli  et,  dans  les  textes  tronqués  des  auteurs 
comme  dans  les  traditions  orales,  nous  ne  trouvons  l'exposé  d'aucune 
méthode  efficace  et  complète.  Néanmoins  on  s'illusionnerait  étran- 
gement si  l'on  supposait  l'ancienne  médecine  totalement  dépourvue 
de  données  précises  sur  un  si  important  sujet  et  incapable  de  toute 
action  utile.  Le  peu  qui  nous  a  été  transmis  sur  ces  pratiques  quasi 
légendaires  permet  au  contraire  de  penser,  à  notre  sens  du  moins, 
qu'elles  avaient  une  très  réelle  valeur. 

Néanmoins,  on  peut  dire  que  la  véritable  découverte  de  l'anes- 
Ihésie  chirurgicale  date  du  10  décembre  1884,  jour  mémorable  où 
Horace  Wells,  modeste  dentiste  de  Hartford,  dans  le  Gonnecticut, 
eut  l'idée,  qu'il  mita  exécution  dès  le  lendemain,  d'appliquer  le  pro- 
toxyde  d'azote  à  l'extraction  des  dents. 

Voici  dans  quelles  circonstances  se  produisit  la  découverte  de 
Tanesthésie  chirurgicale,  d'après  le  récit  du  D*"  J.-B.  Rottenstein 
et  de  Truman  Smith  (1)  : 

«  Le  10  décembre  1844,  demeurait  dans  la  ville  de  Hartford 
(Vermont)  un  citoyen  nommé  Horace  Wells.  Né  à  Hartford,  il  s'y 
était  établi  à  l'âge  de  vingt  et  un  ans  et  y  exerçait  la  profession  de 
chirurgien-dentiste  depuis  un  certain  nombre  d'années.  C'était  un 
homme  à  l'œil  vif,  à  l'esprit  fin,  un  penseur  ardent,  enthousiaste, 
digne  de  confiance  en  tout  point,  dont  la  constitution  physique  était 
aussi  délicate  que  sa  nature  morale  et  intellectuelle  était  sensible. 
Jamais  personne  ne  posséda  la  confiance  d'une  communauté  plus 
pleinement  qu'il  n'avait  celle  de  Hartford.  L'inimitié  lui  était  incon- 
nue. L'amitié  et  l'estime  s'attachaient  partout  à  ses  pas. 

((  Dans  la  soirée  de  ce  même  10  décembre  1844,  Horace  Wells 
assistait,  avec  sa  femme,  à  un  cours  de  chimie  fait  par  le  D'"  Colton, 
pendant  ou  après  lequel  ce  dernier  administra  au  D'  Wells, 
à  M.  Cooley  et  à  quelques  autres  personnes,  le  protoxyde  d'azote. 
M.  Cooley,  placé  sous  l'influence  du  gaz,  fut  extraordinairement 
excité  :  il  roula  sur  le  plancher  et  s'y  livra  à  toutes  sortes  d'évolutions 
et  de  mouvements  circulaires,  pendant  lesquels  il  se  meurtrit  les 
jambes  en  se  heurtant  contre  les  bancs,  fait  dont  le  D""  Wells  prit 

(1)  An  inquiry  into  the  origin  of  modem  anesthesia,  by  the  Hon.  Trtjmau 
Smith  and  J.-B.  Rottenstein,  Traité  d'anesthésie  chirurgicale,  Paris,  1880. 


4  NOGUÉ.  —  ANESTHÉSIE. 

note.  Lorsque  Cooley  fut  revenu  à  lui,  Wells  demanda  si  les  bles- 
sures qu'il  s'était  laites  lui  avaient  été  douloureuses  ;  il  répondit 
qu'il  n'avait  nullement  coiiscience  d'avoir  reçu  aucune  blessure; 
mais,  en  relevant  son  vêtement,  le  sang  apparut  en  abondance.  Wells 
se  tourna  immédiatement  Aersson  ami,  assis  près  de  lui,  et  lui  exprima 
l'opinion  qu'on  pouvait,  en  respirant  ce  gaz,  devenir  insensible  au 
point  de  se  faire  arracher  une  dent  sans  éprouver  de  douleur.  En 
rentrant  chez  lui,  il  exprima  de  nouveau  cette  opinion  à  sa  femme  et 
la  répéta  encore  à  un  confrère,  qu'il  invita  à  examiner  ce  sujet  le  soir 
même. 

«  Après  être  resté  quelque  temps  à  rétléchir  sur  cette  matière,  le 
D'  Wells  déclara  qu'il  était  résolu  à  prendre  le  gaz  le  lendemain  et 
à  se  faire  arracher  une  mauvaise  dent  (une  forte  molaire),  ce  qui 
témoigne  en  faveur  de  la  netteté  de  sa  théorie.  «  (Test  bien,  s'écria 
«  son  ami,  il  est  juste  que  nous  commencions  les  expériences  sur  nous 
«  mêmes.  »  Le  lendemain  matin,  Wells  appela  le  D'^  Colton  et  lui 
exposa  le  fait  qu'il  avait  observé,  en  même  temps  que  les  remarques 
qu'il  avait  faites  sur  ce  sujet  et  l'invita  à  se  munir  d'un  ballon  de  gaz 
pour  cet  usage,  ce  qui  fut  fait.  Quand  tout  le  monde  fut  réuni, 
Wells  se  plaça  lui-même  dans  la  chaise  d'opération.  Colton  lui 
administra  le  gaz  et,  dès  que  le  patient  fut  mis  sous  son  influence, 
le  confrère  lui  arracha  la  dent.  Wells  revenu  à  lui  s'écria  :  «  Une 
«  nouvelle  ère  dans  l'extraction  des  dents  !  Cela  ne  m'a  pas  fait  plus 
«  de  mal  qu'une  piqûre  d'épingle  1  » 

«Wells  avait  donc,  le  10  décembre  1844,  signalé  le  phénomène  de 
l'anesthésie  et  déduit  toute  une  théorie,  confirmée  par  son  heureuse 
expérience  du  lendemain.  Tout  est  donc  parfaitement  clair  et  précis 
dans  sa  découverte. 

«  l°Idée  théorique:  suppression  de  la  douleur  pendant  les  opérations 
chirurgicales  :  2°  idée  pratique  :  emploi  par  inhalation  d'un  agent 
anesthésique,  le  protoxyde  d'azote. 

«  On  ne  peut  donc  reprocher  à  cet  inventeur  d'avoir  manquer  de 
netteté  et  de  précision,  aussi  bien  dans  la  conception  que  dans 
l'application  de  sa  méthode  d'anesthésie.  » 

Wells  avait  fait  {)art  de  sa  découverte  aux  D"  Morton  et  Jackson. 
Le  premier  avait  été  son  élève  à  Hartford  pendant  les  années  1841 
et  1842,  puis  s'était  établi  à  Boston,  où  il  resta  associé  avec  son 
ancien  maître.  11  était  en  pension  chez  le  D""  Jackson. 

D'après  Truman  Smith  (1),  qui  cite  à  ce  sujet  une  série  de  témoi- 
gnages d'hommes  d'une  honorabilité  indiscutable,  Wells  avait, 
dès  l'année  1845,  étudié  longtemps  les  propriétés  de  l'éther  sulfu- 
rique;  s'il  n'en  adopta  pas  l'usage,  c'est  qu'il  le  trouva  inférieur  au 
protoxyde  d'azote. 

(1)  Truman  Smith,  loc.  cil.,  p.  51  et  54. 


IlISIORigUE.  3 

C'esl  ù  celle  ép()(|vie  (jue  son  élève  .Morlon  expérinienla  systéinali- 
([uement  l'élher  sullurique. 

Morloii  et  Jackson  prirent  ensenihlc  un  brevet  le  -21  octobre  1846 
pour  -^'assurer  le  bénéfice  de  ce  mode  d'aneslhésie.  Ils  avaient 
même  niélaiiyé  à  l'élher  de  l'essence  de  néroli  pour  en  déguiser 
l'odeur  et  donné  au  mélange  ainsi  obtenu  \c  nom  de  lélhéon.  Le 
10  septembre  ISiC),  Morton  avait  arraché  une  dent  au  nommé  Eben 
Frost,  endoriui  à  l'aide  de  cet  agent.  Les  17  et  18  octobre,  il  anes- 
Ihésia  deux  malades  des  D'**  Heywood  et  Warren  avec  un  plein  succès. 
Ceux-ci  exigèrent  ensuite  que  la  nature  de  l'agent  anesthési(|ue  leur 
lut  dévoilé  avant  de  (^ontinvier  les  expériences. 

Le  l'2  janvier  1847,  Malgaigne  fait  connaître  à  l'Académie  de 
médecine  de  Paris  les  heureux  résultats  obtenus  (1).  Peu  après,  le 
18  janvier,  Velpeau  signale  cette  découverte  à  l'Académie  des 
sciences.  «  Le  fait  est  un  des  plus  importants  qui  se  soient  vus;  un 
fait  dont  il  n'est  déjà  plus  possible  de  calculer  la  portée,  qui  est  de 
nature  à  remuer,  à  impressionner  profondément  non  seulement  la 
chirurgie,  mais  encore  la  physiologie,  voire  même  la  psychologie  (2). 
Les  autres  chirurgiens  français,  .L  Cdoquet,  Roux,  confirmaient 
bientôt  la  découverte. 

Les  physiologistes,  à  leur  tour,  étudièrent  l'action  del'éther  dans 
l'organisme.  Flourens  (3)  reconnut  et  observa  l'existence  de  pro- 
priétés anesthésiques  dans  l'éther  chlorhydrique  et  dans  le  chloro- 
forme. Les  effets  obtenus  avec  ce  dernier  corps  furent  plus  rapides 
et  plus  énergiques  (jue  les  effets  obtenus  avec  l'éther.  Mais  ces  expé- 
riences ne  lurent  malheureusement  pas  répétées  sur  l'homme. 

En  Angleterre,  les  propriétés  anesthésiques  du  chloroforme  étaient 
découvertes  accidentellement  par  un  étudiant  en  médecine,  M.  Fur- 
nell  et,  quelques  mois  plus  tard,  par  un  chirurgien  d'Edimbourg, 
Simpson. 

Le  chloroforme  fut  alors  employé  concurremment  avec  l'éther,  et 
depuis  cette  époque  la  question  reste  ouverte  sur  les  avantages  et  les 
inconvénients  de  l'un  et  de  l'autre.  En  Amérique,  l'éther  conserve  la 
faveur  des  chirurgiens;  en  France,  l'école  de  Lyon  l'emploie  systé- 
matiquement: tandis  que,  dans  la  plupart  des  autres  villes,  le  chlo- 
roforme est  préféré.  En  Allemagne  et  en  Angleterre,  les  deux 
anesthésiques  sont  également  utilisés. 

Tandis  que  l'éther  et  le  chloroforme  avaient  dans  les  deux  conti- 
nents une  si  brillante  fortune,  le  protoxyde  d'azote  était  complè- 
tement abandonné. 

Ce  fut  en  juin  186.3,  c'est-à-dire  vingt  ans  après  la  mémorable 
découverte  de  Wells,  que  le  protoxyde  fut  remis  en  honneur  à  loc- 

(1)  Malgaigne,  Bull,  de  l'Acad.  Je  méJ.,  1847,  t.  XII,  p.  262. 

(2)  Velpeau,  C.  R.  Acad.  des  sciences,  1847,  t.  XIV,  p.  133. 

(3)  Flourens,  C.  R.  Acad.  des  sciences,  1847,  t.  XXIV,  p.  342. 


6  NOGUÉ.  —  ANESTHESIE. 

casion  dune  leçon  de  chimie  que  le  D'  Golton  faisait  dans  le  Connec- 
licut,  à  New-Haven  :  «  J'avais  eu,  dit-il  (1),  Tidée  de  faire  précéder 
mon  cours  de  quelques  notions  historiques  sur  la  découverte  de 
Tanesthésie.  Je  racontais  notre  expérience  faite  avec  Wells  en  1844, 
et  j'ajoutais  incidemment  que,  depuis  cette  époque,  il  m'avait 
été  impossible  de  rencontrer  un  dentiste  qui  voulût  de  nouveau 
appliquer  le  proloxyde  d'azote  à  l'anesthésie.  A  la  fin  du  cours,  un 
dentiste  de  la  ville,  le  D""  Smith,  vint  à  moi  et  me  dit  qu'il  était 
prêt  à  extraire  une  dent  à  l'aide  du  protoxyde  d'azote,  à  la  condition 
que  je  voulusse  administrer  moi-même  le  gaz  sous  ma  propre  res- 
ponsabilité. Je  fis  connaître  cette  résolution  à  mon  auditoire,  et  nous 
commençâme  à  extraire  des  dents  à  l'aide  de  ce  procédé  anesthésique 
dans  le  cabinet  du  D'  Smith.  Nous  obtînmes  un  tel  succès  qu'en 
moins  de  trois  semaines  nous  avions  pi-atiqué  plus  de  trois  mille 
extractions  dentaires.  Ce  succès  extraordinaire  que  j'obtins  alors  me 
détermina  à  fonder  à  New- York  un  établissement  affecté  spéciale- 
ment à  l'extraction  des  dents  pendant  l'anesthésie  proto-azotée.  »  Du 
4  février  1864  au  commencement  de  l'année  1880,  plus  de  cent  mille 
anesthésies  avaient  été  faites  sans  le  moindre  accident.  L'usage  des 
gaz  se  généralisa  alors  en  Amérique,  en  Angleterre  et  dans  toute 
l'Europe. 

En  1880,  Paul  Bert  fit  ses  mémorables  expériences  sur  l'anesthésie 
par  le  protoxyde  mélangé  à  l'oxygène  sous  pression.  Il  en  montra 
l'innocuité  absolue.  Celte  méthode  fut  appliquée  par  Péan  et  le 
Dr  Labbé  à  l'hôpital  Saint-Louis  de  Paris,  par  le  D'  Azam  à  Bor- 
deaux, Deroubaix  à  l'hôpital  Saint-Jean  de  Bruxelles,  les  D"  Roussy 
et  Guillermin  à  Genève,  Claude  Martin  à  Lyon.  Malheureusement 
ce  procédé  nécessitait  une  installation  des  plus  coûteuse  et  on  sex- 
plique  très  bien  qu'il  n'ait  pu.  malgré  l'admirable  sécurité  qu'il 
offrait,  se  généraliser. 

En  1883,  Paul  Bert  montra  qu'on  pouvait  obtenir,  par  le  mélange 
d'oxygène  et  de  protoxyde  d'azote  à  la  pression  normale,  chez  les 
animaux,  un  sommeil  suffisant  pour  de  courtes  interventions.  Cette 
communication  fut  le  point  de  départ  des  recherches  de  Klikowitsch, 
Bing,  Ribnitzky,  Schrauth,  Hillischer  et  Swiecicki  en  Allemagne  et 
en  Autriche,  de  Dudley  Buxton  et  Hewitt  en  Angleterre,  recherches 
qui  aboutirent  à  la  création  d'appareils  permettant  l'emploi  dans  la 
pratique  de  cette  nouvelle  méthode. 

Clover,  en  Angleterre,  faisait  passer  dans  la  chirurgie  courante 
l'usage  du  protoxyde  d'azote  et  de  l'éther  associés,  le  premier  ser- 
vant au  début  de  l'anesthésie. 

En  1872,  Oré  (de  Bordeaux)  proposa  l'emploi  du  chloral  en  injec- 
tions intraveineuses.  Il  se  servait  pour  cela  d'une  solution  à  0,25  p.  100 

(1)  Lettre  au  D""  Rottenstein,  loc.  cil. 


mSTORIQUE.  7 

dont  il  injcclail  4  à  10  i::raiiinies.  Mais  celle  niélliodc,  à  cause  des 
dangers  d'embolie  auxijuels  elle  exposait,  ne  se  vulg-arisa  pas. 

En  187(>  et  1877,  le  bromure  d'étliyle,  qui  avait  déjà  été  employé 
comme  anesthésique  ii^énéral  par  Nunneley  (de  Leeds),  en  1849,  fui 
conseillé  parRabuteau,  puis  appliqué  par  Tornbull  et  Lewis  (de  Phi- 
ladelphie!. Son  usage  se  répandit  ensuite  pour  les  opérations  dentaireS' 
et  surtout  en  oto-rhinologie. 

En  1894,  le  chlorure  d'éthyle,  dont  Flourens  en  1847  avait  signalé 
les  propriétés  anesthésiques,  entra  dans  la  pratique  par  le  fait 
d'un  hasard.  Le  dentiste  Carlson  (de  Gothenburg)  et  Tannée  suivante 
(1895)  son  collègue  Thiesing(d'Hildesheim),  en  pulvérisant  ce  liquide 
sur  les  gencives  de  leurs  malades  pour  obtenir  l'anesthésie  par 
réfrigération,  remai-quèrenl  qu'ils  provo(|uaient  parfois  l'anesthésie 
générale.  Depuis  cette  époque,  le  chlorure  d'éthyle  a  été  accepté 
comme  un  des  meilleurs  anesthésiques  pour  les  opérations  de 
courte  durée. 

Enfin,  dans  ces  dernières  années,  le  P""  Leduc  (de  Nantes) 
a  tenté  d'obtenir  l'anesthésie  générale  par  l'action  de  Télectricité. 
Ses  recherches,  d'ailleurs  du  plus  puissant  intérêt,  n'ont  pas  encore 
abouti  à  une  méthode  couramment  applicable  à  la  chirurgie. 

L'histoire  de  l'anesthésie  locale,  bien  que  remontant  à  l'antiquité, 
ne  présente  guère  d'intérêt  qu'à  partir  de  l'application  de  la  cocaïne. 

La  compression  exercée  au  niveau  des  troncs  nerveux  avait  déjà 
permis  l'amputation  d'un  membre  sans  douleur  dès  1676. 

James  Moore,  en  1784,  put  faire  à  l'aide  de  son  tourniquet  et  avec 
le  même  succès  la  même  opération.  Plus  tard  Theden  et  Liegeard 
{de  Caen)  conseillèrent  la  ligature  du  membre. 

L'application  du  froid  comme  procédé  d'anesthésie  locale  marqua 
un  progrès.  Le  point  de  départ  devrait,  d'après  Raphaël  Dubois,  en 
être  recherché  dans  les  expériences  de  Hunter,  qui  démontrait  que 
l'on  pouvait,  après  avoir  soumis  l'oreille  d'un  lapin  à  un  mélange 
réfrigérant,  lui  faire  subir  des  mutilations  sans  que  l'animal  parût 
ressentir  de  la  douleur.  Larrey,  pendant  la  campagne  de  Russie,  aurait 
utilisé  l'action  du  froid  dans  certaines  amputations. 

James  Arnott  (de  Brighton)  appliqua  le  premier  le  mélange  de 
glace  et  de  sel  marin  pour  obtenir  une  anesthésie  locale.  Il  vint 
en  1849  à  Paris,  dans  le  service  de  Velpeau,  qui  adopta  ce  procédé. 

Simpson  et  Nunneley  essayèrent  ensuite  l'éther  et  le  chloroforme 
comme  anesthésiques  locaux,  mais  sans  grand  succès.  Ce  n'est  que 
grâce  au  pulvérisateur  de  Richardson  que  l'on  employa  l'anesthésie 
locale  par  réfrigération. 

En  1881,  le  bromure  d'éthyle  fut  employé  comme  anesthésique 
local  par  Turillon  et  Tourreil. 

En  1884,  Lallier,  puis  Debove  recommandèrent  pour  la  réfrigéra- 
tion des  tissus  l'emploi  du  chlorure  de  méthyle. 


8  XOGUÉ.  —  AXESTHESIE. 

En  1890,  le  P'  Redaii  eut  recours  avec  succès  au  chlorure  déthyle 
dans  le  même  but. 

Depuis  leur  utilisation,  ces  produits  sont  restés  dans  la  pratique, 
mais  sont  employés  plutôt  à  l'état  de  mélange  qu'à  l'état  pur. 

D'autres  méthodes  d'anesthésie  locale  ont  été  imaginées.  L'élec- 
tricité sous  la  forme  du  courant  galvanique  lut  employée  par  Francis, 
dentiste  de  Philadelphie,  en  1858.  Le  narcotisme  voltaïque  fut  pré- 
conisé pour  l'anesthésie  locale  par  Richardson,  puis  abandonné.  Le 
procédé,  modifié  par  Harris,  en  1890,  fut  appliqué  sous  le  nom  de 
cataphorèse,  et  enfin  des  tentatives  infructueuses  ont  été  faites  plus 
récemment  pour  obtenir  Fanesthésie  locale  en  chirurgie  dentaire 
par  l'action  des  courants  de  haute  fréquence  et  de  haute  intensité. 

La  méthode  des  injections  interstitielles  des  médicaments  pour 
obtenir  l'anesthésie  locale  date  de  Burney  Yeo  et  Griffilh,  qui, 
en  1868,  utilisèrent  l'eau  simple  dans  ce  but  et  obtinrent  des  résultats 
très  probants.  Le  P''  Polain,  en  186'.»,  eut  recours  au  même  procédé. 

En  1884,  au  Congrès  d'Heildelberg,  le  D""  Karl  Koller  démontra 
que  les  instillations  de  cocaïne  sur  la  muqueuse  ocvdaire  déter- 
minaient une  anesthésie  complète  de  la  conjonctive  et  de  la  cornée. 
La  cocaïne  avait  été  extraite  par  Gardeke,  en  1885,  des  feuilles  de  la 
coca:  Percy  (de  New- York)  l'avait  découverte  de  nouveau  en  1857,  et 
Xiemann,  de  son  côté,  l'avait  isolée  en  1859  et  baptisée  de  son  nom 
actuel. 

Coupard.  dès  1877.  avait  noté  l'action  anesthésique  de  la  cocaïne 
sur  la  muqueuse  du  pharynx,  de  même  que  Von  Aurep.  en  1880.  A 
partir  de  la  communication  retentissante  de  Karl  Koller,  les  études 
sur  cet  alcaloïde,  doué  de  propriétés  si  nouvelles,  se  multiplient. 
Malgré  les  travaux  des  physiologistes,  entre  autres  Laborde,  Fran- 
çois Franck,  Arloing,  Masson,  Ch.  Richet,  Dastre,  l'usage  de  la 
cocaïne  reste  limité. 

Il  faut  les  observations  multiples  et  la  persévérance  du  P""  Reclus 
pour  en  vulgariser  l'usage  et  en  réglementer  les  doses.  Grâce  à  lui, 
la  cocaïne  est  entrée  depuis  1886  dans  la  pratique  courante. 

De  nombreux  dérivés  ou  succédanés  de  la  cocaïne  sont  ensuite 
employés  à  sa  place  ou  concurremment  avec  elle,  parmi  lesquels  la 
tropacocaïne,  l'eucaïne,  l'acoïne,  Tholocaïne. 

La  chimie  synthétique  enrichit  chaque  jour  l'arscmal  anesthésique 
de  produits  nouveaux,  parmi  lesquels  il  convient  de  citer  la  stovaïne 
et  la  novocaïne. 

La  découverte  de  la  cocaïne  a  ouvert  une  ère  nouvelle  pour  l'anes- 
thésie locale.  Appliqué  d'abord  sur  la  muqueuse,  ce  précieux  alca- 
loïde fut  injecté  ensuite  dans  les  tissus,  au  niveau  des  terminaisons 
nerveuses.  .Mais  peu  à  peu  les  chirurgiens  cherchèrent  à  atteindre 
le  tronc  nerveux  lui-même,  afin  d'augmenter  avec  des  doses  médi- 
camenteuses minimes  le  champ  de  l'anesthésie. 


HISTORIQUE.  9 

Poussant  encore  plus  loin  la  hardiesse  de  ses  recherches,  la  chi- 
rurgie porta  la  cocaïne  à  Torigine  même  des  nerfs,  au  niveau  de  la 
moelle  épinière,  annihilant  ainsi  toute  sensibilité  dans  un  champ  si 
étendu  du  corps  que  celte  mélliode  nouvelle  arrive  à  remplacer,  poui' 
un  l»on  nomhre  d'opérations,  l'anesthésie  générale. 

C'est  au  D''  Léopold  Corning  (1)  que  revient  Thonneur  d'avoir  le 
premier  ol)tenu  par  ce  moyen  Tanesthésie  des  membres  intérieurs,  en 
septembre  1885.  Il  injecta  d'abord  la  cocaïne  dans  l'espace  interver- 
tébral, entre  la  on/ième  et  la  douzième  apophyse  des  vertèbres  dor- 
sales. Après  deux  ans  d'études,  il  s'enhardit  à  porterie  liquide  dans 
les  membranes  mêmes  de  la  moelle.  Ces  recherches,  malheureu- 
sement, ne  retinrent  pas  l'attention  comme  elles  le  méritaient. 

En  1899,  Bier  (2)  essaye  sur  six  patients  et  sur  lui-même  la  cocaï- 
nisation  delà  moelle  et  fait  connaîti-e  les  résultats  obtenus.  Aussitôt 
la  méthode  se  répand  dans  toute  l'Europe.  Mais  elle  reste  seulement 
applicable  aux  interventions  sur  les  membres  inférieurs  et  le  bassin  : 
peu  à  peu,  grâce  aux  progrès  de  la  technique,  les  chirurgiens  obtien- 
nent linsensibilité  de  toute  la  région  située  au-dessous  des  mame- 
lons :  avec  des  doses  plus  fortes,  l'anesthésie  s'étend  à  tout  le  corps 
à  l'exception  de  la  tête.  Enfin,  en  1909,  Thomas  .Jonnesco,  grâce  à  sa 
méthode  dorsale  supérieure,  franchit  cette  dernière  étape  et  obtient 
l'anesthésie  de  toutes  les  régions  du  corps. 

(1)  Marcus,  Medulla  narcosis  (Corning-'s  method  :  ils  History  and  Development) 
(in  JSew-York  med.  Becord,  1900  . 

(21  Bier.  Deutsche  Zcilschrifl  fur  Chirurgie,  1S99. 


10  NOGUÉ.  —  ANESTHÉSIE. 


//.  -  PHYSIOLOGIE  DE  LA   DOULEUR. 

A  maintes  reprises,  aussi  bien  dans  l'anliijuité  que  dans  les  temps 
modernes,  physiologistes  ou  philosophes  ont  vainement  tenté  de 
formuler  une  définition  satisfaisante  de  la  douleur.  Quelques-uns, 
plus  sages,  ont  pensé  que  le  mot  seul  éveillait  suffisamment  l'idée  du 
phénomène. 

Aussi  vieille  que  Tespèce  humaine,  la  douleur  a  joué  dans  l'évolu- 
tion de  notre  race  un  rôle  prépondérant  ;  les  poètes  l'ont  chantée  à 
l'envie  dans  toutes  les  langues  du  monde,  rendant  inconsciemment 
justice  aux  inappréciables  services  qu'elle  nous  a  rendus.  «  Ce  qui 
fait  la  conscience  de  l'homme,  a  dit  Goethe,  c'est  la  douleur.  »  «  Moi, 
la  douleur  m'éprouve  et  mes  chants  viennent  délie.  »  écrit  Victor 
Hugo,  et  avec  lui  Alfred  de  Musset  exprime  la  même  idée  :  «  Rien  ne 
nous  rend  si  grand  qu'une  grande  douleur.  » 

Mais  nos  poètes  modernes  ont  encore  plus  éloquemment  glorifié 
la  douleur  et,  entre  autres,  l'admirable  Albert  Samain  : 

Douleur,  quel  sombre  instinct  dans  tes  bras  nous  ramène? 
Pourquoi  l'rémissons-nous  cette  âpre  volupté. 
En  entendant  du  fond  des  violons  monter 
Le  vieil  écho  profond  de  la  misère  humaine? 

Pourquoi  nos  soirs  d'amour  n'ont-ils  toute  douceur. 
Que  si  lame  trop  pleine  en  lourds  sangrlots  s'y  brise? 
La  Tristesse  nous  hante  avec  sa  robe  grise 
Et  vit  à  nos  côtés  comme  une  grande  sœur. 

Les  plus  hauts  d'entre  nous,  vaguant  par  les  ténèbres, 
Artisans  raffinés  de  leur  propre  tourment, 
Ont  taillé  leur  souffrance  ainsi  qu'un  diamant, 
Pour  lui  faire  jeter  des  éclats  plus  funèbres. 

Et  le  Cœur  dit  :  <>  Je  suis  l'ivrogne  furibond. 
Certes,  la  Joie  est  bonne  et  luit  couleur  de  gloire: 
Mais  quand  cest  la  Douleur  même  qui  verse  à  boire, 
Le  verre  qu'elle  tend  nous  semble  si  profond  I  » 


Car  je  suis,  dans  l'ivresse  ardente  de  soutlrir. 

Frère  des  grands  flambeaux  dont  le  vent  tord  la  flamme, 

Et  qui,  saignant  à  flot  la  pourpre  de  leur  âme, 

Jettent  leurs  plus  beaux  feux  à  l'heure  de  mourir! 

Ne  faut-il  pas  voir  dans  ces  sortes  déloges  de  la  douleur  comme 
un  sentiment  de  reconnaissance  1  Le  rôle  protecteur  de  la  douleur  si 
nettement  indiqué  parHaller  :  Dolorem  Deus  homini  fidelem  cusiodeni 
dédit,  causa  qui  de  corporis  destructa  moneat  est  reconnu  par  les 
plus  modernes  physiologistes.  «  La  douleur  n'est  autre  chose  qu'un 


PHYSIOLOGIE  DE  LA  DOULEUR.  11 

pliénoniène  vital  comme  ceux  de  la  nutrition  et  de  la  reproduction 
et  dont  la  l'onction  est  la  protection  de  l'individu  et  de  sa  descen- 
dance >>  i^Sergi).  —  u  C'est  le  souvenir  de  la  douleui"  qui  règle  la 
conduite  des  êtres  intelligents.  La  douleur  est  donc  une  défense 
préventive  intelligente,  tandis  que  l'instinct  est  une  défense  préven- 
tive aulomati(|ue...  Le  triomphe  de  l'homme  sur  les  autres  animaux 
dans  la  nature  montre  bien  la  supériorité  de  l'intelligence  sur  l'ins- 
tinct dans  la  lutte  pour  l'existence  :  de  sorte  que,  au  lieu  de  considérer 
au  point  de  vue  biologique  la  douleur  comme  un  mal,  nous  devons 
la  tenir  comme  l'élément  fondamental  du  progrès  humain  (1).  » 

Essayons,  avec  les  physiologistes  modernes,  de  pénétrer  le  méca- 
nisme et  le  mode  de  transmission  ou  de  perception  de  la  douleur. 

Il  existe,  au  niveau  de  la  peau,  trois  sortes  de  sensibilité  ;  a.  la  sen- 
sibilité au  contact  ;  b.  la  sensibilité  thermique  ;  c.  la  sensibilité  dou- 
loureuse :  chose  remarquable,  dans  certains  états  particuliers  dési- 
gnés sous  les  noms  d'anesthésie,  de  Ihermo-anestliésie  et  d'analgésie, 
chacune  de  ces  sortes  de  sensibilité  peut  disparaître  en  laissant  sub- 
sister les  autres. 

On  sait  que  la  plupart  des  tissus  sont  pourvus  d'organes  récepteurs 
sensitifs,  tels  que  les  corpuscules  de  Paccini,  de  Vater,  de  Meissner,  etc. 
Max  von  Frey,  qui  a  fait  une  étude  très  patiente  de  cette  question, 
pense  avec  Goldscheider  qu'il  existe  des  points  de  douleur  parfaite- 
ment déterminés.  Dans  certaines  régions  du  corps,  on  n'obtiendrait 
jamais  de  sensations  de  pression,  mais  seulement  des  sensations  de 
douleur  (cornée,  conjonctive,  gland).  En  touchant  différents  points 
avec  un  cheveu  et  en  exerçant  une  pression  assez  forte,  on  remarque 
que,  au  lieu  d'une  sensation  de  pression,  c'est  une  sensation  de  douleui' 
qu'on  éveille  :  ces  points  de  douleur  seraient  tout  à  fait  indépendants 
des  points  de  pression. 

La  cocaïne,  d'ailleurs,  différencie  nettement  les  diverses  variétés 
de  sensibilité  :  les  médecins  savent  bien  que,  après  une  injection  de 
coca'ine,  la  sensibilité  à  la  douleur  disparaît  avant  la  sensibilité  au 
contact.  Sous  l'influence  d'une  application  de  menthol,  d'après 
L  Yoteyko  et  M.  Stefanowska,  la  diminution  de  la  sensibilité  à  la  dou- 
leur précède  l'apparition  de  la  sensation  de  froid  :  le  menthol  agirait 
donc  d'abord  sur  les  organes  de  la  douleur  avant  d'agir  sur  les 
organes  du  froid. 

C'est  Johannis  Millier  qui  introduisit  en  physiologie  le  principe  de 
l'énergie  spécifique  des  organes  des  sens.  Pour  les  nerfs  spéciale- 
ment affectés  à  la  douleur,  chaque  catégorie  de  nerf  sensible  ne  pour- 
rait donner. qu'une  espèce  de  sensation,  quel  que  soit  l'agent  excitant. 
La  nature  de  la  sensation  dépend  donc  de  la  nature  de  l'énergie  spé- 
ciGque  du  nerf  considéré  (ou  plutôt  de  l'organe  central  auquel  il  abou- 

(1)  L  Yoteyko  et  \L  Stefanowska,  Psychophysiologie  de  la  douleur,  Paris, 
p.  235. 


12  XOGUÉ.  —  ANESTHESIE. 

liri.  Par  conséquent,  si  un  même  organe  peut  nous  donner  plusieurs 
genres  de  sensations  ditïérentes,  nous  devons  admettre  dans  cet 
organe  autant  de  catégories  de  terminaisons  sensibles  quil  y  a  de 
genres  de  sensation.  Ainsi,  si  la  lumière  solaire  tombant  sur  notre 
œil  devient  douloureuse  dans  certains  cas,  c'est  apparemment  qu'elle 
agit  encore  sur  d'autres  nerfs  que  ceux  de  la  rétine,  car  l'expé- 
rience a  prouvé  que  l'excitation  la  plus  intense  du  nerf  optique  (sa 
section)  produit  une  sensation  de  vive  lumière,  mais  n'est  pas  dou- 
loureuse (1). 

Pour  la  peau,  Blix  et  (ïoldscheider  avaient  déjà  dé-montré  qu'elle 
possédait  pour  le  sens  thermique  deux  appareils  nerveux  entière- 
ment distincts  :  les  nerfs  du  chaud  et  les  nerfs  du  froid.  D'autres 
points  de  la  peau  donnent  exclusivement  des  sensations  de  contact 
ou  de  pression.  Il  faut  donc  admettre,  d'après  M"«'  Yoteyko  et  Stefa- 
nowska,  dans  les  nerfs  de  la  peau  une  quatrième  catégorie  de  trans- 
missions nerveuses  alTectées  aux  sensations  de  douleur.  Vn  froid 
intense,  une  température  élevée,  une  pression  excessive  nous  causent 
de  la  douleur,  non  parce  qu'ils  excitent  fortement  les  nerfs  de  la 
sensibilité  tactile,  mais  parce  qu'ils  excitent  les  nerfs  spéciaux  affectés 
aux  sensations  douloureuses.  Les  nerfs  de  la  douleur  ont  ceci  de  par- 
ticulier qu'ils  ne  répondent  qu'à  des  excitations  fortes...  En  réalité, 
la  peau  est  un  assemblage  d'organes  sensoriels...  Si  on  ne  la  pas 
reconnu  plus  tôt.  c'est  parce  que  l'excitant  cutané  avait  été  porté  sur 
une  très  large  surface.  La  distinction  n'est  devenue  possible  que 
depuis  l'introduction,  dans  la  psychologie  de  la  peau,  des  excitation* 
punctiformes. 

Après  avoir  étudié  les  organes  de  réception,  ilnous  faut  déterminer 
comment  la  sensation  reçue  à  la  périphérie  est  transmise  aux  organes 
centraux.  Nous  savons  bien  que  cette  transmission  s'opère  par  l'en- 
tremise des  filets  nerveux  sensitifs.  Mais  dans  chacun  de  ces  filets  ner- 
veux existe-t-il  pour  chaqvie  mode  de  sensibilité  des  fibres  spéciales, 
ou  les  fibres  auxquelles  est  réservée  la  transmission  des  sensations 
tactiles  peuvent-elles  en  même  temps  transmettre  les  sensations 
douloureuses? 

Ici  encore  nous  nous  trouvons  en  présence  d'opinions  divergentes. 
Vulpian  et  Richet  surtout  se  sont  élevés  contre  l'existence  de  fibres 
spécialement  conductrices  de  la  douleur.  Ce  dernier  pense  que,  si 
Ton  voulait  que  chaque  sensibilité  ait  ses  conducteurs  spéciaux,  il 
faudrait  admettre,  outre  les  nerfs  du  froid,  du  chaud,  de  pression  et 
de  douleur,  des  nerfs  de  chatouillement,  de  démangeaison  ou  de 
prurit,  tant  ces  sensations  sont  spéciales.  Quelle  place  fera-t-on, 
ajoule-l-il,  à  l'excitant  électrique,  qui  ne  produit  pas  de  douleur 
quand  il  est  faible,  mais  seulement  une  très  légère  sensation  de  four- 

(1)  Yoteyko  et  Stefanowska.  lue.  cil.,  p.  66. 


PHYSIOLOGIE  Dl-    LA  DOULEUR.  13 

niillomciil.  (\v  léger  rounuilleinenl  nesl  ni  lempéralure,  \ù  pression, 
ni  douleur.  Ce  serait  alors  un  système  spécial  de  nerfs,  diiïerent  des 
neri's  du  chaud,  du  froid,  de  la  pression  et  de  la  douleur.  Peut-on 
su|>poser  ({u'une  excitation  électrique  faible  va  exciter  des  nerfs  spé- 
cialement destinés  à  la  sensation  électrique,  tandis  qu'une  excitation 
électrique  forte  va  exciter  d'autres  nei'fs,  les  nerfs  de  la  douleur? 

Mais  les  jKirlisans  de  la  iloctrine  opposée  répondent  que  la  douleur 
est  toujours  elle-même,  quelle  que  soit  la  nature  de  l'excitant  :  la 
douleur  (pii  succède  à  une  sensation  tactile  ressemble  à  la  douleur 
qui  succède  à  une  sensation  thermique  :  la  douleur  du  froid  est  éga- 
lement identique  à  la  douleur  du  chaud,  du  moment  que  les 
conditions  de  surface  lésée  et  d'intensité  d'excitation  sont  iden- 
tiques. Ainsi  il  est  impossible  de  distinguer  une  lésion  par  instrument 
piquant  d'une  brûlure  punctiforme  (1). 

D'après  Fredericq,  ciiaque  catégorie  des  nerfs  sensibles  ne  saurait 
donner  qu'une  espèce  de  sensation,  toujours  la  même,  pour  la 
catégorie  de  nerf  considérée,  quel  que  soit  l'agent  qui  provoque 
l'excitation  (2).  Réciproquement,  un  même  agent  physique  produit 
un  effet  ditïérent  suivant  l'organe  sensible  sur  lequel  il  exerce  son 
action.  Par  conséquent,  si  un  même  organe  peut  nous  donner 
plusieurs  genres  de  sensations,  nous  devons  admettre  dans  cet 
organe  autant  de  catégories  de  terminaisons  sensibles  spécifi- 
quement distinctes  qu'il  y  a  de  genres  de  sensations.  Ainsi,  si  la 
lumière  du  soleil,  tamisant  sur  notre  œil,  devient  douloureuse  dans 
certains  cas,  c'est  apparemment  quelle  agit  sur  d'autres  nerfs  que  ceux 
de  la  rétine,  car  l'expérience  a  prouvé,  comme  nous  lavons  déjà  dit, 
que  l'excitation  la  plus  intense  du  nerf  optique,  sa  section  au  couteau, 
produit  une  sensation  de  vive  lumière  et  n'est  pas  douloureuse.  De 
même  pour  le  nerf  acoustique,  pour  les  sensations  de  l'odorat  et  du 
goût . 

Pour  la  peau,  Fredericq  invoque  à  l'appui  de  sa  thèse  le  retard 
des  sensations  douloureuses  sur  les  sensations  tactiles,  ce  fait  que 
certaines  régions  très  sensibles  à  la  douleur  le  sont  peu  aux  impres- 
sions tactiles,  l'identité  de  la  sensation  douloureuse,  quel  que  soit 
l'agent  qui  la  produit  et,  surtout,  la  suppression  de  la  sensibilité  à 
la  douleur  avec  conservation  de  la  sensibilité  tactile  et  ttiermique 
sous    la  dépendance  de  certaines  lésions  des  nerfs  périphériques  (3). 

Moelle.  —  La  transmission  des  sensations  à  travers  la  moelle 
se  fait  d'une  manière  croisée.  Si  l'on  sépare  (4)  la  moelle  en  deux 
moitiés  symétriques  sur  une  certaine  étendue  par  une  incision 
longitudinale   et  médiane  portant  sur  les  commissures,   un  grand 

(1)  D""  Georges  Castex,  La  douleur  physique,  Paris,  1905. 

(2)  Fredericq,  Y  a-t-il  des  nerfs  spéciaux  pour  la  douleur?  (Revue  scient.,  1S96.) 

(3)  D''  Georges  Castex,  loc.  cit. 

(4)  D""  Georges  Castex,  loc.  cit. 


14  NOGUÉ.  —  ANESTHÉSIE. 

nombre  de  fibres  sensibles  se  trouvent  sectionnées  au  niveau  de 
leur  entre-croisement.  Le  résultat  de  cette  expérience  ancienne  de 
Galien,  rapportée  par  Brown-Séquard,  est  sinon  d"abolir,  du  moins 
d'émousser  considérablement  la  sensibilité  à  la  douleur  au-dessous 
de  la  lésion  ;  car  le  mode  de  sensibilité  à  la  douleur  subsiste  après 
des  lésions  très  étendues  de  la  moelle  ;  la  section  de  tous  les  cordons 
blancs  ne  laboiit  pas,  et,  pour  la  faire  disparaître,  il  faut  léser  une 
fois  de  plus  1res  profondément  la  substance  grise.  Après  leur  passage 
de  Tauire  côté  de  la  moelle,  les  sensations  douloureuses  et  thermiques 
se  séparent  des  sensations  tactiles. 

Bien  que  certains  physiologistes  pensent  que  la  moelle  est 
comparable  à  une  tige  métallique  capable  de  transmettre  indiffé- 
remment l'électricité,  la  chaleur  et  le  son,  on  admet  aujourd'hui  que, 
dans  la  moelle,  c'est  surtout  la  substance  grise  qui  transmet  les  exci- 
tations douloureuses.  Et  dans  cette  substance  grise,  Brown-Séquard 
a  montré  que  les  voies  de  transmission  des  impressions  thermiques 
forment  les  parties  centrales,  tandis  que  les  conducteurs  de  la 
douleur  sont  probablement  groupés  dans  les  parties  postérieures  et 
latérales. 

L'excitation  traverse  ensuite  la  substance  grise  bulbaire,  la  protu- 
bérance de  certaines  fibres  du  faisceau  sensitif  des  pédoncules,  mais 
on  ne  connaît  rien  de  son  mode  de  distribution  dans  la  zone 
sensitive  (G.  Castexj. 

Centres.  —  Vulpian  localisait  dans  la  protubérance  annulaire  le 
centre  commun  des  perceptions  douloureuses.  Ribot,  Beaunis  et 
Hichet,  au  contraire,  ne  croient  pas  à  l'existence  d'un  centre  cortical 
de  la  douleur. 

Cependant,  d'après  le  D"^  Castex,  un  argument  d'importance  plai- 
derait en  faveur  d'un  centre  spécial  pour  la  douleur  :  alors  que  la 
sensibilité  tactile  est  plus  développée  à  droite  chez  le  droitier,  à 
gauche  chez  le  gaucher  (Van  Bervliet,  de  Gand),  la  sensibilité  à  la 
douleur  est  toujours  plus  développée  à  gauche,  aussi  bien  chez  le 
droitier  que  chez  le  gaucher  (L  Yoteyko  et  ^L  Stefanowska)  (1).  Ce 
résultat  mène  à  la  conclusion  que  la  perception  de  la  douleur  se  fait 
par  des  centres  différents  de  ceux  qui  servent  à  la  perception  des 
autres  sensations.  Quant  à  la  canalisation  vers  le  centre,  on  admet 
aujourd'hui  que  la  zone  corticale  coïncide  en  tous  points  avec  la  zone 
motrice  :  elle  est  seulement  plus  étendue. 
D'autres  questions  méritent  encore  de  retenir  l'attention. 
Les  sujets  réagissent-ils  différemment  à  la  douleur? 
L'expérience  va  nous  répondre  d'une  façon  précise.  En  se  servant 
de  lalgésimètre  du  D""  Chéron,  L  Yoteyko  et  Stefanowska  ont 
examiné   50   étudiants   de   l'Université   de    Bruxelles.  Suivant  leur 

(1)  Recherches  algésimétriques  (Bull,  de  l'Acad.  roy.  de  Belgique,  fcv.  1903). 


PHYSIOLOGIE  DE  LA  DOULEUR.  15 

acuité  dolorifique.  elles  ont  distingué  un  premier  groupe  de 
10  personnes  présentant  une  sensibilité  fine,  c'est-ù-dire  au-dessous 
du  chilIVe  10.  Dans  une  deuxième  catégorie,  elles  rangent  18  per- 
sonnes qui  ont  présenté  une  sensibilité  dite  moyenne,  c'est-à-dire 
entre  10  et  15  divisions  de  Talgésimètre.  Dans  une  troisième 
catégorie,  se  placent  12  personnes  qui  ont  présenté  une  sensibilité 
médiocre,  cest-à-dire  entre  15  et  20  divisions.  Enfin  à  la  quatrième 
catégorie  appartiennent  11  personnes  à  sensibilité  o6/use,  c'est-à-dire 
entre  20  et  28  divisions.  Les  dilTérences  individuelles  sont  donc  assez 
considérables. 

La  sensibilité  à  la  douleur  varie  aussi  suivant  les  régions  du  corps 
considérées  et,  d'une  façon  générale,  est  plus  marquée  à  gauche  qu'à 
droite.  Si  bien  que  les  mêmes  auteurs  ont  pu  formuler  la  loi  suivante  : 
Si  l'on  représente  par  10  la  sensibilité  à  la  douleur  du  côté  gauche, 
le  plus  sensible,  il  faut  représenter  par  9  la  sensibilité  à  la  douleur 
du  côté  droit,  le  moins  sensible. 

L'âge,  le  sexe,  la  culture  intellectuelle  sont  les  facteurs  importants 
de  la  sensibilité  à  la  douleur.  Il  n'est  aucun  médecin  qui  n'ait  prati- 
quement observé  ces  différences  considérables.  D'une  façon  générale, 
on  peut  poser  en  principe  que  la  sensibilité  à  la  douleur  diminue  avec 
l'âge.  Swiff  a  trouvé  que  les  enfants  plus  jeunes  sont  plus  sensibles 
à  la  douleur  que  les  enfants  plus  âgés,  que  les  filles  sont  plus  sensibles 
que  les  garçons  à  tous  les  âges,  que  les  enfants  plus  intelligents  sont 
plus  sensibles  à  la  douleur  que  les  enfants  moins  bien  doués. 

Mac  Donald,  Carman,  Swift,  Yoteyko  et  Stefanowska  ont  trouvé 
que  la  femme  présente  une  sensibilité  plus  grande  à  la  douleur  que 
l'homme. 

Et  cependant  elle  résiste  mieux  que  lui  à  la  douleur.  Cela  est  un 
fait  évident,  et  dans  la  pratique  stomatologique  nous  sommes  à 
même  d'en  faire  l'observation  quotidienne.  Yoteyko  et  Stefanowska 
disent  en  efTet  que,  par  un  effort  de  volonté,  la  femme  peut  résister 
à  un  voltage  extraordinaire,  par  exemple  à  250  volts,  alors  que  la 
sensibilité  moyenne  est  de  20  volts.  Rien  de  semblable  ne  se  produit 
chez  l'homme;  le  plus  grand  effort  de  volonté  n'a  jamais  permis  à 
ce  dernier  de  dépasser  au  plus  de  10  volts  sa  résistance  ordinaire  à  la 
douleur. 

La  plupart  des  observateurs  ont  constaté  la  sensibilité  plus  grande 
des  sujets  appartenant  aux  classes  cultivées.  «  C'est  là,  d'ailleurs, 
disent  Yoteyko  et  Stefanowska,  un  fait  d'observation  courante.  Le 
paysan  paraît  souffrir  moins  que  le  citadin.  L'homme  de  lettres, 
l'artiste,  le  travailleur  cérébral,  dont  tous  les  sens  et  les  nerfs  sont 
surexcités,  souffrent  certainement  plus  que  le  sujet  dont  la  vie 
nerveuse  est  moins  intense.  » 

Il  existe  également  une  influence  due  à  la  race.  Percy  ^vâit  fait 
cette  remarque  que,  bien  qu'il  fût  admis  que  les  hommes  du  Nord 


16  AOGUÉ.  —  AXESTHESIE. 

étaient  moin.s  sensibles  que  ceux  du  Midi,  les  hommes  du  Nord,  les 
Polonais  et  les  Russes,  ne  dilïeraient  poinl  d'une  façon  fondamentale 
des  autres  peuples  par  les  impressions  douloureuses  et  que  cétait 
peut-être  chez  les  Orientaux  et  spécialement  chez  les  Égyptiens  et 
chez  les  Arabes  ({u'il  fallait  chercher  la  plus  grande  insensibilité. 

Nous  même,  ayant  eu  l'occasion  de  soigner,  pendant  plusieurs  mois. 
à  l'Hôtel-Dieu,  des  réfugiés  russes,  de  race  Israélite,  nous  avons 
nettement  observé  l'extrême  sensibilité  de  tous  ces  sujets  à  la 
douleur. 

Ch.  Richet  a  noté  que  la  sensibilité  à  la  douleur  chez  les  imbé- 
ciles, les  idiots,  les  déments  séniles,  était  très  obtuse. 

Les  mêmes  différences  s'observent  chez  les  animaux.  Les  chevaux 
sont  plus  sensibles  à  la  douleur  que  les  bœufs  et  les  moutons.  Chez 
les  chevaux  de  race,  la  sensibilité  est  plus  marquée  que  chez  les 
chevaux  de  labour.  De  même  chez  les  chiens.  Aussi,  tandis  que  la 
douleur  se  montre  vivement  sentie  chez  les  chiens  de  chasse,  de 
berger  et  les  petits  chiens  très  irritables,  qui  habitent  les  apparte- 
ments, elle  se  montre  au  contraire  peu  développée  chez  les  chiens  de 
garde  et  particulièrement  chez  les  bouledogues.  Chez  ces  derniers, 
les  opérations  les  plus  graves  ne  provoquent  souvent  aucun  mouve- 
ment et  n'arrachent  aucun  cri  (1). 

Les  jeunes  animaux  sont  extrêmement  sensibles  à  la  douleur. 

Chez  les  animaux  inférieurs,  grenouilles,  lombrics,  la  sensibilité 
à  la  douleur  paraît  très  obtuse. 

Citons  enfin,  à  titre  documentaire,  une  intéressante  hypothèse  sur 
le  mécanisme  intime  des  phénomènes  douloureux. 

M"*=  1.  Yoteyko  a  proposé  une  théorie  toxique  de  la  douleur,  dans 
laquelle  elle  tâche  de  démontrer  la  spécificité  de  l'agent  qui  provoque 
les  sensations  douloureuses,  autrement  dit  de  l'existence  de  la 
douleur.  Pour  elle,  la  douleur  est  due  à  une  intoxication  des  termi- 
naisons nerveuses  dolorifiques.  L'excitant  de  la  douleur  serait  con- 
stitué par  des  substances  algogènes  nées  au  moment  de  l'excitation 
forte.  Pour  avoir  la  sensation  douleur,  il  n'est  nullement  nécessaire 
de  supposer  que  la  substance  toxique  doive  être  transportée  au 
cerveau  par  voie  sanguine.  C'est  l'ébranlement  nerveux  des  termi- 
naisons nerveuses  qui  se  transmet  au  cerveau,  ébranlement  déterminé 
par  l'action  sur  les  terminaisons  dolorifiques  des  poisons  algogènes 
nés  sur  place  au  moment  de  l'excitation  forte.  En  réalité,  la  formation 
des  substances  algogènes  n'est  pas  instantanée.  Elle  demande  un 
certain  temps.  Un  traumatisme  violent  nous  donne  d'abord  la  sensa- 
tion de  contact;  la  douleur  ne  se  produit  que  quelque  temps  après. 

(1)  I.  Yoteyko  et  Stffanovvska,  Psychophysioloi^àe  de  la  douleur,  p.  166. 


SOMMEIL  NATUREL  ET  SOMMEIL  ANESTHÉSIQUE.  17 

///.  -SOMMEIL  NATUREL  ET  SOMMEIL  ANESTHÉSIQUE. 

La  simililudc  de  ces  deux  étals  de  l'organisme  devait  ralalement 
amener  les  physiologistes  à  les  comparer. 

Or,  qu'est-ce  que  le  sommeil  naturel  lui-même? 

Dès  Tantiquilé,  dit  Claude  Bernard  (l),  on  avait  soutenu  que 
le  sommeil  était  produit  par  l'accumulation  dans  le  crâne  d'une 
«quantité  exceptionnelle  de  sani?  qui  comprimait  la  substance 
cérébrale  et  interrompait  ainsi  Texercice  de  ses  fonctions. 

La  vis  ou  le  j)ressoir  d'Lrophile  était  une  figure  qui,  au  fond,  ne 
signifiait  pas  autre  chose  que  cela  :  dans  cette  manière  de  voir,  le 
sommeil  était  donc  une  hyperémie  du  cerveau. 

Cette  idée  semblait  toute  naturelle,  et  elle  paraissait  expliquer,  par 
exemple,  pourquoi  on  se  couche  horizontalement  i)Our  mieux  dormir; 
cela  devait  faciliter  l'accumulation  du  sang  dans  le  cerveau.  Aussi  la 
théorie  de  l'hyperémie  cérébrale  resta-t-elle  longtemps  acceptée  sans 
conteste. 

En  1860,  un  médecin  anglais,  M.  Durham,  vint  contredire  expéri- 
mentalement cette  théorie  et  soutint  au  contraire  que  le  sommeil 
était  caractérisé  par  une  anémie  du  cerveau. 

Il  eut  l'idée  très  simple  de  pratiquer  une  couronne  de  trépan  chez 
les  chiens,  afin  d'examiner  directement,  par  la  fenêtre  ainsi  ouverte 
dans  la  boîte  crânienne,  quel  était  l'état  de  la  circulation  cérébrale 
pendant  le  sommeil  naturel  et  aussi  pendant  l'action  du  chloroforme. 

Il  trouva  que,  pendant  le  sommeil  naturel,  le  cerveau  devenait 
pâle,  exsangue  ;  son  volume  diminuait  et  s'affaissait  notablement 
au-dessous  de  la  plaie  osseuse,  sans  doute  parce  qu'il  dégorgeait  le 
sang  contenu  dans  ses  veines  ;  enfin  on  voyait  les  petits  vaisseaux  se 
vider  de  sang  et  perdre  leur  coloration,  au  point  de  devenir  invi- 
sibles. Quand  l'animal  se  réveillait,  le  cerveau  reprenait  son  volume 
ordinaire,  sa  coloration  rouge  accoutumée:  les  vaisseaux  étaient  de 
nouveau  remplis  de  sang,  avec  leur  apparence  normale,  et  l'activité 
circulatoire,  auparavant  éteinte,  se  ranimait. 

Peu  de  temps  après,  en  1868,  un  médecin  de  l'armée  des  États- 
Unis  d'Amérique,  M.  Hammond,  publia  des  expériences  analogues 
qui  le  conduisirent  aux  mêmes  conclusions.  Dès  1854,  M.  Hammond 
avait  eu  occasion  d'observer  l'anémie  cérébrale  pendant  le  sommeil 
naturel  chez  un  individu  qui  avait  eu  le  cerveau  mis  à  nu  sur  une 
étendue  considérable  (trois  pouces  dans  un  sens  et  six  dans  l'autre),  à 
la  suite  d'un  accident  de  chemin  de  fer. 

En  1860,  un  autre  médecin  des  États-Unis,  M.  Bedford  Brown, 
avait  également  observé  l'anémie  cérébrale  chez  l'homme,  dans  un 

(1)  Claude  Bernard,  loc.  cit. 

Traité  de  stomatologie.  VL  —  2 


J8  NOGUE.  —  ANESTHESIE. 

cas  de  fracture  du  crâne,  et  cette  fois  pendant  la  durée  du  sommeil 
anesthésique.  Mais,  au  momentde  l'administration  de  l'agent  anesthé- 
sique,  il  y  eut  au  contraire  turgescence  et  hyperémie  du  cerveau 
pendant  quelques  instants.  Enfin,  en  1864,  M.  A.  Ernest  Samson 
publiait  en  Angleterre  des  expériences  faites  sur  des  grenouilles 
avec  le  chloroforme,  léther,  l'alcool  et  Tacide  carbonique,  expériences 
doù  il  concluait,  —  en  rapprochant  ses  résultats  des  faits  déjà 
observés  par  Durham,  —  que  lanesthésie  était  accompagnée  d'un 
ralentissement  notable  de  la  circulation.  » 

Mosso  décritainsi  les  signes  du  sommeil  naturel  :  «  L'homme,  après 
la  fatigue  du  jour,  s'endort;  les  muscles  des  extrémités,  du  tronc,  du 
cou  se  relâchent  complètement  ;  les  paupières  s'abaissent  et  les  yeux 
se  ferment  :  la  respiration  change  de  rythme.  Les  processus  de  la 
combustion  sont  tellement  diminués  dans  l'organisme  que  les  mou- 
vements de  la  respiration,  qui,  auparavant,  introduisaient  7  litres 
d'air  dans  les  poumons,  ont  réduit  la  ventilation  à  un  seul  litre  par 
minute.  Le  cœur  se  ralentit,  les  vaisseaux  se  dilatent,  la  pression  du 
sang  diminue  et  le  corps  se  refroidit  sensiblement.  » 

D'autres  observations  intéressantes  ont  été  faites.  Ainsi  M.  François 
Franck  a  noté  le  ralentissement  du  pouls  portant  uniquement  sur  la 
diastole,  la  suppression  souvent  complète  du  dicrotisme  :  au  sphyg- 
mographe  Potain,  la  tension  artérielle  est  abaissée  de  2  à  3  centi- 
mètres de  mercure  ;  le  doigt  appliqué  sur  les  veines  du  dos  delà  main 
éprouve  l'impression  d'une  résistance  plus  grande  due  à  l'augmen- 
tation de  la  pression  des  parois  veineuses. 

Rosenbach,  qui  s'est  livré  à  de  nombreuses  expériences  sur  les 
enfants,  a  remarqué  que,  dans  le  sommeil  profond  (1),  la  pupille  est 
contractée  au  maximum  et  ne  réagit  plus  à  la  lumière  ;  les  réflexes 
cornéens,  cutanés,  abdominaux  et  crémastériens  sont  abolis. 

Dans  ses  expériences  classiques,  Claude  Bernard  trouva  qu'il 
y  avait  deux  phases  successives  et  parfaitement  distinctes  ou  plutôt 
opposées  dans  l'état  de  la  circulation,  c'est-à-dire  sous  l'influence 
des  anesthésiques.  La  première  phase  correspond  aux  expériences 
où  l'on  a  trouvé  de  l'hyperémie;  la  seconde,  aux  expériences 
qui  ont  montré,  au  contraire,  le  cerveau  en  état  d'anémie.  Mais 
l'illustre  savant  avait  très  bien  vu  que  ce  n'était  pas  dans  ces  phéno- 
mènes qu'il  fallait  chercher  l'explication  de  l'anesthésie.  «  A  mon 
avis,  dit-il  expressément,  lanesthésie  dépend  immédiatement  et 
directement  de  la  présence  du  chloroforme  dans  le  sang  et  de  son 
action  spéciale  sur  les  éléments  nerveux.  Les  modifications  vascu- 
laires  ne  sont  que  des  accidents  qui  accompagnent  le  phénomène 
sans  constituer  son  essence.  » 

Pour  lui,  l'action  des  anesthésiques  sur  des  éléments  nerveux  con- 

(1)  A.  Tourna  Y,  L'homme  endormi.  Essai  d'une  introduction  historique  et  cri- 
tique à  la  sémiologie  du  sommeil  naturel.  Thèse  de  Paris,  1909. 


SOMMEIL  NATUREL  ET  SOMMEIL  ANESTHÉSIQUE.  19 

sislail  en  une  demi-coagulalion  qui  n'aurait  pasété  définitive,  c'est-à- 
dire  (pie  la  substance  de  rélément  anatomique  aurait  pu  revenir  à 
son  état  primitif  après  élimination  de  l'agent  toxique. 

D'après  les  Ihéories  actuelles  et  surtout  la  théorie  histologique 
de  -MaHiias  Duval,  dit  M.  G.  Pouchet,  il  faut  partir  de  ce  principe 
que  le  sommeil  constitue  le  repos  du  système  nerveux  central  par  le 
fait  de  la  non-réception  ou  de  la  difficile  réception  tout  au  moins  des 
impressions  extérieures  (1). 

Les  résultats  acquis  par  les  recherches  des  histologistes  sont  assez 
précis  actuellement  pour  autoriser  à  admettre  que  les  centres  nerveux 
fonctionnels  sont  représentés  non  pas  par  le  corps  des  cellules 
nerveuses,  mais  par  les  articulations,  par  les  prolongements  cylin- 
draxiles  ou  protoplasmiques  des  neurones.  L'articulation  de  ces  pro- 
longements les  uns  avec  les  autres  a  lieu  par  contiguïté  et  non  par 
continuité;  les  ramificat  ions  terminales  d'un  prolongement  cellulifuge 
(cylindraxe)  venant  se  ramifier  dans  la  proximité  immédiate  des 
ramifications  d'un  prolongement  cellulipète  (prolongement  protoplas- 
mique)  du  neurone  suivant;  de  telle  sorte  qu'une  modification  struc- 
turale se  traduira  nécessairement  par  des  changements  dans  les 
expansions  protoplasmiques  au  niveau  de  ces  articulations. 

On  peut  très  bien  en  inférer  que  c'est  dans  cet  état  de  contiguïté 
plus  ou  moins  intime  des  prolongements  cylindraxiles  des  neurones 
avec  les  ramifications  des  prolongements  protoplasmiques  d'un  autre 
neurone,  ou  dans  cette  imperfection  de  contiguïté,  que  réside  la 
modification  en  vertu  de  laquelle  la  conductibilité  nerveuse  se  fait 
plus  ou  moins  bien,  ou  même  ne  se  fait  pas  du  tout.  11  est,  en  effet, 
très  rationnel  d'admettre,  en  raison  des  faits  énoncés,  que,  si  la 
distance  devient  un  peu  plus  considérable  entre  les  articulations  des 
neurones  intercommunicants,  la  contiguïté  se  trouvant  moins  intime, 
la  conductibilité  est  elle-même  plus  difficile  :  la  résistance  à  vaincre 
devenant  plus  considérable,  il  faudra  une  excitation  plus  puissante 
pour  déterminer  le  passage  de  l'influx  nerveux;  de  même  que,  dans 
un  courant  électrique,  le  contact  entre  deux  conducteurs  devenant 
moins  parfait,  il  faut  mettre  en  jeu  une  intensité  plus  considérable 
pour  surmonter  cette  tendance  à  l'interruption  du  courant. 

Mais  les  histologistes  nous  ont  appris  également  qu'il  existe  dans 
l'axe  cérébro-spinal  toute  une  série  de  régions  où  les  neurones  sen- 
sitifs  périphériques  s'articulent  avec  les  neurones  sensitifs  centraux. 
A  ce  point  de  vue,  la  région  des  noyaux  de  Burdach  et  de  Goll  est  celle 
qui  présente  le  plus  d'intérêt,  c'est  la  plus  importante  :  au-dessous 
de  cette  région,  se  trouve  le  territoire  des  neurones  des  réflexes; 
au-dessus,  le  territoire  des  neurones  gouvernant  les  phénomènes 
psychiques  et  cérébraux. 

(1;  G.  Pouchet,  Physiologie  générale  de  Fanesthésie.  Théorie  du  sommeil 
[Rev.  internai,  de  thérap.  et  de  pharmacol.^  1899,  n^  8). 


20  XOGUÉ,  —  ANESTHESIE. 

Les  noyaux  de  Goll  et  de  Burdach,  situés  dans  les  pyramides  pos- 
térieures du  bulbe,  représentent  Tune  des  plus  importantes  de  ces 
régions.  Là  aboutissent  les  voies  sensitives  périphériques,  les  pro- 
longements protoplasmiques  constituant  les  ramifications  cellulipètes 
des  neurones  sensitifs  ;  de  là  partent  les  voies  sensitives  centrales, 
les  prolongements  cylindraxiles  qui  vont,  dans  lécorce  cérébrale, 
s'articuler  avec  les  prolongements  protoplasmiques  des  cellules 
pyramidales  ou  neurones  psychiques. 

Pendant  le  sommeil,  les  réflexes  ne  sont  pas  abolis;  il  n"y  a  donc 
pas  d'interruption  ou  de  difficulté  de  passage  dans  les  articulations 
de  neurone  à  neurone  constituant  l'arc  réflexe.  Cette  interruption  a 
lieu  seulement,  d'une  part,  au  niveau  de  larticulation  du  neurone 
sensitif  périphérique  avec  le  neurone  sensitif  central;  d'autre  part, 
au  niveau  de  l'articulation  du  neurone  sensitif  central  avec  le  neu- 
rone psychique  :  la  rupture  simultanée,  plus  ou  moins  complète, 
en  ces  deux  points  d'articulation,  explique  les  diverses  modalités  du 
sommeil,  depuis  le  sommeil  léger  jusqu'au  sommeil  se  rapprochant 
de  l'hypnose,  c'est-à-dire  la  plus  ou  moins  difficile  réception  ou  la 
non-réception  des  impressions  extérieures. 

Le  sommeil,  comme  certains  hypnotiques,  permet  de  constater 
une  différence  de  conductibilité  dans  ces  tissus  nerveux  :  les  réflexes 
ne  sont  pas  abolis,  ce  qui  permet  de  conclure  à  la  presque  intégrité 
de  la  conduction  par  les  articulations  de  neurone  à  neurone  dans  le 
domaine  des  réflexes  ;  les  actes  cérébraux  ne  sont  pas  non  plus  com- 
plètement abolis,  comme  le  prouve  la  possibilité  des  rêves,  ce  qui 
doit  faire  conclure  aussi  à  une  conduction  voisine  de  la  normale  par 
les  articulations  de  neurone  à  neurone  dans  le  domaine  des  phéno- 
mènes psychiques:  mais  il  n'en  est  plus  de  même  en  ce  qui  regarde 
l'intégrité  de  la  conduction  entre  les  articulations  des  neurones  sensi- 
tifs  périphériques  avec  les  neurones  sensitifs  centraux  :  ici  la  conduc- 
tibilité est  très  affaiblie,  voire  même  complètement  nulle,  et  ce  serait 
donc  au  niveau  de  ces  articulations  que  la  contiguïté  serait  devenue 
moins  intime  par  suite  de  l'action  exercée  sur  la  cellule  nerveuse  par 
les  déchets  normaux  (sommeil  naturel)  ou  par  la  substance  médica- 
menteuse (sommeil  dû  aux  hypnotiques).  Au  contraire  les  hypno- 
anesthésiques,  certains  hypnotiques  même,  ou  encore  certaines  formes 
de  sommeil,  car  il  existe  des  variétés  de  sommeil  profond  dans  les- 
quelles les  réflexes  se  trouvent  abolis,  sont  capables  de  pousser  le 
défaut  de  conductibilité  jusqu'à  produire  l'abolition  des  réflexes. 
La  cellule  nerveuse  va  se  trouver  en  présence  d'un  produit  toxique 
quel  qu'il  soit,  que  ce  soit  une  substance  absolument  étrangère  à 
l'organisme,  un  hypno-anesthésique  ou  un  hypnotique  artificielle- 
ment introduit  dans  l'économie,  que  ce  soit  une  substance  formée 
pendant  la  vie,  pendant  le  fonctionnement  normal  des  tissus  nerveux, 
leucomaïne  ou  tout  autre  produit  d'excrétion,  peu  importe,  c'est  Tac- 


SOMMEIL  NATUREL  ET  SOMMEIL  ANESTHÉSIQUE.  21 

lion  (le  celle  subslance  sui-  le  proloplas^ma  qui  va  délerminer  des 
moditiealions  pliysico-cliimiques,  dont  la  modification  structurale, 
se  traduisant  par  une  sorte  de  rétraction  de  prolon^-enienls  proto- 
plasmi(jues,  sera  la  conséquence. 

Daulre  part,  nous  savons,  par  les  recherches  qui  ont  été  faites 
depuis  un  certain  nombre  d'années  sur  la  physiologie  et  l'histologie 
cellulaires,  qu'il  doit  s'agir  plulôt  d'un  déplacement  que  de  véritables 
mouvements  amœboïdes.  Si  l'on  songe,  en  elïet,  au  rôle  important 
que  joue  la  présence  ou  tout  au  moins  le  voisinage  du  noyau  dans  la 
production  des  mouvements  amœboïdes,  on  arrive  à  penser  que  ce 
sont  des  déplacements,  des  sortes  d'oscillations  qui  se  produisent 
à  l'extrémité  des  prolongements  des  cellules  nerveuses  et  que  ce 
mouvement  doit  être  dilîérent  suivant  la  nalure  des  expansions  ter- 
minales. Les  ramifications  terminales  cylindraxiles  sont  probable- 
ment trop  éloignées  des  noyaux  pour  être  capables  d'amœboïsme; 
mais  ces  conditions  sont  précisément  inverses  pour  les  rami- 
fications des  prolongements  protoplasmiques  :  ce  seraient  donc 
ces  dernières,  les  ramifications  des  prolongements  de  proto- 
plasma du  neurone  sensitif  central,  qui  seraient  surtout  le  siège  de 
ces  mouvements  permettant  une  conductibilité  plus  ou  moins  par- 
faite entre  le  neurone  sensitif  central  et  le  neurone  sensitif  périphé- 
rique représenté  parles  ramifications  terminales  du  cylindraxe. 

D'ailleurs,  certains  faits  ont  démontré  que  cette  manière  de  voir 
pouvait  être  basée  sur  des  données  expérimentales.  Ainsi  Ranvier 
a  fait  voir  que  les  cellules  olfactives,  aujourd'hui  considérées  par 
tous  les  histologistes  comme  des  cellules  nerveuses,  possédaient  des 
prolongements,  homologues  des  prolongements  dits  de  protoplasma 
d'un  neurone,  animés  de  mouvements  absolument  différents  de  ceux 
des  cils  vibratiles  et  qui  semblaient  se  diriger  en  quelque  sorte  pour 
rechercher  les  odeurs  et  les  faire  percevoir. 

Ces  changements  de  volume  des  prolongements  protoplasmiques 
ont  été  démontrés  expérimentalement  par  Pergens  dans  ses  recherches 
sur  les  yeux  des  poissons  téléostéens,  par  J.  Demoor  et  M"''  Stéfa- 
nowska,  à  l'Institut  Solvay  de  Bruxelles. 

Mathias  Duval,  Deyber  et  Manouëlian  ont  émis  l'hypothèse  que 
ces  mouvements  de  va-et-vient  étaient  sous  la  dépendance  des  nervi 
nervorum,  éléments  nerveux  modifiant  le  fonctionnement,  c'est-à- 
dire  le  contact  des  prolongements  protoplasmiques  des  neurones  ; 
cette  fonction  (Manouëlian)  serait  dévolue  aux  fibres  centrifuges 
intraglomérulaires  qui  présideraient  à  la  réception  des  excitations 
nerveuses  en  provoquant  l'état  de  rétraction  ou  d'allongement  des 
arborisations  protoplasmiques,  c'est-à-dire  le  passage  plus  ou  moins 
facile  du  courant  nerveux.  Ce  serait  alors  ces  nervi  nervorum  qui 
ressentiraient  de  la  façon  la  plus  exquise  l'action  des  hypno-anes- 
thésiques,  celle  des  hypnotiques  aussi  bien  que  celle  des  matériaux 


22  NOGUÉ.  —  ANESTHESIE. 

de  déchet  du  fonctionnement  normal  des  cellules  amenant  le  som- 
meil naturel. 

Dans  tous  les  cas,  il  est  évident  que  les  articulations  entre  ces  pro- 
longements cylindraxiles  des  neurones  ne  sont  pas  absolument  in- 
franchissables, ce  qui  serait  incompatible  avec  le  maintien  de  la  vie, 
mais  que  la  conductibilité  a  seulement  plus  ou  moins  diminué. 

Le  sommeil  n'est  pas  exclusivement  une  fonction  du  cerveau.  Une 
expérience  très  curieuse,  due  à  Goltz  et  réalisée  sur  un  chien  qu'il  a  • 
conservé  pendant  près  de  deux  ans  complètement  privé  de  ses  hémi- 
sphères cérébraux,  a'permis  de  constater  chez  cet  animal  des  périodes 
alternatives  de  veille  et  de  sommeil  très  remarquables,  dans  lesquelles, 
par  conséquent,  il  ne  pouvait  plus  être  question  de  l'intervention  du 
cerveau  :  il  s'agit  donc  bien  ici,  au  point  de  vue  des  influences  ner- 
veuses, d'un  véritable  sommeil  de  la  moelle,  rappelant  dans  une 
étroite  mesure  le  sommeil  du  cerveau. 

11  est  fort  intéressant  de  faire  ressortir  l'analogie  qui  existe  entre 
cette  interprétation  histologique  du  sommeil  et  les  phénomènes  de 
conductibilité  électrique. 

Un  physicien  fort  distingué,  Branly,  a  étudié  la  façon  suivant 
laquelle  se  comportait  un  courant  électrique  traversant  un  tube 
rempli  de  limaille  métallique  :  or,  il  existe,  au  point  de  vue  de  la 
conductibilité,  une  analogie  étroite  entre  les  neurones  et  un  tube 
à  limaille.  Lorsqu'on  remplit  de  grains  de  plomb  ou  de  limaille 
métallique  un  tube  de  verre,  ce  tube  ne  conduit  pas  le  courant  d'un 
élément  de  pile,  mais  il  devient  conducteur  pour  ce  même  courant 
si  on  le  place  dans  une  zone  d'ondes  électriques,  telle  que  le  champ 
électrostatique  d'une  machine  statique,  ou  bien  le  flux  d'induction 
d'un  solénoïde  parcouru  par  un  courant  de  haute  fréquence,  ou  bien 
encore  si  on  le  place  dans  un  cône  de  rayons  cathodiques.  Un  simple 
choc  suffit,  en  déterminant  l'ébranlement  moléculaire  de  ce  système, 
pour  anéantir  la  conductibilité  ;  et,  d'autre  part,  le  passage,  même 
éphémère,  d'un  courant  alternatif  rétablit  la  conductibilité  primitive. 

«  Nous  avons  là,  dit  M.  Pouchet,  une  image  aussi  parfaite  qu'il  est 
possible  de  ce  qui  se  passe  dans  l'hypothèse  que  je  viens  de  vous 
développer,  hypothèse  qui  a  bien  des  chances  d'être  proche  de  la 
réalité,  puisque,  en  plus  d'une  certaine  sanction  expérimentale,  elle 
permet  d'interpréter  le  plus  grand  nombre  des  phénomènes,  et  qu'en 
somme  elle  est  en  concordance  très  exacte  avec  les  théories  physico- 
chimiques que  je  vous  ai  exposées  précédemment  et  qui,  à  elles 
seules,  ne  suffisaient  pas  à  donner  une  interprétation  complèle. 

«  L'état  de  la  circulation  cérébrale,  dont  nous  nous  étions 
occupé  d'abord,  semble  être  devenu  une  condition  bien  secondaire 
dans  les  phénomènes  de  l'hypnose  ou  du  sommeil.  En  effet,  je 
vous  ai  déjà  dit  que  la  congestion  ou  l'anémie  pouvaient  se 
montrer  successivement  au  cours  de  l'anesthésie.  J'ai  appelé  votre 


SOMMEÏL  NATUREL  ET  SOMMEIL  ANESTHÉSIQUE.  ^3 

atttMîtion  sur  ce  fait  de  la  coïncidence,  qui  s'observe  en  réalilV'  assez 
fréquemment,  presque  toujours  même  au  début  dans  la  pratique, 
entre  l'asphyxie  et  l'anesthésie  ;  la  disparition  de  la  sensibilité  peut 
se  produire  alors  par  deux  mécanismes  absolument  opposés.  Dans 
le  cas  où  c'est  l'hyperémie  qui  se  manifeste  d'abord,  il  se  produit 
bientôt  une  paralysie  succédant  à  l'exaltation  des  centres  ;  s'il  y  a,  au 
contraire,  anémie  dès  le  début,  l'insensibilité  résulte  du  fait  de  l'in- 
suffisance dans  l'apport  des  matériaux  nutritifs. 

«  En  résumé,  à  la  période  d'anesthésie  confirmée,  il  y  a  une  anémie 
notable  etconstante,  en  rapport  avec  le  repos  de  l'organe.  Alors  cette 
anémie  devient  évidemment  une  condition  importante  du  maintien 
de  l'état  d'hypno-anesthésie. 

«  Mais  on  est  en  droit  de  se  demander  si  c'est  cette  anémie  cérébrale 
qui  est  la  cause  de  l'anesthésie,  ou  bien  si  elle  est  simplement  la 
conséquence  d'une  influence  exercée  par  l'anesthésique  sur  les  vaso- 
moteurs.  » 

Voici  maintenant  quelle  est,  d'après  les  physiologistes,  la  marche 
de  l'anesthésie.  L'agent  anesthésique  pénètre  dans  le  sang  par  la 
surface  respiratoire,  d'où  il  est  porté  au  contact  des  centres  nerveux. 
Le  cerveau  est  pris  le  premier.  On  perd  d'abord  la  conscience  du 
moi,  la  connaissance  des  faits  extérieurs.  La  moelle  épinière  n'est 
atteinte  que  plus  tard,  et  l'on  peut  même  distinguer  plusieurs  périodes 
dans  l'action  du  chloroforme  sur  ce  centre  nerveux.  Au  commen- 
cement de  l'action  anesthésique,  les  mouvements  réflexes  ayant  leur 
centre  dans  la  moelle  allongée  et  la  moelle  épinière  continuent 
encore  à  se  produire  :  ils  sont  même  plus  énergiques  et  plus  rapides. 
Puis  la  moelle  est  atteinte,  et  les  mouvements  réflexes  disparaissent 
peu  à  peu  ;  mais,  à  ce  moment,  les  mouvements  de  totalité,  c'est-à-dire 
les  mouvements  qui  seraient  des  mouvements  volontaires  si  l'animal 
n'avait  pas  perdu  tout  d'abord  la  conscience,  persistent  encore  quel- 
que temps.  Mais  ils  finissent  par  s'arrêter  aussi,  et  l'animal  tombe 
dans  le  collapsus,  le  relâchement  musculaire  complet  ;  il  devient 
immobile  comme  un  cadavre.  Les  mouvements  respiratoires  et  ceux 
du  cœur  seuls  paraissent  conservés. 

Chez  l'homme,  c'est  d'abord  la  conscience,  la  nolion  du  wo/,  qui 
est  abolie  ;  vient  ensuite  la  perte  de.  la  sensibilité  externe,  c'est-à-dire 
la  réception  des  impressions  produites  sur  nos  organes  des  sens,  sur 
la  peau  ;  mais  la  sensibilité  interne  subsiste  encore,  c'est-à-dire  que, 
par  exemple,  les  impressions  portées  sur  l'arrière-gorge  amènent 
encore  l'acte  réflexe  de  la  déglutition.  Ce  n'est  que  dans  une  période 
plus  avancée  que  disparait  la  sensibilité  inconsciente  ;  alors  cessent 
de  se  produire  les  actes  réflexes  involontaires  mais  essentiels  à  la 
vie  ;  la  respiration  s'arrête,  l'animal  meurt. 

Mécanisme  de  l'action  des  anesthésiqiies.  —  Quant  au  méca- 
nisme  intime  de  l'action  des  anesthésiques  généraux,  du  moins  de 


24  NO  GUE.  —  ANESTHESIE. 

ceux  qui  sont  administrés  par  inhalation  (chloroforme,  éther,  chlorure 
d'éthvle  et  protoxyde  dazote),  sur  lesquels  ont  surtout  porté  les 
expériences,  il  est  actuellement  expliqué  ^l'après  les  plus  récentes 
recherches,  ainsi  qu'il  suit. 

Pour  Hans  Meyer  et  Overton,  la  cellule,  en  dehors  de  ses  consti- 
tuants protéiques,  contient  des  substances  solubles  dans  Téther, 
graisses  neutres,  lécithines,  chlolestérines,  etc.,  auxquelles  on  donne 
le  nom  de  lipoïdes.  Toutes  les  substances  solubles  dans  les  graisses 
auraient  une  action  anesthésique,  et  cette  action  serait  en  raison 
directe  du  rapport  de  leur  solubilité  dans  les  graisses  et  de  leur  solu- 
bilité dans  l'eau,  qu'on  nomme  coefficient  de  partage.  Plongeant  des 
animaux  dans  de  l'eau  tenant  en  solution  ces  différentes  substances, 
si  l'on  détermine  le  minimum  de  substance  capable  de  produire 
la  narcose,  la  concentration  critique,  on  constate  que  la  puissance 
anesthésique  d'une  substance  ainsi  mesurée  présente  un  rapport 
évident  avec  le  coefficient  de  partage.  L'agent  anesthésique  est  fixé 
par  les  lipoïdes  des  cellules.  Les  organes  les  plus  riches  en  lipoïdes 
sont  les  premiers  atteints  :  tel  est  le  cas  du  système  nerveux.  L'anes- 
thésie  serait  alors  la  conséquence  de  la  fixation  essentiellement 
d'ordre  physique  de  l'agent  anesthésique  sur  le  système  nerveux. 

Pour  Moore  et  Roaf,  il  y  aurait  combinaison  d'ordre  physique  et 
chimique  entre  les  anesthésiques  et  les  matières  protéiques  des 
cellules. 

Divers  auteurs,  Pohl,  G.  Archangelsky,  Nicloux,  Tissot  ont  trouvé 
que  les  centres  nerveux  avaient  une  capacité  d'absorption  pour  les 
anesthésiques  supérieure  à  celle  des  autres  tissus  et  que,  dans  le 
sang,  les  globules  fixent  plus  de  chloroforme  que  le  plasma. 

Il  semblerait  donc  que  la  teneur  en  graisses  des  divers  organes 
jouerait  un  rôle  prépondérant  dans  la  fixation  des  anesthésiques. 
Maurice  Nicloux  et  M"*  Frison  ont  étudié  à  ce  point  de  vue  le  système 
nerveux  et  donnent  ainsi  les  (conclusions  de  leurs  recherches  : 

1°  D'une  façon  générale,  dans  les  centres  nerveux,  les  différentes 
parties  fixent  d'autant  plus  de  chloroforme  au  cours  d'une  anesthésie 
qu'elles  sont  plus  riches  en  substances  grasses,  ou  lipoïdes  : 

2°  Après  une  anesthésie  prolongée,  amenant  la  mort  de  l'animal, 
si  l'on  considère  une  partie  déterminée  du  système  nerveux,  sa 
teneur  en  chloroforme  est  toujours  la  même  relativement  à  la  teneur 
en  graisses.  C'est  ainsi  qu'au  moment  de  la  mort  le  bulbe  et  le 
cervelet  renferment  toujours  de  0k'',30  à  Os'',40  de  chloroforme 
pour  100  grammes  de  graisses  ou  substances  analogues  ;  le  cerveau, 
la  substance  grise  et  la  substance  blanche,  de  0^'',A0  à  0S'',45.  Au 
moment  de  la  mort  et  pour  un  organe  donné,  le  rapport  ainsi  déter- 
miné représente  un  point  de  saturation  ; 

3°  Ouand  la  mort  survient  après  une  anesthésie  de  courte  durée, 
les  différentes  parties  du  système  nerveux  central  n'ont  pas  toutes 


SOMMEIL  NATUREL  ET  SOMMEIL  ANESTHÉSIQUE.  25 

alleinl  cette  teneur  en  chloroforme.  La  substance  grise  est  celle  qui 
se  sature  le  plus  rapidement  ;  elle  a  atteint  son  point  de  saturation 
au  bout  de  tleux  minutes  et  demie,  alors  que  la  substance  blanche 
l'atteint  en  trente-cinq  minutes.  Ce  phénomène  s'explique  par  les 
ditrérences  de  saturation  des  deux  tissus  ; 

4°  Si,  après  une  anesthésie  même  très  prolongée,  l'animal  en  état  de 
narcose  est  tué  par  section  des  gros  vaisseaux,  aucune  des  parties  des 
centres  nerveux  n'a  atteint  sa  saturation  mortelle.  11  est  intéressant 
de  remarquer  que  la  mort  peut  survenir  sans  que  la  substance  blanche 
soit  saturée.  Au  contraire,  au  moment  de  la  mort,  la  substance  grise 
a  toujours  atteint  son  point  de  saturation,  aussi  courte  qu'ait  été  la 
durée  de  lanesthésie. 

Maurice  Nicloux,  se  basant  sur  les  expériences  de  Hans  Meyer, 
Overton,  Moore  et  Roaf  et  sur  les  siennes  propres,  formule  ainsi  sa 
conception  de  lanesthésie.  Il  existe  une  relation  évidente  entre 
l'anesthésie  et  la  fixation  de  chloroforme  par  les  lipoïdes.  Nous  ne 
voulons  pas  dire  par  là  que  la  présence  de  chloroforme  dans  les 
graisses  soit  en  elle-même  la  cause  de  lanesthésie,  mais  il  est 
possible  qu'elle  suffise  à  modifier  les  fonctions  des  autres  constituants 
de  la  cellule,  en  particulier  ses  matières  protéiques,  et  à  troubler 
ainsi  le  jeu  des  fonctions  vitales.  Cette  action  toute  passagère  et 
transitoire  aurait  pour  résultat  l'abolition  de  la  sensibilité  et  cesse- 
rait avec  l'élimination  de  lanesthésique.  Tout  ce  qui  vient  d'être 
dit  s'applique  exclusivement  au  chloroforme.  On  peut  se  demander 
si  cette  hypothèse  peut  s'étendre  aux  anesthésiques  généraux  :  éther, 
chlorure  déthyle,  protoxyde  d'azote. 

«  Pour  l'éther  etle  chlorure  d'éthyle,  on  peut  répondre  par  l'affirma- 
tive. En  effet,  tous  deux  sont  des  dissolvants  des  graisses,  tous  deux 
sont  fixés  par  les  graisses  de  l'organisme  avec  énergie  ;  pour  tous 
deux,  les  quantités  fixées  par  le  cerveau  et  le  bulbe,  riches  en 
lipoïdes,  sont  supérieures  à  celles  fixées  parles  autres  tissus. 

«  Quant  auprotoxyHe  d'azote,  il  possède  cette  curieuse  propriété, 
—  commune  avec  l'acide  carbonique,  d'ailleurs  anesthésique  général 
dans  certaines  conditions,  —  d'être  absorbé  en  quantité  très  impor- 
tante lorsqu'il  est  agité  avec  l'huile.  Il  y  a  donc  là  toute  une  série 
d'expériences,  parallèles  à  celles  entreprises  pour  le  chloroforme,  à 
poursuivre  sur  les  trois  autres  anesthésiques  généraux  (1).  » 

(l)  Dr  M.  Nicloux,  Les  anesthésiques  généraux  au  point  de  vue  chimico-physio- 
logique,  Paris,  190ï<. 


26  NOGUÉ.  —  ANESTHESIE. 


IV.    -  PROTOXYDE  D'AZOTE. 

C'est  un  gaz  incolore,  inodore,  dune  saveur  légèrement  sucrée, 
découvert  par  Priestleyen  177(3.  On  le  prépare  en  décomposant  par  la 
chaleur  lazotate  d'ammoniaque  du  commerce  chimiquement  pur.  Pour 
cela,  lazotate  est  chauffé  dans  une  cornue  à  200°  et  le  protoxyde 
se  forme  d'après  la  réaction  : 

AzH^AzOS  =  Az20  +  SH^O. 

Théoriquement,  1  kilogramme  d'ammoniaque  devrait  donner 
550  g-rammes  ou  278  litres.  Le  g-az  ainsi  obtenu  traverse  des  flacons 
laveurs,  dont  l'un  contient  une  solution  de  potasse  caustique  destinée 
à  retenir  le  chlorure  et  l'autre  une  solution  de  protosulfate  de  fer 
destinée  à  retenir  le  bioxyde  d'azote,  d'autres  enfin  de  leau  pure.  Il 
ne  faut  pas  oublier  en  effet  que,  dans  cette  décomposition  de  l'azotate 
d'ammoniaque,  si  la  température  atteint  250°,  il  se  forme  un 
gaz  nouveau,  le  bioxyde  d'azote  (AzO-),    très  toxique. 

Le  poids  spécifique  du  protoxyde  d'azote  est  le'',52.  Il  entretient 
la  combustion  comme  l'oxygène.  L'eau  à  la  température  de  23» 
dissout  O^r  (',216  de  ce  gaz  ;  l'alcool  en  dissout  une  quantité  plus 
grande.  L'étincelle  électrique  le  décompose.  C'est  Faraday  qui,  le 
premier,  l'a  obtenuà  l'état  liquide.  A  la  température  deO»,  il  se  liquéfie 
sous  une  pression  de  30  atmosphères  ;  il  faut  une  pression  de 
50  atmosphères  pour  le  liquéfier  à  la  température  ordinaire.  Aujour- 
d'hui le  protoxyde  est  préparé  industriellement  dans  le  laboratoire 
et  sous  le  contrôle  du  chimiste.  Il  n'en  était  pas  de  même  autrefois  : 
les  dentistes  étaient  obligés  de  le  fabriquer  eux-mêmes  en  décompo- 
sant l'azotate  d'ammoniaque.  Comme  la  plupart  d'entre  eux  n'avaient 
que  des  notions  de  chimie  fort  vagues,  on  conçoit  qu'une  opération 
aussi  délicate  ne  pouvait  être  scientifiquement  exécutée.  Aussi  le 
protoxyde  d'azote  ainsi  obtenu  était-il  généralement  impur.  Grâce  à 
la  liquéfaction,  le  gaz  a  été  rendu  facilement  transportable.  Et  cette 
liquéfaction  même  est  une  garantie  de  sa  pureté.  Le  protoxyde,  en 
effet,  se  liquéfie àO°  sous  une  pression  de  30  atmosphères.  Le  bioxyde, 
au  contraire,  exige  pour  changer  d'état  une  pression  beaucoup  plus 
forte.  S'il  en  existait  donc  de  faibles  quantités  dans  les  bouteilles 
d'acier  qui  contiennentle  protoxyde,  elles  resteraient  à  l'état  gazeux, 
et  il  suffirait,  ainsi  que  le  recommande  Litde,  pour  éliminer  le 
bioxyde  toxique,  de  laisser  échapper  un  peu  de  gaz  avant  de  se  servir 
d'une  bouteille  pleine. 

ACTION  PHYSIOLOGIQUE  DU  PROTOXYDE  D'AZOTE. 

Le  protoxyde  d'azote  a  été  utilisé  bien  souvent  soit  dans  un 
but  d'expérience,    soit    dans  un  but    chirurgical.    Les   sensations 


ACTION  PHYSIOLOGIQUE  DU  PROTOXYDE  D'AZOTE.  27 

produiles  parurent  aux  premiers  observateurs  tellement  extraordi- 
naires qu'ils  essayèrent  de  les  décrire.  Davy,  qui  le  premier  les 
éprouva,  nous  en  a  laissé  le  récit  précis  : 

i.  Dès  la  premièreinspiration,  j'ai  vidé  la  vessie.  Une  saveur  sucrée, 
a,  dans  l'instant,  rempli  ma  bouche  et  ma  poitrine  tout  entière,  qui 
se  dilatait  de  bien-être.  J'ai  vidé  mes  poumons  et  je  les  ai  remplis 
encore:  mais,  à  la  troisième  reprise,  les  oreilles  m'ont  tinté  et  j'ai 
abandonné  la  vessie.  Alors,  sans  perdre  précisément  connaissance,  je 
suis  demeuré  un  instant  promenant  les  yeux  dans  une  espèce  d'étour- 
dissement  sourd  ;  puis  je  me  suis  pris,  sans  y  penser,  d'éclats  de  rire 
tels  que  je  n'en  ai  jamais  fait  de  ma  vie.  Après  quelques  secondes,  ce 
besoin  de  rire  a  cessé  tout  d'un  coup,  et  je  n'ai  plus  éprouvé  le 
moindre  symptôme.  Ayant  réitéré  l'épreuve  dans  la  même  séance, 
je  n'ai  plus  éprouvé  le  besoin  de  rire.  Je  n'aurais  fait  que  tomber  en 
syncope  si  j'eusse  poussé  l'expérience  plus  loin.  » 

Ici  Humphry  Davy  s'était  servi  d'un  mélange  de  gaz  et  d'air  atmo- 
sphérique. Il  voulut  ensuite  éprouver  les  etl^'ets  du  protoxyde  d'azote 
pur,  et  voici  comment  il  s'exprime  au  sujet  de  cette  dernière  expé- 
rience : 

u  Je  ressentis  immédiatement  une  sensation  s'étendanl  de  la  poi- 
trine aux  extrémités.  J'éprouvais  dans  tous  les  membres  comme  une 
sorte  d'exagération  du  sens  du  tact.  Les  impressions  perçues  par  le 
sens  de  la  vue  étaient  plus  vives:  j'entendais  distinctement  tous  les 
bruits  de  la  chambre,  et  j'avais  très  bien  conscience  de  tout  ce  qui 
m'environnait.  Le  plaisir  augmentait  par  degrés  ;  je  perdis  tout  rap- 
port avec  le  monde  extérieur.  Une  suite  de  fraîches  et  rapides  images 
passaient  devant  mes  yeux;  elles  se  liaient  à  des  mots  inconnus  et 
formaient  des  perceptions  toutes  nouvelles  pour  moi.  J'existais  dans 
un  monde  à  part.  J'étais  en  train  de  faire  des  théories  et  des  décou- 
vertes, quand  je  fus  éveillé  de  cette  extase  délirante  par  le  D'  Kin- 
glake,  qui  m'ôta  le  sac  de  la  bouche.  A  la  vue  des  personnes  qui 
m'entouraient,  j'éprouvai  d'abord  un  sentiment  d'orgueil;  mes 
impressions  étaient  sublimes,  et,  pendant  quelques  minutes,  je  me 
promenai  dans  l'appartement,  indifférent  à  ce  qui  se  disait  autour 
de  moi.  Enfin  je  m'écriai  avec  la  foi  la  plus  vive  et  l'accent  le  plus 
pénétré  :  «  Rien  n'existe  que  la  pensée;  l'univers  n'est  composé  que 
«d'idées,  d'impressions,  de  plaisirs,  de  souffrances.  » 

«  Une  s'était  écoulé  que  trois  minutes  et  demie  durant  cette  expé- 
rience, quoique  le  temps  m'ait  paru  bien  plus  long  en  le  mesurant  au 
nombre  età  la  vivacitéde  mes  idées  ;  je  n'avais  pas  consommé  la  moi- 
tié de  la  mesure  du  gaz  ;  je  respirai  le  reste  avant  que  les  premiers 
effets  eussent  disparu.  Je  ressentis  des  sensations  pareilles  aux  pré- 
cédentes ;  je  fus  promptement  plongé  dans  l'extase  du  plaisir,  et 
j'y  restai  plus  longtemps  que  la  première  fois.  Je  fus  en  proie,  pendant 
deux  heures,   à  l'exhilaration.    J'éprouvais  encore   plus  longtemps 


28  NOGUÉ.  -    ANESTHESIE. 

Tespèce  de  joie  déréglée  décrite  plus  haut,  qui  s'accompagnait  d'un 
peu  de  faiblesse.  Cependant  elle  ne  persista  pas  ;  je  dînai  avec  appé- 
tit, et  je  me  trouvai  ensuite  plus  dispos  et  plus  gai.  >> 

C'est  alors  que  Pictet  (de  Genève\  après  avoir  constaté  les  eiïels 
sur  Davy  lui-même,  se  soumit  à  l'influence  du  protoxyde  en  présence 
de  plusieurs  autres  savants,  Blackford  et  Eighe,  et  du  comte  de  Rum- 
ford,  son  ami. 

Voici  ses  propres  paroles  : 

«  Nous  étions  cinq  ou  six  disposés  à  faire  l'essai,  et  ma  qualité 
d'étranger  me  valut  le  privilège  de  commencer.  A  la  troisième  ou 
quatrième  inspiration,  j'entrai  dans  une  série  rapide  de  sensations 
nouvelles  pour  moi  et  difficiles  à  décrire.  L'effet  principal  était  dans 
la  tète;  j'entendais  un  bourdonnement  ;  les  objets  s'agrandissaient 
autour  de  moi  ;  il  me  semblait  que  ma  tête  grossissait  rapidement, 
je  ne  voyais  plus  qu'à  travers  un  brouillard  ;  je  me  voyais  quitter  ce 
monde  et  m'élever  dans  l'Empyrée.  .J'étais  pourtant  bien  aise,  par 
une  arrière-pensée  que  je  me  rappelle  distinctement,  de  sentir  autour 
de  moi  des  amis  et  le  comte  de  Rumford  en  particulier,  qui  observait, 
ainsi  que  nous  en  étions  convenus,  la  marche  de  mon  pouls,  lequel 
devint  l'irrégularité  la  plus  extrême  et  telle  qu'il  était  impossible  de 
le  compter.  Je  cessai  alors  de  respirer  le  gaz,  et  j'entrai  dans  un 
calme  approchant  de  la  langueur,  mais  extrêmement  agréable.  Loin 
de  chercher  l'action  musculaire,  je  répugnais  à  tout  mouvement, 
j'éprouvais  d'une  manière  exaltée  le  simple  sentiment  de  l'existence 
et  ne  voulais  rien  de  plus.  En  peu  de  minutes  je  revins  à  l'état  tout 
à  fait  naturel. 

«  M.  Blacford  me  succéda  :  ce  fut  un  tout  autre  genre  :  une  activité 
extrême  et  qui  se  rapprochait  tout  à  fait  de  létat  de  convulsions  : 
ensuite  une  gaîté  bruyante  bientôt  suivie  d'une  jouissance  plus 
calme  et,  enfin,  de  létat  naturel. 

«  M.  Eighe  vint  après.  Celui-là  n'était  pas  de  la  classe  des  langou- 
reux; son  agitation  devint  si  grande  sur  la  fin  des  inspirations  .qu'on 
voulut  lui  ôter  la  vessie,  il  la  retint  de  toutes  ses  forces  ;  puis,  lors- 
qu'elle fut  épuisée,  il  se  mit  à  rire,  à  parler  avec  beaucoup  de  viva- 
cité ;  il  disait  que  de  sa  vie  il  n'avait  éprouvé  rien  d'aussi  agréable.  » 

Depuis  la  découverte  de  Wells  et  surtout  depuis  la  renaissance 
de  l'anesthésie  par  le  protoxyde  d'azote  en  1863,  les  physiologistes 
entreprirent  l'étude  vraiment  scientifique  du  gaz.  Les  résultats 
obtenus  par  les  expérimentateurs  furent  malheureusement  contra- 
dictoires et  souvent  en  opposition  absolue  avec  les  données  quo- 
tidiennes de  la  clinique.  Ces  divergences  doivent  être  attribuées 
aux  difficultés  considérables  de  Texpérimentation  elle-même  sur 
les  animaux  et  peut-être  aussi,  en  très  grande  partie,  à  l'impureté  du 
gaz  employé.  Un  des  derniers  savants  qui  se  sont  occupés  du  pro- 
toxyde d'azote,  le  P^  Livon  (de  Marseille),  n'hésite  pas  en  effet  à 


ACTION  PHYSIOLOGIQUE  DU  PROTOXYDE  D'AZOTE.  29 

avancor  que,  clepuis  qu'il  emploie  un  g:az  toujours  le  même,  fabriqué 
par  une  usine  sérieuse,  il  n'observe  plus,  dans  ses  expériences,  les 
inégalités  inexplicablesqu'il  observait  quand  il  fabriquait  lui-même 
legfaz  dans  sonlaboratoire,  aussi  minutieusement  que  cela  fut  fait  (1). 

IMallieureusementces  divergencesde  vues,  aggravées  d'affirmations 
contradictoires,  nont  fait  qu'ébranler  injustement  la  confiance  des 
médecins  dans  le  protoxyde. 

Dès  18(U,  Hermann  se  livre  à  des  expériences  sur  les  animaux  et 
en  déduit  que  le  protoxyde  d'azote  administré  pur  produit  l'asphyxie. 
Il  se  conduirait  vis-à-vis  des  fonctions  respiratoires  comme  un  gaz 
indiiïérent.  Administré  avec  l'oxygène,  le  protoxyde  ne  déterminerait 
pas  lanesthésie. 

Krishaber,  en  1867,  de  ses  recherches  faites  sur  les  lapins,  tire  les 
conclusions  suivantes  :  le  protoxyde  d'azote  amène  l'anesthésie  et  la 
mort  au  même  titre  ([ue  le  chloroforme  :  le  caractère  essentiel  du 
gaz  est  de  troubler  le  rythme  du  cœur  ;  son  action  sur  la  respiration 
serait  également  irrégulière.  Les  phénomènes  d'anesthésie  avec  le 
protoxyde  d'azote  \mv  sont  très  prompts  à  apparaître  ;  de  même  ils 
se  dissipent  très  promplement.  Si  le  protoxyde  d'azote  offre  un  cer- 
tain avantage  sous  le  rapport  de  la  fugacité  des  symptômes  qu'il  pro- 
voque, il  a  le  grand  désavantage  de  devenir  promptement  funeste, 
tandis  que  l'anesthésie  par  le  chloroforme  peut  être  prolongée  pen- 
dant longtemps  avec  infiniment  moins  de  dangers. 

En  1873,  Jolyet  et  Blanche  publient  les  résultats  de  leurs  expé- 
riences :  respiré  pur,  le  protoxyde  d'azote  produit  l'asphyxie  au  même 
titre  que  les  autres  gaz  inertes  :  s'il  produit  l'anesthésie,  c'est  par 
privation  d'oxygène  dans  le  sang.  Le  protoxyde  d'azote  étant  un  gaz 
irrespirable  et  «  ne  possédant  pas  les  propriétés  anesthésiques 
qu'on  lui  a  attribuées,  son  emploi  ne  peut  être  que  dangereuxet  doit 
à  ce  titre  être  proscrit  de  la  matière  médicale  )>. 

Viennent  ensuite,  en  1878,  les  expériences  de  Zuntz  et  Golslein 
faites  dans  le  laboratoire  de  Pflûger,  à  Bonn  :  d'après  ces  auteurs, 
une  narcose  complète  ne  peut  être  produite  et  entretenue  que  quand 
l'action  du  protoxyde  est  conduite  avec  l'absence  de  l'oxygène. 
L'anesthésie  apparaît  de  trente  à  quarante  secondes  après  le  com- 
mencement de  l'inhalation,  tandis  que  l'asphyxie  complète  ne  com- 
mence qu'une  minute  plus  tard. 

A  la  fin  de  la  même  année,  le  11  novembre  1878,  Paul  Bert  commu- 
niquée l'Académie  des  sciences  ses  belles  recherches,  qui  réduisaient 
à  néant  la  plupart  des  résultats  des  auteurs  précédents.  Le  texte 
même  de  l'illustre  physiologiste  mérite  d'être  reproduit  (2)  : 

(1)  Beltrami,  Thèse  de  Paris,  1905. 

(2)  Paul  Bert,  Sur  la  possibilité  d'obtenir,  à  l'aide  du  protoxyde  d'azote,  une 
insensibilité  de  longue  durée,  et  sur  l'innocuité  de  cet  agent  [Acad,  des  se, 
11  nov.  1878). 


30  NOGUÉ.  —  ANESTHESIE. 

«  Le  protoxyde  d'azote,  dont  les  propriétés  anesthésiques  ont  été 
découvertes  par  HumphryDavy  à  la  fin  du  siècle  dernier,  est  employé 
aujourd'hui  par  un  très  grand  nombre  de  praticiens  pour  obtenir 
l'insensibilité  pendant  l'extraction  des  dents.  Mais  cette  insensibilité 
ne  peut  être  prolongée,  pour  cette  raison  qu'au  moment  même  où 
elle  est  suffisante,  apparaissent  des  phénomènes  asphyxiques  qui 
deviendraient  bientôt  redoutables.  Aussi  les  chirurgiens  américains 
ne  sont  parvenus  à  faire  avec  le  protoxyde  d'azote  des  opérations 
de  longue  haleine  qu'en  produisant  des  anesthésies  courtes,  mais 
répétées,  séparées  par  des  phases  de  sensibilité. 

«  Gela  tient  à  ce  qu'on  ne  peut  arriver  à  Tanesthésie  qu'à  la  condi- 
tion de  faire  respirer  au  patient  du  protoxyde  d'azote  pur,  sans  aucun 
mélange  d'air  ;  il  en  résulte  que  l'asphyxie  marche  de  pair  avec 
l'anesthésie. 

«  Je  me  suis  proposé  de  remédier  à  cet  inconvénient  si  grave,  et  je 
suis  parvenu  à  obtenir  une  anesthésie  indéfiniment  prolongée,  en  me 
mettant  absolument  à  l'abri  de  toute  menace  d'asphyxie. 

«  Le  fait  que  le  protoxyde  d'azote  doit  être  administré  pur  signi- 
fie que  la  tension  de  ce  gaz  doit,  pour  qu'il  en  pénètre  une  quantité 
suffisante  dans  l'organisme,  être  égale  à  1  atmosphère.  Sous  la 
pression  normale,  il  faut,  pour  obtenir  ce  résultat,  que  le  gaz  soit  à 
la  proportion  de  lOD  p.  iOO.  Mais,  si  nous  supposons  le  malade  placé 
dans  un  appareil  où  la  pression  soit  poussée  à  2  atmosphères,  on 
pourra  le  soumettre  à  la  tension  voulue  en  lui  faisant  respirer  un 
mélange  de  50  p.  100  de  protoxyde  d'azote  et  50  p.  100  d'air;  on 
devra  donc  obtenir  de  la  sorte  l'anesthésie,  tout  en  maintenant  dans 
le  sang  la  quantité  normale  d'oxygène  et,  par  suite,  en  conservant 
les,  conditions  normales  de  la  respiration. 

«  C'est  ce  qui  est  arrivé:  mais  je  dois  le  dire  dès  maintenant,  je 
n'ai  expérimenté  que  sur  des  animaux.  Voici  le  dispositif  de  l'expé- 
rience :  J'entre  dans  le  cylindre,  et  là,  sous  une  augmenlation  de 
pression  d'un  cinquième  d'atmosphère,  je  fais  respirer  à  un  chien  un 
mélange  de  cinq  sixièmes  de  protoxyde  d'azote  et  d'un  sixième  d'oxy- 
gène, mélange  dans  lequel  on  voit  que  la  tension  du  gaz,  dit  hila- 
rant, est  précisément  égale  à  1  atmosphère.  Dans  ces  conditions, 
l'animal  est,  en  une  ou  deux  minutes,  après  une  phase  d'agitation 
très  courte,  anesthésie  complètement  :  on  peut  toucher  la  cornée  ou 
la  conjonctive  sans  faire  cligner  l'œil,  dont  la  pupille  est  dilatée, 
pincer  un  nerf  de  sensibilité  mis  à  nu,  amputer  un  membre,  sans 
provoquer  le  moindre  mouvement  ;  la  résolution  musculaire  est 
vraiment  extraordinaire,  et  l'animal,  n'étaient  les  mouvements  respi- 
ratoires qui  continuent  à  s'exécuter  avec  une  régularité  parfaite, 
semble  frappé  de  mort.  Cet  état  peut  durer  une  demi-heure  sans  nul 
changement.  Pendant  tout  ce  temps,  le  sang  conserve  sa  couleur 


ACTION  PHYSIOLOGIQUE  DU  PROTOXYDE  D'AZOTE.  31 

rouf^e  et  sa  richesse  en  oxygène,  le  cœur  sa  lorce  et  ses  battements 
réguliers,  la  température  son  degré  normal.  Pendant  tout  ce  temps, 
une  excitation  portée  sur  un  nerf  centripète  provoque  sur  la  respira- 
tion ou  la  circulation  tous  les  phénomènes  d'ordre  réflexe  qui  se 
produisent  chez  l'animal  sain.  En  un  mot,  tous  les  phénomènes  dits 
de  la  végétation  demeurent  intacts,  tandis  que  sont  absolument 
abolis  tous  ceux  de  la  vie  animale. 

«  Lorsque,  au  bout  d'un  temps  quelconque,  on  enlève  le  sac  qui 
contenait  le  mélange  gazeux,  on  voit  l'animal,  à  la  troisième  ou  à  la 
quatrième  respiration  à  l'air  libre,  recouvrer  tout  à  coup  la  sensibilité, 
la  volonté,  l'intelligence,  comme  le  prouve  le  désir  de  mordre  que 
parfois  il  manifeste  aussitôt.  Détaché,  il  s'enfuit,  marchant  librement, 
et  reprend  immédiatement  sa  gaité  et  sa  vivacité. 

«  Ce  rapide  retour  à  l'état  normal,  si  différent  de  ce  qu'on 
observe  avec  le  chloroforme,  tient  à  ce  que  le  protoxyde  d'azote  ne 
contracte  pas,  comme  le  chloroforme,  de  combinaisons  chimiques 
dans  l'organisme,  mais  est  simplement  dissous  dans  le  sang.  Dès 
qu'il  n'y  en  a  plus  dans  l'air  inspire'',  il  s'échappe  rapidement  par 
le  poumon,  comme  me  l'ont  démontré  les  analyses  des  gaz  du 
sang. 

«  L'innocuité  d'action  du  protoxyde  d'azote  ressort  du  récit  de  ces 
expériences.  D'une  part,  en  effet,  l'anesthésie,  en  frappant  la  sensi- 
bilité médullaire,  respecte  les  réflexes  de  la  vie  organique,  dont  la 
suppression,  facile  par  le  chloroforme,  peut  seule  mettre  la  vie  en 
danger  ;  d'autre  part,  le  retour  immédiat  à  l'état  normal,  lorsqu'on 
revient  à  l'air  libre,  fait  que  l'opérateur  est  toujours  maître  de  la 
situation.  Cette  innocuité  ressort  non  moins  nettement  du  nombre 
infiniment  petit  d'accidents  qui  ont  suivi  les  inhalations  (lesquelles 
se  comptent  par  centaines  de  mille)  exécutées  par  les  dentistes, 
souvent  en  dehors  de  toute  prudence  et  de  toute  compétence,  et  dans 
les  conditions  où  l'asphyxie  vient  augmenter  les  dangers,  s'ils 
existent,  de  l'anesthésie. 

«  Je  suis  donc  autorisé,  dès  maintenant,  par  mes  expériences  faites 
sur  les  animaux,  à  recommander  très  vivement  aux  chirurgiens 
l'emploi  du  protoxyde  d'azote  sous  pression,  en  vue  d'obtenir  une 
anesthésie  de  longue  durée.  Je  puis  leur  affirmer  qu'ils  obtiendront, 
en  mesurant,  comme  je  l'ai  indiqué,  la  pression  barométrique  et  la 
composition  centésimale  du  mélange,  de  manière  à  avoir,  pour  le 
protoxyde  d'azote,  la  tension  normale  dans  l'air,  une  insensibilité  et 
une  résolution  musculaire  aussi  complètes  qu'ils  le  désireront,  avec 
retour  immédiat  à  la  sensibilité,  avec  bien-être  consécutif  parfait.  Le 
procédé  d'application  du  médicamentprésente  même  une  commodité 
singulière,  puisque,  en  présence  des  petites  inégalités  qui  ne  pour- 
ront manquer  de  se  produire  d'un  individu  à  l'autre,  en  raison  de 
susceptibilités  spéciales,  il  suffira  soit  d'augmenter  légèrement,  soit 


32  NOGUÉ.  —  ANESTHÉSIE. 

de  diminuer  la  pression  barométrique,  ce  qui  se  lait  avec  la  plus 
extrême  facilité,  parle  jeu  d'un  robinet. 

«  Je  ne  vois  qu'une  seule  difficulté  :  elle  tient  à  l'appareil  instru- 
mental nécessaire  pour  l'application  du  protoxyde  d'azote  sous  ten- 
sion. Je  reconnais  que  l'obstacle  est  absolu  pour  la  chirurgie  des 
armées,  pour  celle  de  la  campagne.  Mais  la  plupart  des  grandes 
villes,  et  c'est  là  que  se  font  presque  toutes  les  opérations  graves, 
possèdent  des  établissements  d'air  comprimé.  L'installation  dune 
salle  où  pourraient  trouver  place,  au  côté  du  patient  et  de  l'opérateur, 
une  douzaine  d'assistants,  ne  coûterait  pas  plus  dune  dizaine  de 
mille  francs,  faible  dépense  pour  les  administrations  hospitalières. 

«  Ce  sont  là.  du  reste,  des  difficultés  d'ordre  secondaire,  et  dont  la 
solution  revient  aux  chirurgiens;  c'est  à  eux  également  qu'il  appar- 
tiendra de  résoudre  les  multiples  questions  de  détails  que  soulève 
toujours  l'application  d'un  nouvel  agent  thérapeutique.  Il  doit  me 
suffire,  comme  physiologiste,  d'avoir  indiqué  cet  agent,  montré  les 
immenses  avantages  de  son  emploi  et  insisté,  entre  autres,  sur  son 
innocuité  si  merveilleuse  et  si  facilement  explicable.  •> 

Action  sur  l'appareil  respiratoire.  —  Le  protoxyde  d'azote  ne 
détermine  aucune  irritation  des  voies  respiratoires  supérieures,  et 
cela  est  si  vrai  que,  si  l'on  fait  respirer  au  patient,  le  masque  étant 
appliqué  sur  la  face,  de  l'air  pur  et  que,  sans  le  prévenir,  on  remplace 
l'air  pur  par  le  gaz,  il  ne  se  produit  aucun  mouvement  de  défense.  Si 
l'augmentation  du  système  respiratoire  est  la  règle,  on  peut  souvent 
la  mettre  sur  le, compte  de  Témotion  :  nous  avons  maintes  fois  vu  la 
respiration  normale  du  commencement  à  la  fin.  Souvent  aussi  on 
peut  noter  une  amplitude  plus  grande  des  mouvements  inspiratoires  ; 
parfois,  surtout  chez  les  sujets  nerveux,  il  existe  une  diminution 
exagérée  de  cette  amplitude,  absolument  comme  si  le  sujet  retenait 
volontairement  sa  respiration.  Mais,  à  mesure  que  lanesthésie  fait 
des  progrès,  la  respiration  reprend  son  rythme  normal.  Ce  n'est 
qu'au  moment  où  Tanesthésie  est  absolue  qu'apparaît  la  respiration 
bruvante  et  stertoreuse,  due  au  relâchement  de  la  glotte  et  qui  est  le 
signe  le  plus  sûr  de  l'anesthésie  complète. 

Action  sur  l'appareil  cardio-vasculaire.  —  Dès  le  début  de 
l'inhalation  du  protoxyde,  le  pouls  s'accélère,  monte  parfois  à 
120  pulsations,  puis  devient  petit  et  se  régularise  avec  tendance  au 
ralentissement.  L'état  de  la  pression  artérielle  a  été  trouvé  difTérent 
par  les  divers  expérimentateurs.  Dans  tous  les  cas,  on  note  une 
hypotension  dès  le  début  de  la  narcose  ;  dans  la  majorité  des  cas, 
abaissement  saccentuant  jusqu'à  la  suppression  du  masque,  suivi 
d'un  relèvement  rapide.  Mais  nombreux  sont  les  tracés,  notamment 
chez  les  artérioscléreux  et  les  éthyliques,  où.  à  l'hypotension  du 
début,  succède  brusquement  un  retour  vers  la  normale,  bien  avant  le 
réveil  (G.  Beltrami). 


ACTIOX  PHYSIOîLOGIQUE  DU  P^IOTOXYDE  D'AZOTE.  33 

Chez  les  animaux,  leâ  résultats  ,oblenus  ont , été  assex  -contradic- 
toires. L^ans  uiii  cas  (Beltrami  et  Reyiiaud),  il  y  avait  Jby.poteusion 
brusque  de  i  à  8  centinaètres  dès  les  premières  inhalations,  avec 
baisse  progressive  jusqu'au  sommeil,  .moment  où  Ton  noXe  en  g-éné- 
l'al  les  chitïres  inférieurs  à  y  et  8  centimètres  ;  puis  la  pressio^n  se 
iredèy-enait  rapidement. 

Des  expériences  de  Georges  Beltrami,  au  contraire,  il  ressort  que 


Fig.  J.  —  Tracé  de  la  pression  artérielle  d'un  chien  pendant  l'anesthésie 
au  protoxyde  dazote. 

la  pression  artérielle  subit  bien  une  légère  chute  au  début,  mais  de 
courte  durée,  car  elle  se  relève  bientôt  pour  ne  plus  se  modifier  pro- 
fondément. Aussi  peutron  se  demander  avec  cet  auteur  s'il  n'v  aurait 
paslieu  de  tenir  compted'une  sorte  desensibilité  individuelle.  Ainsi, 
■  dans  le  tracé  de  la  figure  1,  la  pression  subit  une  légère  augmenta- 
tion :  de  bien  moyenne  ellepasse  à,19.  Au  moment  de-la  cessation  des 
inhalaitons,  il>y.aunechute  assez  brusque,  ramenant  la  pression  peu 
près  à  son  point  de  départ  :  mais  cette  chute  est  suivie  presque  immé- 
diatement d'une  grande  élévation  (25  centimètres),  qui  n'est  que  de 
courte  durée,  la  pression  revenant  peu  après  presque  à  son  point  de 
départ,  pour  subir  encore  une  élévation  assez  importante  et  des  modi- 
fications qui  ne  tardent  pas  à  disparaître  (G.îBeltrami). 

Traité  de  stomatologie.  VI.    —   3 


34  NOGUÉ.  —  A^ESTHESIE. 

Il  est  démontré  aujourdhui  que  le  protoxyde  d'azote  se  dissout 
dans  le  sérum  sanguin  sans  former  aucune  combinaison  chimique. 
Ce  qui  le  prouve,  c'est  ce  fait  clinique  du  retour  presque  instantané  à 
Tétat  normal  dès  que  le  masque  est  enlevé.  La  combinaison  du  pro- 
toxyde avec  Ihémoglobine  indiquée  par  Preyer  n'offre  qu'un  intérêt 
scientifique,  car,  ainsi  que  Va  montré  Dastre,  elle  ne  se  produit  pas 
dans  l'organisme  quand  on  fait  respirer  le  gaz. 

En  outre,  si  l'on  fait  le  dosage  du  gaz  au  moment  de  l'anesthésie, 
on  trojuve  toujours  une  augmentation  de  la  quantité  du  gaz  résiduel 
que  l'on  doit  considérer  comme  de  l'azote.  Au  bout  de  quatre  à  cinq 
minutes,  le  sang-  s'est  complètement  débarrassé  de  cet  excédent 
d'azote.  i 

D'après  les  recherches  de  Maurice  Nicloux,  les  quantités  de 
protoxyde  d'azote  dans  le  sang-  sont  à  peu  de  chose  près  les  sui- 
vantes : 

Az20. 

En  vol.  En  poids, 

c.  c.  tngv- 

Au  seuil  de  l'aneslhésie  (ce  point  est  délicat  à  observer).       20  40 

Au  moment  de  l'anesthésie  déclarée. 25  50 

Au  moment  de  la  mort,  juste  au  moment  qui  précède  la 

syncope  respiratoire 30  60 

Le  tableau  suivant,  que  nous  empruntons  au  même  auteur,  montre 
avec  qu'elle  rapidité  le  protoxyde  d'azote  s'élimine  : 


Temps 

Durée 

Exp.  1. 
de  l'anesthésie 

Exp. 
Durée  de  1' 

II. 
anesthésie 

Ex| 
Durée  de  1 

3.  m. 

l'anesthésie 

compté  depuis 

la  cessalion  de 

l'anesthésie. 

2'  30", 
Sang  arté 
En  volume. 

riel. 

En  poids. 

3'  15". 
Sang  artériel 
En  volume.       En 

i  poids. 

Sang 
En  volume 

30". 
veineux. 

En  poid) 

ce. 

mgr. 

c.  c. 

mgr. 

c.  c. 

mgr. 

0  minute.. . 

23.3 

45,7 

24,0 

47,3 

1S,S5 

37,1 

15  secondes. 

» 

» 

15,45 

30,5 

» 

•      „ 

30  secondes. 

15 

■^9,6 

» 

» 

» 

» 

1  minute... 

)) 

» 

» 

)) 

15,'!^5 

.^0,7 

1   min.  30".. 

» 

n 

1,83 

3,6 

» 

.,  . 

2  minutes.. 

1,7 

3.9 

» 

» 

-. 

» 

2  min.  30''. 

.■ 

» 

» 

» 

5.93 

11,65 

5  minutes. . 

0 

0 

0 

0 

0 

0 

Quant  à  la  teneur  respective  en  protoxyde  d'azote  des  globules 
sanguins  et  du  plasma  pendant  l'anesthésie,  les  expériences 
de  Nicloux  montrent  que  ce  sont  les  globules  qui  en  fixent  le  plus. 

Des  dernières  recherches  du  P'  Livon  (de  Marseille),  rela- 
tées dans  la  thèse  du  D"^  Georges  Beltrami,  il  résulte  que,  chez  les 
chiens  soumis  aux  inhalations  du  gaz,  la  quantité  de  C0^  de  même 
qu'avec  le  chloroforme,  au  lieu  d'augmenter,  diminue  et  la  quantité 
relative  d'oxygène  augmente.  Cette  constatation  montre  que  ce  n'est 
point  à  un  commencement  d'asphyxie  qu'est  due  l'anesthésie,  mais 
bien  à  une  action  sur  le  protoplasma  cellulaire. 


ACTION  PHYSIOLOGIQUE  DU  PROTOXYDE  D  AZOTE.  35 

Action  sur  le  système  nerveux.  —  L'action  sur  le  système 
nerveux  est  assez  variable.  On  peut  affirmer  que  l'excilation  qu'on 
observe  dans  Tanesthésie  par  le  chloroforme  ou  TéHier  est  ici  réduite 
à  son  minimum.  La  plupart  des  sujets  s'endorment  naturellement 
sans  aucun  phénomène  d'agitation.  Cependant,  dans  des  cas  il  est 
vrai  exceptionnels,  chez  des  femmes  très  nerveuses  ou  des  hommes 
alcooliques,  on  peut  observer  une  agitation  parfois  violente. 

Les  phénomènes  psychiques  sont  assez  variables  :  le  patient  très 
souvent  a  la  sensation  d'un  départ  pour  un  lointain  voyage, 
d'être  en  chemin  de  fer,  en  automobile  ;  quelques  femmes  épi-ouvent 
des  sensations  erotiques  ;  les  bruits  environnants  sont  perçus 
pendant  une  grande  partie  de  l'inhalation  du  gaz  et  amplifiés.  Les 
manifestations  violentes  de  quelques  patients  sont  parfois  sous  la 
dépendance  directe  des  phénomènes  psychiques;  nous  avons  eu 
l'occasion  d'anesthésier  plusieurs  fois  une  femme  qui,  à  la  fin  de  cha- 
cune des  opérations,  avait  une  période  d'agitation  violente  avec  cris 
aigus  avant  le  réveil.  Interrogée,  elle  déclarait  ne  pas  se  souvenir 
d'avoir  crié;  mais  chaque  fois  elle  avait  eu  la  sensation  d'être  écrasée 
sous  un  train  ou  sous  une  automobile.  De  là  ses  cris  déchirants  et 
ses  mouvements  désordonnés. 

D'après  nos  observations  personnelles,  la  sensibilité  périphérique 
persiste  ou  revient  alors  que  la  conscience  a  disparu.  Ainsi  il  arrive 
que  le  réflexe  cornéenest  nettement  perceptible,  le  malade  étant  déjà 
dans  le  sommeil  ;  d'autres  fois,  au  contraire,  le  réflexe  a  disparu,  alors 
que  le  patient  ne  dort  pas  encore.  Il  arrive  également  que  la  sensibi- 
lité périphérique  existe,  au  point  de  déterminer  des  mouvements 
de  défense  réflexes  et  même  des  cris,  alors  que  toute  conscience  est 
abolie. 

Voici  comment  le  D'  G.  Beltrami  raconte  les  sensations  par  lui 
éprouvées  pendant  une  anesthésie  expérimentale  : 

«En  manches  de  chemise,  la  ceinture  défaite,  je  m'assieds  commo- 
dément dans  un  large  fauteuil.  Malgré  mon  assurance  complète  en 
l'innocuité  du  protoxyde  que  je  connaissais  et  avais  vu  administrer 
bien  souvent,  je  ne  puis  me  défendre  d'une  légère  émotion,  insépa- 
rable d'une  première  anesthésie,  émotion  rapidement  étouffée  par 
la  volonté  ferme  qu'on  n'en  vît  rien  d'abord  et  par  la  préoccupation 
de  bien  respirer,  ^lon  père,  me  soutenant  la  tète  de  la  main  gauche, 
m'applique  le  masqueinhalateur.  Je  respire  largement,  naturellement, 
sans  excès,  en  fixant  l'espagnolette  de  la  fenêtre  de  la  salle  d'opéra- 
tion. J'entends  le  bruit  de  l'obus  que  l'on  ouvre.  Le  gaz  envahit  et 
distend  le  ballon.  Je  sens  alors  pénétrer  dans  ma  poitrine  une  atmo- 
sphère chaude  et  sucrée,  qui  me  donne  la  sensation  visuelle  de  bleu 
gris.  Mon  père  compte  un  :  je  lève  la  main  gauche  comme  il  était 
convenu.  A  la  troisième  inspiration,  l'image  de  l'espagnolette  se 
trouble,   ses  contours   deviennent    flous   et   bleuissants.    J'entends 


56  NOGUÉ.  —  ANESTHÉSilin:, 

<éîion-cer  deux  :  je  lève  la  main.  Tout  à  coup  un  coup  de  gong  résonne 
à  mes  oreilles,  qui  tintent  aussitôt  en  même  temps  qu'un  bruit  de 
piston  de  machine  à  vapeur  se  fait  entendre  (bruit  que  j'attribue  aux 
battenjents  du  cœur).  Comme  à  travers  un  rêve,  j'ai  la  sensation 
confuse  de  mon  père  qui  compte  trois  :  j'éprouve  cette  fois-ci  une 
certaine  difficulté  à  soulever  la  main,  que  je  sens  engourdie  et  froide. 
Je  perds  bientôt  connaissance  et  crois  être 'dans  un  train  de  chemin 
de  fer  passant  sous  un  tunnel. 

«  Soudain  un  nouveau  coup  de  gong  me  réveille,  et  je  reviens  comme 
lancé  à  travers  le  plancher  au  milieu  de  mes  amis.  Cependant  il 
m'était  encore  impossible  de  remuer  les  mains  restées  froides  et 
humides,  ni  les  membres  inférieurs  paralysés.  Cène  fut  que  quelques 
secondes  après  que  je  pus  me  lever.  Dix  minutes  plus  tard  je  déjeunais 
avec  un  excellent  appétit. 

«Ces  conditions  se  sont  à  peu  près  toujours  réalisées  ainsi,  non 
seulement  plusieurs  fois  sur  moi-même,  mais  encore  sur  les  différents 
membres  de  ma  famille  ou  de  nos  amis  qui  ont  bien  voulu  se  prêter 
à  ces  expériences  scientifiques,  l'esprit  calme,  assurés  de  l'innocuité 
du  gaz  et  avec  la  résolution  d'observer.  » 

Action  sur  l'appareil  digestif.  — Dans  les  nombreuses  anesthé- 
sies  au  protoxyde  d'azote  administré  pur  ou  avec  adjonction  d'oxygène 
que  nous  avons  pratiquées,  nous  n'avons  observé  que  très  rarement 
des  nausées  ou  des  vomissements.  Cependant  ces  accidents,  bien 
qu'exceptionnels,  peuvent  se  produire  pendant  l'administration  du 
gaz  :  aussi  sera-t-il  prudent  de  recommander  aux  patients  de  garder 
la  diète  absolue  ou  du  moins  de  ne  faire  qu'un  repas  très  léger  deux 
heures  avant  de  se  soumettre  à  Topération.  Les  troubles  intestinaux 
n'ont  jamais  été  observés. 

Action  sur  r appareil  urinaire.  —  On  ne  note  jamais,  pendant 
le  sommeil  protoazoté,  d'émission  involontaire  d'urine. 

Dastre,  Laffont  ont  noté,  dans  certains  cas,  l'apparition  de  sucre  et 
d'albumine  dans  les  urines.  Mais  il  s'agissait  là  de  cas  tout  à  fait 
exceptionnels.  G.  Beltrami,  qui  a  répété  ces  expériences  maintes  fois 
sur  lui-même  et  ^ur  des  personnes  de  son  entourage,  n'a  jamais 
observé  la  moindre  modification  qualitative  dans  les  urines  normales. 

Effets  consécutifs  du  protoxyde  d'azote.  —  Parmi  les  millions 
d'anesthésies  faites  au  moyen  du  protoxyde  d'azote,  on  devait  fatale- 
ment déceler  quelques  accidents  attribuables  au  gaz.  D'autant  iplus 
que,pendantlongtemps,  ce  gaz  était  administré  dans  un  état  de  pureté 
fort  problématique.  Quelques  auteurs  ont  noté  l'apparition  acciden- 
telle du  sucre  ou  de  l'albumine  dans  les  urines,  des  troubles  dans  la 
menstruation  chez  une  jeune  fille,  un  avortement  chez  une  jeune 
femme  un  mois  et  demi  après  l'anesthésie,  etc.  Mais,  dans  la  plupart 
des  ctbservations  rapportées,  aucune  preuve  certaine  ne  permet 
d'incriminer  le  gaz.  Toutefois  il  est  possible  que,  dans  des  cas  tout  à 


ANESTHESIE  PAR  LE  PROTOXYDE  DAZOTE  PUR.  37 

fait  exceptionnels,  chez  des  sujets  présentant  une  idiosyncrasie  par- 
ticulière, quelques-uns  de  ces  accidents  aient  pu  ôtre  provoqués  par 
le  protoxycle  dazole. 

Ce  qui  est  bien  plus  certain,  c'est  que  des  millions  d'aneslhésies 
ont  élé  pratiquées  sans  qu'il  ait  été  noté  le  moindre  accident  cousé- 
cutil".  Les  patients  sont  légion  qui  sont  soumis  à  plusieurs  reprises 
à  l'action  du  gaz,  parfoisdansla  même  journée.  Nous  avons,  dans  un 
cas,  anesthésié  cinq  fois  de  suite  un  de  nos  confrères  dans  la  môme 
matinée.  Entre  la  troisième  et  la  quatrième  anesthésié,  ce  médecin 
put  aller  faire  une  consultation  dans  une  mairie  voisine,  puis  revenir 
se  soumettre  deux  fois  encore  à  l'action  du  gaz.  Il  rentra  ensuite  chez 
lui,  déjeuna  et  put  pendant  tout  l'après-midi  visiterses  malades  sans 
le  moindre  trouble. 

Caractéristiques  du  protoxyde  d^azote  employé  comme  anes- 
thésique.  —  Le  protoxyde  d'azote  n'ayant  sur  les  voies  respiratoires 
aucune  action  irritante  ne  saurait  déterminer  de  syncope  laryng-o- 
réflexe  comme  le  chloroforme,  l'éther,  etc. 

Il  est  démontré  aujourd'hui  que  le  gaz  ne  forme  aucune 
combinaison  avec  les  globules  sanguins.  Il  se  dissout  simplement 
dans  le  plasma  et  autres  liquides  de  l'organisme.  Ce  qui  le  prouve 
bien,  c'est  la  facilité  avec  laquelle  disparaissent  tous  les  symptômes 
anesthésiques  dès  qu'on  cesse  son  administration.  Le  patient 
revient  à  lui  presque  instantanément  et  peut  aussitôt  se  lever,  parler, 
marcher,  reprendre  la  vie  normale. 

Enfin  il  est  également  démontré  que  l'action  anesthésique  est 
indépendante  de  l'asphyxie.  Cette  action  anesthésique,  quand  on 
emploie  le  protoxyde  à  la  pression  normale, se  manifeste  chez  l'homme 
au  bout  de  quarante-cinq  à  cinquante  secondes,  tandis  que  les  phéno- 
mènes asphyxiques  ne  s'observent  qu'au  bout  d'une  minute  et 
demie.  Ces  derniers  accidents  d'ailleurs  cessent  dès  qu'on  enlève  le 
masque. 

ANESTHÉSIÉ   PAR  LE  PROTOXYDE  D'AZOTE  PUR. 

Instrumentation.  —  Au  début  de  la  période  anesthésique,  on 
employait  pour  l'administration  du  gaz  un  simple  ballon  muni  d'un 
embout  buccal.  Le  ballon  contenait  la  provision  nécessaire  de  gaz 
pour  une  anesthésié  et  était  séparé  de  l'embout  par  un  simple  robinet 
permettant  l'issue  du  protoxyde.  Comme onle  conçoit,  ce  système  si 
primitif  présentait  de  nombreux  inconvénients.  Le  ballon  pouvait 
être  d'une  contenance  trop  faible  pour  mener  à  bien  l'anesthésie  :  il 
n'avait  guère  que  l'avantage  d'être  portatif  comme  les  ballons  d'oxy- 
gène encore  en  usage  aujourd'hui.  L'embout  buccal  nécessitait 
l'application  exacte  des  lèvres  du  patient  sur  son  pourtour,  sous  peine 
de  laisser  passer  l'air,  application  que  l'opérateur  était  obligé   de 


38 


NOGUÉ.  —  ANESTHESIE. 


maintenir  lui-même  hermétique  avec  ses  doigts  à  un  moment  donné 
de  l'opération.  Il  était  nécessaire  en  outre  de  maintenir  les  narines 
closes  à  l'aide  d'un  pince-nez  spécial. 

L'embout  buccal  fut  bientôt  remplacé  par  un  inhalateur  en  caout- 
chouc couvrant  la  bouche 

et    le     nez,      inhalateur  '^  ^*"*"  '^  '^ 

s'adaptant  au   ballon    et 

contenant   une    soupape        /   MF  \        I  l_J! 

d'expiration.    Le    ballon 
fut    lui-même    remplacé      i,   "m^r-  , .  ^i:;: 

mm 


Fig.  2.  —  Masquede  Carter-liraine 
pour  l'inhala  lion  du  protoxyde 
d'azote. 


Fig.  à.  —  Masque  de  Hewilt. 


par  un  gazomètre  permettant  de  conserver  de  grandes  quantités  de 
gaz,  mais  qui  n'était  plus  portatif. 

Quand  la  liquéfaction  du  protoxyde  d'azote  permit  de  le  conserver 
dans  des  bouteilles  d'acier  etde  le  transporter  facilement,  on  employa 
des  instruments  un  peu  différents. 

Quelques  opérateurs  conservèrent  le  gazomètre.  D'autres  le  rem- 
placèrent par  des  ballons  en  caoutchouc  ou  en  toile  imperméable 
disposés  entre  les  bouteilles  et  l'inhalateur. 

C'est  le  système  généralement  en  usage  aujourd'hui. 

Il  se  compose  de  deux  bouteilles  de  protoxyde  liquide  munies 
chacune  d'un  robinet  pouvant  être  ouvert  et  fermé  à  l'aide  de  la  main 
ou  à  l'aide  du  pied.  Il  est  toujours  prudent  d'avoir  deux  bouteilles 
dans  le  cas  où  lune  des  deux  viendrait  à  être  épuisée  avant  l'obtention 
du  sommeil.  Il  est  également  préférable  que  chacune  des  deux 
bouteilles  ait  un  tube  d'issue  du  gaz,  de  façon  à  n'avoir,  quand  l'une 
est  vide,  qu'à  ouvrir  simplement  le  robinet  de  l'autre  pour  continuer 
Fanesthésie. 

Le  tube  partant  de  la  bouteille  aboutitàun  ballon  d'une  contenance 
de  10  litres  environ.  La  longueur  du  tube  est  telle  que,  les  bouteilles 
étant  posées  à  terre,  le  ballon  se  trouve  à  hauteur  de  la  poitrine  du 
patient  assis  dans  le  fauteuil. 


AMiSTHliSIl-    PAR  LE   PROTOICYDE   DAZOTE  PUR. 


39 


Au  p(Me  opposé  du   ballon,  généralement  de  forme  ovalaire,  se 
trouve  un  ajutage  sur  lequel  s'adapte  Tinhalateur. 

Cet  inhalateur,  dont  la  forme  est  celle  d'un  cornet,  est  en  caoutchouc 
durci  ou  en  celluloïd  transparent.  Sur  tout  son  pourtour  s'applique 
un  petit  boudin  de  caout- 
chouc mou  dans  lequel  on 
insu  file  de  l'air.  Cette 
chambre  à  air  vient  épouser 
d'une  facjon  parfaite  les 
sinuosités  de  la  face  et 
assure  l'application  her- 
métique de  l'appareil. 

Les  inhalateurs  sont 
munis  de  deux  ouvertures 
avec  soupapes  automati- 
(|ues,  l'une  pour  l'aspira- 
tion du  ga/.  venant  du  bal- 
lon, l'autre  pour  le  rejet  à 
l'extérieur  des  produits  de 
la  respiration.  Quelquefois 
l'inhalateur  présente  un 
dispositif  spécial  permet- 
tant l'admission  de  l'air  en 
proportions  graduées. 

Précautions  prélimi- 
naires. —  La  diète,  si  re- 
commandée dans  l'anes- 
tlîésie  avec  le  chloroforme 
ou  l'éther,  n'est  pas  abso- 
lument nécessaire.  Le  pa- 
tient peut  manger  avant  de 
respirer  le  gaz,  mais  il  est 
bon  que  le  repas  soit  léger  et  ait  été  fait  deux  heures  avant  l'opération. 
Une  précaution  indispensable  est  celle  de  s'assurer  que  le  patient 
est  débarrassé  de  tous  les  obstacles  pouvant  gêner  la  respiration: 
faux  col,  cravate,  ceinture  :  chez  les  femmes,  le  corset  doit  être  enlevé. 
Cela  fait,  il  est  bon  de  procéder  à  l'auscultation  des  poumons  et 
du  cœur.  S'il  apparaissait  qu'il  y  eût  une  contre-indication  provenant 
de  l'état  de  ces  organes,  mieux  vaudrait  renoncer  à  l'anesthésie. 
On  conçoit  combien  il  est  donc  préférable  de  procéder  à  cet  examen 
avant  le  moment  même  de  l'opération,  les  jours  précédents  par 
exemple.  Un  dernier  examen  fait  au  moment  même  de  l'anesthésie 
aura  surtout  pour  but  de  réconforter  le  patient  en  l'assurant  du 
parfait  état  de  ses  organes  et  par  suite  de  l'innocuité  absolue  de  ce 
procédé  de  narcose. 


ig.  4.  —  Appareil  à  une  seule    bouteille. 


40  NOG-tE.  —  A:^ÈStHÉSlÊ. 

Les  paroles  d'encouragement  ne  sont  pas  superflues  et  ont  sur  le 
patient  la  plus  heureuse  influence. 

Il  faut  avoir  ffrand  soin  de  vérifier,  avant  de  s'e-n  servir,  lefonction- 
nemenl  de  l'appareil  :  mieux  vaut  que  ces  manœuvres  s'exécutent 
avant  l'heure  fixée  pour  l'opération  et  soient  faites  par  l'opérateur 
lui-même  avec  la  plus  grande  minutie.  S'assure^  ffue  les  bouteilles 
contiennent  une  quantité  suffisante  de  protoxvdeetque  les  soupapes 
remplissent  parfaitement  leur  rôle. 

La  position  assise  est  la  plus  favorable  pour  l'adrainisiration  du 
protoxyde  d'azote.  Il  est  bon  que  la  tète  du  patient  soit  franchement 
appuyée  sur  une  surface  résistante  et  autant  que  possible  calée  afin 
qu'elle  ne  ptiisse  s'incliner  à  droite  ou  à  gauche.  Elle  sera  plus  ou 
moins  penchée  en  avant  selon  qu'il  s'agira  d'intervenir  sur  la  mâchoire 
supérieure  ou  sur  la  mâchoire  inférieure. 

Il  est  prudent  de  placer,  avant  de  commence?  l'anest hésie,  un  bâillon 
muni  d'un  fil  ou  un  ouvre-bouche  'fig.  5  et  &]  ne  pouvant  pas  gêner 
l'application  hermétique  de  l'inhalateur. 

Enfin  il  ne  faut  jamais  opérer  seul.  Sans  insister  sur  des  hallucina- 
tions toujours  possibleschezcertaines  malades,  il  faut  se  rendre  bien 
compte  que  le  même  opérateur  ne  saurait,  sans  la  plus  grande 
imprudence,  pratiquer  lanesthésie  elle-même  avec  toute  l'attention 
nécessaire  et  intervenir  chirurgicalement  en  même  temps.  Qu'un 
accident  survienne  en  effet  dans  ces  conditions,  nul  doule  que  le» 
tribunaux  ne  le  reconnaîtraient  coupable  de  négligence  et.  à  notre 
avis,  avec  juste  raison.  Il  faut  donc  que  le  chirurgien  soit  assisté  d'un 
aide  compétent.  L'un  administre  lanesthésique,  l'autre  pratique 
lopération.  Mais  toute  autre  personne  et  surtout  les  proches  du 
patient  doivent  être  impitoyablement  renvoyés. 

Technique  de  l'anesthésie.  —  Toutes  les  précautions  étanlprises, 
le  masque  est  appliqué  sur  le  visage,  de  telle  sorte  qu'il  s'oppose 
complètement  à  l'entrée  de  l'air.  On  conseille  alors  au  malade  de 
respirer  naturellement,  sans  appréhension  aucune  et  simplement.  A 
ce  moment,  l'air  atmosphérique  pénètre  seul  dans  l'inhalateur.  Malgré 
cela,  il  n'est  pas  rare  de  voir  le  malade  taire  des  inspirations  saccadées, 
rapides  et  même  s'agiter.  Il  faut  alors  l'engager  doucement  au  calme 
et  même  lui  faire  remarquer  qu'il  ne  respire  encore  que  de  l'air  pur. 
Quand  la  respiration  est  devenue  normale,  on  tourne  le  robinet,  qui 
donne  passage  au  protoxyde  et  ferme  l'accès  de  lair^  soit  d'un  seul 
coup,  soit  progressivement. 

Généralement  il  ne  se  produit  à  ce  moment  rien  d'anormal.  La 
respiration  conserve  son  rythme  régulier.  Il  semble  que  le  patient 
n'ait  nullerhenl  conscience  qu'au  lieu  de  respirer  l'air  atmosphérique 
il  respire  le  protoxyde  d'azote.  Le  fait  est  surtout  frappant  chez  les 
enfants,  qui  réagissent  si  violemment  aux  premières  inhalations  de 
chlorure  ou  de  bromure  délhvle. 


ANESTHÉSIIl   par  le  PROTOXYDE  D  azote  pur.  VI 

L'rtnalgt'sie  ne  tarde  pas  à  se  manifester,  en  général  au  llxout  de 
liVMite  à  quarante  secondes  :  chez  un  certain  nombre  de  sujets,  se 
pro<luit  une  agitation  très  légère,  mouvements  des  bras  ou  des 
jambes  :  chez  quelques  aiatres,  les  hommes  alcooliques,  les  femmes 
très  nerveuses,  hystériques,  on  peut  observer  parfois  une  agitation 
violente.  On  a  noté  également  des  rêves  erotiques,  etc. 

Bientôt  après,  vers  la  cinquantième  seconde,  précédant  de  peu  les 
phénomènes  asphyxiques,  survient  Tanesthésie.  Une  cyanose  marquée 

se  manifeste  au  niveau  du  visage 

, '';,'-"-;"'--  et  des  doigts  :  la  respiration  de- 

. *jj^.^ -'''''''"'"  '^'r'"'''^  vient  plus  rapide,  spasmodique, 

i    /''  "  "\     et  s'accompagne  de  mouTemeut» 
■"     saccadés  de  la  léte.  Encore  deux 


Dilatateur  de  Bork. 


¥ig.  6.   —  Ouvre-bouéhe  de  Doyen. 


ou  trois  inhalations,  et  c'est  le  moment  d'enlever  rapidement  le 
masque  et  d'opérer. 

L'anesthésie  vraie  ne  dure  que  quelques  secondes;  mais  il  existe 
une  période  dite  (ïanalgésie  de  retour  (G.  Beltrami),  qui  peut  durer 
une  minute,  pendant  laquelle  le  patient  n'a  pas  la  sensation  de  la 
douleur. 

Le  retour  à  la  conscience  se  fait  peu  à  peu,  sans  phénomènes  d'exci- 
tation, sauf  dans  des  cas  tout  à  fait  exceptionnels.  Mieux  vaut  laisser 
le  patient  se  réveiller  seul  sans  intervenir  en  quoi  que  ce  soit.  Selon 
les  prédispositions  antérieures  du  sujet  (appréhension,  état  de  ner- 
vosisme  particulier,  tempérament  gai  ou  tempérament  triste),  les 
phénomènes  éprouvés  pendant  l'anesthésie  diffèrent.  Il  semble  qu'il 
y  ait  généralement  entre  l'état  psychique  habituel  ou  immédiatement 
antérieur  et  la  narcose  une  relation  étroite. 

C'est  pour  cela  que  les  encouragements  qui  précèdent  l'adminis- 
tration de  l'anesthésique  agissent  si  favorablement. 

Certains  opérateurs  ont  même  pensé  qu'il  serait  utile  de  faire 
intervenir, pour  modifier  l'état  psychique  dupa  tient  pendantla  narcose, 
des  sensations  auditives  d'un  ordre  gai.  On  ne  peut  nier  que  l'idée  ne 


42  NOGUÉ.  —  ANESTHESIE. 

soit  logique  et  ne  sappuie  sur  une  observation  exacte  des  faits.  Il 
s'agissait  de  faire  entendre  au  patient,  pendant  les  inhalations  du 
protoxyde  d'azote,  un  instrument  de  musique  jouant  un  morceau  gai. 
Les  résultats,  d'après  Laborde,  lui  apparurent  suffisamment  probants 
pour  qu'il  proposât  d'essayer  du  même  procédé  dans  les  grandes 
interventions  chirurgicales. 

«  Il  s'agit,  disait-il,  dans  sa  communication  à  l'Académie  (1),  dune 
influence  psycho-physiologique  directement  exercée  sur  les  centres 
perceptifs  des  sensations  auditives  :  sensations  particulières,  dans 
l'espèce  d'ordre  musical,  lesquelles  ont  pour  effet  de  modifier,  dans  un 
sens  favorable,  —  il  est  permis  de  dire  agréable,—  l'action  psychique 
de  la  substance  anesthésiante,  en  substituant  à  la  provocation  du 
rêve  terrifiant  celle  du  rêve  musical,  harmonieux. 

N'est-ce  pas  là  précisément,  —  qu'on  me  permette  cet  à-propos  de 
circonstance  —  n'est-ce  pas  là  le  rêve  de  l'anesthésie  opératoire  ?Non 
seulement  éviter  la  douleur,  objectif  essentiel,  mais  en  plus  donner  à 
l'opéré. des  sensations  agréables  ? 

«Je  me  suis  demandé  dans  cetordre  d'idées,  m'y  croyant  autoijisé, 
s'il  n'y  a  pas  lieu,  à  la  suite  d'ime  démonstration  appuyée  à  la  fois 
sur  des^J'aits  péremptoires  et  sur  une  ^interprétation  rationnelle, 
d'étendre  la  méthode  à  l'anesthésie  o'pératoire  en  général,  même  avec 
l'emploi  des  anesthésiques  habituels  et  classiques,  chloroforme  et 
éther,  dont  l'action,  dans  la  sphère  cérébrale  et  psychique,  engendre 
dès  phénomènes  intéressants  de  nature  à  troubler,  dans  une  mesure 
plus  ou  moins  accentuée,  selon  les  prédispositions  individuelles, 
l'intervention  chirurgicale,  et  à  suggérer  de  sérieuses  préoccupations 
sur  la  possibilité  d'accidents  graves  et  toujours  imminents.  » 


ANESTHESIE  PAR  LE  PROTOXYDE  D'AZOTE  SOUS  PRESSION. 
MÉTHODE  DE  PAUL  BERT. 

La  période  anesthésique  dans  l'administration  du  protoxyde 
d'azote  précède  de  quelques  secondes  l'apparition  des  phénomènes 
d'asphyxie.  De  là  la  nécessité  d'enlever  à  ce  moment  le  masque  et 
d'opérer  aussitôt  et  rapidement,  pendant  cette  courte  période  d'anes- 
thésie  et  la  période  un  peu  plus  longue  d'analgésie  de  retour  qui  lui 
fait  suite.  Delà  cette  conséquence  que  le  protoxyde  d'azote  n'était 
applicable  que  dans  les  opérations  de  très  courte  durée. 

Il  était  cependant  possible,  grâce  à  un  subterfuge,  de  l'utiliser  dans 
la  grande  chirurgie.  Mais  il  fallait  pour  cela,  l'anesthésie  obtenue, 
cesser  l'administration  du  gaz,  laisser  le  patient  respirer  l'air  atmo- 

(1)  Laudroe,  De  rinlervenlion  et  de  rinflucnce  des  sensations  auditives,  en 
particulier  des  sensations  musicales  dans  laneslhésie  opératoire  (Com.  à  VAcad. 
de  méd.  et  Trib.  méd.,  1901). 


ANESTIIKSIE   PAU  LK  PROTOXYDE   D'AZOTE  SOUS  PRESSION       'ùi 

splu'ricjue  ol,  avant  le  ivtour  complet  de  la  conscience,  appliiiuer  de 
nouveau  le  masciue. 

Wells  lui-njème  avait  administré  le  protoxyde  d'azote  dans  les 
oiu«rations  chirnri,ncales.  Le  17  août  18i7,  il  anesthésiait  un  malade, 
tandis  ([ue  le  U'  May  l'opérait  dune  tumeur  du  testicule.  Le  P'  jan- 
vier 1848,  il  faisait  respirer  le  gaz  pour  une  amputation  de  cuisse 
pratiquée  par  le  D'  V.  W.  Ellsworth. 

Lu  France,  de  nombreuses  opérations  furent  pratiquées  en  1877 
dans  le  service  du  D'  Duplay.  On  enleva  une  tumeur  sarcomateuse 
de  la  partie  latérale  de  la  jambe  :  on  pratiqua  un  redressement 
brusijue  du  ii-enou  ;  on  fd  une  dilatation  pour  atrésie  du  col  utérin. 


Fi^ 


Appareil  de  Paul  Bert. 


Marion  Sims,  de  passage  à  Paris,  y  opéra  avec  succès  une  tumeur 
fibreuse  de  l'utérus  chez  une  femme  de  soixante-trois  ans.  Du- 
plav  opéra  des  fistules  à  l'anus. 

Il  était  donné  à  l'illustre  physiologiste  Paul  Bert  de  comprendre 
le  pourquoi  de  cet  effet  asphyxique  du  protoxyde  d'azote  et  d'en 
déduire  une  admirable  méthode  d'anesthésie  générale.  «  Le  fait,  se 
dit-il,  que  le  protoxyde  d'azote  doit  être  administré  pur  signifie  que 
la  tension  de  ce  gaz  doit,  pour  qu'il  en  pénètre  une  quantité  suffisante 
dans  l'organisme,  être  égale  à  1  atmosphère.  Sous  la  pression  normale, 
ilfaut,pourrobtenir,quelegazsoitàlaproportionde  100p.  100.  Mais, 
si  nous  supposons  le  malade  placé  dans  un  appareil  où  la  pression  soit 
poussée  à  2  atmosphères,  on  pourra  la  soumettre  à  la  tension  voulue 
en  lui  faisant  respirer  un  mélange  de  50  p.  100  de  protoxyde 
d'azote  et  de  50  p.  100  d'air  ;  on  devra  donc  obtenir  de  la  sorte 
l'anesthésie,  tout  en  maintenant  dans  le  sang  la  quantité  normale 
d'oxygène  et,  par  suite,  en  conservant  les  conditions  normales  de  la 
respiration.  >>  Celte  remarquable  hypothèse  fut  absolument  con- 
firmée par  l'expérimentation.    Un  animal   soumis  aux  inhalations 


4î  >'OGUÉ.  —  ANESTHÊSIE. 

d'un  mélang-e  de  cinq  sixièmes  de  protoxyde  d'azote  et  de  mi 
sixième  d'oxygène,  sous  la  pression  de  un  cinquième  d'atmosphère, 
tombait  dans  une  anestttésie  profonde.  Aucun  phénomène  d'asphyxie 
ne  se  manifestait. 

Ces  expériences  furent  répétées  parle  D*"  Claude  Martin,  qui  put 
maintenir  un  chien  anesthésié  pendant  deux  heures.  Voici  le  détail 
de  cette  intéressante  observation  (1    : 

«  L'animal  est  introduit  dans  la  cloche  à  cinq  heures  du  soir  ;  celle-ci  est  remplie 
avec  le  mélange  anesthésique  de  Paul Bert (protoxyde  d'azote, 85;  oxygène, 15  par- 
ties). On  élève  progressivement  la  pression  à  110,  115,  120.  Le  sommeil  se  produit 
au  bout  d'une  heure  et  demie.  On  établit  alors  un  débit  d'environ  15  litres  de 
mélange  à  l'heure. 

«  Le  lendemain  matin  à  six  heures  le  sujet  est  bien  anesthésié,  maison  constate 
de  la  dyspnée;  on  fait  alors  passer  en  quelques  minutes  350  litres  d;  mélange 
gazeux.  La  respiration  se  régularise  ;  à  partir  de  ce  moment,  le  débit  est  réglé 
à  25  litres  à  l'heure. 

«  Douze  heures  plus  tard,  la  respiration  est  toujours  calme  et  se  maintient 
ainsi  jusqu'à  la  lin  de  l'expérience,  dont  la  durée  totale  est  de  soixante-douze 
heures. 

«  L'animal  ayant  été  retiré  delà  cloche,  l'on  observe,  au  bout  de  quinze  minutes, 
des  mouvements  des  pattes  antérieures,  les  yeux  s'ouvrent,  le  regard  est  inquiet  ; 
trente  cinq  minutes  après  sa  sortie  de  l'appareil,  il  fait  des  efforts  pour  se  relever, 
il  tremble  comme  s'il  avait  froid.  En  elli-l,  on  constate  un  notable  abaissement  de 
température  ;  le  poil  est  mouillé  ;  le  train  de  derrière  n'obéit  pas,  malgré  les 
eTorts  de  l'animal  pour  se  relever  complètement;  cependant,  si  on  pique  les  pattes, 
quelques  mouvements  se  produisent  après  cinquante-cinq  mmutes  de  séjour  à  l'air 
libre  ;  il  marche  et  obéit  au  commandement.  Il  refuse  le  lait  qu'on  lui  présente. 
L'intelligence  ne  parait  nullement  altérée. 

«  On  le  laisse  en  repos,  et  le  lendemain  matin  à  sept  heures  on  le  trouve  debout  ; 
il  est  très  gai   et  mange  avec  appétit:  rien  d'anormal. 

«  Il  convient  de  faire  remarquer  que,  si  l'anesthésie  n'a  été  produite  qu'au  bout 
d'une  heure  et  demie,  c'est  qu'il  a  fallu  éliminer  progressivement  l'air  contenu 
dans  la  cloche.  L'anesthésie  une  fois  obtenue,  la  pression  a  été  ramenée  à  110  et 
maintenue  à  ce  degré  jusqu'à  la  fin  de  l'expérience. 

«  Une  bouillie  de  chaux  avait  été  placée  dans  la  cloche  pour  absorber  l'acide 
carbonique,  lequel  était  d'ailleurs  enlevé  en  majeure  paitie  par  le  débit  gazeux, 
qui  a  été  de  2  500  litres  pour  la  durée  totale  de  l'expérience.  » 

La  première  application  de  cette  méthode  à  la  chirurgie  humaine 
fut  faite  le  13  février  1879.  L'observation  mérite  d'être  résumée 
(Rotlenstein). 

Il  s'agissait  de  l'extirpation  d'un  ongle  incarné  avec  ablation  de  la 
matrice  de  l'ongle.  La  malade  était  unejeunefdle  de  vingt  ans  très  timo- 
rée et  très  nerveuse.  La  malade,  M.  Labbéet  ses  aides,  entrèrent  dans 
la  grande  chambre  en  tôle  de  l'établissement  du  D'  Daupley,  où  la 
pression  de  l'air  fut,  en  quelques  minutes,  augmentée,  sous  courant 
de  O",  17  (pression  totale,  0'",92).  La  malade  s'étendit  sur  un  matelas, 
et  Preterre  lui  appliqua  sur  la  bouche  et  sur  le  nez  l'embouchure 
à  soupapes  quon  a  coutume  d'employer  pour  l'inhalation  du  pro- 
toxyde d'azote  pur;  ici,  le  sac  avec  lequel  elle  communiquait  était 

(1)  Cl.  Martin,  Sur  l'anesthésie  prolongée  et  continue  par  le  mélange  de  pro- 
toxyde d'azote  et  d'oxygène  sous  pression  (méthode  de  Paul  Bert  {Acal.  des 
sciences,  janv.  18S8). 


ANESTHESIK   PAR  LE  PROTOXYDE  D'AZOTE  SOUS  PRESSION.     45 

l'empli  (l'un  irx'lani^e  contenant  85  de  protoxyde  d'azote  et  10  dox}- 
^ène.  Je  tenais,  dit  Paul  Bert,  l'un  des  bras  de  la  malade, 
dont  le  pouls  était  assez  rapide,  lorsque  soudain,  sans  qu'aucun 
changement  dans  le  pouls,  dan«  la  respiration,  dans  la  couleur  de  la 
peau,  dans  l'aspect  du  visage  nous  eût  avertis,  sans  qu'aucune 
raideur,  aucune  agitation,  aucune  excitation  se  fût  produite,  lorsque, 
dis-;e,  dix  à  quinze  secondes  après  la  première  inspiration  du  gaz 
anestliésique,  je  sentis  le  bras s'alîaisser  complètement.  L'insensibilité 
©t  la  résolution  musculaire  étaient  obtenues;  la  cornée  elle-même 
pouvait  être  impunément  touchée.  L'opération  commen(ja  aussitôt, 
et  le  pansement  suivit,  sans  un  seul  mouvement  delà  patiente,  qui 
dormait  du  plus  calme  sommeil  :  le  pouls  était  revenu  à  un  chiffre 
normal. 

Au  bout  de  quatre  minutes,  au  moment  où  .M.  Labbé  terminait 
le  pansement,  survinrent  de  légères  contractores  dans  un  bras, 
puis  dans  une  jambe. 

Tout  était  fini  ;  on  enleva  l'embouchure  et  aussitôt  la  contracture 
cessa.  Pendant  trente  secondes,  le  malade  continua  à  dormir;  puis, 
quelqu'un  lui  ayant  i'rappé  sur  l'épaule,  elle  s'éveilla,  nous  regarda 
d'un  air  étonné,  se  mit  sur  son  séant  et  soudain  s'écria  que  son  pied 
lui  faisait  bien  mal,  assez  mal  pour  qu'elle  se  mita  pleurer  pendant 
plusieurs  secondes.  Interrogée,  elle  déclara  se  trouver  fort  bien,  sans 
aucun  malaise,  et  fort  désireuse  de  manger,  car,  dans  sa  terreur, 
elle  n'avait  ni  déjeuné  le  matin,  ni  dîné  la  veille.  Elle  déclara, 
de  plus,  n'avoir  rien  senti,  rien  rêvé,  mais  se  rappeler  qu'aux  pre- 
mières inhalations  du  gaz  elle  éprouva  un  grand  bien-être, 
qu'il  lui  semblait  monter  au  ciel  et  «  qu'elle  voyait  bleu  avec  des 
étoiles  ». 

Cela  dit,  elle  se  leva,  regagna  à  pied  la  voiture  qui  devait  la 
ramener  à  l'hôpital  et  se  plaignit  tellement  de  la  faim  en  roule 
qu'il  fallut  s'arrêter  pour  la  faire  manger.  Elle  n'eut,  du  reste,  aucun 
accident  consécutif. 

Un  grand  nombre  d'opérations  furent  pratiquées  par  Péan  et  le 
D""  Léon  Labbé.  On  utilisa  d'abord  l'une  des  cloches  à  air  comprimé 
de  l'établissement  aérothérapique  du  D''  Fontaine,  ensuite  une 
cloche  mobile  que  ce  dernier  tit  construire  et  qu'il  transportait 
dans  les  hôpitaux.  Plus  tard  une  cloche  fut  installée  à  l'hôpital 
Saint-Louis. 

Cette  cloche  communiquait  de  plain-pied  avec  la  salle  d'opération 
•et  était  munie  de  tous  les  perfectionnements  nécessaires  :  double 
porte  avec  antichambre  intermédiaire,  formant  écluse  et  destinée  à 
empêcher  la  décompression  au  moment  de  l'entrée  et  de  la  sortie 
des  malades:  lumière  électrique  pour  suppléer,  au  besoin,  à  l'insul- 
fisance  des  hublots  ;  téléphone  permettant  de  communiquer  avec 
l'extérieur  et  de  donner  des  ordres  pour  la  décompression  et  l'aéra- 


46  XOGUÉ.  —  ANESTHÉSIE. 

lion,  raanouH'tre  permettant  de  surveiller  à  tout  moment  la  ten- 
sion, etc.  La  compression  était  etTectuée  par  une  force  motrice 
installée  au-dessous  delà  cloche. 

L'anesthésie  survenait  avec  la  plus  grande  facilité  et  dans  un 
temps  très  court,  variant  de  quinze  secondes  à  deux  minutes.  On 
n'observait  aucune  période  d'excitation.  Le  patient  n'éprouvait  aucune 
sensation  de  suffocation  ;  il  n'y  avait  ni  nausées  ni  vomissements. 
Les  pulsations  du  pouls  s'accéléraient  au  début  des  inhalations  pour 
revenir  à  la  normale  quand  la  narcose  était  complète  et  s'accélérer 
de  nouveau  au  réveil  pour  se  calmer  peu  après.  Les  mouvements 
respiratoires  s'accéléraient  également  au  début.  On  avait  observé 
quelquefois  des  contractures  des  membres  :  cela  tenait  à  ce  que  le 
protoxyde  d'azote  n'était  pas  à  une  tension  suffisante.  Il  suffisait  alors, 
pour  faire  disparaître  ces  phénomènes,  d'augmenter  la  pression  dans 
la  cloche  de  2  à  3  centimètres,  ce  qui  se  faisait  avec  la  plus  grande 
facilité. 

Le  retour  à  la  sensibilité  avait  lieu  en  une  minute  environ,  sans 
aucune  sorte  de  malaise,  même  si  l'anesthésie  avait  duré  près  d'une 
demi-heure.  Il  n'était  pas  rare  de  voir  les  patients  se  lever  d'eux- 
mêmes  et  marcher  dès  le  réveil. 

ANESTHÉSIE      PAR      LE    PROTOXYDE     D'AZOTE     ET      L'OXYGÈNE 
A    LA  PRESSION    NORMALE. 

Malo-ré  les  résultats  obtenus  par  l'anesthésie  sous  pression,  l'instal- 
lation d'appareils  encombrants  devait  fatalement  pousser  les  expéri- 
mentateurs à  simplifier  l'administration  du  gaz.  Paul  Bert.  poursuivant 
ses  recherches,  obtint  le  sommeil  chez  les  animaux,  en  administrant 
le  protoxyde  d'azote  et  l'oxygène  à  la  pression  normale. 

Dans  une  communication  faite  le  12  mai  188.3  à  la  Société  de  bio- 
loo-ie,  il  démontra  qu'en  administrant  dabord  du  protoxyde  d'azote 
pur,  puis  un  mélange  de  protoxyde  d'azote  et  d'oxygène  dans  des 
proportions  voisines  de  celles  où  se  trouvent  dans  l'air  l'azote  et 
l'oxvgène  et  en  redonnant  du  protoxyde  d'azote  pur  dès  que  le  réveil 
est  imminent,  on  pouvait  maintenir  un  chien  profondément  anes- 
thésié  pendant  trente-cinq  minutes. 

Aubeau  reprit  ces  expériences  sur  les  animaux  et  sur  l'homme  et 
arriva  aux  conclusions  suivantes  : 

1°  Il  existe  des  mélanges  de  protoxyde  d'azote  et  d'oxygène  anes- 
Ihésiques  demblée  à  la  pression  normale,  mais  ces  mélanges  sont 
dangereux  :  on  ne  peut  les  faire  inhaler  à  des  chiens  plus  de  vingt 
à  trente  minutes  sans  les  exposer  à  la  mort  ; 

2"  En  aneslhésianl  d'abord  l'animal  avec  le  protoxyde  d'azote  pur, 
et  en  lui  administrant  ensuite  un  mélange  de  protoxyde  d'azote  et 
d'oxygène,  on  peut  prolonger  l'anesthésie  sans  danger; 


ANESTHÉSIE  PAR  Ll£  PROTOXYDE  D'AZOTE  ET  L'OXYGENE.     '»7 

3°  La  prolongation  de  TanesLliésie  est,  en  p;ireil  cas,  inversement 
proportionnelle  ii  la  richesse  du  mélange  en  oxygène,  el  cela  suivant 
une  progression  arillunélique  des  plus  simple,  qui  prend  les  carac- 
tères d'une  véritable  loi. 

L'anesthésie  étant  obtenue  à  Faide  du  protoxyde  da/.ole  pur  : 

a.  Si  Ton  administre  un  mélange  contenant  40  litres  d'oxygène 
et  lOi)  litres  de  protoxyde  d'azote,  l'anesthésie  se  prolonge  pendant 
trois  minutes  et  l'animal  se  réveille  spontanément  et  instantanément, 
même  si  l'on  poursuit  les  inhalations  ; 

b.  Si  l'on  donne  un  mélange  contenant  20  litres  d'oxygène  et  100  litres 
de  protoxyde  d'azote,  l'anesthésie  se  prolonge  pendant  six  minutes  ; 

Réveil  spontané  et  instantané,  malgré  la  continuation  des  inha- 
lations; 

c.  Si  l'ondonne  un  mélange  contenant  10  litres  d'oxygène  et  100  litres 
de  protoxyde  d'azote,  l'anesthésie  se  prolonge  pendant  six  minutes. 
Réveil  spontané  ; 

d.  Si  l'on  donne  un  mélange  contenant  5  litres  d'oxygène  et  lOOliires 
de  protoxyde  d'azote,  l'anesthésie  se  prolonge  pendant  vingt-quatre 
minutes.  Réveil  spontané; 

e.  Si  l'on  donne  un  mélange  contenant  2', 5  d'oxygène  et  100  litres 
de  protoxyde  d'azote,  l'anesthésie  se  prolonge  pendant  quarante- 
huit  minutes.  Ce  mélange  est  très  dangereux  :  on  ne  peut  conduire 
l'expérience  à  bonne  fin  qu'à  la  condition  d'interrompre-  trois  ou 
quatre  fois  les  inhalations  pour  permettre  à  l'animal  de  respirer  de 
l'air  pur;  si  l'on  ne  prend  cette  précaution,  l'animal  meurt  au  bout 
de  trente-cinq  à  quarante  minutes. 

Deux  litres  d'oxygène  et  100  litres  de  protoxyde  d'azote  sont  anes- 
thésiques  d'emblée  pour  les  chiens,  mais  ils  ne  sauraient  être 
employés  sans  danger. 

Les  expériences  que  nous  avons  faites  sur  nous-même  et  sur 
quelques  patients  donnèrent  des  résultats  analogues;  aussi  pouvions- 
nous  annoncer  que,  si  les  expériences  ultérieures  confirmaient  les 
nôtres,  cette  nouvelle  méthode  d'anesthésie  présenterait  les  avan- 
tages suivants  : 

1»  Tous  les  bénéfices  de  l'anesthésie  au  protoxyde  d'azote  ; 

2»  Choix  d'un  mélange  plus  ou  moins  riche  en  oxygène,  suivant  que 
l'opération  devi'a  durer  moins  ou  plus  longtemps  ; 

3°  Sécurité  absolue,  puisque  le  réveil  se  produit  spontanément, 
bien  que  l'on  continue  les  inhalations. 

Le  D'  Klikowitsch  (de  Saint-Pétersbourg)  montra  également  que 
le  mélange  de  Paul  Bert  pouvait  s'administrer  à  la  pression  nor- 
male, surtout  dans  l'anesthésie  obstétricale  et  qu'il  donnait  les  meil- 
leurs résultats  (1). 

(1)  Klikowitsch,  Arch.  fiir  Gynakoloifie,  t.  XVIII. 


^8 


KOGUE. 


ANEST-HE6IE. 


Swiecicki  (de  Posen)  a  fait  préparer   un  mélange  gazeux  (4  5  de 

protoxyde  et  1/5  d'oxygène)  condensé   dans  une   bouteille  en  fer. 

«Cette  bouteille  contient  iiiO  litres  du  mélange. 

Hillischer  (de  Vienne)  (1)  emploie  dans  les -opérations  dentaire^s  le 

mélange  de  protoxvde  d'azote  et  d'oxygène,  mais  il  recommande  de 

diminuer  la  propor- 
tion d'oxygène  à  10 
p.  100.  Il  donne  à  ce 
mélange  le  nom  de  gr«s: 
(.omnifère  (Schlafgas). 
L'appareil  se  compose 
de  deux  soufflets  posés 
sur  une  table,  Tmipour 
le  protoxyde,  l'autre 
pour  l'oxygène  prove- 
nant des  bouteilles 
fixées  à  côté.  Un  robi- 
net spécial,  dit  sys- 
tème à  mélange  p.  100, 
permet  de  mélanger 
les  deux  gaz  en  pro- 
portions voulues. 

En  Angleterre,  le 
D'  F.  Hewitt  com- 
mença des  recherches 
«ur  le  même  sujet  e© 
1886,  recherches  qui 
aboutirent  à  la  con- 
struction d'un  appareil 
très  pratique,  permet- 
tan!  l'administration 
du  .protoxyde  d'azote 
avec  des  proportions 
d'oxygène  variables  au 
gré  de  l'opérateur. 

Cet  appareil  com- 
prend : 

1°    Deux  récipients 

en  acier  pour  le  protoxyde  d'azote  liquide  et  un  récipient  pour  l'osy. 

'^ène  com^primé  ; 

2°  Deux  ballons  en  caoutchouc,  l'un  pour  le  protoxyde  et  l'autre 

-pour  l'oxygène,  — ballons  accolés  l'un  à  l'autre  afinqu'il  soit  facile  de 

les  maintenir  pendant  l'anesthésie  dans  un  égal  degré  de  distension  ; 


Fig.  8.  —  L'appareil  de  Ilewitt,  pi-ct  à  foiiclionner. 


(1)  Hii-LiscHiiu,  Soc.  de  inéd.  de   Vienne,  27  mai  4*87. 


ANESTHÉSIE  PAR  LE  PROTOXYDE  D'AZOTE  ET  L'OXYGENE.     49 

3»  De  deux  tubes,  Tun  dans  rintérieur  de  l'autre,  conduisant  res- 
pectivement Toxygène  et  le  protoxyde  des  récipients  aux  ballons  de 
caoutchouc  ; 

i"  Une  chambre  dans  laquelle  se  mélangent  les  deux  gaz  en  pro- 
portions déterminées  parle  jeu  d'un  régulateur  ; 

j'^Ln  régulateur  qui  permet  de  découvrir  1,  2,  3...,  10  petits  trous 
et  par  suite  laisse  pénétrer  dans  la  chambre  de  mélange,  1,  2,  3..., 
10  parties  d'oxygène.  Une  petite  virole  spéciale  permet  de  donner  un 
plus  large  accès  à  l'oxygène  et  d'obtenir  10,  12,  14,  etc.,  et  20,  22..., 
40  p.  100  ; 

()°  Des  valves  disposées  de  telle  sorte  que  les  produits  de  l'expira- 
tion pulmonaire  sont  rejetés  au  dehors  ; 

7°  Un  inhalateur  qui  s'applique  sur  la  face  et  empêche  la  pénétra- 
tion de  l'air. 

Le  patient  peut  être  assis  sur  un  fauteuil  quelconque  ou  couché 
dans  son  lit.  Si  la  chose  est  possible,  mieux  vaut  administrer  le  gaz 
trois  à  quatre  heures  après  le  repas. 

Une  précaution  indispensable  est  de  bien  s'assurer  qu'il  n'existe 
aucune  sorte  d'obstacle  aux  libres  mouvements  respiratoires  :  le  col 
est  largement  desserré,  le  corset  enlevé.  Les  paroles  habituelles 
d'encouragement  et  de  confiance  sont  adressées  au  malade.  La  pré- 
sence d'amis  peut  à  la  rigueur  être  tolérée  si  le  sujet  en  fait  la  prière  ; 
mais,  comme  les  personnes  étrangères  ne  peuvent  être  d'aucune  uti- 
lité et  peuvent  se  laisser  émotionner  sans  raison,  mieux  vaut  les  prier 
de  se  tenir  dans  une  pièce  voisine. 

Après  avoir  vidé  les  deux  ballons  par  compression,  on  tourne  dou- 
cement la  clef  du  siphon  d'oxygène,  de  façon  à  permettre  son  passage 
dans  le  ballon  qui  lui  est  réservé;  on  en  fait  de  même  pour  le  pro- 
toxyde d'azote.  La  clef  qui  commande  l'échappement  des  gaz  se 
tourne  très  facilement  avec  le  pied. 

Lappareil  est  prêt  à  fonctionner.  L'inhalateur  est  soigneusement 
appliqué  sur  la  face  du  patient,  auquel  on  recommande  de  respirer 
naturellement. 

Les  deux  ballons  sont  alors  également  distendus.  Mais  l'aiguille 
du  régulateur  est  sur  le  mot  «  air  ».  Le  malade  respire  en  ce  moment 
l'air  extérieur.  Quelques  inspirations  permettent  à  l'opérateur  de  se 
rendre'compte  du  parfait  fonctionnement  des  valves. 

L'aiguille  de  l'indicateur  est  alors  placée  surle  chiffre  2.  Le  patient 
respire  alors  un  mélange  de  2  parties  d'oxygène  p.  100  de  protoxyde 
d'azote. 

L'opérateur,  à  l'aide  du  pied,  permet  l'arrivée  dans  le  ballon  du 
protoxyde  d'azote,  de  façon  à  maintenir  les  deux  ballons  dans  un  égal 
état  de  distension.  La  dépense  d'oxygène  étant  minime  par  rapport 
à  celle  du  gaz  hilarant,  c'est  la  clef  de  ce  dernier  qu'il  faut  manœu- 
vrer en  permanence. 

Traité  de  stomatologie.  VI.    —   4 


50 


NOGUE.  —  AXESTHÉSIE. 


Dès  la  troisième  ou  la  quatrième 
inspiration,  l'indicateur  est  porté  sur 
le  chiffre  4,  puis  après  quelques  autres 
inspirations  sur  le  chift're6,la  disten- 
sion des  ballons  étant  toujours  soi- 
gneusement maintenue  égale.  Las- 
pect  du  malade  guide  alors  l'opéra- 
teur. Donner  trop  doxygène,  c'est 
risquer  de  produire  un  peu  d'excita- 
tion ;  n'en  pas  donner  assez,  c'est 
risquer  de  voir  apparaître  un  peu  de 
cvanose.   C'est    entre   ces  deux  ex- 


Vi'^.  9.  —  Réjiulaleur  et  chambre  de  mé- 
lange des  gaz. 

N'OT,  tube  auquel  s'attache  le  ballon  de 
protoxyde  :  XOO,  orifice  de  ce  tube  dans  la 
chambre  de  mélantre  des  gaz  :  OT,  tube  au- 
quel s'attache  le  ballon  do.xygène  ;  OC,  pe- 
tite chambre  à  oxygène  dans  laquelle  le  tube 
OT  vient  aboutir  :  00,  petits  orifices  situés 
entre  la  chambre  à  oxygène  et  la  chambre 
de  mélange  des  gaz.  Il  existe  10  trous,  mais 
dans  la  figure  on  n'en  voit  que  .S  ;  iv,  iv', 
valves  empêchant,  dans  l'expiration,  les  gaz 
de  refluer  vers  les  ballons  de  caoutchouc; 
AH,  ouverture  donnant  accès  à  l'air;  IV, 
valve  inspiratrice  :  E\',  valve  expira trice 
avec  sa  cheminée  C  :  PD.  diaphragme  partiel 
servant  à  dirigei-  l'air  expiré  sur  la  valve 
expiratrice  EV  :  ID.  tambour  intérieur  qu'on 
tourne  à  l'aide  de  la  manivelle  H  et  qui  a 
une  grande  partie  de  sa  circonférence  taillée 
en  rainure  S.  La  poignée  H  est  prolongée 
en  pointe,  servant  d'indicateur. 
Sur  la  circonférence  du  régulateur  et  de  la  chambre  de  mélange,  sont  gravés 
les"  mots  «  Air  »,  «  N^O  »  et  «  N^O-f-O  ».  On  voit  également,  le  long  de  la  marque 
N-O+O,  les  chiflres  de  1  à  10 

Quand  l'indicateur  est  sur  le  mot  AIR,  la  rainure  S  du  tambour  inté- 
rieur ID  laisse  passer  l'air  extérieur  à  travers  AH  et  IV  pendant  l'inspiration. 
Mais,  comme  le  restant  de  ce  même  tambour  couvre  les  orifices  NOO  et  00, 
le  patient  ne  peut  respirer  autre  chose  que  de  l'air.  Quand  l'indicateur  est 
porté  sur  X^O,  le  tambour  ferme  AH  et  ouvre  NOO,  l'orifice  de  l'oxygène 
restant  toujours  fermé.  Le  patient  respire  alors  du  protoxyde  d'azote  pur.  Quand 
l'indicateur  est  porté  sur  le  chiffre  1,  l'orifice  du  protoxyde  reste  toujours  ouvert; 
mais  en  outre  l'orifice  de  l'oxygène  est  découvert  par  cette  révolution  du  tambour. 
Quand  on  passa  au  chiffre  2,  deux  orifices  d'o.xygène  sont  découverts,  et  ainsi  de 
suite  jusquà  10,  l'orifice  du  protoxyde  restant  toujours  ouvert. 

Un  dispositif  récent  du  D""  Hewitt  permet,  à  l'aide  d'un  petit  robinet,  l'ou- 
verture de  deux  trous  spéciaux,  chacun  ayant  le  même  calibre  que  l'ensemble  des 
10  petits  trous.  Le  petit  robinet  porte  les  deux  chitTres  10  et  20.  Ouvre-t-on  l'un 
de  ces  trous  en  tournant  le  robinet  sur  le  chiffre  10,  on  peut  obtenir,  en  y  ajou- 
tant la  manfcuvre  du  régulateur  ordinaire,  les  pourcentages  de  10,  11,  12,  13,  etc., 
p.  100  d'oxygène  et,  si  on  met  le  robinet  sur  le  chiffre  20  en  agissant  de  même, 
les  pourcentages  d'oxygène  de  20,  21,  22,  23...  30  p.  100. 


ANESTHESIE  PAR  LE  PROTOXYDE  D'AZOTE  ET  L'OXYGÈNE.     51 

trêmes  qu'il  faut  évoluer.  La  pratique  seule  permet  d'obtenir,  selon 
les  sujets,  un  résultat  parfait. 

L'auesthésie  survient  au  bout  de  deux  à  trois  minutes.  Elle  se  mani- 


Fig.  10.  —  Appareil  à  gaz   somnifère  (Schlafgas)  de  GeseU. 

feste  par  l'abolition  des  réflexes  conjonctival  et  cornéen,  par  la  fixité 
du  globe  oculaire  et  par  une  respiration  ronflante. 

S'agit-il  d'une  opération  de  courte  durée,  on  enlève  le  masque  ; 
l'anesthésie  absolue  persiste  pendant  une  minute  environ,  parfois 


Fig.  11,  —  Système  à  mélange  de  Gesell. 

davantage.  Ceci  est  la  règle  dans  les  opérations  dentaires,  les  opé- 
rations pratiquées  dans  la  cavité  buccale,  les  interventions  sur  le 
pharynx,  le  naso-pharynx  et  le  nez.  Il  n'en  saurait  être  autrement, 
puisque  l'inhalateur  serait  pour  l'opérateur  un  obstacle  absolu. 


52  NOGUÉ.  —  ANESTHÉSIE. 

Mais,  s'il  s'agit  d'opérations  pratiquées  sur  d'autres  parties  du 
corps,  l'inhalatioa  du  gaz  peut  être  prolongée  et,  par  suite,  l'anesthé- 
sie  maintenue  pendant  un  temps  plus  long. 

Le  réveil  survient,  rapide  et  sans  troubles.  Chez  les  femmes  ner- 
veuses, parfois  se  manifeste  un  peu  d'excitation  qui  se  traduit  par 
quelques  larmes.  Le  patient  se  lève  de  suite  et  peut,  sans  inconvénient, 
regagner  au  bout  de  quelques  minutes  son  domicile.  Il  ne  ressent 
après  l'anesthésie  par  le  protoxyde  d'azote  et  l'oxygène  aucun  des 
troubles  parfois  si  pénibles  qui  suivent  la  narcose  par  le  chloroforme 
ou  l'éther. 


ANESTHÉSIE  PAR  LE  PROTOXYDE  D'AZOTE  ET  L'AIR 
ATMOSPHÉRIQUE. 

Il  était  naturel  de  chercher  si  l'air  atmosphérique  ne  pouvait  pas, 
dans  une  certaine  mesure,  remplacer  l'oxygène.  On  peut  dire  que  la 
chose  est  possible,  malgré  toutes  les  affirmations  contenues  dans  la 
plupart  des  livres  classiques  qu'il  faut,  pour  obtenir  l'anesthésie, 
employer  le  protoxyde  absolument  privé  d'air.  La  difficulté  est  de 
savoir  doser  l'entrée  de  l'air. 

On  a  imaginé  pour  cela  des  masques  spéciaux.  Tel  est  celui  de 
Carter-Braine,  qui  peut  s'adapter  sur  l'appareil  de  Dudley-Buxton  et 
qui  comporte  une  petite  tubulure  percée  de  six  trous.  Un  petit 
couvercle  la  ferme  et  permet,  grâce  à  une  fente,  de  mettre  à  découvert 
le  nombre  de  trous  voulu.  On  fait  respirer  pendant  deux  ou  trois 
inspirations  du  protoxyde  d'azote  pur,  puis  on  ouvre  un  ou  deux  trous, 
de  façon  à  laisser  pénétrer  l'air. 

Il  est  possible  de  faire  entrer  l'air  d'une  manière  intermittente,  et 
alors  il  n'est  plus  besoin  d'un  masque  spécial.  Dès  que  le  patient 
a  fait  quelques  inhalations  de  protoxyde  d'azote  pur,  on  ferme  le 
robinet  et  on  laisse  entrerl'air.  On  permet  ainsi  une  inspiration  d'air 
pur  pour  trois  à  quatre  inspirations  de  protoxyde.  L'anesthésie 
survient  ainsi  et  ne  s'accompagne  pas  de  cyanose. 

ADMINISTRATION  DU  PROTOXYDE  D'AZOTE  PAR  LA  VOIE  NASALE. 

Dans  les  opérations  qui  portent  sur  la  bouche,  pour  lesquelles 
d'ailleurs  le  protoxyde  d'azote  est  surtout  employé,  il  faut  de  toute 
nécessité  enlever  le  masque  pour  opérer.  Or,  dès  que  le  masque  est 
enlevé, lepatientrespirel'airambiantetse réveille.  Un  moyen  s'offrait 
de  prolonger  l'anesthésie,  c'était  de  faire  pénétrer  le  gaz  dans 
les  poumons  par  la  voie  nasale. 

Pour  cela,  on  a  imaginé  des  embouts  spéciaux  pouvant  s'a- 
dapter dans  l'orifice  des  narines  et  permettre  l'inhalation  par  ces 
conduils. 


ADMINISTRATION  DU  PROTOXYDE  PAR  LA  VOIE  NASALE.     53 

F.  Trevvby  (1)  pense  que  la  cyanose,  qu'on  observe  souvent 
dans  lanesthésie  par  la  voie  nasale,  est  due  à  un  effet  mécanique 
sous  la  dépendance  de  la  forme  et  de  la  dimension  du  voile  du  palais 
et  de  la  langue. 

Chez  certains  sujets,  le  voile  du  palais  viendrait  au  contact  avec 
la  langue,  mettant  obstacle  à  l'expiration  par  la  voie  buccale  :  dans  la 

majorité  des  cas  même  à 
une  certaine  période  de 
l'administration  du  gaz,  ce 
contact  se  produirait,  don- 
nant lieu  à  l'obstruction 
buccale   et,   par  suite,   ren- 


Fig.  12.  —  Appareil  de  M.  F.  Trevvby  pour 
l'administration  buccale  et  nasale  du 
protoxyde  d'azote. 


13.  —  Administration  nasale 
du  praz. 


dant  la  voie  nasale  seule  perméable.  De  là  la  nécessité  de  munir 
le  masque  nasal  d'une  valve  expiratrice  sous  peine  de  déterminer 
la  cyanose. 

INDICATIONS  ET  CONTRE-INDICATIONS  DU  PROTOXYDE 
D'AZOTE.  —  SON  INNOCUITÉ. 

Ni  le  jeune  âge  ni  la  vieillesse  ne  sont  un  obstacle  absolu  à  l'admi- 
nistration du  protoxyde  d'azote.  On  peut  faire  respirer  le  gaz  à  des 
enfants  de  deux  et  trois  ans  ;  nous  l'avons  personnellement  souvent 
administré  à  des  enfants  de  deux  à  dix  ans  pour  l'ablation  des  végé- 
tations adénoïdes  ou  pour  des  extractions  dentaires.  Il  a  été  maintes 
fois  donné  à  des  vieillards  de  soixante  à  soixante-quinze  ans. 

(1)  Trevvby,  The  causes  of  obstruction  producing  cyanosis  during-  the  nasal 
administration  of  nitrous  oxide  (The  Brit.  med.  Joiirn.,  24  juillet  1909). 


54  NOGUÉ.  —  ANESTHESIE. 

Les  jeunes  filles,  pendant  leurs  périodes  cataméniales,  les  femmes 
en  élat  de  grossesse  le  supportent  admirablement. 

Des  tuberculeux,  des  cardiaques,  des  diabétiques  ou  albuminu- 
riquesontété  fréquemment  endormis  sans  le  moindre  accident. 

On  ne  saurait  cependant  se  départir  dune  grande  prudence  quand 
il  s'agit  de  malades  atteints  d'atïections  cardiaques  graves,  surtout 
de  troubles  mitraux. 

Il  faut  aussi  se  méfier  beaucoup  des  personnes  obèses. 

Les  emphysémateux  et  les  bronchitiques  sembleraient  supporter 
très  bien  ladministration  du  gaz  et  paraîtraient  même  en  éprouver  un 
efl'et  calmant. 

Les  alcooliques  et  les  hystériques  ofTrent  des  périodes  d'excita- 
tion parfois  violentes,  mais  le  gaz  n'est  nullement  contre-indiqué 
chez  eux. 

Absolument  d'accord  avec  le  D"^  G.  Beltrami,  nous  attribuons 
une  très  grande  importance  au  facteur  moral,  la  peur.  «  Susceptible 
de  causer  la  mort,  la  peur  donne  toujours  une  allure  particulière  à 
lamarchede  l'anesthésie.  Il  est  juste  dédire  qu'elle  est  plus  fréquente 
chez  Ihomme  que  chez  la  femme.  Chez  les  uns  comme  chez  les  autres, 
elle  affecte  deux  types  cliniques.  Dans  un  cas,  la  respiration  est 
difficile,  superficielle  et  labsorption  du  gaz  se  fait  mal.  Dans  un 
autre  cas,  les  mouvements  respiratoires  sont  violents,  saccadés,  avec 
des  intervalles  d'apnée,  qui  entravent  la  régularité  de  la  narcose. 
La  tète  est  animée  bien  souvent  par  des  mouvements  oscillatoires 
qui  gênent  l'opération.  Enfin,  chose  grave,  c'est  dans  ces  cas  que  nous 
avons  noté  les  phénomènes  diiypotension  les  plus  marqués. 

"  Aussi  nous  sommes-nous  fait  une  règle  de  conduite  formelle 
que  nous  nous  permettons  de  recommander,  c'est  celle  de  préparer 
le  malade  surtout  au  point  de  vue  moral.  Il  estimpossible  de  donner 
une  marche  à  suivre  toujours  pareille,  car  on  doit  varier  sa  manière 
de  procéder  pour  ainsi  dire  avec  chaque  sujet.  Avec  les  uns,  il  fau- 
dra se  montrer  persuasif,  entrer  dans  les  discussions  médicales  les 
plus  invraisemblables  et  convaincre  par  le  raisonnement  ;  avec  les 
autres,  savoir  ètreautoritaire,  mais  sans  rigueur  ni  brusquerie  et,  dans 
tous  les  cas,  rester  doux  et  bon  envers  le  patient,  dont  on  s'attachera 
presque  toujours  par  là  la  confiance  nécessaire  au  succès.  Mais, 
lorsque  l'on  se  trouve  en  présence  de  personnes  chez  lesquelles  l'ap- 
préhension est  si  forte  qu'elle  est  irréductible  et  dont  les  idées  et 
lespressentiments  de  mortdeviennentpersistants.ondoitsabstenir.  » 

Les  accidents  causés  par  le  protoxyde  d'azote  sont,  relativement 
aunombreincalculable  desanesthésiespraliquées,  très  peu  nombreux. 
A  l'époque  où  Rottenstein  en  faisait  le  relevé,  en  1880,  on  ne  trouvait 
que  2  cas  de  mort  authentiques.  Et  cependant,  à  ce  moment,  le 
D'  Colton  seul  avait  fait  dans  son  établissement  100000  anes- 
thésies  sans  un  seul  accident.  Le  chiffre   des  anesthésies  dépassait 


INDICATIONS  DU  PROTOXYDE  D'AZOTE.  55 

sans  aucune  exagération  10())0:>0.  Le  protoxyde  était  alors  préparé 
parles  tlenlistes  eux-mêmes,  ([ui  ne  pouvaient  apportera  celte  })repa- 
ralion  délicate  la  compétence  des  chimistes.  (Vest  dire  que,  dans  bon 
nombre  de  cas,  les  patients  respiraient,  au  lieu  d'un  produit  pur,  du 
protoxyde  mêlé  à  du  bioxyde  d'azote,  gaz  très  dangereux.  t]st-il  besoin 
d'ajouter  ((ue  limmense  majorité  des  dentistes  ne  possédant  aucune 
notion  médicale  étaient  incapables  de  tenir  compte  des  contre-indi- 
calions  possibles?  Et,  malgré  cela,  le  nombre  des  accidents  était 
iniîme,  ce  qui  démontre  bien,  à  défaut  de  toute  autre  preuve,  l'inno- 
cuité réelle  du  protoxyde  d'azole. 

Le  D""  G.  Beltrami  a  repris,  en  1905,  ce  sujet  et  n'a  pas  hésité 
à  se  livrer  à  de  longues  et  difficiles  recherches  sur  les  accidents 
imputables  au  protoxyde.  «  Lorsque  nous  avons,  dit-il  dans  sa  thèse, 
commencé  à  rechercher  dans  la  littérature  médicale  les  accidents 
mortels  suscités  dans  l'univers  entier  par  le  protoxyde  d'azote,  nous 
ne  doutions  pas,  en  voyant  la  quantité  de  publications  faites,  non 
seulement  à  l'étranger  en  diverses  langues,  mais  encore  et  surtout 
en  France,  que  cette  liste  nécrologiquene  fût  singulièrement  longue. 
Mais  bientôt  après,  lorsque  nousavons  commencé  àlire  les  rapports, 
nous  avons  été  étonné  par  la  répétition  continuelle  des  mêmes  faits. 
ÎNous  lisions  cinq  ou  six  fois  le  même  article  dans  des  journaux  diffé- 
rents et  même  dans  des  pays  éloignés.  Aussi  sommes-nous  tenté 
d'avouer  la  somme  de  travail  que  nous  a  coûtée  cette  mise  au  point  de 
quelques  faits  noyés  au  milieu  d'un  fatras  de  commentaires  souvent 
inutiles,  démontrant  même  quelquefois  l'ignorance  de  l'auteur  sur 
la  question  (1).  » 

Dans  toute  la  littérature,  Beltrami  trouve  cités,  avec  plusou  moins 
de  précision,  12  cas  exactement  de  mort  attribués  au  protoxyde  de 
1844  à  1905. 

Dans  toute  la  période  s'étendant  de  la  découverte  de  l'anesthésie 
à  1905,  Beltrami  ne  trouve  que  12  cas  de  mort  mis  sur  le  compte  du 
protoxyde  d'azote  Sur  ce  nombre,  il  en  est  qu'on  ne  saurait  compter 
sérieusement  comme  attribuables  à  l'action  du  gaz  :  2  cas  cités 
par  le  ÎSew-York  Tribune,  en  1864  (13  janvier  et  18  février),  décès 
survenant  dix-huit  heures  et  vingt  jours  après  l'anesthésie;  deux 
autres  cas  dans  la  même  année,  sur  lesquels  aucun  détail  n'est  donné, 
ni  le  nom  de  l'opérateur,  ni  même  le  nom  des  patients  ;  enfin  un 
cinquième  cas  dans  lequel,  le  bâillon  ayant  été  avalé,  la  mort  est 
due  à  l'asphyxie  mécanique  et  non  plus  à  l'action  du  gaz. 

Restent  7  cas  de  mort.  Dans  l'un  d'eux,  on  peut  nettementconstater 
l'effet  de  l'appréhension  morale  comme  facteur  de  syncope.  Il  mérite 
d'être  cité  :  une  dame  excessivement  nerveuse  se  présente  chez  le 
dentiste  Newbrought  pour  être  opérée  de  quelques  dents  branlantes. 

(1)  G.  Bkltrami,  loc.  cil. 


56  NOGUÉ.  —  ANESTHÉSIE. 

Redoutant  la  douleur,  elle  demande  à  être  anesthésiée  malgré  l'opinion 
du  dentiste,  qui  ne  jugeait  pas  la  chose  nécessaire.  Prise  de  peur  à 
l'approche  du  masque  inhalateur,  elle  se  décide  à  se  faire  opérer, 
mais,  à  la  vue  du  davier,  elle  s'évanouit  et,  revenue  à  elle,  redemande 
l'anesthésie.  Le  masque  appliqué,  elle  fait  deux  inspirations  et 
meurt. 

Parmi  les  autres  décès  qu'on  peut  attribuer  à  l'action  duprotoxyde, 
on  trouva,  quand  l'autopsie  put  être  pratiquée,  deux  fois  la  surcharge 
graisseuse  du  cœur,  une  fois  un  abcès  amygdalien  avec  infdtration 
séreuse  de  tout  le  tissu  cellulaire  du  cou. 

On  peut  donc  se  tenir,  et  encore  avec  quelques  restrictions,  à  7  cas 
de  mort  par  le  protoxyde  d'azote.  Or,  en  1887,(?.olton  avait  anesthésié 
155000  malades  sans  le  moindre  incident;  Thomas  (de  Philadelphie), 
144000;  Hasbrouck  (de  New-York)  69000. 

Le  protoxyde  d'azote  est  administré  du  matin  au  soir,  tous  les 
jours,  dans  tous  les  Etats-Unis  et  dans  toute  l'Angleterre.  Horatio 
Wood  (de  Philadelphie)  estime  qu'il  se  pratique  annuellement  dans 
l'Amérique  du  Nord  seule  750  000  anesthésies.  G.  Beltrami  estime 
que,  de  1844  à  1905,  le  protoxyde  d'azote  a  étéadministré  10000  000 
de  fois. 

Par  quelle  aberration  a-t-il  été  possible,  devant  des  faits  aussi 
probants,  d'écrire  que  le  protoxyde  d'azote  était  un  agent  mortel  ? 

Déjà,  en  1876,  les  sommités  chirurgicales  (D"  William  Parker, 
Marion  Sims,  Hamilton  Fordyce  Rarker,  Stephen  Smith,  Agnew. 
Emmet,  W.  Hammond,  Lewis  Sayre,  Austin  Flint,  Ogden  Dore- 
mus,  etc.)  aux  États-Unis,  n'hésitaient  pas  à  délivrer  au  D""  Colton 
l'attestation  suivante  : 

«  Nous  pouvons  affirmer,  après  avoir  assisté  aux  opérations  anes- 
thésiques  du  D'^  Colton,  au  Cooper  Insliliile,  que  le  protoxyde 
d'azote  procure  une  insensibilité  complète  et  n'a  jamais,  à  notre 
connaissance,  déterminé  des  accidents  ;  nous  considérons  cet  agent 
comme  le  plus  sûr  des  anasthésiques  (1).  » 

Le  P''  Dastre  dit  lui-même  :  «  Quant  à  l'innocuité  de  la  méthode, 
elle  est  prouvée,  outre  les  essais  de  Paul  Rert,  par  la  pratique  uni- 
verselle des  dentistes  dans  le  monde  entier.  Le  protoxyde  d'azote  est 
donc  d'une  sécurité  incomparable.  « 

Et  s'il  était  nécessaire  de  faire  appel  à  la  physiologie  expérimentale 
pour  défendre  encore  le  protoxyde  d'azote,  nous  citerions  les  paroles 
du  P''  Livon  (de  Marseille)  :  «  Le  protoxyde  d'azote  est  certaine- 
ment un  anesthésique  incomparable.  Jamais,  depuis  de  longues 
années  que  je  m'en  sers  comme  anesthésique  pour  les  animaux,  je 
n'ai  eu  d'accident  mortel  ni  même  d'incident.  Les  chiens,  les  chats, 
si    sensibles   au  chloroforme  et  à  l'éther  qui  les  tuent  dans  des  pro- 

(1)  Lellre  de  Colton  à  Rottenstein,  4  mai  1877. 


MALADES  RÉFRACTAIRES  A  L'ANESTHESIE  PROTOAZOÏEE.      bl 

portions  très  élevées  (10  à  15  p.  100  environ),  supportent  admirable- 
ment les  inhalations  de  protoxyde.  J'ai  pu  endormir  un  chien  douze 
l'ois  dans  la  même  séance  expérimentale.  Le  protoxyde  d'azote  est 
pour  les  animaux  un  anesthésique  merveilleux  (1).  » 

{MALADES  RÉFRACTAIRES  A  L'ANESTHESIE  PROTOAZOTÉE 

On  rencontre  parfois  des  malades  qui  semblent  bien  être  réfrac- 
laires  à  Faction  du  protoxyde.  Cl.  Martin  a  vu  deux  personnes  réfrac- 
taires  au  gaz  :  l'une  à  Paris,  l'autre  à  Lyon.  «  Cette  dernière  était  une 
femme  de  soixante-cinq  ans  environ.  Je  pratiquais,  dit  le  D"'  Martin, 
les  inhalations  en  présence  de  M.  le  D'"  Dron,  chirurgien  en  chef 
de  l'Antiquaille.  Malgré  tout,  je  ne  pus  arriver  jusqu'à  l'anesthésie  : 
la  patiente  ne  ressentait  rien  et  ne  s'endormait  pas  (2).  « 

Nous  avons  observé  nous-même  un  cas  à  peu  près  similaire.  Il 
s'agissait  d'un  homme  robuste,  d'une  soixantaine  d'années,  qui  respira 
normalement  et  amplement  le  gaz.  Il  n'y  avait  aucune  défectuosité 
dans  l'appareil,  et  cependant  il  absorba  toute  la  bouteille  contenant 
450  litres  sans  que  l'anesthésie  fût  complète.  De  guerre  lasse,  nous 
enlevâmes  le  masque  et  nous  pratiquâmes  les  extractions,  qui  furent 
peu  douloureuses. 

Le  D""  W.  A.  Sulhers  (3)  en  a  rapporté  un  autre  cas  très  intéressant  : 

«  Le  7  juillet  1904,  un  malade  âgé  de  quarante-quatre  ans,  vint  me 
consulter  pour  l'extirpation  de  quelques  racines.  J'examinai  sa  bouche 
avec  soin  et  constatai  que  six  racines  antérieures  et  deux  postérieures 
étaient  en  fort  mauvais  état,  avec  complication  d'abcès  chez  quatre 
d'entre  elles.  Je  lui  dis  qu'il  serait  nécessaire  de  prendre  un  anes- 
thésique. M'ayant  demandé  si  je  donnais  le  gaz,  je  lui  répondis  affir- 
mativement. Nous  nous  décidâmes  donc  pour  cet  agent.  Je  demandai 
l'assistance  d'un  médecin.  Tout  étant  prêt,  nous  commençâmes  l'ad- 
ministration du  protoxyde  d'azote.  Le  sujet  semblait  le  prendre  très 
bien,  et  cependant  il  ne  se  produisait  pas  d'etïet  anesthésique;  nous 
examinâmes  les  soupapes,  elles  fonctionnaient  le  mieux  du  monde. 
Je  respirai  moi-même  du  gaz,  et  9  à  10  litres  suffirent  presque  à 
m'endormir. 

«  Nous  recommençâmes  alors  l'inhalation,  en  la  poussant  cette  fois 
un  peu  plus  loin,  mais  encore  sans  résultat.  Un  troisième  essai 
n'aboutit  pas  davantage,  le  patient  se  plaignant  chaque  fois  d'un 
pende  nausées.  Voulant  borner  là  nos  essais  pour  l'instant,  nous  lui 
dîmes  de  revenir  dans  une  semaine.  Nous  étions  d'ailleurs  assez 
ennuyés  et  ne  savions  à  quoi  attribuer  cet  insuccès. 

(1)  Communication  orale  au  D^  Beltrami,  loc .  cit.,  8  mars  1903. 

(2)  Cl.  Martin,  De  l'anesthésie  par  le  protoxyde  d'azote  avec  ou  sans  tension, 
Paris.  1883. 

(3)  Dental  Sammary,  1905,  et  Procj.  dentaire,  n«  1,  1906. 


58  NOGUÉ.  —  ANESTHÉSIE. 

«  Le  16  juillet,  le  malade  revint.  Le  gaz  fut  essayé  de  nouveau. 

«  Celte  fois,  il  provoqua  une  assez  grande  excitation  ;  le  malade 
s'était  soulevé  dans  le  fauteuil,  et  ses  muscles  devenaient  fixes  et 
rigides  ;  nous  le  maintînmes  de  notre  mieux,  espérant  qu'il  finirait 
par  dormir.  Au  lieu  de  cela,  l'état  d'excitation  empira  au  point  de 
nous  faire  renoncer  au  protoxyde  dazote.  Aussitôt  l'embouchure 
enlevée,  le  calme  se  fit  et  le  sujet  se  montra  aussi  éveillé  que  jamais; 
il  semblait  que  rien  ne  fût  arrivé. 

«  Nous  ne  voulions  plus  renouveler  nos  essais  avec  le  gaz  ;  mais, 
comme  le  sujet  désirait  ne  pas  s'en  aller  sans  avoir  ses  racines  enle- 
vées,nous  résolûmes  de  le  soumettre  à  réthérisation,le  docteurayant 
déclaré,  après  examen,  qu'il  n'y  avait  pas  de  contre-indication.  Ayant 
laissé  le  patient  prendre  un  peu  de  repos,  et  tout  étant  prêt,  nous 
commençâmes  l'inhalation  de  l'éther.  Tout  étrange  que  paraisse  le 
fait,  le  sujet  sembla  absorber  ce  nouvel  agent  sans  en  éprouver  le 
moindre  effet.  Nous  essayâmes  pendant  plus  d'une  heure  sans  réussir 
à  déterminer  le  sommeil  :  le  seul  effet  était  une  légère  stupeur. 
J'injectai  alors  un  anesthésique  local  et  enlevai  les  racines  sans 
grande  douleur  pour  le  sujet,  à  cause  de  son  demi-état  de  stupéfac- 
tion. Cet  échec  de  deux  agents  anesthésiques  n'est-il  pas  singulier? 
Quant  à  nous,  il  nous  a  paru  incompréhensible. 

«  S'agit-il  d'une  idiosyncrasie  ou  non?  Nous  ne  saurions  le  dire.  » 

Les  morphinomanes  nous  ont  paru  très  peu  sensibles  à  l'action 
du  protoxyde  d'azote. 

Les  alcooliques,  sans  y  être  réfractaires,  le  supportent  mal. 


ACTION  DU  CHLORURE  D'ÉTHYLE  SUR  L'ORGANISME.         59 


K.  -  CHLORURE  D'ÉTHYLE. 

Le  chlorure  d'éthyle  (G^N^Cl)  est  un  liquide  incolore,  limpide, 
d'une  odeur  éthéréo,  rappelant  celle  du  chloroforme.  Sa  densité 
est  de  0,874  à  5".  Il  s'évapore  rapidement  en  déterminant  une 
réfrigération  intense.  Il  est  inflammable  ;  peu  soluble  dans  l'eau,  il 
se  dissout  facilement  dans  l'alcool  et  l'éther. 

Les  propriétés  anesthésiques  du  chlorure  d'éthyle  furent  reconnues 
par  Flourens  dès  1847  et  appliquées  à  l'homme  pour  la  première  fois 
par  Heyfelderfd'Erlangen).  Mais  son  usage  ne  se  généralisa  pas,  et  il 
ne  fut  plus  tard  utilisé  que  pour  ses  qualités  réfrigérantes.  En  1894, 
un  dentiste  de  Gothemburg,  Garlson,  pulvérisant  du  chlorure  d'éthyle 
sur  les  gencives  d'un  de  ses  malades,  remarqua  qu'il  s'était  endormi 
avec  la  plus  grande  facilité.  Le  D''  Thiesing  (dHildesheim)  fit 
Tannée  suivante  la  mêmeobservation  et  l'appliqua  systématiquement 
dans  50  cas.  Ludwiget  Lotheissen  l'étudient  scientifiquement  en  1897 
et  1898  ;  ^^'iesner,  à  Vienne,  Kœnig  à  Berne,  Gires,  Malherbe, 
Ghapul,  en  France,  l'utilisent  les  premiers. 

On  prépare  le  chlorure  d'éthyle  en  faisant  agir  de  l'acide  chlor- 
hydrique  sur  l'alcool  d'après  la  réaction  : 

C2H 'OH  +  HCl  =  C2H3C1  +  H20. 

Far  distillations  successives  du  produit  obtenu,  on  débarrasse  le 
chlorure  d'éthyle  de  toutes  ses  impuretés.  Il  est  en  elïet  très  impor- 
tant de  n'utiliser  pour  l'anesthésie  générale  qu'un  corps  chimi- 
quement pur. 

L'essai  se  fait  de  la  manière  suivante  :  versé  sur  la  main,  il  doit 
s'évaporer  sans  laisser  le  moindre  résidu;  quand  on  fait  passer  la 
vapeur  du  chlorure  d'éthyle  dans  l'eau,  cette  eau  ne  doit  ni  rougir 
le  papier  bleu  de  tournesol, ni,  après  acidification  avec  l'acide  azotique, 
être  immédiatement  troublée  par  l'addition  d'une  solution  de  nitrate 
d'argent. 

ACTION   DU  CHLORURE  D'ÉTHYLE  SUR  L'ORGANISME. 

En  expérimentant  le  chlorure  d'éthyle  sur  le  lapin,  Wood  et  Gerna 
ont  obtenu  les  résultats  suivants  :  «  Augmentation  des  mouvements 
respiratoires,  abaissement  de  la  pression  artérielle  durant  la  narcose 
avec  retour  à  l'état  normal.  Les  pulsations  diminuaient  d'abord  de 
fréquence  et  étaient  augmentées  jusqu'à  la  fin  de  l'expérience.  » 

Ruegg  (de  Bâle),  en  faisant  inspirer  des  vapeurs  diluées  au  chien, 
trouvait  de  la  dilatation  vasculaire;  avec  des  vapeurs  concentrées,  les 
battements  du  cœur  devenaient  plus  fréquents,  les  vaisseaux  étaient 
rétrécis. 


60  NOGUE.  —  ANESTHESIE. 

Les  expériences  de  Kœnig  (de  Berne)  ont  porté  sur  le  chien,  le 
lapin  et  le  singe.  La  supériorité  de  la  narcose  dépend  du  titre  de  la 
dilution  du  chlorure  d'éthyle  avec  l'air.  Un  mélange  de  1  p.  10  d'air 
produit  la  narcose  en  six  à  sept  minutes  :  à  parties  égales,  la  narcose 
est  complète  en  quelques  secondes  et  dure  plusieurs  minutes  sans 
qu'on  ait  besoin  de  renouveler  la  dose. 

Chez  les  lapins,  les  phénomènes  excito-moteurs, durant  l'anesthésie, 
sont  plus  prononcés  que  chez  les  autres  animaux  en  expérience  ;  on 
observe  des  convulsions  rythmiques,  de  forts  mouvements  de  déglu- 
tition, du  nystagmus,  de  l'exophtalmie  et  fréquemment  de  la  saliva- 
tion; la  respiration  est  améliorée,  ce  qui  est  facile  à  constater  chez  ces 
animaux  à  respiration  faciale. 

Chez  les  chiens,  la  pression  artérielle  subit  un  léger  abaissement; 
dans  certains  cas  cités,  il  y  a  du  ralentissement  et  des  faux  pas  du 
cœur  augmentant  ou  diminuant  avec  le  titre  de  la  dilulion  :  ces 
symptômes  disparaissent  par  la  section  des  pneumogastriques. 

En  se  servant  du  chlorure  d'éthyle  sans  mélange  d'air,  l'abais- 
sement de  la  pression  artérielle  est  régulier,  assez  rapide  et 
s'accentuant  jusqu'à  l'arrêt  de  la  respiration  et  des  battements 
du  cœur. 

Chez  le  singe,  la  narcose  est  très  calme;  là  encore  on  observe  de  la 
dépression  de  la  tension  artérielle,  dépression  due  à  l'excitation  du 
nerf  vague,  excitation  d'origine  centrale,  puisqu'elle  disparaît  par  la 
section  des  pneumogastriques.  Après  la  section,  la  pression  artérielle 
s'élève  et  reste  normale  jusqu'à  la  fin  de  l'expérience. 

«  En  outre,  dans  la  narcose  complète,  dit  Kœnig,  j'ai  constaté 
que  le  pneumogastrique  devenait  inexcitable.  »  Chez  le  singe,  la 
respiration  n'est  pas  convulsive  comme  chez  le  lapin  ;  elle  est 
calme,  régulière. 

Quel  que  soit  le  nombre  des  expériences  faites  sur  le  même  animal 
àde courts  intervalles,  le  réveil  et  le  retour  des  réflexes  sont  toujours 
rapides. 

Les  expériences  de  Kœnig  sur  la  dépression  artérielle  concordent 
avec  les  résultats  de  Malherbe  et  Roubinovitch  (1),  constatés  chez 
l'homme  avec  le  sphygmomanomètre  de  Potain.  Dans  les  deux  cas 
citéspar  ces  auteurs,  la  dépression  artérielle  s'est  produite  vingt-deux 
fois.  D'une  façon  générale,  le  nombre  des  pulsations  artérielles  suit 
très  exactement  les  modifications  survenant  dans  le  degré  de  la 
tension  artérielle,  diminue  pendant  le  sommeil,  augmente  et  revient 
au  chiffre  primitif  au  réveil. 

Dans  toutes  leurs  observations,  ils  ont  constaté  l'existence  d'inter- 
mittences et,  dans  un  cas,  des  pulsations  bigéminées  intermittentes 
pendant  le  sommeil. 

(1;  Malherbe  et  Roubinovitch,  Nouveau  procédé  d'anesthésie  générale  par  le 
chlorure  d'éthyle,  recherches  expérimentales  et  cliniques  (Cuii.  med.,  11  juinl902). 


ACTION  DU  CHLORURE  DÉTHYLE  SUR  L'ORGANISME.        61 

Parfois  les  urines,,  normales  avant  les  inhalations,  contenaient  au 
réveildes pis^nients biliaires etdes  traces  d'albumine,  ce  qui  indiquait 
que  les  cellules  du  foie  et  du  rein  participaient  dans  certains  cas  à 
l'intoxication  éphémère  parle  chlorure  d'éthyle.  Ces  symptômes  dis- 
paraissent les  jours  suivants. 

Les  recherches  récentes  de  MM.  Maurice  Nicloux  et  L.  Camus  ont 
démontré  que  le  sang  fixait  le  chlorure  d'éthyle  avec  la  plus  grande 
rapidité,  cette  absorption  rapide  coïncidant  du  reste  avec  l'apparition 
très  brusque  des  symptômes  de  l'anesthésie.  Les  quantités  de  chlorure 
d'éthyle  contenues  dans  le  sang  pendant  la  phase  de  l'anesthésie 
confirmée  oscillent  entre  30,  80  et  même  200  milligrammes. 

Au  moment  où  la  sensibilité  cornéenne  disparaît,  on  trouve  dans  le 
sang  artériel  une  quantité  de  chlorure  voisine  de  25  milligrammes 
pour  100  centimètres  cubes. 

La  quantité  de  chlorure  d'éthyle  contenue  dans  le  sang  des 
animaux  au  moment  de  la  mort  est  voisine  de  45  milligrammes. 
Mais  elle  peut  être  quatre  fois  plus  forte.  Le  chlorure  d'éthyle  est 
un  corps  qui  s'élimine  très  facilement,  et  une  proportion  même 
très  forte  dans  le  sang  peut  ne  pas  impressionner  gravement  les 
organes  les  plus  essentiels  à  la  vie.  En  moins  d'une  minute,  la 
quantité  de  chlorure  d'éthyle  contenue  dans  le  sang  artériel  baisse 
environ  de  moitié  :  en  deux  minutes,  la  quantité  contenue  dans  le  sang 
veineux  baisse  également  de  moitié.  La  durée  de  l'anesthésie,  le 
degré  de  saturation  et  l'état  de  fonctionnement  de  l'organisme  sont 
autant  de  facteurs  qui  influencent  la  rapidité  de  l'élimination. 

Quant  aux  tissus,  le  cerveau  et  le  bulbe  sont  ceux  qui  fixent  le 
plus  de  chlorure  d'éthyle  ;  mais,  dans  chacun  des  tissus,  les  pro- 
portions de  chlorure  peuvent  varier  dans  d'énormes  proportions 
au  moment  de  la  mort  :  ici  nous  retrouvons  les  variations  déjà 
constatées  dans  le  sang. 

Dans  le  sang  lui-même,  ce  sont  les  globules  qui  fixent  plus  de 
chlorure  d'éthyle  que  le  plasma  (Maurice  Nicloux  et  L.  Camus). 

Le  chlorure  d'éthyle  détermine  l'anesthésie  au  bout  de  vingt  et 
soixante  secondes  chez  l'enfant  et  la  femme,  au  bout  de  soixante- 
quinze  à  cent  secondes  chez  l'homme.  2  à  4  grammes  suffisent  pour 
obtenir  ce  résultat.  La  période  d'excitation  est  très  courte  et  souvent 
fait  défaut.  Il  n'y  a  pas  à  craindre  d'action  réflexe  sur  les  voies  respi- 
ratoires. Le  sommeil  est  calme  avec  une  congestion  légère  de  la 
face  :  la  pupille  est  dilatée,  les  globes  oculaires  parfois  convulsés  en 
haut  La  narcose  profonde  se  reconnaît  à  l'abolition  du  réflexe  pal- 
pébral,  à  la  résolution  musculaire  et  au  ronflement.  Le  réveil  presque 
instantané  s'accompagne  d'un  vertige  léger,  qui  ne  tarde  pas  à  se 
dissiper.  Le  m.alade  peut  se  lever  et  marcher.  Les  vomissements 
sont  rares. 


C2 


NOGUE.  —  ANESTHÉSIE. 


INSTRUMENTATION. 

Le  chlorure  délhyle  étant  très  volatil  devait  être  administré  à 

l'aide  d'instruments  spéciaux  empêchant  sa  trop  rapide  évaporation. 

Un  des  premiers  instruments  construits  fut  celui  des  D"  Respinger 

et  Ruegg  (de  Bâle).  Cet  appareil  se  compose  d'un  masque  muni  dune 

soupape  d'expiration  et  d'un  tube  adducteur  muni  de  deux  soupapes 

d'inspiration  et  s'arliculant  d'un 
côté  avec  le  masque  et  de  l'autre 
par  l'intermédiaire  d'un  tube  télesco- 
pique  avec  un  réservoir  contenant 
1  kilogramme  de  chlorure  d'éthyle. 
Un  robinet  permet  de  faire  passer 
1,  2  et  3  grammes  de  chlorure 
d'éthyle  par  minute.  Les  vapeurs 
montent  par  le  tube  adducteur  et 
s'y  mélangent  à  l'air  atmosphé- 
rique (fîg.  14). 

On  peut  également  utiliser  la  cor- 
beille de  Breuer  (fig.  23),  qui  se 
compose  d'un  casque  de  métal  garni 
d'un  anneau  de  caoutchouc:  le  casque 
est  muni  de  deux  ventouses,  l'une 
pour  l'inspiration  et  l'autre  pour 
l'expiration.  Sur  la  première,  on 
peut  fixer  une  sphère  creuse  divisée 
en  deux  moitiés  s'adaptant  bien 
l'une  sur  l'autre.  Elles  peuvent 
laisser  entre  elles  un  intervalle, 
ce  qui  permet  l'introduction  d'un 
peu  de  gaze  hydrophile,  sur  la- 
quelle on  versera  le  chlorure 
d'éthyle. 

On  peut  encore  employer  le 
masque  de  Broadtbenk,  le  masque 
universel  de  Seitz. 

En  France,  on  emploie  l'appareil 
de  Décolland  (fig.  15). 

Cet  appareil  à  anesthésie  comporte 
un  récipient  en  verre  A,  muni  d'un  couvercle  B,  fermant  hermé- 
tiquement. 

Le  récipient  A  est  relié  par  un  tube  souple  D,  d'une   certaine 
longueur,  au  masque  E. 

Ce  masque  peut  être  celui  d'un  appareil  quelconque,  même  celui 
utilisé  pour  le  protoxyde  d'azote  ;  mais  le  tube  de  caoutchouc  est 


Fig.  14.  —  Appareil  à  inhalations 
«  minimum  »  des  Dr»  Respinger 
et  Ruejrg  (de  Bâle). 

A,  masque  ;  a,  tuyau  de  caout- 
chouc permettant  d'appliquer  exac- 
tement le  masque  sur  le  visage  ; 
b,  sou|3ape  respiratoire  ;  c,  anneau 
articulaire  ;  d,  soupape  d'inspira- 
tion ;  B,  tube  télescopique  ;  a,  fer- 
meture à  vis  ;  C,  réservoir. 


CHLORURE  D'ÉTIIYLE.  —  INSTRUMENTATION. 


63 


épais,  afin  d'éviter  raffaissement  dans  les  mouvements  respiratoires. 
Le  récipient  de  verre  porte  également  du  côté  opposé  au  tube  D  un 
ajutage  où  se  place  une  tubulure  permettant  de  fixer  une  vessie  F 
destinée  à  jouer  le  rôle  de  réservoir  extensible  offert  au  déplacement 
de  l'air  pendant  les  temps  de  la  respiration. 


Fig.  13.  —  Appareil  de  Decolland. 


Le  couvercle  B  est  traversé  par  un  certain  nombre  de  cylindres 
en  métal  G  de  pleine  ouverture  à  la  partie  supérieure,  mais  rétrécis 
et  sectionnés  en  lamelles  à  leur  partie  inférieure.  C'est  dans  ces 
cylindres  que  sont  introduites  les  ampoules  contenant  le  liquide 
anesthésique.  Lorsque  les  ampoules  sont  introduites  dans  les 
cylindres,  on  place  sur  chaque  cylindre  une  coiffe  de  métal  K,  munie 
d'une  tige   intérieure   J,   formant   piston,  et  glissant  dans  un  joint 


64 


NOGUE. 


AXESTHESIE. 


hermétique,  afin  déviter  toute  déperdition  des  vapeurs  anesthé- 
siques  par  les  cylindres.  Un  buttoir  L  est  disposé  en  entonnoir 
au-dessous  des  cylindres  G.  (Dans  un  appareil,  ce  buttoir  est  sup- 
primé, chaque  cylindre  comportant  son  buttoir.)  Sur  ce  buttoir 
incliné,  l'ampoule  vient  s"appuyer  par  son  bec  H. 

Lorsqu'on  dispose  Tappareil  pour  donner  du  chloroforme  ou  de 
Télher,  il  faut  supprimer  la  vessie,  obturer  Fappareil  à  ce  niveau  à 
l'aide  du  bouchon  à  vis  P  et  placer  le  ballonnet  indicateur  de  la 
respiration  sur  le  sommet  d'un  des  porte-ampoules.  Un  dispositif 
permet  de  transformer  cet  appareil  pour  Tanesthésie  générale  de 
courte  durée  en  appareil  pour  l'anesthésie  de  longue  durée. 


Fie-.     J6. 


Coupe    de    l'appareil     Decolland. 


On  peut  également  utiliser  le  masque  de  Ch.  Gaudron,  ou  encore, 
comme  la  chose  se  fait  fréquemment  en  France,  le  procédé  de  la 
compresse. 

TECHNIQUE  DE  L'ANESTHÉSIE  AU  CHLORURE  D'ÉTHYLE. 


PROCÈDE    DE   LA  COMPRESSE. 

Il  suffit,  en  elTet,  pour  appliquer  ce  procédé,  d'une  simple  com- 
presse pliéeen  quatre  épaisseurs,  ou  même  d'un  mouchoir.  Les  com- 
presses qui  conviennent  le  mieux  sont  celles  en  toile,  de  30  à  32  cen- 
timètres de  côté.  La  compresse  tapissant  l'intérieur  de  la  main  droite 
fortement  creusée  de  façon  à  éviter  une  trop  grande  surface 
d'évaporation,  on  dirige  dans  le  creux  de  cette  compresse  soit  les 
jets  de  deux  ou  trois  tubes  ordinaires  de  chlorure  délhyle,  tubes  qui 
servent  à  l'anesthésie  locale,  soit  le  jet  d'un  tube  à  clapet  fonction- 
nant à  l'aide  d'un  levier.  Lorsqu'on  n'a  pas  à  sa  disposition  ce 
dernier  genre  de  tubes,  nous  indiquerons  un  petit  moyen  pratique 


CHLORURE  D'ÉTHYLE.  —  PROCÈDE  DE  LA  COMPRESSE.   65 

de  verser  du  chlorure  d'éthyle  sur  la  compresse  avec  le  minimum 
d't^vaporation.  On  dévisse  aux  trois  quarts  les  petits  tubes  à  anesthésie 
locale  et,  en  les  renversant  complètement,  on  voit  le  chlorure  d'éthyle 
tomber  par  grosses  gouttes  qui  mouillent  très  rapidement  le  creux 
de  la  compresse,  et  on  évite  ainsi  l'évaporation  et  la  congélation,  qui 
se  produisent  presque  toujours  plus  ou  moins,  quand  le  liquide  sort 
en  jet  capillaire.  On  peut,  d'ailleurs,  avec  les  gros  tubes  à  fermeture 
i\  vis,  obtenir  le  même  résultat  par  le  même  moyen. 

Suivant  l'âge  et  aussi  suivant  le  degré  d'anesthésie  que  l'on  veut 
obtenir,  on  projette  de  2  à  5   centimètres  cubes  de  liquide,  lequel 
grâce  à  la  forme  donnée  à  la  compresse,  n'a  pas  de   tendance  à 
s'évaporer. 

Sans  perdre  alors  de  temps,  on  applique  la  compresse,  toujours 
disposée  en  cornet  et  recouverte  par  la  face  palmaire  de  la  main 
droite,  sur  le  nez  et  la  bouche  du  patient,  en  invitant  ce  dernier  à 
faire  des  inspirations  profondes.  De  la  main  gauche  on  maintient  la 
tête  et  la  mâchoire  inlY'rieure. 

Il  est  absolument  nécessaire  de  ne  pas  laisser  respirer  d'air  libre. 
Mais  il  ne  faut  pas,  ainsi  que  quelques  opérateurs  le  font,  interposer 
entre  les  doubles  de  la  compresse  un  tatïetas  ou  une  toile  imper- 
méable :  il  faut  laisser  à  l'air  expiré  la  possibilité  de  s'échapper  à  tra- 
vers le  tissu  de  la  compresse. 

Lorsque  les  malades  font  de  grandes  inspirations  ou  lorsqu'il 
s'agit  d'enfants  qui  poussent  des  cris,  il  arrive  qu'ils  sont  sidérés 
avec  une  rapidité  étonnante  :  en  douze  à  seize  secondes. 

Mais  on  voit  aussi  certains  malades,  dès  que  l'on  applique  la  com- 
presse, retenir  leur  respiration  soit  volontairement,  soit  par  crainte; 
il  suffît,  dans  ces  cas,  de  soulever  légèrement  la  compresse,  puis  de  la 
réappliquer  aussitôt  pour  les  voir  immédiatement  faire  une  inspira- 
tion profonde,  suivie  d'autres  inspirations  régulières  et,  en  vingt  à 
trente  secondes,  l'anesthésie  est  complète,  sans  qu'il  soit  nécessaire 
de  recourir  à  d'autres  quantités  de  liquide. 

Si  l'opération  est  un  peu  longue  et  pour  éviter  le  réveil,  nous 
versons  de  nouveau  sur  la  compresse,  de  la  même  façon  que  la  pre- 
mière fois,  une  nouvelle  quantité  de  chlorure  d'éthyle  et  même  une 
troisième  et  une  quatrième,  si  le  cas  est  nécessaire. 

11  faut  avoir  soin  de  ne  pas  attendre  le  réveil  pour  procéder  à 
l'administration  de  nouvelles  doses.  En  espaçant  ainsi  ces  doses,  on 
atteint  15  centimètres  cubes  de  liquide,  et  on  a  largement  le  temps  de 
pratiquer  un  grand  nombre  de  petites  opérations  pouvant  durer  de 
quinze  à  vingt  minutes. 

Lorsqu'il  s'agit,  au  contraire,  d'opérations  devant  durer  plus  long- 
temps, dès  que  le  malade  est  dans  la  résolution,  nous  remplaçons  la 
compresse  de  chlorure  par  une  autre  compresse  imbibée  de  chloro- 
forme, et  nous  l'appliquons  vivement  sur  le  nez  et  la  bouche  du 

Traité  de  stomatologie.  VL  —  5 


66  NOGUÉ.  —  ANESTHÉSIE. 

patient,  sans  lui  laisser  respirer  d'air.  Nous  continuons  ensuite  la 
narcose  au  chloroforme  par  le  procédé  des  petites  doses,  sans  air. 

L'effet  de  ce  dernier  aneslhésique  se  substitue  dans  ces  conditions, 
sans  réaction  appréciable  du  malade,  à  l'effet  du  chlorure  déthyle. 

Nous  ajouterons  que  Ton  peut  également  continuer  la  narcose  à 
l'éther,  au  lieu  du  chloroforme. 

Les  chirurgienslyonnais  et  le  P^V.  Hacker (d'Innsbriick)  emploient 
surtout  cet  agent  dans  les  anesthésies  mixtes. 

Les  signes  qui  permettent  de  reconnaître  la  narcose  complète  au 
chlorure  d'éthyle  sont  peu  marqués.  Celle-ci  est  caractérisée  : 

loPar  la  résolution  musculaire,  non  précédée  d'une  période  de 
contracture  vraie  ; 

3°  Par  le  rythme  respiratoire,  qui  est  régulier  et  s'accompagne 
quelquefois  d'un  léger  ronflement  ; 

3°  La  main  qui  recouvre  la  compresse  éprouve  la  sensation  d'une 
évaporation  froide,  qui,  chassée  par  l'expiration,  vient  passer  entre 
les  espaces  digitaux. 

Ces  trois  signes  sont  pathognomoniques  de  la  narcose  complète. 

Le  sommeil  obtenu  en  quelques  instants  s'accompagne  d'une 
résolution  musculaire  générale,  quelquefois  d'une  légère  con- 
gestion de  la  face,  qui  ne  va  jamais  jusqu'à  la  cyanose,  d'un  léger 
rétrécissement  de  la  pupille,  parfois  de  mydriase,  de  convulsion 
des  globes  oculaires  généralement  en  haut,  d'insensibilité  de  la 
conjonctive,  d'anéantissement  de  l'intelligence  avec  parfois  relâche- 
ment du  sphincter  vésical. 

PROCÉDÉ   DU  MASQUE. 

Supposons  qu'on  emploie  l'appareil  de  Décolland.  On  procédera  de 
la  façon  suivante  : 

Avoir  soin  d'éloigner  les  lampes  et  le  thermocautère  des  tubes 
porte-ampoules  préalablement  chargés  del'anesthésique  à  employer. 
On  placera  le  masque  sur  la  figure  du  patient,  et  on  devra  l'y  main- 
tenir étroitement  avec  le  plus  grand  soin.  Il  est  très  important,  en 
effet,  que  le  patient  ne  respire  pas  d'air  sur  les  bords  du  masque.  On 
invitera  alors  le  patient  à  respirer  naturellement,  et  l'on  brisera  à  ce 
moment  une  ampoule,  en  exerçant  une  pression  sur  le  sommet  d'un 
des  cylindres. 

Le  liquide  aneslhésique  s'échappant  de  l'ampoule  brisée  se  répand 
au  fond  du  réservoir  et  s'y  maintient  à  l'état  liquide.  En  effet, 
lorsque  l'on  brise  une  ampoule  dans  un  vase  ou  même  sur  une  simple 
plaque  de  verre,  on  voit  le  chlorure  d'éthyle  rester  sous  la  forme 
liquide,  grâce  à  l'abaissement  de  température  produit  par  la  volatili- 
sation initiale.  L'évaporation  du  liquide  se  fait  ensuite  progressive- 
ment et  avec  une  certaine  lenteur. 


CHLORURE  D'ÉTHYLE.  —  PROCÉDÉ  DU  MASQUE.  67 

De  même,  quaiul  on  brise  une  ampoule  dans  l'appareil,  le  chlorure 


Fig:.   17.  —  Appareil  pour  ladminislration  du  chlorure  d'éthyle. 

d'élhyle  projeté  sur  le  fond  de  vase  produit,  par  une  première  volati- 
lisation, une  réfrigération  qui  tient  le  liquide  en  suspens.  Ce  n'est 
que  progressivement, 
la  respiration  s'elï'ec-  j 

tuant  dans  une  vessie 
annexée  à  ce  vase,  que 
le  malade  absorbe  l'a- 
nesthésique.  En  effet, 
le  passage  de  l'air 
d'expiration  produi- 
sant une  élévation  de 
température  amène 
soudainement  la  vola- 
tilisation progressive 
du  liquide.  L'anesthé- 
sie  est  ainsi  rendue 
possible  avec  1  ou 
2  centimètres  cubes 
de   chlorure  d'éthyle. 

Cette anesthésie sur-   ,^.      ,„        ..  ^  r   i    •  •  *    *■       i     ^^ 

Fig.  ïi>.  —  Masque  pour  1  administration  du  chlorure 

vient  très  rapidement,  déthyie. 

en  quelques  secondes. 

Elle  est  précédée  d'une  période  d'agitation  inconsciente  prenant  les 

caractères  d'une  défense.  Cet  état' de  tension  des  muscles  disparaît 


68 


NOGUE.   —  ANESTHÉSIE. 


au  bout  de  trente  secondes,  mais  persiste  parfois  beaucoup  plus 
longtemps  chez  les  névropathes  ou  les  alcooliques.  Comme  consé- 
quence de  ce  tonus  maxillaire,  le  trismus  maxillaire  n'est  pas  rare, 
d'où  la  nécessité  de  mettre  un  bâillon  quand  il  s'agit  d'opérer  dans 
la  bouche. 

On  a  noté  à  cette  période  des  mouvements  fibrillaires  des  muscles. 
Les    pupilles  sont  rétrécies,   mais  la    conscience  et   la  sensibilité 

persistent  encore:  le 
malade  réagit  si  on 
le  pince  ;  il  répond  si 
on  lui  parle.  Quelques 
secondes  plus  tard,  la 
narcose  est  complète; 
les  rétlexes  ont  dis- 
paru ;  les  pupilles  di- 
latées ne  réagissent 
plus  à  la  lumière,  les 
muscles  sont  en  réso- 
lution. On  note  alors 
une  congestion  légère 
de  la  face,  parfois  un 
peu  de  cyanose,  de 
salivation  et  de  lar- 
moiement. 

Si  la  dose  n'était 
pas  suffisante  pour 
obtenir  l'anesthésie, 
il  suffirait  de  briser  une  seconde  ampoule  placée  à  l'avance  dans 
l'appareil,  le  piston  abaissé  indiquant  celle  des  ampoules  déjà  utilisée. 


Fig.   19.  —  Coupe  du  masque  pour  Fadministralion 
du  chlorure  d'éthyle. 


AVANTAGES  ET  INCONVÉNIENTS  DU  CHLORURE  D'ÉTHYLE. 

Les  avantages  du  chlorure  d'éthyle,  comme  anesthésique  général, 
dans  les  opérations  de  courte  durée,  sont  reconnus  par  la  majorité 
des  chirurgiens  :  anesthésie  rapide  sans  troubles  appréciables,  réveil 
immédiat  sans  accidents  consécutifs.  Mais,  pour  avoir  une  connais- 
sance plus  approfondie  de  son  action,  il  était  nécessaire  de  connaître 
son  mode  de  pénétration  dans  le  sang,  de  déterminer  sa  répartition  et 
les  conditions  de  son  élimination. 

La  méthode  dont  se  sont  servis  Nicloux  et  Camus  (1)  est  basée  sur 
la  connaissance  des  réactions  qui  accompagnent  la  combustion  com- 
plète du  chlorure  d'éthyle  à  l'état  de  gaz.  Les  expériences  ont  porté 
soit  sur  des  chiens  soumis  à  l'absorption  de  mélanges  gazeux  titrés  ou 


(1)    L.    Camus  et  M.  Nicloux,   Le   chlorure    d'éthyle   dans  le  sang  au  cours  de 
l'anestliésie. 


AVANTAGES  ET  I^'CO^'YÉNIENTS  DU  CHLORURE  D  ETHYLE.     69 

de  vapeurs  pures  de  chlorure  d'éthyle.  Le  titre  du  mélange,  la 
quantité  de  vapeur  otïerte  à  la  respiration  de  l'animal  de  même  que 
le  rythme  et  l'amplitude  des  mouvements  respiratoires  ont  une 
grande  influence  sur  labsorption  du  chlorure  d'éthyle.  D'une  façon 
générale,  l'aneslhésie  se  produit  assez  rapidement,  et  en  même  temps 
on  constate  une  brusque  apparition  de  C-H^Cl  dans  le  sang  qui,  dans 
la  phase  d'anesthésie  croissante,  renferme  environ  25  milligrammes 
p.  100  centimètres  cubes  au  moment,  où  disparaît  la  sensibilité. 

Les  analyses  exécutées  sur  le  sang  prélevé  pendant  le  phase 
d'anesthésie  décroissante  donnent  à  peu  près  la  même  valeur. 

La  dose  mortelle  est  très  variable.  Tantôt  les  animaux  meurent 
avec 45  milligrammes  p.  100  dansle  sangettantôtavecunedosequatre 
fois  plus  forte.  Ces  dilïerences  tiennent  aux  conditions  expérimen- 
tales, qui  modifient  considérablemenlle  mécanisme  delà  mort;  mais, 
en  somme,  la  grande  volatilité  du  chlorure  d'éthyle  peut  permettre 
sans  danger  son  introduction  passagère  dans  le  sang  à  très  haute 
dose,  ce  qui  n'a  pas  lieu  pour  le  chloroforme. 

Pour  ce  qui  est  de  l'élimination  du  chlorure  d'éthyle,  le  retour 
rapide  à  la  sensibilité,  quand  cesse  son  administration,  coïncide  avec 
une  élimination  rapide.  Les  analyses  exécutées  sur  des  prises  de 
sang  très  rapprochées  montrent  que  le  taux  du  chlorure  d'éthyle 
peut  s'abaisser  en  moins  d'une  minute  de  40  milligrammes  à  10  mil- 
ligrammes par  centimètre  cube  de  sang.  L'état  de  la  ventilation 
pulmonaire,  de  la  circulation  et  la  durée  de  l'anesthésie  ont  une 
grande  influence  sur  la  rapidité  de  l'élimination. 

Le  sang  artériel,  aucours  de  l'anesthésie,  renferme  plus  de  chlorure 
d'éthyle  que  de  sang  veineux,  mais,  pendant  l'élimination,  les  propor- 
tions se  renversent,  et  l'on  constate  ici,  comme  pour  le  chloroforme, 
que  les  courbes  se  coupent.  Si  l'on  provoque  l'asphyxie  soit  en  fer- 
mant la  trachée,  soit  en  supprimant  la  respiration  par  une  forte  in- 
toxication, lesangcesse  d'éliminer  l'anesthésique,  et  l'on  peut  voir  la 
décharge  des  organes  se  manifester  par  l'élévation  du  taux  du  chlo- 
rure d'éthyle  dans  le  sang  veineux. 

En  résumé,  les  analyses  faites  au  cours  de  l'anesthésie  montrent 
que  le  chlorure  d'éthyle  pénètre  avec  une  grande  rapidité  dans  le 
sang,  que  son  taux  dans  certaines  conditions  peut  s'élever  considéra- 
blement sans  danger  pour  l'organisme,  car  l'élimination  est  possible 
en  un  temps  extrêmement  court. 

Pratiquement,  l'anesthésie  par  le  chlorure  d'éthyle  offre  une  grande 
sécurité,  caria  respiration  artificielle  dans  les  cas  d'intoxication  jouit 
d'une  efficacité  exceptionnelle.  Cependant  la  clinique  nous  montre 
qu'il  ne  faut  pas  considérer  le  chlorure  d'éthyle  comme  un  agent 
inoffensif.  Sans  être  aussi  nombreux  que  ceux  du  bromure  d'éthyle, 
les  cas  de  mort  s'élèvent  déjà  à  un  chiffre  appréciable. 

Le  D"^  T.  D.  Luke,  qui  en  a  relevé  exactement  17,  conclut:  «  Voilà 


70  NOGUÉ.  —  AXESTHESIE. 

donc  une  liste  de  17  cas  connus  et,  étant  donnée  la  jeunesse  du  chlorure 
d'élhyle  comme  agent  anesthésique,  cette  liste  n'est-elle  pas  formi- 
dable? Il  esta  remarquer  que  près  de  la  moitié  de  ces  cas  de  mort  ont 
eu  lieuàproposd'opéralions  dentaires,  et  il  est  à  croire  que  le  chlorure 
d'élhvle  est  utilisé  trop  souvent  pour  remplacer  le  protoxyde  d'azote, 
qui  serait  bien  préférable.  C'est  évidemment  un  excellent  agent  anes- 
thésique, mais  dont  il  importe  beaucoup  de  connaître  les  indications. 
Personnellement,  je  n'ai  pas  eu  d'accident  fatal  avec  le  chlorure 
d'éthyle  et  bien  que,  dans  un  cas  ou  deux,  jai  eu  un  arrêt  temporaire 
de  la  respiration,  je  m'en  sers  quotidiennement  et  avec  une  confiance 
complète.  Toutefois  on  ne  saurait  apporter  trop  de  soin  à  son  dosage 
et,  même  quand  on  en  n"a  introduit  qu'une  dose  modérée  dans  l'inha- 
lateur, il  faut  surveiller  très  attentivement  le  début  de  l'anesthésie  et 
retirer  l'appareil  avant  que  la  respiration  ne  soit  devenue  par  trop  ster- 
toreuse  et  que  les  pupilles  ne  soient  largement  dilatées.  Par-dessus 
tout,  il-  est  nécessaire,  selon  moi,  que  l'on  ne  se  hasarde  pas  à  admi- 
nistrer un  anesthésique  agissant  aussi  rapidement  que  le  chlorure 
d'éthyle,  si  l'on  n'a  pas  le  sang-froid  et  les  connaissances  voulues 
pour  parera  tous  les  accidents  possibles  (1).  » 

(1)  T.  D.  LuKE,  British  med.  Journal  et  Progrès  dentaire,  n»  1,  1906. 


BROMURE  D'ÉTHYLE.  71 

VI.  -  BROMURE  D'ÉTHYLE. 

C'est  un  liquide  incolore,  très  volatil,  d'une  odeur  éthérée  spéciale, 
d'une  saveur  bridante,  découvert  par  Serullaz  en  18'29,  employé 
pour  la  première  fois  comme  anesihésique  en  1829  par  Munneley  (de 
Leeds).  La  lumière  le  décompose,  aussi  doit-il  être  conservé  dans  des 
flacons  colorés  et  fermés  h  la  lampe  ou  bouchés  à  l'émeri. 

Le  bromure  d'éthyle  est  soluble  dans  Téther  et  l'alcool  en  toutes  pro- 
portions. Il  bouta  49°  et  ne  cristallise  pas  à  O»,  ce  qui  le  différencie  du 
bromure  d'éthylène,  corps  toxique  qui  cristallise  à  cette  température. 

On  l'obtient  par  plusieurs  procédés  :  en  faisant  agir  l'alcool  rectifié 
sur  le  brome  en  présence  du  phosphore;  en  faisant  agir  l'alcool  et 
l'acide  sulfurique  sur  le  bromure  de  potassium;  en  décomposant 
Téthylate  de  sodium  par  le  brome  ;  en  faisant  agir  l'acide  bromhy- 
drique  sur  l'éthylène. 

Le  bromure  d'éthyle  doit  être  administré  absolument  pur.  Heffter 
et  Duniont  indiquent  les  moyens  suivants  de  reconnaître  cette 
pureté  :  1°  versé  sur  la  main,  le  brométhyle  doit  se  vaporiser  rapi- 
dement et  complètement  sans  laisser  de  résidu  et  en  produisant  une 
sensation  de  froid  intense  ;  2°  agité  avec  de  l'eau  dans  un  verre  à 
réaction,  puis  filtré,  le  produit  aqueux  de  la  filtration  doit  avoir  une 
réaction  neutre  et  n'éprouver  aucune  modification  par  l'addition  de 
nitrate  d'argent  ;  3°  une  addition  d'acide  sulfurique  concentré  à  du 
bromure  d'éthyle  pur  ne  doit  pas  le  colorer  en  brun  ;  si  cette  colo- 
ration se  manifeste  ou  bien  encore  si  le  produit  prend  sponta- 
nément une  teinte  jaunâtre,  c'est  l'indice  d'un  commencement  de 
décomposition.  Tant  que  l'addition  d'un  peu  d'acide  sulfurique 
concentré  ne  provoque  aucun  changement  de  couleur,  on  peut  con- 
sidérer le  produit  comme  sûrement  bon  et  irréprochable. 

D'après  Lermoyez,  le  bromure  d'éthyle  que  livre  le  commerce 
est  généralement  de  très  mauvaise  qualité  et  peut  amener  des  acci- 
dents graves.  On  ne  doit  accepter  pour  l'anesthésie  qu'un  produit  qui 
présente  les  qualités  suivantes  : 

1°  11  doit  être  très  volatil  et,  versé  dans  la  main,  s'évaporer  com- 
plètement et  rapidement  sans  laisser  de  résidu  ; 

2o  11  doit  être  incolore;  a-t-il  une  teinte  jaunâtre  ambrée,  c'est  qu'il 
s'est  décomposé,  mettant  en  liberté  une  petite  quantité  de  brome  ;  il 
produit  alors  une  vive  irritation  des  voies  aériennes  ; 

3°  11  doit  posséder  une  odeur  douce,  éthérée.  Un  bromure  d'éthyle 
qui  a  une  odeur  alliacée  est  impur  :  il  renferme  de  l'hydrogène  phos- 
phore, gaz  toxique. 

La  pureté  du  bromure  d'éthyle  dépend  :  1°  de  son  mode  de  prépa- 
ration :  2°  de  son  mode  de  conservation. 

1°  Industriellement,  le  bromureest  obtenu  en  distillant  un  mélange 


72  NOGUÉ.  —  ANESTHESIE. 

de  brome,  d'alcool  absolu  et  de  phosphore  ;  cette  préparation  donne 
un  produit  impur.  Il  doit  être  préparé  en  décomposant  Falcool  devin 
par lacidesulfurique  pur  en  présence  du  bromure  de  potassium  et 
rectifié  ensuite  par  distillation  sur  l'huile  d'amandes  douces. 

2°  La  lumière,  Ihumidité,  le  contact  de  l'air  le  décomposent.  Il  faut 
n'user  que  d'un  bromure  contenu  dans  des  tubes  colorés,  scellés  à 
la  lampe.  Même  dans  ces  conditions,  ce  corps  ne  se  conserve  intact 
que  deux  à  trois  semaines  ;  encore  vaut-il  mieux,  s'il  est  possible, 
quil  ait  été  distillé  les  jours  qui  précèdent  l'opération  (1). 

Depuis  son  emploi  en  1829  par  Nunneley  et  plus  tard,  en  1865,  le 
bromure  d'éthyle  n'avait  guère  été  utilisé  en  chirurgie,  quand,  en 
1877  et  1879,  Lawrence  Turnbull  et  Lewis  (de  Philadelphie),  Terrillon 
en  France  le  remirent  en  honneur.  Mais  il  ne  se  répandit  réellement 
qu'à  partir  de  1890,  époque  à  laquelle  les  D""'  Calmettes  et  Lubet- 
Barbon  l'adoptèrent  systématiquement  pour  les  opérations  rhinolo- 
giquesde  courte  durée. 

PHYSIOLOGIE  DU  BROMURE  D'ÉTHYLE. 

Action  sur  le  système  nerveux.  —  La  narcose  brométhylique 
parcourt  les  mêmes  étapes  que  la  narcose  chloroformique  :  toutes 
deux  agissent  d'abord  sur  le  cerveau,  puis  sur  le  bulbe.  Mais,  avant 
de  paralyser  chacun  de  ces  centres,  le  chloroforme  exerce  sur  eux 
une  irritation  cliniquement  appréciable.  Le  bromure  d'éthyle,  au  con- 
traire, brûle  la  période  d'excitation  (Lermoyez).  Avec  lui,  la  phase  de 
paralysie  des  centres  nerveux  est  atteinte  d'emblée  sans  être  précé- 
dée de  la  phase  d'exaltation  (Dastrej.  La  moelle,  le  bulbe  et  les 
hémisphères  cérébraux  seraient  donc  plus  sensibles  à  l'action  du 
bromure  d'éthyle  qu'à  celle  de  l'éther  ou  du  chloroforme. 

Heureusement,  si  le  bromure  d'éthyle  agit  sur  le  cerveau  avec  une 
rapidité  en  quelque  sorte  foudroyante  (Lermoyez),  il  ne  paralyse  que 
bien  plus  tard  le  centre  médullaire. 

Il  remplit  donc  surtout  les  conditions  d'un  excellent  analgésique. 
Le  sujet  peut  encore  faire  des  mouvements,  avoir  toutes  les  appa- 
rences de  la  sensibilité,  alors  qu'il  est  déjà  insensible. 

Action  sur  la  circulation  et  la  respiration.  —  Le  bro- 
mure d'éthyle  détermine,  comme  l'éther,  de  la  congestion  de  la 
face,  une  accélération  du  pouls  et  une  élévation  de  la  pression  san- 
guine. C'est  un  vaso-dilatateur  :  en  congestionnant  la  tête,  il  permet, 
sans  crainte  de  syncope,  d'opérer  les  malades  assis. 

De  plus  le  bromure  d'éthyle,  n'amenant  pas  de  phase  d'excitation 
appréciable,  n'expose  pas  à  léventualité  terrible  du  laryngo-réflexe. 

Action  sur  le  tube  digestif,  les  glandes,  le  système  muscu- 
laire. —  Les  nausées  et  les  vomissements  sont  assez  fréquents  après 
l'inhalation  de  bromure  d'éthyle.  La  sécrétion  glandulaire  est  aug- 


BROMURE  D'ÉTHYLE.  —  INSTRUMENTATION. 


73 


mentéo  :  sudation  al)ondante,  larmoiement,  ptyalisme.  La  résolution 
musculaire  est  rarement  complète. 

Lebrométliyle  s'élimine  par  les  voies  respiratoires. 


INSTRUMENTATION. 

En  raison  de  la  volatilité  assez  marquée  du  bromure  d'éthyle,  il 
est  bon  de  l'administrer  à  l'aide 
d'un  masque,  qui  empêche  son 
évaporation.  Parmi  les  masques 


Fig.  20.  —  Masque  à  bromure  d'éthyle 
de  Gilles    de   Colocrne  . 


Fig.   21.  —  Masque    de    Gilles 
(de  Cologne). 


les  plus  connus,  on  peut  citer  celui  de  Gilles  (de  Cologne),  formé 

de  deux  corbeilles    en   fil 

d'archal,    unies     l'une      à 

l'autre   par   une   charnière 

et  revêtues   d'une  flanelle 

imperméable  et  d'une  pièce 

de  caoutchouc.  Pour  verser 

Tanesthésique,  on  relève  la 

corbeille  extérieure  (fig.  21) 

et  21). 

En  France,  la  plupart  des 
chirurgiens  se  contentent 
d'une  compresse  simple  im- 
perméabilisée. Quelques- 
uns  cependant  font  usage 
des  masques  de  Guyon  ou 
de  Nicaise,  utilisés  pour 
l'administration  du  chloro- 
forme. 

Dans  le  but  de  permettre 
au  patient  de  respirer  une  Fig.  22.  —  Appareil  de  Crésantigne. 

certaine  quantité  d'air  avec 

le  bromure  d'éthyle,  le  D""  de  Crésantigne  (fig.  22)  a  préconisé  un 
appareil  spécial,  composé  d'un  masque  inhalateur  et  d'un  sac  en  caout- 


74  NOGUE.  —  ANESTHESIE. 

chouc  pouvant  contenir  environ  un  demi-lilre  dair  atmosphérique. 
L'iniialateur  à  réservoir  d'air  met  donc  à  la  disposition  du  sujet  à 
endormir  une  certaine  quantité  d'air,  qui,  contenu  dans  une  vessie 
souple  fixée  à  l'extrémité  d'un  mouchoir  épingle  en  forme  de  cor- 
net, estinspirésansefTort,  après  s'êtrechargé  de  vapeurs  aneslhésiques 
au  passage,  y  retourne  lors  de  l'expiration  pour  y  être  repris  et 
ainsi  de  suite  jusqu'à  ce  que  l'insensibilité  soit  complète,  ce  qui  arrive 
rapidement. 

TECHNIQUE  DE  L'ANESTHÉSIE. 

Deux  méthodes  peuvent  être  employées  :  1°  la  méthode  des  doses 
massives  ;  2"  la  méthode  des  doses  fractionnées. 

MÉTHODE  DES  DOSES  MASSIVES. 

La  méthode  des  doses  massives  a  été  préconisée  et  employée 
par  le  P''  Moritz-Schmidl  (de  Francfort).  En  France,  Hartmann  et 
Bourbon  en  sont  les  protagonistes  convaincus.  Elle  est  ainsi 
exposée  par  ces  auteurs  :  «  Ayant  placé  le  malade  convenablement  et 
préparé  tout  ce  qui  peut  être  nécessaire  au  cours  de  l'intervention, 
car  il  faut  être  prêt  à  agir  immédiatement,  nous  versons  sur  la  com- 
presse pliée  10  à  15  grammes  de  bromure  d'éthyle  et  commençons 
par  faire  faire  au  malade  une  inhalation  à  distance  pour  l'habituer  à 
l'odeur.Puis  nous  appliquons  hermétiquement  sur  le  nez  et  la  bouche  la 
compresse  disposée  en  cornet.  L'agitation  du  début,  lorsqu'elle  a  lieu, 
du  reste  peu  fréquente  chez  les  gens  sains  et  sans  tare,  est  toujours 
inconsciente.  Les  sujets  ne  gardent  jamais  un  mauvais  souve- 
nir de  ce  début  d'anesthésie.  Vu  la  possibilité  de  cette  agitation,  il  est 
bon  de  faire  maintenir  le  malade  à  ce  moment.  Cette  agitation, 
lorsqu'elle  existe,  ne  dure,  du  reste,  que  quelques  secondes:  après 
une  dizaine  d'inspirations,  la  narcose  est  complète,  la  respiration  est 
régulière  et  calme,  la  face  est  toujours  un  peu  plus  rosée  que  nor- 
malement, parfois  même  vultueuse,  sans  être  le  moins  du  monde 
cyanosée  ;  la  pupille  est,  dans  la  majorité  des  cas,  dilatée.  Cessant 
immédiatement  et  complètement  l'inhalation  du  bromure  d'éthyle, 
nous  laissons  le  malade  respirera  l'air  libre  et  opérons,  moins  d'une 
minute  par  conséquent  après  le  début  des  inhalations.  Nous  insis- 
tons sur  ce  fait  qu'il  faut  ne  donner  le  bromure  d'éthyle  que  pendant 
un  temps  extrêmement  court.  Pour  peu  qu'on  continue  son  adminis- 
tration, on  voit  souvent  le  malade  entrer  en  contracture  (raideur  des 
membres,  du  dos,  trismus,  etc.).  En  un  mot,  il  faut  opérer  pendant  la 
première  phase  de  l'anesthésiepar  le  bromure. 

«  Lorsque  l'opération  ne  dure  qu'un  temps  très  court  (deux  minutes), 
le  malade  se  réveille  tranquillement,  reprenant  immédiatement  con- 
naissance, sans  ce  malaise  qui  suit  l'ingestion  du  chloroforme,  quel- 


BROMURE  D'ÉTHYLE.  —  TECHNIQUE  DE  L'ANESTHÉSIE. 


quetbis  nuhne  gîiîmoiil.  Lorsqu'elle  est  plus  longue  et  dépasse  trois 
minutes,  il  est  bon  de  donner  une  nouvelle  dose  de  bromure  au 
moment  où  le  malade  commence  à  se  réveiller  (contraction  pupil- 
laire,  mouvements,  etc.)  ;  on  peut  interroger  le  malade  et  renouveler 
rinhalaliou  sur  son  assurance  qu'il  commencée  sentir  un  picotement. 

«  Deux  inhalations  d'air  saturé  de  bromure  suffisent  pour  per- 
mettre de  continuer  l'opération.  Nous  avons  été  ainsi  jusqu'à  donner 
trois  doses  succes- 
sives pour  des  opéra- 
tions d'une  durée  de 
dix  à  quinze  minutes  ; 
jamais  nous  n'avons 
été  au  delà,  préfé- 
rant, pour  les  opéra- 
tions d'une  plus 
longue  durée,  faire 
suivre  l'administra- 
tion de  bromure  de 
celle  du  chlorofor- 
me. « 

Lermoyez  donne 
ainsi  les  règles  qui 
doivent  présider  à 
l'administration  du 
bromure  d"  et  h  vie. 
Pour  bien  donner  le 
bromure  d'éthyle,  il 
faut  oublier  les  règles 

de  l'administration  du  chloroforme  (Lubet-Barbon).  Il  faut  d'emblée 
sidérer  le  malade  par  une  dose  massive.  Afin  de  ne  pas  le  surprendre 
trop  brusquement,  on  peut,  surtout  si  c'est  un  adulte,  lui  faire 
d'abord  sentir  quelques  gouttes  ;  puis,  au  bout  de  deux  à  trois 
secondes,  on  lui  administre  d'un  seul  coup  toute  la  quantité  d'anes- 
thésique  nécessaire  pour  l'endormir  :  5  à  10  grammes  chez  l'enfant, 
10  à  20  grammes  chez  l'adulte  sont  des  doses  à  ne  pas  dépasser. 

Les  vapeurs  doivent  être  mélangées  à  la  plus  petite  quantité 
d'air  possible,  ce  qui  est  facile  à  réaliser  si  on  substitue  à  la  compresse 
classique  un  masque  en  forme  de  nid  de  pigeon,  formé  par  un 
squelette  de  fil  de  fer,  garni  de  flanelle,  qu'on  peut  même,  pour  plus 
de  sûreté,  doubler  extérieurement  d'un  tissu  imperméable.  Le  masque 
de  Billroth,  entièrement  clos  par  une  paroi  métallique,  est  d'un 
emploi  commode  chez  l'adulte.  Quel  qu'il  soit,  le  masque  doit  empri- 
sonner exactement  le  nez  et  la  bouche,  laissant  à  découvert  les  yeux 
qu'il  est  utile  de  surveiller. 

Préalablement,    on   aura    pris  les  mêmes  précautions  que   pour 


Fie 


23.  —  Corbeille  de  Breuer  pour  l'administra  Lion 
du  chlorure  et  du  bromure  d'éthyle. 


76  NOGUÉ.    —  ANESTHESIE. 

l'anesthésie  chloroformique;  la  figure  aura  été  enduite  de  vaseline  et 
les  dents  artificielles  enlevées  de  la  bouche.  On  s'assurera  qu'aucun 
vêtement  ne  serre  la  poitrine  ni  le  cou. 

Qu'il  soit  assis  ou  couché,  dès  l'application  hermétique  du  masque, 
le  malade  étoulTe  et  se  débat  :  on  doit  le  maintenir,  sans  violence. 
Instinctivement,  surtout  si  c'est  un  enfant,  il  se  retient  de  respirer; 
mais,  dés  que,  vaincu  par  le  besoin  d'air,  il  a  fait  deux  ou  trois  inspi- 
rations, il  se  calme  et,  vers  la  huitième  ou  la  dixième  inspiration,  il 
s'endort.  Vingt  à  quarante  secondes  suffisent  pour  obtenir  le  sommeil, 
suivant  le  degré  de  nervosité  et  surtout  d'anxiété  du  patient.  En 
tout  cas,  sous  peine  cVaccidents^  il  faut  commencer  à  opérer  une 
minute  au  plus  après  le  début  de  Téthylisation.  A  ce  moment,  on 
enlève  le  masque,  et  on  ne  le  remet  plus  jusqu'à  la  fin  de  l'opération. 

Dès  la  première  inhalation,  la  face  devient  rouge,  vultueuse  :  elle 
se  congestionne,  mais  ne  doit  pas  se  cyanoser.  Les  yeux  demeurent 
ouverts,  hagards,  fixes  et  parfois  se  convulsenten  haut  et  en  dedans. 
Rapidement  arrive  \a  phase  de  résolution  musculaire  ;  la  main  lâche 
l'objet  qu'elle  tenait,  le  bras  soulevé  retombe  inerte,  la  tête  se  laisse 
mouvoir  passivement.  Le  malade  ne  résiste  plus,  l'anesthésie  et 
l'inconscience  sont  complètes  :  c'est  la  période  où  il  faut  opérer. 

Si  on  laisse  par  mégarde  le  masque  quelques  secondes  de  plus, 
la  phase  de  contraction  arrive  :  elle  est  gênante,  car  elle  détermine 
un  trismus  énergiquequi  inlerditaux  instruments  l'accès  du  pharynx; 
elle  peut  être  dangereuse  si  la  glotte  se  ferme  ;  l'asphyxie  est  le 
danger  qui  menace  surtout  les  éthylisés.  Quand,  au  cours  d'une 
ablation  de  végétations  adénoïdes,  par  exemple,  on  voit  se  produire 
la  contraction  des  mâchoires,  il  n'y  a  qu'à  attendre  que  le  malade, 
se  réveillant  peu  à  peu,  repasse  par  la  phase  de  résolution  ;  mais,  le 
plus  souvent  alors  le  réveil  revient  si  vite  qu'on  n'a  pas  le  temps 
d'opérer,  tout  est  à  recommencer. 

Le  réveil  arrive  ordinairement  au  bout  d'une  à  deux  minutes  :  il 
est  presque  toujours  calme. 

Le  malade  ouvre  lentement  les  yeux,  regarde  autour  de  lui  d'un 
air  étonné,  ne  se  rappelant  pas  ce  qui  s'est  passé:  il  ne  dort  plus, 
mais  il  est  encore  dans  cet  état  de  demi-inconscience  où  les  enfants 
les  plus  indociles  se  laissent  aisément  manier  et  qu'on  peut,  s'il  est 
nécessaire,  encore  utiliser  pour  achever  l'opération  ou  faire  un  panse- 
ment douloureux.  BientcM  cet  état  d'hébétude  se  dissipe;  le  malade 
se  lève,  titube  pendant  quelques  pas,  puis  s'alïermit  sur  ses  jambes 
et  peut  gagner  seul  son  ht  ou  même  rentrer  à  pied  chez  lui.  Il 
n'éprouve  aucun  malaise  consécutif;  il  n'a  pas  mal  de  tête,  il  ne  vomit 
pas,  ce  qui  ])ermet  de  l'endormir  l'après-midi  après  son  repas  :  toute- 
fois l'expérience  m'a  montré  que  les  éthylisalions  calmes  et  rapides 
se  font  surtout  bien  le  matin  àjeun. 

Pendant  deux  ou   trois  jours,  l'haleine  du  malade  a  une  odeur 


BROMURE   D'ÉTHYLE.  —  TECHNIQUE  DE  L'ANESTHESIE.       77 

alliactH\  qui  montre  (jue,  si  le  bromure  d'éthyle  possède  une  action 
immédiate,  mais  fugitive,  son  élimination  n'est  pas  aussi  rapide 
qu'on  pourrait  le  croire. 

Modification  de  la  technique  usuelle.  — Méthodes  prolongées 
et  mixtes.  —  Méthode  analgésique  (Lermoyez)  (1).  —  Donné 
comme  il  vient  dètre  dit,  le  bromure  déthyle  est  d'un  maniement  sûr 
et  commode,  mais  il  ne  convient  alors  qu'aux  opérations  extrêmement 
courtes.  Quelques  chirurgiens  l'emploient  cependant  pour  des  inter- 
ventions dune  durée  dune  demi-heure  et  plus.  A  ceux  qui  seraient 
tentés  de  suivre  leur  exemple,  il  faut  rappeler  cette  phrase  de  Dastre  : 
«  L'action  paralysante  prédominante  de  cette  substance  doit  nous 
faire  préjuger  que,  pour  les  opérations  de  longue  durée,  elle  offrira 
des  dangers  supérieurs  à  ceux  de  l'éther  et  du  chloroforme.  »  Dès 
lors  pourquoi  ne  pas  donner  le  chloroforme,  qui,  dans  ces  conditions, 
est  moins  dangereux  ?... 

«  Pour  ma  part,  en  présence  des  accidents  mortels  auxquels  le  bro- 
mure d'éthyle  a  donné  lieu  depuis  deux  ans,  j'ai  une  tendance  à 
rester  en  deçà  plutôt  qu'à  aller  au  delà  de  la  tolérance  physiologique 
et  à  obtenir  avec  ce  corps  moins  l'anesthésie  que  V analgésie.  J'ai  dit 
qu'entre  le  moment  où,  dès  le  début,  il  paralyse  le  cerveau  et  l'ins- 
tant où,  plus  tardivement,  il  supprime  l'influence  médullaire,  il 
s'écoule  un  espace  de  temps  appréciable  ;  c'est  de  cette  période  que 
je  cherche  autant  que  possible  de  profiter  pour  opérer.  Le  malade  ne 
dort  pas  au  vrai  sens  du  mol,  et,  pour  qui  ne  connaît  que  l'anesthésie 
chloroformique,  il  semble  être  opéré  à  l'état  de  veille;  mais  il  ne 
sent  pas,  ce  qui  est  capital  pour  lui,  et  il  ne  résiste  pas,  ce  qui  est 
essentiel  pour  le  chirurgien  ;  même  si  parfois  il  s'est  plaint  pendant 
l'opération,  jamais  ensuite  il  ne  se  souvient  de  ce  qui  s'est  passé. 
Pour  bien  saisir  ce  moment,  il  faut  surveiller  attentivement  les  yeux 
et,  sans  se  préoccuper  du  plus  ou  moins  de  résolution  musculaire, 
cesser  l'inhalation  dès  que  la  pupille  commence  à  se  dilater  et  la 
conjonctive  à  s'injecter  légèrement.  Sur  quelques  centaines  d'éthyli- 
sations  que  j'ai  faites  avec  Helme,  jamais,  quand  nous  avons  pu  ne 
pas  dépasser  la  phase  d'analgésie  —  ce  qui  était  le  cas  ordinaire  — 
nous  n'avons  observé  le  moindre  accident,  ni  même  éprouvé  la  plus 
petite  alerte.  » 

MÉTHODE   DES   DOSES    FRACTIONNÉES. 

Malgré  l'opinion  de  Haffter,  Abonyi,  Hartmann,  qui  considèrent 
cette  façon  d'administrer  le  bromure  d'éthyle  comme  dépourvue  de 
danger,  nul  doute  que  la  sidération  brutale  ne  constitue  un  procédé 
peu  scientihque,  en  ce  sens  qu'elle  ne  permet  aucune  graduation  des 

(1)  Lermoyez,  De  l'anesthésie  par  le  bromure  d'éthyle  (Presse  méd.). 


78  NOGUE.  —  ANESTHESIE. 

doses  etquelle  ne  laisse  aucune  ressource  en  cas  d'accident.  Il  s'est 
trouvé  des  chirurgiens  pour  préconiser  une  mélhodeplus  prudente,  la 
méthodedes  doses  fractionnées  (Partsch,  Mikulicz, Terrier  et  Péraire). 

Quelques  gouttes  de  bromure  sont  versées  sur  la  compresse,  et 
celle-ci  est  maintenue  collée  pour  ainsi  dire  sur  la  bouche  du  patient. 
Dès  que  cette  dose  est  évaporée  ou  inhalée,  on  en  verse  unenouvelle 
et  ainsi  de  suite  jusqu'à  l'obtention  de  la  narcose.  Il  est  bon  de  com- 
mencer ici,  comme  pour  le  chloroforme,  à  présenter  d'abord  la  com- 
presse au  malade  afin  de  l'habituer  à  l'odeur. 

L'anesthésie  est  complète  au  bout  d'une  minute  environ. 

Dans  les  opérations  sur  la  bouche  ouïe  pharynx,  il  est  prudent  de 
placer  au  préalable  un  bâillon  en  caoutchouc  afin  de  lutter  contre  la 
contracture  généralement  persistante  des  masséters. 

Cette  anesthésie  se  manifeste  par  la  congestion  de  la  face,  la  dila- 
tation de  la  pupille,  l'insensibilité  de  la  conjonctive,  le  ronflement, 
l'état  de  laisser-aller  du  patient,  qui  est  manifeste  pour  un  observa- 
teur exercé,  bien  que  la  résolution  musculaire  n'existe  pas. 

Le  réveil  survient  rapidement  et  parfois  brusquement.  Le  retour  à 
la  conscience  n'est  pas  immédiat,  comme  dans  l'anesthésie  par  le 
protoxyde  d'azote. 

Les  nausées  et  les  vomissements  ne  sont  pas  rares.  Parfois,  pendant 
une  partie  de  la  journée,  le  patient  conserve  un  certain  degré  de  tor- 
peur intellectuelle  et  de  la  céphalée.  Il  estbon.aprèsl'acministrationdu 
bromure  d'éthyle,  de  laisser  le  patient  couché  pendant  quelques  heures. 

Surtout  chez  les  nerveux  et  les  alcooliques,  on  note  une  période 
d'excitation  violente  au  début  de  l'anesthésie,  mais  passagère. 

Le  bromure  d'éthyle  sera  réservé  pour  les  opérations  de  courte  durée. 
Pour  les  opérations  plus  longues,  rien  ne  permet  de  lui  donner  la  préfé- 
rence sur  l'éther  ou  le  chloroforme.  L'opinion  du  P"  Dastre  est  for- 
melle à  cet  égard,  et  on  ne  saurait  trop  s'y  conformer  :  «  Le  bromure 
d'éthyle  étant  un  vaso-dilatateur  constitue  un  état  d'infériorité  vis-à-vis 
du  chloroforme  au  point  de  vue  de  l'économie  du  sang,  particulière- 
ment pour  les  opérations  sur  la  face.  Enfin  l'action  paralysante  pré- 
dominante de  cette  substance  doit  nous  faire  préjuger  que,  pour  les 
opérations  de  longue  durée,  elle  offrira  des  dangers  supérieurs  à 
ceux  de  l'éther  et  du  chloroforme  (1).  » 

Le  bromure  d'éthyle  n'est  pas  sans  avoir  déjà  causé  plusieurs 
accidents  mortels.  2  cas  survenus  en  Amérique  ont  été  signalés  par 
Gubler  et  Labbé  ;  3  cas  ont  été  signalés  par  Gleich  (1892)  ;  1  par 
Kœhler  (1894)  ;  1  par  Suarez  de  Mendoza  (  Duplay)  ;  1  par  M.  Gui- 
nard  (2).  En  1902,  Seitz  pouvait  établir  une  statistique  de  24  cas  de 
mort  (3).  Depuis  cette  époque,  d'autres  accidents  sont  survenus  et 

(1)  Dasthk,  Les  anesthésiques,  p.  193. 

(2)  GiiNARD,  Soc.  de  chir.,  18  fév.  1902. 

(3)  Seitz,  Deutsche  Monatsschrifl  fur  Zahnheilkunde.  1902. 


PROPHYLAXIE  DES  ACCIDENTS  BROMÉÏHYLIQUES.  79 

monlri'iif  avec  ijuclle  prudence  il  faut  avoir  recours  à  cet  aneslhé- 
sique. 

En  stomatologie,  il  sera  exceptionnellement  employé,  pour  cette 
raison  bien  simple  qu'il  ne  présente  aucun  avantage  sur  le  chlorure 
d'éthyle,  d'un  maniement  plus  aisé  et  moins  dangereux. 

PROPHYLAXIE  DES  ACCIDENTS  BROMÉTHYLIQUES. 

Le  bromure  d'éthyle  a  causé  des  accidents  mortels  :  ce  (serait 
laisser  planer  sur  lui  une  juste  défiance  que  de  vouloir  les  dissi- 
muler ;  tous  les  cas  de  mort  qu'il  provoque  devraient  être  publiés 
et  non  chuchotes.  Dans  presque  tous  les  faits  malheureux  (celui  de 
Suarez  de  Mendoza  fait  exception),  la  mort  est  imputable  à  la  faute 
des  opérateurs,  qui  ont  enffreint  une  des  règles  suivantes  : 

1"  Ne  pas  confondre  le  bromure  d'éthyle  avec  le  bromure  d'élhylène; 

2°  N'employer  que  du  bromure  d'éthyle  pur  et  fraîchement  préparé  ; 

3"  Administrer  le  bromure  d'éthyle  en  masse  ;  quelques  opérés  qui 
ont  succombé  avaient  été  endormis  parla  méthode  des  doses  faibles 
et  continues; 

A°  Ne  pas  prolonycr  r  administration  au  delà  d'une  minute; 

5°  Ne  faire  au  plus  que  deux  reprises. 

Il  y  a  enfin  certaines  contre-indications  et  certaines  idiosyncrasies 
dont  il  faut  tenir  compte. 

L'éthylisation  est  contre-indiquée  chez  les  sujets  atteints  d'affec- 
tions graves  du  cœur  et  des  poumons  ainsi  que  chez  les  rénaux. 

Elle  est  très  difficile  chez  les  alcooliques,  chez  les  nerveux,  sur- 
tout chez  les  sujets  qui  craignent  de  s'endormir.  La  chloroformisa- 
tion  a  du  reste  les  mêmes  inconvénients. 

h'àge  des  malades  est  également  un  facteur  dont  il  faut  se  préoc- 
cuper. La  seconde  enfance,  de  deux  à  seize  ans,  est  la  période  d'élec- 
tion de  la  vie  pour  donner  le  bromure  d'éthyle.  Chez  l'adulte,  le  som- 
meil est  moins  facilement  obtenu.  Il  laisse  souvent  a  sa  suite  une  phase 
d'excitation  ébrieuse,  qui  peut  durer  plusieurs  heures.  Au-dessous 
de  deux  ans,  l'éthylisation  est  inutile,  les  petits  sujets  étant  incons- 
cients et  faciles  à  manier;  à  cet  âge,  le  chloroforme  est  si  bien  toléré 
qu'il  demeure  encore  le  seul  anesthésique  de  la  première  enfance. 

En  observant  toutes  ces  précautions,  on  réduira  au  strict  minimum 
leschancesd'accidents,  mais  on  ne  les  supprimera  pas  complètement. 
Le  bromure  d'éthyle  n'est  pas  l'anesthésique  absolument  inoffensif 
qu'on  s'était  tout  d'abord  imaginé  découvrir.  Mais  est-ce  une  raison 
pour  se  montrer  plus  sévère  vis-à-vis  de  lui  que  du  chloroforme  ?  Le 
premier  est  supérieur  pour  les  opérations  courtes,  le  second  pour 
les  opérations  longues.  En  admettant  que  tous  deux  aient  une  nocivité 
égale,  il  faut,  pour  tous  les  cas  indiqués,  préférer  l'éthylisation,  plus 
commode  pour  le   chirurgien  et  moins  pénible  pour  l'opéré. 


80  NOGUÉ.    -  ANESTHESIE. 


VII.  -  ÊTHER  SULFURIQUE. 

La  première  opération  faite  avec  l'éther  fut  pratiquée  par  Morton 
en  septembre  1846.  Il  s'agissait  d'une  extraction  dentaire.  Peu  après, 
le  16  octobre  de  la  même  année,  l'éther  fut  appliqué  à  la  grande 
chirurgie,  à  l'hôpital  général  du  Massachusetts,  dans  une  opération 
faite  par  le  D''  Warren.  L'usage  de  Téther  se  répandit  ensuite  dans 
toute  l'Europe. 

Décrit  en  1540  par  ValeriusCordus,  sous  le  nom  deXaphta  vitrioli 
et  d'Oleam  vitrioli  diilce,  Téther  sulfurique  est  un  liquide  incolore, 
très  volatil, d'une  odeur  pénétrante  spéciale.  Très  inflammable,  il  forme 
avec  l'oxygène  de  l'air  un  mélange  détonnant  en  présence  de  tout 
corps  incandescent.  Il  bout  à  35°  C,  se  dissout  dans  15  parties  d'eau 
et  se  mélange  en  toutes  proportions  avec  l'alcool,  le  chloroforme, 
les  huiles  éthérées.  Son  poids  spécifique  à  15o  est  de  0,720  à  0,722. 

On  le  prépare  en  faisant  réagir  l'acide  sulfurique  sur  l'alcool.  Il 
doit  être  soigneusement  rectifié  avant  d'être  utilisé  pour  l'anesthésie 
générale. 

ACTION  DE  L'ÉTHER  SUR  L'ORGANISME. 

Des  nombreuses  recherches  faites  sur  faction  de  l'éther,  il  résulte 
que  les  inhalations  d'éther  provoquent  presque  toujours  une  éléva- 
tion de  la  pression  sanguine  et  une  augmentation  de  la  force  du  pouls, 
du  moins  au  début.  Plus  tard,  quand  la  dose  inhalée  est  très  consi- 
dérable, le  cœur  est  déprimé.  D'une  façon  générale,  on  peut  dire  de 
l'éther  qu'il  agit  moins  sur  le  cœur  que  sur  la  respiration. 

Dès  qu'on  fait  respirer  au  patient  les  vapeurs  déther,  il  se  produit 
des  phénomènes  réflexes  de  toux  dus  à  l'irritation  de  ces  vapeurs  sur 
les  voies  respiratoires  supérieures.  Au  bout  de  quelques  minutes, 
l'organisme  s'habitue  à  cette  action  et  en  même  temps  les  effets  anes- 
thésiques  commencent  à  se  faire  sentir  :  la  physionomie  exprime 
l'étonnement  et  le  calme.  Mais  bientôt  survient  la  période  d'excita- 
tion. Le  patient  se  débat  plus  ou  moins  violemment  et  crie  :  la  face 
est  rouge  et  vultueuse.  Peu  à  peu  cette  excitation  diminue  et  fait 
place  au  sommeil  profond,  qui  s'accompagne  de  rontleraent  et  de 
slertor.  C'est  la  période  chirurgicale,  pendant  laquelle  il  faut  inter- 
venir. 

La  zone  maniable  de  l'éther,  c'est-à-dire  l'intervalle  compris  entre 
la  dose  anesthésique  et  la  dose  mortelle,  est  représentée  d'après  les 
recherches  dePaulBert,  par  40 grammes,  tandis  que.  avec  le  chloro- 
forme, elle  n'est  que  de  12  grammes,  et  c'est  ainsi  qu'il  faudrait  expli- 
quer l'immunité  plus  grande  de  l'éther. 

Des  recherches  très  précises  de  Maurice  Nicloux  il  résulte  que 


ACTION  DE  L'ÉTHER  SUR  Î/ORGANISME. 


81 


le  seuil  de  raneslhésie  est  atteint  lorsque  le  sang  artériel  renferme 
lOj  îi  110  milligrammes  d'éther  pour  100  centimètres  cubes,  ranes- 
lhésie déclarée  est  atteinte  avec  des  doses  oscillant  entre  130  et 
1  iO  milligrammes,  quelquefois  davantage,  et  que  la  mort  survient 
avec  des  doses  voisines  de  1(>0  à  170  milligrammes.  Les  diflérences 


50  60  70  80  90  100 


Fiy.  24.  —  Courbe  de  pression  sanguine  dans  l'anesthésie  par  l'éther. 

entre  les  quantités  d'éther  dans  le  sang  artériel  et  veineux  au  même 
instant  sont  petites  et  en  faveur  du  sang  artériel. 

L'éther  s'élimine  très  rapidement  dès  le  début  de  la  cessation  de 
raneslhésie  :  en  cinq  minutes,  la  quantité  dans  le  sang  artériel  baisse 
environ  de  la  moitié,  puis  la  disparition  de  l'éther  se  fait  progressi- 


Fig.  25.  —  Courbes  moyennes  :  à  droite,  celle  du  chloroforme  ;  à  gauche, 
celle  de  l'éther. 


vement  :  après  deux  heures,  on  n'en  trouve  plus  qu'une  trace;  après 
quatre  heures,  il  a  complètement  disparu. 

Les  expériences  du  même  auteur  ont  montré  que  tous  les  tissus 
renferment  de  l'éther  en  quantité  notable  au  moment  de  la  mort  par 
cetanesthésique;  parmi  eux,  le  cerveau  et  le  bulbe,  tenant  vraisem- 
blablement cette  propriété  de  la  forte  proportion  de  substances  de 
composition  chimique  voisine  de  celle  des  graisses  qu'ils  contiennent, 
sont  ceux  qui  en  renferment  le  plus.  Le  cerveau  et  le  bulbe  ren- 
ferment la  même  proportion  d'éther  :  or,  dans  l'anesthésie  chlorofor- 
mique,  le  bulbe  renferme  une  fois  et  demie  plus  de  chloroforme  que  le 

Traité  i>e  stomatologie.  VI.    —   6 


82 


NOGUE. 


ANESTHESIE. 


veau.  Le  tissu  adipeux  renferme  jusqu'à  400  milligrammes  déther 
pour  100  centimètres  cubes. 

Dans  le  sang,  Téther  se  répartit  dune  façon  à  peu  près  uniforme 
entre  les  globules  et  le  plasma. 

On  a  reprochée  Télher  dirriter  les  reins,  mais  Fueter  et  Roux  ont 
démontré  qu'il  n'y  avait  rien  d'exact  dans  cette  opinion,  qui  pouvait 
s'appliquer  aussi  bien  au  chloroforme.  L'albuminurie  qu'il  produit 
parfois  n'est  que  passagère. 

Son  action  sur  les  voies  respiratoires  mérite  plus  d'attention. 
Les  bronchites  et  les  pneumonies  ne  sont  pas  rares  après  son  admi- 
nistration. Aussi  est-il  bon  de  le  rejeter  chez  les  emphysémateux,  les 
vieillards  et  les  enfants  très  jeunes. 

ADMINISTRATION  DE  L'ÉTHER. 

Etant  donnée  la  grande  volatilité  de  l'éLher.  son  aduinistration 
nécessite  une  instrumentation  spéciale.  L'appareil  de  Morton  fut  le 


Fig-.  26.  —  Appareil  de  Dieffenbach. 


premier  en  usage  en  Amérique  et  en  Angleterre.  En  Allemagne,  on 
se  servait  de  l'appareil  plus  simple  de  Dieffenbach  (fig.  26). 

Aujourd'hui  le  nombre  des  instruments  employés  est  considérable  : 
nous  en  citerons  quelques-uns. 

Le  masque  de  Julliard{i'\g.  27  et  28)  se  compose  dune  monture  en  fil 
deferrecouvorte  extérieurement  d'une  toile  cirée  imperméable.  L'inté- 
rieur est  garni  de  gaze  hydrophile,  au  milieu  de  laquelle  est  une  rosette 
de  flanelle  qu'on  arrose  d'élher.  Le  D"^  Dumont  (de  Berne)  a  modifié  le 
masque  afin  de  le  rendre  plus  aseptique,  en  y  ajoutant  un  second  axe 
intérieur  tournant  autour  dune  charnière  :  entre  les  deux,  on  place 
la  gaze  et  la  flanelle,  qui  peuvent  être  changées  à  chaque  narcose. 

Le  masque  de  Wanscher,  très  employé  d'après  Dumont  en  Alle- 
magne, se  compose  d'un  masque  dans  le  genre  des  masques  em- 
ployés pour  l'aneslhésie  au  protoxyde  d'azote,  masque  muni  en  outre 
d'un  sac  en  caoutchouc  communiquant  avec  lui.  C'est  dans  (;e  sac 


ADMINISTRATION  DE  L'ÉTHER. 


83 


qu'on  verse  d'abord  100  à  150  centimètres  cubes  d'éther.  Le  masque 
se  place  devant  la  bouche  et  le  nez  à  une  certaine  distance.  Celui  de 
Junker  [ïig.  '2{y  est  à  peu  près  semblable. 

Le  masque  de  Wagner-Lomjard  (fig.  30^,  qui  paraît  très  pratique  et 


Fig.  27.  —  Masque  de  Julliard. 

rend  de  grands  services.  Voici  comment  le  décrit  le  D""  Dumont. 
Ce  masque  consiste  en  un  manteau  métallique  A,  fermé  par  un 
couvercle  en  forme  d'entonnoir  B  et  pourvu,  à  l'autre  extrémité,  d'un 
tuyau  de  gomme  C,  destiné  à  s'adapter  sur  le  visage.  Le  couvercle 
h  entonnoir  présente  dans  sa  partie  la  plus  profonde  quelques  trous 
qu'une  soupape  à  ressort  en  spirale  a  ferme  intérieurement,  de  telle 
sorte  que  l'air  peut  pénétrer  de  dehors  en  dedans,  sans  pouvoir  s'échap- 


Fig.  28.  —  Masque  de  Julliard,  modifié  par  Dumont. 


per  de  l'intérieur  (soupape  d'inspiration).  Plus  rapprochée  de  la  face^ 
se  trouve  une  soupape  d'expiration  6.  Entre  les  deux  soupapes  sont 
tendus  transversalement  deux  tamis  métalliques  très  fins  c  et  (/,  le 
supérieur  pouvant  être  enlevé,  entre  lesquels  on  a  mis  un  peu  de 
gaze.  Le  couvercle  à  entonnoir  et  la  soupape  d'inspiration  servent 
aussi  à  l'introduction  de  l'éther.  Si,  le  patient  étant  couché  horizon- 
talement sur  le  dos,  on  verse  de  l'éther  sur  le  couvercle  à  entonnoir, 


84  NOGUE.  —  ANESTHESIE. 

cet  élher,  au  moment  où  la  soupape  a  s'ouvre  à  la  suite  de  Tinspi- 
ration,  coule  clans  l'intérieur  du  masque,  tombe  sur  le  tamis  métal- 
li({ue  cl,  sur  la  gaze  et  arrive,  en  grande  partie,  à  cause  de  sa  grande 
fluidité,  sur  le  tamis  inférieur  c,  dont  il  mouille  les  fils  et  remplit  les 
mailles:  l'air  atmosphérique  doit  suivre  le  même  chemin  pendant 
l'inspiration,  pour  arriver  aux  organes  respiratoires.  Par  suite  de  ce 
passage  de  l'air  à  travers  les  tamis  métalliques  couverts  d'une  couche 
d'éther,  la  vaporisation  de  cet  éther  se  fait  avec  une  très  grande 
rapidité  :  les  vapeurs  d'éther  se  dégagent  si  vite  qu'il  est  nécessaire, 
au  commencement  de  la  narcose,  de  verser  fréquemment  de  petites 
quantités  de  liquide.  Les  malades  inhalant  non  des  vapeurs  pures 
d'éther,  mais  un  gaz  éthéré  très  finement  mélangé  par  la  disposition 


Fig.  29.  —  Masque  de  Junker. 

des  tamis  avec  une  grande  quantité  d'air,  il  en  résulte  que  la  sensa- 
tion de  suffocation  fait  entièrement  défaut,  et  le  libre  accès  d'un  air 
abondant  est,  avec  la  rapide  expulsion  de  l'air  expiré,  la  cause 
évidente  de  l'absence  ou  du  peu  d'intensité  de  la  période  d'excitation. 
Mais,  si  l'air  atmosphérique  est  extrêmement  humide,  des  obstacles 
peuvent  survenir,  qui  nuisent  à  la  rapide  production  de  la  narcose. 
Par  suite  du  refroidissement  intense  de  l'air  dans  l'intérieur  du 
masque,  refroidissement  dû  à  la  rapide  vaporisation  de  l'éther,  il  s'y 
forme  de  l'eau  condensée  qui,  le  refrodissement  continuant,  se  congèle 
et  couvre  de  nombreux  petits  cristaux  de  glace  les  tamis  métalliques 
et  les  petits  morceaux  de  gaze.  Ces  petits  cristaux  s'attachent  parfois 
à  la  soupape  d'inspiration  et  s'opposent  ainsi  à  son  libre  fonctionne- 
menl.  Pour  remédier  à  cet  inconvénient,  Longard  s'est  fait  con- 
slruire  un  thermophore  annulaire,  qui  s'adapte  exactement  au  cou- 
vercle du  masque.  Immédiatement  avant  la  narcose,  on  fait  chauffer 
le  thermophore,  pendant  une  à  deux  minutes,  dans  de  l'eau  bouil- 
lante; puis  on  l'introduit  dans  le  masque  entre  le  tamis  supérieur 
et  le  couvercle.  Grâce  à  ce  moyen,  le  courant  d'air  atmosphérique 
se  chauffe  et  ne  peut  pas  fournir  d'eau  condensée  ou  n'en  peut 
fournir  que  des  quantités  insignifiantes;  il  ne  peut  point  se  former 
de  cristaux  de  glace,  et  la  soupape  d'inspiration  n'est  plus  le  siège 
d'une  congélation.  Depuis  que  Longard  emploie  ce  procédé,  il  n'a 


TECHNIQUE  DE  L'ANESÏHÉSIE    PAR    L'ÉTHER. 


85 


jamais  plus  ou  à  lutter,  même  par  les  temps  les  plus  humides, 
contre  les  perturba  lions  ci-dessus  sit^nalées.  Les  avantages  essen- 
tiels du  masque  de  Lonii^ard  consistent  en  ce  que,  grâce  à  lui, 
il  ne  se  produit,  au  commencement  de  la  narcose,  ni  cyanose, 
ni  excitation,  en  ce  que  le  stade  de  la  tolérance  est  atteint  en 
moyenne  en  trois  à  six  minutes  chez  les  enfants,  les  femmes  et  les 
personnes  non  adonnéesà  Tivrognerie,  en  cinq  à  huit  minutes  tout  au 
plus  chez  les  buveurs.  Chez  les  trois  premières  catégories  de  malades, 
il  ne  se  produit  pas,  en  général,  de  période  d'excitation,  et,  chez  les 
buveurs,  elle  atteint  rarement  l'intensité  de  l'excitation  chlorofor- 
mique.  Ajoutez  à  cela  que  la  consommation  de  Téther  est  extrêmement 
faible,  de  sorte  ([ue  la  période  de  la   tolérance  est  le   plus  souvent 

I  ri. 


Vig.  30.  —  Masque  de  Wagner-Longard. 

atteinte  avec  25  à  40  centimètres  cubes  d'éther  tout  au  plus.  Il  est 
très  rare  qu'il  se  manifeste  de  la  salivation.  Jusqu'ici  Longard  n'a 
jamais  observé  d'etU'ets  consécutifs  fâcheux  du  côté  des  organes  res- 
piratoires. 

TECHNIQUE  DE  L'ANESTHÉSIE  PAR  L'ÉTHER. 

Le  malade  étant  placé  dans  la  position  couchée,  il  est  bon  de  lui 
recommander  de  fermer  les  yeux  et  de  respirer  amplement  et  natu- 
rellement par  le  nez.  On  verse  dans  le  masque  25  à  30  centimètres 
cubes  d'éther,  et  on  approche  le  masque  du  visage  très  lentement,  de 
façon  à  habituer  les  voies  respiratoires  à  l'odeur  de  l'éther.  Cela  fait, 
on  peut  appliquer  le  masque  sur  le  visage  et  laisser  le  malade  faire 
quelques  inspirations,  pendant  une  ou  deux  minutes.  Verser  à  ce 
moment  une  nouvelle  dose  d'éther  dans  le  masque  et  l'appliquer  de 
nouveau.  Il  est  bon,  de  temps  à  autre,  de  soulever  légèrement  le 
masque  pour  surveiller  l'aspect  du  visage.  En  même  temps,  l'anes- 
thésiste  veille  au  fonctionnement  régulier  de  la  respiration.  Dès  que 


86  NOGUE.  —  ANESTHESIE. 

celle-ci  n'est  pas  absolument  normale,  il  faut  laisser  le  patient  faire 
([uolques  inhalations  d'air  pur. 

Un  grand  nombre  d'opérateurs  ont  modifié  la  manière  d'admi- 
nistrer l'éther.  Le  P''  Forgue  donne  à  ce  sujet  les  conseils  suivants  : 

«  Couvrir  les  yeux  du  malade  d'un  petit  linge  :  lui  recommander 
de  respirer  largement,  la  bouche  bien  ouverte,  et  l'avertir  qu'il 
va  éprouver  une  sensation  d'étouffement  qui  durera  quelques 
secondes  seulement  :  le  patient  ainsi  prévenu  ne  cherche  pas  à 
arracher  immédiatement  le  masque.  Ne  plus  lui  parler  désormais; 
s'abstenir  de  ces  interrogations,  de  ces  pincements,  de  ces  soulève- 
mentsde  membres  qui  troublent  le  sommeil  commençant  :  conçoit-on 
qu'on  se  puisse  endormir  dans  ces  conditions? 

«  Il  faut  que  dans  nos  salles  opératoires  on  prenne  l'habitude  de 
l'ordre  et  du  silence,  et  le  service  discipliné  de  Terrier  peut  servir 
d'exemple.  Verser  dans  le  masque  environ  une  cuillerée  à  soupe 
déther, 'en  arrosant  les  plis  de  la  flanelle  ;  l'appliquer  de  nouveau  et  le 
retirer  successivement  à  quatre  ou  cinq  reprises  avec  des  intervalles  de 
deux  à  trois  secondes,  en  faisant  surveiller  le  pouls  et  la  respiration. 
Puis  «  bloquer  »,  c'est-à-dire  encadrer  complètement  la  face  :  à  ce 
moment,  le  malade  fait  quelques  efforts  pour  se  dégager:  résister  et 
ne  point  débloquer  avant  deux  ou  trois  minutes.  Au  bout  de  ce 
temps,  verser  très  rapidement  une  quantité  d'éther  égale  à  la  moitié 
environ  de  la  première  dose. 

«  Nous  avons  vu  Julliard  couvrir  alors  le  masque  et  la  tête  d'une 
serviette  destinée  à  contenir  les  vapeurs  d'éther.  Dans  la  plupart 
des  cas,  chez  les  femmes  surtout,  on  aura  ainsi  obtenu,  quelque- 
fois même  avant  la  seconde  dose,  un  état  de  stupéfaction,  d'analgésie 
pré-anesthésique  qui  peut  être  employé  pour  une  intervention  rapide  : 
nous  avons  ainsi  opéré  récemment,  dans  cette  «  pré-anesthésie  »,  une 
femme  atteinte  d'un  kyste  du  maxillaire  supérieur. 

«Si  cette  période  arrive  avant  la  seconde  dose,  le  second  versement 
d'éther  doit  être  moins  abondant.  Profiter  de  cet  état  pour  pincer 
la  langue  et  l'amener  à  une  commissure.  Chez  le  plus  grand  nombre 
de  femmes,  chez  beaucoup  d'hommes  non  alcooliques,  la  seconde 
ou  la  troisième  dose  a  produit  l'anesthésie  complète.  Il  n'y  a  plus 
qu'à  l'entretenir  par  de  petites  quantités  —  quart  de  grande  cuillerée 
—  versées  quand  l'opéré  se  remet  à  s'agiter;  dans  l'état  d'anesthésie, 
le  bloquement  ne  doit  plus  être  hermétique;  «écouter»  le  malade 
respirer  et,  de  temps  en  temps,  surtout  si  la  respiration  est  bruyante, 
écarter  le  masque  à  quelques  centimètres  ;  l'éloigner  tout  à  fait 
quand  le  sommeil  est  profond,  quand  la  respiration  se  ralentit,  quand 
le  pouls  faiblit,  quand  il  y  a  des  râles  trachéaux  intenses  ou  une 
cyanose  accentuée  de  la  face  :  mais  il  ne  faut  s'émouvoir  de  ces 
deux  derniers  incidents  que  s'ils  présentent  un  caractère  accusé.  » 

D'autres,  comme  Kronacher,  pratiquent  la  méthode  de  Véthérisation 


TECHNIQUE  DE  L'ANESTHÉSIE  PAR  L'ÉTHER.  87 

inlermit lente  (1).  Il  donne  Téther  par  petites  doses  de  5  àôcenti- 
mt'tres  cubes  et,  quand  Tanesthésie  est  obtenue,  il  enlève  le  masque 
et  opère.  L'anesthésie  dure  ainsi  dix  minutes  environ  ;  parfois  le 
patient  lait  des  mouvements  réflexes  de  défense,  mais  au  réveil  il  n"a 
généralement  aucune  conscience  d'avoir  souffert.  Sudeck  recom- 
mande un  procédé  qu'il  appelle  opération  dans  la  première  ivresse 
élhérée.  On  verse  30  à  40  centimètres  cubes  d'éther  dans  le  masque, 
et  on  l'ait  faire  au  patient  des  mouvements  inspiratoires  profonds  et 
énergiques.  Le  chirurgien  opère  dès  les  premières  inhalations 
d'éther. 

Dans  ces  deux  procédés,  il  s'agit  en  somme  d'une  narcose  incom- 
plète, superficielle,  qui  évidemment  n'a  pas  les  avantages  d'une  anes- 
thésie  profonde,  mais  n'en  a  pas  les  inconvénientset  peut,  dans  bien 
des  cas,  rendre  de  réels  services. 

(1)  Kronachub,  Cenlralbla.ll  fur  Chir.,  1901. 


^^  XOGUÉ.  —  ANESTHÉSIE. 


y///.  -  CHLOROFORME. 

Le  chloroforme,  découvert  en  1831  par  Soubeyran  en  France  et 
Liebig  en  Allemagne,  est  un  liquide  incolore,  très  mobile  et  d'une 
odeur  éthérée  pénétrante,  d'une  saveur  piquante  et  sucrée.  Il  se 
dissout  difficilement  dans  l'eau,  mais  très  facilement  dans  l'alcool  et 
l'éther.  Il  dissout  les  corps  gras,  le  ricin  et  le  soufre,  le  phosphore. 
Il  n'est  pas  inflammable  au  contact  d'un  corps  incandescent.  Dumas 
en  donna  en  1833  la  composition  chimique: 

Carbone 10,06  \ 

Hydrogène 0,85  (  =  J00,00. 

Chlore 89,10) 

Sa  densité  est  de  1,48  ;  il  bout  à  60°, 8. 

Le  chloroforme  est  préparé  en  faisant  agir  l'alcool  sur  un  mélange 
de  chlorure  de  chaux  et  de  chaux  éteinte.  On  l'obtient  aussi  à  laide 
du  chloral;  celui-ci  serait  préférable  pour  l'anesthésie. 

On  peut  obtenir  encore  du  chloroforme  par  le  procédé  d'Anschïitz, 
en  cristallisant  du  chloroforme  salure  à  chaud  avec  du  salicylate.  En 
chaulfant  ensuite  des  cristaux  de  salicyl-chloroforme,  on  obtient 
du  chloroforme  chimiquement  pur.  Pictet,  en  refroidissant  le  chloro- 
forme au-dessous  de  100°,  le  débarrasse  de  ses  impuretés. 

Le  chloroforme  anesthésique  doit  être  absolument  pur  et  présenter 
pour  cela  les  caractères  suivants  : 

Se  vaporiser  sur  une  soucoupe  sans  laisser  de  résidu  ; 

Ne  pas  rougir  le  papier  de  tournesol  ; 

Ne  pas  se  décolorer  ; 

Ne  pas  précipiter  l'azotate  d'argent,  auquel  cas  il  contiendrait  de 
l'acide  chlorhydrique  ; 

Ne  pas  s'enflammer  au  contact  d'un  corps  incandescent,  ce  qui 
prouverait  qu'il  contient  de  l'éther  ou  de  l'alcool  ; 

Ne  pas  se  colorer  par  addition  d'acide  sulfurique  concentré. 

ChaulTé  avec  une  solution  de  potasse,  le  chloroforme  ne  doit  pas 
brunir  (réaction  de  l'aldéhyde). 

Mélangé  avec  une  solution  diodure  de  cadmium  amidonnée,  la 
solution  ne  doit  pas  se  colorer  en  bleu,  ni  le  chloroforme  en  violet 
(réaction  de  chlore). 

Le  Pr  Louvard  recommande  l'essai  par  l'acide  sulfurique  et 
la  formaline  (3  centimètres  cubes  d'acide  sulfurique  concentré 
avec  II  gouttes  de  formaline  donnant  une  coloration  brune  quand  le 
chloroforme  n'est  pas  tout  à  fait  pur). 

\von  a  indiqué  le  procédé  suivant:  le  permanganate  de  potasse 
en  solution  alcaline  est  rouge.  Si  le  chloroforme  est  impur,  il 
réduit  ce  sel,  et  la  solution  passe  au  vert.  La  réaction  est  instantanée 


ACTION  DU  CHLOROFORME  SUR  L'ORGANISME.  89 

si  les  impuretés  organiques  sont  en  grande  quantité.  S'il  y  en  a  peu, 
la  réaction  est  plus  lente  à  se  produire. 

Si  le  chloroibrnic  est  pur,  la  coloration  rouge  se  conserve  pendant 
plus  de  vingt-quatre  heures. 

Le  chloroforme  pur  se  décompose  sous  l'action  de  la  lumière  en 
acide  chlorhydrique,  chlore,  acide  iormique,  etc.  11  faut  donc  le 
conserver  dans  des  endroits  frais,  à  l'abri  de  la  lumière  et  dans  des 
llacons  absolument  secs,  colorés  en  jaune  ou  en  noir.  L'addition 
d'alcool  préserve  le  chloroforme  de  cette  décomposition.  Aussi  cer- 
taines pharmacopées,  la  suisse  et  l'allemande,  ne  livrent-elles  au 
commerce  que  du  chloroforme  contenant  1  p.  100  d'alcool. 

ACTION  DU   CHLOROFORME  SUR  L'ORGANISME. 

Tous  les  expérimentateurs  sont  d'accord  pour  affirmer  que  le  chloro- 
forme détermine  un  abaissement  de  la  pression  sanguine,  accom- 
pagné d'un  refroidissement  général.  Sur  la  respiration,  on  note  une 
diminution  de  la  fréquence  et  de  l'intensité  des  mouvements  respi- 
ratoires. Au  début  parfois  se  produit  un  arrêt  de  la  respiration  en 
expiration.  Il  s'agit  là  d'un  phénomène  d'ordre  réflexe.  D'autres  fois, 
l'arrêt  de  la  respiration  se  fait  à  une  période  plus  avancée  de  l'anes- 
Ihésie,  au  moment  de  l'excitation:  cet  arrêt  est  dû  à  un  obstacle 
mécanique  déterminé  par  l'application  de  la  langue  contre  la  paroi 
postérieure  du  pharynx  et  de  l'épiglotte  vers  les  cartilages  aryté- 
noïdes. 

L'arrêt  de  la  respiration  peut  également  se  produire  sans  qu'il 
existe  aucun  obstacle  mécanique  au  passage  de  l'air  :  il  s'agit  dans 
ce  cas  d'une  action  du  chloroforme  sur  le  centre  respiratoire  :  c'est 
l'asphyxie  chloroformique  caractérisée  par  l'arrêt  brusque  de  la 
respiration,  avec  teint  bleuâtre  et  cyanotique  des  lèvres  et  de  toute 
la  face. 

Un  autre  effet  du  chloroforme  sur  le  cœur  qu'on  a  trop  souvent 
l'occasion  d'observer,  c'est  la  syncope  chloroformique,  si  bien  décrite 
par  Rappeler  (1):  «  Sans  aucun  signe  avant-coureur,  ordinairement 
même  sans  trouble  essentiel  de  la  respiration,  la  face  du  chloro- 
formisé  prend  brusquement,  comme  par  un  coup  de  baguette  magique, 
une  couleur  cireuse,  cadavérique  ;  les  traits  du  visage  s'affaissent, 
la  cornée  perd  son  éclat  ;  les  pupilles,  dilatées  au  maximum,  ne 
réagissent  absolument  plus,  et  la  mâchoire  inférieure  s'abaisse.  En 
même  temps  le  pouls  radial  disparaît  et  les  bruits  du  cœur  cessent 
d'être  perceptibles.  Les  muscles  sont  relâchés  et  les  membres,  quand 
on  les  soulève,  retombent  inertes.  En  même  temps  que  le  cœur  cesse 
de  battre,  on  voit  aussi  disparaître  les  mouvements  de  larespiration  ; 

(1)  Rappeler,  trad.  Dumont. 


90  KOGUE.  —  ANESTHESIE. 

parfois  seulement  quelques  mouvements  de  la  respiration  irréguliers, 
superficiels,  saccadés,  se  manifestent  encore  après  la  cessation  des 
contractions  du  cœur.  » 

On  a  noté  aussi,  au  début  de  l'administration,  des  cas  de  mort 
subite  par  actions  réflexes  des  vapeurs  sur  les  ramifications  du  triju- 
meau dans  les  fosses  nasales  ou  du  nerf  laryngé  supérieur  dans  le 
larynx. 

Tardivement  le  chloroforme  peut  déterminer  des  accidents  qui  se 
manifestent  par  des  vomissements  répétés  et  le  collapsus  parfois 
mortel.  Il  s'agirait  ici  d'une  intoxication  générale  déterminant  la 
dégénérescence  graisseuse  du  myocarde  et  des  tissus  hépatiques. 


Fig.  31.  —  Courbes  moyennes  ;  à  gauche,  celle  de  l'élher,  établie  d"après  un 
ensemble  de  trente-cinq  courbes  différentes  ;  à  droite,  celle  du  chloroforme, 
établie  d'après  dix-huit  courbes;  ces  diverses  courbes  ont  été  prises  sur  des 
personnes  saines,  au-dessus  de  vingt  ans,  la  durée  de  la  narcose  ayant  été  au 
moins  de  cinquante  minutes.  L'horizontale  N  représente  la  hauteur  normale  de 
la  pression  sanguine  iDumont  et  Gathelin). 

Les  recherches  de  Maurice  Nicloux  ont  nettement  établi  les 
faits  suivants  :  dans  le  sang  artériel,  les  quantités  de  chloroforme  sont 
respectivement  de  30  à  40  milligrammes  pour  100  centimètres  cubes 
au  seuil  de  l'anesthésie;  de  50  milligrammes  environ  dans  l'anes- 
thésie  déclarée  et  de  60  à  90  milligrammes  au  moment  de  la  mort. 

Le  chloroforme  s'élimine  très  rapidement  dès  la  cessation  de 
l'anesthésie,  puisque,  en  moins  de  cinq  minutes,  la  quantité  de  chloro- 
forme baisse  environ  de  moitié.  Ensuite  la  disparition  du  chloro- 
forme du  sang  se  fait  plus  lentement  ;  après  trois  heures,  la  quantité 
dans  le  sang  est  de  7  milligrammes  ;  après  sept  heures,  le  chloroforme 
a  sinon  entièrement,  du  moins  presque  complètement  disparu  du 
sang. 

Au  moment  de  la  mort,  tous  les  tissus  renferment  du  chloroforme 
en  quantité  notable;  mais,  parmi  eux,  le  cerveau  et  surtout  le  bulbe 


TECHNIQUE  ET  MARCHE  DE  L'ANESTHÉSIE.  91 

ot  lamoellc  sont  ceux  qui  en  renferment  le  plus.  Dans  le  sang,  ce  sont 
les  globules  (jui  fixent  plutôt  le  chlororornie  que  le  plasma  :  ils  en 
retiennent  8j  à  90  p.  100,  et  le  plasma  de  10  à  15  p.  100,  c'est-à-dire 
se[>t  à  huit  lois  moins. 

TECHNIQUE  ET  MARCHE  DE  L'ANESTHÉSIE. 

Le  malade  doit  être  à  jeun.  On  le  tranquillise  autant  que  possible 
et  on  lui  recommande  de  respirer  largement  et  naturellement.  Le 
silence  absolu  est  de  rigueur. 

L'examen  des  organes  a  été  fait  précédemment  et  de  préférence  la 
veille.  L'anesthésiste  s'assure  avant  de  commencer  qu'aucun  obstacle 
ne  peut  gêner  le  libre  mouvement  de  la  poitrine,  qu'il  n'existe  dans 
la  bouche  aucun  appareil  de  prothèse. 

Quelques  instruments  peuvent  être  utiles  pendant  Tanesthésie,  et 
il  est  bon  que  l'anesthésiste  les  ait  à  sa  portée  :  ce  sont  des  éponges, 
pour  éponger  la  salive  ou  les  nuicosités  de  la  gorge  ou  de  la  bouche, 
montées  sur  des  pinces,  une  pince  à  langue,  un  ouvre-bouche. 

Nous  décrirons  le  procédé  de  la  compresse,  celui  que  le  médecin 
emploie  de  préférence  en  France,  où  les  appareils  à  dosage  sont 
encore  peu  répandus. 

On  se  sert  d'une  compresse  ordinaire  d'hôpital  pliée  en  plusieurs 
doubles  ou  de  deux  mouchoirs  ordinaires.  Il  est  bon  d'enduire  de 
vaseline  la  face  du  patient  pour  empêcher  l'action  caustique  du 
chloroforme  sur  la  peau  ou  les  muqueuses. 

Cela  fait,  l'anesthésiste  verse  quelques  gouttes  de  chloroforme  sur 
la  compresse  et  approche  cette  compresse  du  visage  du  patient,  mais 
à  une  certaine  distance,  afin  de  l'habituer  à  l'odeur  spéciale  qui  s'en 
échappe.  Dès  ce  moment,  il  n'aura  plus  à  perdre  de  vue  une  seule 
seconde  le  patient  qui  lui  est  confié.  Son  attention  se  fixera  inces- 
samment sur  deux  points  :  la  respiration  et  la  couleur  du  visage. 
D'un  doigt  il  peut  également  sentir  les  battements  de  l'artère  tempo- 
rale ;  le  changement  de  teinte  du  visage  a  la  plus  haute  importance  : 
devient-elle  violette,  il  faut  redouter  l'asphyxie;  pâlit-elle,  il  faut 
craindre  la  syncope  cardiaque. 

Après  quelques  inspirations,  verser  de  nouveau  quelques  gouttes 
de  chloroforme  sur  la  compresse  et  l'appliquer  alors  exactement  sur 
la  bouche  et  le  nez.  Quand  l'odeur  du  chloroforme  disparaît,  recom- 
mencer la  même  manœuvre. 

Après  quelques  mouvements  d'intensité  variable  apparaît  la  période 
d'excitation,  qui  fait  rarement  défaut.  A  cette  période  fait  suite  une 
période  de  calme,  pendant  laquelle  la  respiration  est  normale  et  qui 
précède  l'anesthésie.  Celle-ci  est  annoncée  par  certains  signes  qui 
n'ont  qu'une  valeur  relative,  mais  dont  l'anesthésiste  doit  surveiller 
l'apparition.   Ce  sont   la    diminution    puis    l'abolition   de   certains 


92 


^•OGUÉ.  —  A>-ESTHESIE. 


réflexes  tels  que  le  réflexe  palpébral,  le  réflexe  crémastérien;  la  cornée 
devient  insensible  à  ralloiichement  des  doigts.  On  note  des  oscil- 
lations des  globes  oculaires  comme  dans  le  nystagmus. 

La  pupille  fournit  des  indications  du  plus  haut  intérêt.  Dilatée 
au  début  de  lanestbésie,  elle  se  contracte  ensuite  peu  à  peu  et  finit 
par  devenir  insensible  aux  excitations  lumineuses;  si  elle  vient  à  se 
dilater  de  nouveau  brusquement,  c'est  que  le  réveil  est  proche. 

Un  bon  signe  de  la  narcose  profonde  est  la  perte  des  mouvements 
associés  des  yeux  ;  tandis  que  l'un  des  deux  globes  oculaires  occupe 
une  position,  l'autre  se  meut  en  sens  divers. 

On  ne  dépense  par  cette  méthode  que  20  à  25  grammes  de  chloro- 
forme. 

Le  patient  est  transporté  après  l'opération  dans  son  lit  et  aban- 
donné dans  la  position  horizontale;  il  est  inutile  de  cherchera 
provoquer  le  réveil,  qui  se  produit  au  bout  de  dix  minutes  à  un  quart 
d'heure.  Il  est  prudent  alors  d'administrer  1  centigramme  de  morphine 
en  injection  hypodermique. 


INSTRUMENTS  DIVERS. 


MACHINES    A   ANESTHESIER. 


Au  lieu  de  la  simple  compresse,  on  peut  recourir  à  des  instruments 
plus  commodes  tels  que    les   masques    de   Guyon    (fig.    32)   et   de 


Figr.  32.  —  Masque  de  Guyon. 


Fig.  33.  —  Masque  de  Collin. 


Collin  f  fig.  33)  en  France  et  le  cornet  de  Raynaud  (fig.  34),  ceux 
dEsmarch  ou  de  Vajna  (fig.  35)  en  Allemagne  et  en  Autriche. 

Ces  masques  permettent  l'administration  du  chloroforme  à  doses 
massives  ou  à  doses  fractionnées.  Ils  ne  permettent  pas  le  dosage  de 
l'anesthésique  :  mais  les  appareils  imaginés  pour  obtenir  ce  dosage, 
très  rationnel  en  soi,  sont  généralement  une  complication  sans  avan- 
tage pratique  bien  manifeste. 

La  machine  à  anesthésier  du  P'  Raphaël  Dubois  (fig.  36j  mesure 
d'une  manière  mécanique  le  volume  d'air  et  la  proportion  de 
chloroforme  qui  lui  est  mélangée.  Elle  donne  des  mélanges  de 
10  p.  100.  8  p.  100,  6  p.  100.  Elle  se  compose  :  1°  d'un  corps 
de  pompe  ;  2°  d'un  verseur  automaticjue;  3"  d'un  vase  évaporatoire. 


CHLOROFORME. 


INSTRUMENTS. 


93 


Le  corps  de  pompe  renferme  un  piston  d'un  modèle  spécial,  qui 
est  mis  en  mouvement  par  la  manivelle  /. 

A  lafinde  chaque  course  de  ce  piston,  un  volume  dair  déterminé 
a  pénétré  dans  le  corps  de  pompe,  entraînant  avec  lui  une  quantité 
exactement  mesurée  de  chloro- 
forme déversée  dans  le  vase  évapo- 
ratoire  i\  par  la  descente  d'un 
piston  plongeur  dans  le  récipient  r, 
contenant  le  chloroforme.  Ce  mé- 
lange sera  chassé  du  corps  de 
pompe  dans  la  course  inverse  du 
piston  pendant  qu'une  nouvelle 
quantité  de  mélange  titré  s'accu- 
mulera dans  l'appareil  ;  le  débit 
du  mélange  titré  sera  donc  con- 
tinu. 

Il  faut,  pour  faire  fonctionner  la  machine,  commencer  par 
remonter  le  piston  plongeur  au  moyen  du  papillon  qui  se  trouve 
à  la  partie  supérieure  et  que  l'on  relève  en  le  serrant  entre  ses 
doigts. 

Le  récipient  qui  doit  contenir  le  chloroforme  est  ainsi  dégagé;  on 


Vi's.  34. 


Cornet  de  Raynaud. 


Masque  en  verre  de  Vajna. 


y  verse  le  chloroforme  par  l'entonnoir  a,  jusqu'à  ce  que  le  récipient 
soit  plein,  puis,  en  tournant  la  manivelle,  on  amène  la  surface  infé- 
rieure du  piston  en  contact  avec  le  chloroforme;  on  allume  alors   la 


94 


NOGCE. 


AxXESTHESIE. 


petite  lampe  à  alcool,  qui  a  pour  but  d'activer  Tévaporation  du  chlo- 
roforme et  d'empêcher  la  réfrigération. 

Le  cadran  régulateur  est  amené  sur  l'index  10  pour  assurer  le 
mélange  de  10  parties  de  chloroforme  pour  100  litres  d'air. 

(Jn  applique  alors  le  masque  inhalateurs,  et  on  tourne  la  manivelle 
toujours  dans  le  même  sens,  de  droite  à  gauche,  par  un  mouvement 


Fifr.  36.  —  Machine  à  aneslhésier  du  P''  R.  Dubois. 


lent  et  régulier,  qui  fait  descendre  progressivement  le  piston  plongeur 
dans  le  récipient,  d'où  il  chasse  la  quantité  voulue  de  chloroforme 
dans  le  vase  évaporatoire. 

Suivant  le  cas,  une  fois  l'anesthésie  produite,  on  peut,  pour  faci- 
liter les  opérations  sur  la  face,  substituer  au  masque  soit  le  tube 
buccal  u,  soit  le  tube  nasal  /. 

Dès  que  la  résolution  complète  est  obtenue  (ce  qui  a  lieu  au  bout 
de  sept  à  dix  minutes  au  maximum),  on  amène  le  cadran  du  régula- 


CHLOROFORME.  —  INSTRUMENTS.  95 

leur  au  n°  S  (mélang-e  à  8  p.  100)  sans  inlerrompro  le  jeu  de  la  mani- 
velle. 

Si  l'opération  doit  être  de  longue  durée,  on  substitue,  après  cïn(.[ 
minutes  environ,  le  n"  6  (mélange  à  (>  p.  100),  avec  lequel  Tanesthésie 
est  maintenue  sans  danger  pendant  toute  la  durée  de  l'opération. 

Il  est  possible  que,  la  provision  de  chloroforme  s'épuise,  ce  qui 
sera  inditjué  par  la  pénétration  totale  du  plongeur  dans  le  récipient. 
11  suffit  alors  de  le  relever,  comme  il  a  été  indiqué  plus  haut,  et 
de  remplir  le  récipient  daneslhésique  par  l'entonnoir. 

Le  mas(  jue  inhalateur  ne  porte  aucune  soupape,  et  le  patient  respire 
lihi-ement  dans  un  courant  d'air  anesthésique  :  si  la  machine  cessait 
de  fonctionner,  le  seul  inconvénient  serait  le  réveil  du  malade,  qui 
respirerait  alors  de  lair  pur. 

Les  avantages  de  la  méthode  titrée  en  général  sont,  d'après  le 
P""  Dubois,  les  suivants  : 

1°  Le  chirurgien  sait  ce  qu'il  fait; 

■2'^  Lanesthésie  est  régulière  et  continue,  point  important  si  Ton 
veut  éviter  l'agitation  et  les  vomissements; 

3°  La  période  d'agitation  du  début  est  supprimée  ou  tout  au  moins 
atténuée,  même  chez  les  alcooliques; 

4o  Le  chloroforme  étant  dilué  dans  la  quantité  d'air  maxima 
compatible  avec  l'anesthésie,  les  phénomènes  d'irritation  locale  des 
muqueuses  nasale,  buccale,  pharyngienne  et  laryngienne  (toux, 
spasme,  sutTocation)  font  défaut,  et  la  syncope  convulsive  réflexe 
du  début  toujours  grave  et  parfois  mortelle  n'est  plus  à  craindre; 

5°  Le  mélange  à  6  p.  100  étant  le  plus  faible  de  tous,  le  patient  est 
toujours  sur  la  limite  du  réveil,  qui  s'efïectue  très  vite  quand  on  cesse 
linhalation. 

Appareil  de  Junker  [l). — Employé  pour  ia  première  fois  en  1867 
par  Richardson,  cet  appareil  (fig.  37)  se  compose  : 

10  De  la  souftleriedu  pulvérisateur  à  éther  A  ;  2°  du  flacon  à  chloro- 
forme B  ;  3°  de  l'embouchure  C.  Le  tube  adducteur  de  la  soufflerie 
est  en  communication  avec  un  tube  d'argent  a,  qui  traverse  le 
couvercle  à  vis  b  du  récipient  de  chloroforme  et  plonge  jusqu'au 
fond  de  ce  récipient.  Le  flacon  à  chloroforme  est  gradué  et  est 
couvert  du  cuir  jusqu'à  la  bande  t%  qui  permet  de  mesurer  la  quantité 
de  chloroforme  qui  a  été  consommée.  L'embouchure  C  en  caout- 
chouc durci  présente  deux  entailles,  l'une  profonde  pour  le  nez, 
l'autre  plus  superficielle  pour  le  menton.  Dans  l'appendice  /'se  trouve 
la  soupape  d'expiration  g  ;  dans  l'appendice  h,  qui  fait  communiquer 
l'embouchure  avec  le  flacon  de  chloroforme,  sont  disposées  deux 
soupapes  K,  pouvant  se  fermer  au  moyen  du  déplacement  de  l'an- 
neau i   et    pouvant  permettre   à   l'air   atmosphérique   d'entrer    et 

(1)  DuMONT  et  Cathelin,  loc.  cil. 


96 


NOGUÉ.  —  ANESÏHESIE. 


de  diluer  davantage  le  mélange  dair  et  de  chloroforme. 
Cet  appareil  a  été  modifié  par  les  fabricants  Krohne  et  Sesemann 
(fig.38)  en  ce  que,  par  une  ingénieuse  division  du  ballon  insufflateur, 
on  peut,  chaque  fois  qu'on  le  comprime,  déterminer  exactement  la 
quantité  de  chloroforme  qu'on  fournit  au  malade.  A  cet  effet,  le  bal- 
lon se  compose  de  trois  petits  ballonnets  de  dimensions  diflerentes. 
Selon  que  Ton  comprime  l'un  ou  lautre  de  ces  ballonnets,  on 
fait  évaporer  plus  ou   moins  de  chloroforme.    Dumont,   qui  s'est 


Fig-.  37.  —  Appareil  de  Junker. 


servi  de  cet  appareil,  a  été  frappé  par  le  calme  avec  lequel  les 
patients  s'endormaient  et  la  faible  quantité  de  chloroforme 
absorbée. 

Inhalateur  Vernet-Harcourt.  —  11  faut  citer  encore  un  appareil 
en  usage  en  Angleterre,  l'inhalateur  Vernet-Harcourt  (fig.  39),  basé 
sur  le  principe  posé  par  Horsley,  que  la  proportion  maxima  de 
chloroforme  dans  l'air  inspiré  ne  doit  pas  dépasser  2  p.  100  :  c'est 
la  propoi'tion  suffisante  et  sûre  (1).  11  se  compose  essentiellement 
d'un  tube  central  communiquant,  à  sa  partie  inférieure,  avec  un 
masque  en  caoutchouc  durci,  à  sa  partie  supérieure  avec  deux  tubes 
accolés,  dont  l'extrémité  se  recourbe  en  bas,  pour  se  terminer  par 
deux  petites  soupapes  protégées  par  des  cages  de  verre.  L'une  de 
ces  soupapes   fait  communiquer  le  tube  avec  l'air  extérieui",  l'autre 

(Il  C.   Jauvis,   Presse  méd.,  10  fév.  1905. 


CHLOROFORME. 


INSTRUMENTS. 


97 


avec 
conto 
laisse 
Al 


un   llacon   à  fond  plat,   muni  de  deux  tubulures  et  destiné  à 

nir  le  chlcM-oforme  :  les  soupapes  sont  orientées  de  façon  à  ne 

r  passer  (juc  lair  inspiré. 

union  du  tube  vertical  et  des  tubes  latéraux,  se  trouve  un  ro- 
binet en  communication  avec  un  ca- 
dran extérieur  portantune  graduation 
de  0  à  2,  avec  divisions  intermé- 
diaires en  cinquième  d'unité.  Sur  ce 
cadran  se  meut  un  index  qui  règle 
l'ouverture  du  robinet  :  quand  il 
marque  (•,  le  malade  ne  respire  que 
de  l'air  ;  quand  il  marque  2,  il  respire 


Fij; 


38.  —  Appareil  de  Krohne  et  Sesemann 
avec  soufflerie  modifiée. 


39.  —  Appareil  de  Vernet 
Harcourt. 


un  mélange  de  2  parties  de  vapeurs  chloroformiques  pour  98  parties 
d'air;  quand  il  marque  1,  le  mélange  est  dans  la  proportion  de  1  p.  100. 

Le  flacon  contenant  le  chloroforme  présente  deux  parties:  une 
partie  inférieure,  conique,  et  une  partie  supérieure,  cylindrique.  On 
remplit  le  flacon  jusqu'au  point  d'union  desdeux  parties,  et  on  intro- 
duit dans  le  récipient  deux  perles  creuses  en  verre  coloré. 

Le  poids  de  ces  deux  perles,  légèrement  inégal,  est  calculé  de  telle 
facjon  qu'elles  flottent  toutes  deux  quand  la  température  du  chloro- 
forme est  inférieure  à  13°  C.  :  au-dessus  de  15°,  elles  tombent  au  fond 
du  vase.  Tant  que  la  température  du  liquide  se  maintient  entre  ces 
deu\'  chiffres,  la  perle  la  plus  lourde,  colorée  en  bleue,  flotte  ^  entre 


Traité  de  stomatologie. 


VI.    — 


98  NOGUE.  —  ANESTHÉSIE. 

deux  eaux  »,  près  du  fond,  tandis  que  l'autre  perle,  colorée  en  rouge, 
flotte  près  de  la  surface.  C'est  dans  cette  position  que  doivent  se 
trouver  les  deux  perles  pendant  toute  la  durée  de  l'anesthésie. 

Les  dimensions  du  flacon  ont  été  établies  après  de  nombreuses 
recherches  et,  dit  l'inventeur,  «  le  diamètre  de  la  portion  cylindrique 
est  proportionnel,  d'une  part,  au  nombre  moyen,  par  minute,  des 
mouvements  respiratoires,  d'autre  part,  à  la  rapidité  dévaporation 
du  chloroforme  entre  13  et  15°  ».  «  Pour  corriger  les  variations  dans 
la  fréquence  des  mouvements  respiratoires,  ajoute-t-il,  les  deux 
tubulures  du  flacon  sont  placées  au  niveau  et  à  quelque  distance  de 
la  surface  du  liquide.  D'autre  part,  pour  compenser  la  déperdition  du 
chloroforme  par  évaporation,  le  diamètre  du  récipient  va  en  augmen- 
tant vers  la  base.  » 

Après  s'être  assuré  que  les  différentes  pièces  sont  bien  ajustées 
et  que  les  valves  fonctionnent  bien,  on  verse  environ  45  centimètres 
cubes  de  chloroforme  dans  le  flacon,  et  on  y  introduit  les  perles  de 
verre.  Cela  fait,  on  applique  soigneusement  le  masque  sur  la  face 
du  patient.  //  est  de  la  plus  haute  importance  que  l  adaptation  soit  par- 
faite. 

On  commence  alors  l'anesthésie  en  poussant  très  graduellement 
lindex  du  chiffre  0  vers  le  chiffre  2;  si  le  malade  se  débat  violem- 
ment, il  ne  faut  pas  ôter  le  masque  mais  diminuer  la  proportion  de 
chloroforme;  on  n'enlèvera  l'appareil  que  s'il  se  produit  de  la 
cyanose,  auquel  cas  il  est  indiqué  de  laisser  respirer  de  l'air  pur 
pendant  quelques  instants.  On  conduit  d'ailleurs  l'anesthésie  selon 
les  règles  ordinaires.  Le  plus  souvent,  le  malade  dort  parfaitement 
avec  une  proportion  de  chloroforme  de  1,5,  de  1  et  mêmede'>,5  p.  100. 
On  veille  à  ce  que  les  deux  perles  de  verre  soient  dans  la  position  in- 
diquée plus  haut.  Pendant  la  chloroformisation,  en  efTet,  le  liquide  a 
une  tendance  à  se  refroidir  du  fait  de  l'évaporation,  comme  le  dé- 
montre la  position  des  perles  de  verre.  Il  suffit  dans  ce  cas  de  tenir 
quelques  instants  le  flacon  dans  la  main  pour  ramener  le  chloroforme 
à  la  température  voulue.  11  importe  de  veiller  à  ce  point  de  technique, 
car  à  une  température  inférieure  le  patient  respire  une  proportion 
d'anesthésique  inférieure  à  celle  marquée  par  l'index  et  inversement. 

En  France,  de  nombreuses  tentatives  ont  été  faites,  récemment, 
pour  obtenir  des  instruments  permettant  l'administration  du  chloro- 
forme mélangé  à  l'air. 

Appareil  de  Ricard.  —  L'appareil  de  Ricard  {ûg.  40  à  43)  se 
compose  : 

1°  D'un  flacon  de  verre  cylindrique  de  8  centimètres  de  profondeur 
sur  6  centimètres  de  diamètre,  supporté  par  un  pied  métallique  aussi. 

Le  couvercle  est  perforé,  près  de  sa  périphérie,  par  quatre  orifices  /, 
juxtaposés,  pouvant  être  fermés  simultanément  ou  séparément,  au 
moyen  d'un  petit  obturateur  mobile.  C'est  par  ces  orifices  que  se  règle 


CHLOROFORME.  —  INSTRUMENTS. 


99 


la  proportion  d'air,  mélangée  au  chloroforme,  peiulanl  l'anesthésie. 

Du  côté  opposé  à  ces  orifices,  le  couvercle  est  surmonté  d'un 
petit  cylindre  H,  de  3  centimètres  de  haut  sur  2  de  diamètre.  Ce 
cylindre  en  verre  est  protégé  par  une  armature  métallique  ;  son 
extrémité  supérieure  est  destinée  i\  recevoir  le  tube  de  caoutchouc 
reliant  l'appareil 
au  masque.  A  l'in- 
térieur du  cylindre 
se  voit  un  petit 
tube  métallique  A 
répondant  en  bas  à 
un  orifice  pratiqué 
dans  le  couvercle 
et  surmonté  d'une 
soupape  métal- 
lique  qui  se  soulève 
et  s'abaisse  à  cha- 
que mouvement 
d'inspiration. 

Enfin,  au  centre 
du  couvercle  est 
une  tige  cylin- 
drique E,  creuse, 
mobile,  portant  un 
pas  de  vis  sur  le- 
quel se  meut  un 
curseur  Car,  muni 
d'une  flèche.  Grâce 
au  curseur,  cette 
tige  s'enfonce  à 
volonté  dans  l'inté- 
rieur du  flacon;  sa 
partie  inférieure 
fait  corps  avec  une 
lame  horizontale 
en  forme  de  disque  0.  Lorsque  le  curseur  est  au  bas  de  sa  course 
(fig.  41),  le  disque  s'applique  très  e^^actement  sur  le  couvercle  ména- 
geant avec  ce  dernier  un  espace  D,  où  l'air  circule  sans  prendre  con- 
tact avec  l'intérieur  du  flacon  où  se  trouve  le  chloroforme  C.  Dans 
cette  position,  l'air  pénètre  par  les  trous  t,  passe  dans  la  chambre  D 
et  ressort  par  le  tube  A,  d'où  il  est  aspiré  par  le  malade. 

Si  on  fait  exécuter  au  curseur  un  tour  entier  (fig.  4-2),  le  disque  0 
s'enfonce  de  1  millimètre  à  l'intérieur  du  flacon.  Dans  cette  seconde 
position,  l'air  pénètre  dans  le  récipient  par  la  tige  centrale  E  d'une 
part,  par  les  quatre  orifices  /  d'autre  part,  arrive  au  contact  du  chlo- 


Fig-.  40.  —  Appareil  de  Ricard  (vue  d'ensemble). 


100 


NOGUE.   -  ANESTHESIE. 


roforme,  remonte  entre  le  disque  et  les  parois  du  récipient  et  vient 
se  dégag^er  par  l'aspirateur  A. 

Plus  le  disque  senfonce,  plus  l'air  se  charge  de  chloroforme, 
surtout  si  l'on  a  soin  d'obturer  en  même  temps  les  quatre  orifices  t. 

Lorsque  le  disque  a  été  abaissé  de  1  millimètre  et  que  les  quatre 


Fig.  41.  —  Appareil  de  Ricard.  Coupe 
srhéniatique  de  l'appareil  au  repos. 


Fig.  42.  —  .\ppareil  de  Ricard.  Coupe 
sciîématique  de  l'appareil  en  fonc- 
tionnement. 


.\,    tube  daspiration;   B,   cylindre    de    verre:   C,  chloroforme;  D,   espace  clos 
où  circule  l'air;   Ciir,  curseur;  E,  lige  centrale;  00,  disque. 


orifices  restent  ouverts,  la  proportion  de  chloroforme  est  d'environ 
0,50  p.  100;  elle  atteint  à  peine  2  p.  100  lorsque  les  quatre  trous  sont 
obturés.  Il  n'est  presque  jamais  Jj^esoin  d'augmenter  l'abaissement  du 
disque  :  une  fois  mis  en  marche,  l'appareil  se  règle  uniquement  par 
les  quatre  trous,  qu'on  ouvre  ou  ferme  à  volonté  ; 

2o  D'un  masque  de  caoutchouc  en  forme  d'entonnoir,  portant  à  sa 
partie  supérieure  une  pièce  métallique  munie  d'une  soupape  d'expi- 
ration :  ce  masque  est  relié  par  un  tube  de  caoutchouc  caurt  au 
récipient  du  chloroforme    1). 

(1)  F.  Jayle  et  G.  Berrlyer,  Les  nouveaux  appareils  à  chloroformisation 
(Presse  méd.,  8  fév.   1905,  noil). 


CHLOROFORME.  —  INSTRUMENTS. 


101 


L'appai'oil  nost  pas  encombrant:  son  poids  est  (reuviron 
100  grammes. 

Mode  (l'emploi.  —  On  verse  dans  un  récipient  à  peine  30  ou 
40  grammes  de  chloroforme,  car  Tanestliésie  avec  l'appareil  de  Ricard 
n'exige  qu'une  (juanlilé  de  narcotique  très  minime,  et  on  ferme  le 
récipient.  Le  curseur  est  mis  au  bas  de  la  course  ;  les  quatre  orifices 
sont  ouverts  et  on  laisse  le  malade  respirer  pendant  quelques  secondes 
de  l'air  pur.  Au  bout  de  ce  temps,  on  fait  exécuter  un  tour  entier  au 


Fig.  43.  —  Appareil  de  Ricard  en  fonctionnement. 

curseur  et  on  maintient  encore  les  quatre  trous  ouverts  (fig.  43).  Le 
malade  se  familiarise  peu  à  peu  avec  le  chloroforme.  La  respiration 
se  régularise  comme  l'indique  le  bruit  des  deux  soupapes  d'inspiration 
et  d'expiration.  Progressivement,  on  bouche  un  trou,  puis  deux,  puis 
trois,  quatre  s'il  est  nécessaire.  L'anesthésie  est  relativement  rapide. 
On  peut  d'ailleurs  l'accélérer  ou  la  ralentir  à  volonté.  Lorsque  la 
résolution  est  complète,  il  suffit  d'obturer  le  premier  orifice  l  seu- 
lement pour  maintenir  l'anesthésie  pendant  la  durée  d  une  opération. 

Appareil  de  Reynier.  —  Il  se  compose  d'un  récipient  métallique 
fermé  par  un  couvercle  à  vis  et  d'un  masque  spécial.  Ce  masque,  en 
caoutchouc  durci,  porte  une  bordure  de  caoutchouc  que  l'on  gonfle 
à  volonté  de  façon  à  l'appliquer  sur  le  visage  aussi  exactement  que 
possible  ;  sur  le  couvercle  du  récipient  se    trouvent  fixés  : 

1°  Un  aspirateur  en  forme  de  T.  La  branche  verticale  du  T  plonge 
dans  le  récipient  sans  atteindre  le  niveau  du  chloroforme.  Une  des 


102 


NOGUÉ.  —  ANESTHESIE. 


bronches  horizontales  A  est  reliée  au  masque,  l'autre  correspond  à 
lair  libre.  Celte  dernière  porte  un  petit  ressort  r,  qui  permet  de  fixer 
un  index  de  papier  qui  s'agite  à  chaque  mouvement  respiratoire  du 
malade  dont  il  facilite  la  surveillance  ({[g.  441  ; 

2°  Un  thermomètre  coudé  Th,  dont  une  des  extrémités  plonge  dans 
le  chloroforme  et  dont  l'autre  porte  trois  traits  superposés  S,  N,  1, 
correspondant  à  12-16°  C.  ; 

3"  Lu  lube  cylindrique   de  réglage   R,  qui    permet  de   doser  la 

proportion  d'air  et  de  chlo- 
roforme. Le  réglage  se  fait  au 
moyen  de  ce  tube,  dont  une 
extrémité  est  dans  le  récipient 
et  dont  l'autre,  émergeant  au- 
dessus  du  couvercle,  porte  une 
ouverture  qu'on  ouvre  et  ferme 
à  volonté,  grâce  à  un  obtura- 
teur muni  d'une  aiguille  qui 
se  déplace  sur  un  cadran  gra- 
dué de  0  à  12.  Lorsque  l'ai- 
guille est  au  0,  le  malade 
n'aspire  que  de  l'air  ;  lors- 
qu'elle est  à  12,  il  aspire  une 
proportion  de  11,6  p.  100  de 
chloroforme. 

Mode  cVemploi.  —  On  verse 
dans  le  récipient  80  centi- 
mètres cubes  de  chloroforme, 
si  l'opération  doit  durer  deux 
heures,  35  centimètres  cubes 
seulement  si  elle  doit  être  de 
courte  durée,  et  on  visse  le 
couvercle. 


Appareil  de  Reynier. 


A,  embouchure  ;  R,  ressort  ;  T/i,  thermo- 
mètre ;  R,  lube  de  réglage  ;  C,  chloroforme. 


On  met  l'aiguille  au  0  du  cadran  pendant  quelques  secondes.  On 
la  porte  ensuite  rapidement  à  la  division  6  ;  on  l'y  laisse  quelques 
secondes;  puis  on  la  meta  9  jusqu'à  ce  que  le  malade  soit  endormi. 
L'anesthésie  s'obtient  ainsi  en  douze  ou  quinze  minutes.  Lorsque 
l'anestlîésie  est  complète,  il  suffit  de  mettre  l'aiguille  à  la  division  5 
pendant  toute  la  durée  de  l'opération.  Le  mélange  titré  que  respire 
le  malade  lorsque  l'aiguille  est  à  5  est  sans  danger  (8  p.  100). 

S'il  s'agit  d'un  enfant,  il  suffit,  pour  obtenir  l'anesthésie,  de  placer 
l'aiguille  sur  le  chilTre  6  et,  pour  la  maintenir,  de  la  laisser  pendant 
l'opération  à  la  division  4. 

Pour  que  les  divisions  que  porte  l'appareil  correspondent  aux  titres 
des  mélanges,  il  est  nécessaire  que  le  chloroforme  soit  maintenu  à 
une  température  qui  se  trouve  limitée  sur  le  thermomètre  par   les 


CHLOROFORME.  —  INSTRUMENTS. 


1(13 


traits  N  et  I.  Si  la  temjDéralure  dépasse  N,  il  suffit  de  plonger  le  réci- 
pient dans  l'eau  froide  pendant  quelques  instants.  Si,  au  contraire, 
la  colonne  mercurielle  descend  à  la  lettre  I,  on  apj)liquc  la  main  sur 
le  récipient  jusqu'à  ce  que  le  mercure  remonte  au  trait  N. 

Chloroforme  et  oxygène.  Appareil  de  Roth-Draeger.  —  Neu- 
doffer,  à  Vienne,  et  Kreutzmann,  à  San-I-'rancisco,  eurent  les  premiers 
l'idée  de  faire  respirer  de 


R-,Q^ 


l'oxygène  pendant  laclilo- 
roformisation.  Wohlge- 
mullîconsli-uisità  cet  effet 
un  appareil  qui  donna  les 
meilleurs  résultais  et  fut 
utilisé  dans  un  grand 
nombre  d'hôpitaux  alle- 
mands. Cependant  c'est 
l'appareil  de  Roth-Draeger 
qui  l'emporte  dans  la  fa- 
veur des  chirurgiens.  Cet 
appareilapourbut:  I  «d'ob- 
tenir un  mélange  titré 
d'oxygène  et  de  chloro- 
forme ;  "20  de  doser  d'une 
manière  très  précise  la 
quantité  de  chloroforme 
administré. 

Le  maniement  de  cet 
appareil  est  assez  facile, 
mais  il  ne  faudrait  pas 
croire  qu'il  demande 
moins  d'attention  que  l'u- 
sage de  la  compresse  (1). 
Le  chloroformisateur  doit 
sans    cesse     observer    le 

faciès,    la    respiration,    le  Q,  délenteur;  O,  robinet  d'ouverture;  P,  mano- 

réflexe    COrnéen,  etc.    Sui-      mètre  marquant   le  débit  d'oxygène  par  minute; 

„    ■  1  1     1  •  .       R,   cadran  indiquant    le    nombre    de    gouttes    de 

vaut  les  malades,  suivant      , ,      ,■  ■     .      ^  n  i   - 

'  chlorotorme    par  minute;    1 ,  ilacon  gradue  ren- 

ies temps    de   l'opération,      fermant  le  chloroforme. 

il  devra  tantôt  augmenter, 

tantôt  diminuer  le  débit  de  l'anesthésie.    Son  souci  constant  sera 

d'obtenir  l'anesthésie  avec  un  minimum  de  chloroforme. 

L'ensemble  de  l'appareil  se  compose  de  deux  parties  :  Tune  consti- 
tuée par  le  réservoir  d'oxygène,  l'autre  par  l'appareil  proprement  dit. 

On  utilise  comme  réservoir  iFoxi/gène  de  longs  et  solides  tubes 

(1)    F.   Jayle,    Nouvel     appareil    pour    la    chloroformisation    (appareil     Roth- 
Draeger)  {Presse  méd .,  1902,  p.  1219). 


Fis.  45. 


Appareil  de  Rolh-Draeger 
(vue  d'ensemble). 


104 


NOGL'E.  —  ANESTHESIE. 


dacier,  en  for- 
me d'obus,  dans 
lesquels  le  gaz 
est  comprimé  et 
maintenu  à  une 
pression  de  145 
à  150  kilogram- 
mes. Ces  tubes 
sont  de  deux 
modèles  :  un 
petit  modèle  qui 
renferme  COO  li- 
tres de  g'az  et 
un  grand  mo- 
dèle qui  en  con- 
lient  1  700.  Le 
petit  modèle  est 

.  1  1    D  .,  n  suffisant     pour 

Appareil  de  Roth-Draeger.  ' 

,    ^         ^,  une  seule  anes- 

Q,    O,   P,    R,    T,  L,   comme  dans  la  fi^-^ure    >  45  ; ,   mano-  ,i    ,    • 

mètre  indiquant  la  quantité  d'oxygène  contenue  dans  Tobus  :  tliesie.    L.es    lU- 

M,  robinet  d'ouverture  et  de  fermeture   de   l'obus;    V,  nié-  bes     d  OXVgène 

langeur  :  I,  sac  de  baudruche.  ^^^^^  platsVleur 

base  et,  par  conséquent,  peuvent 
s'appuyer  sur  le  sol.  On  les  fixe 
dhabiluiie  sur  un  trépied  roulant. 

Le  tube  d'oxygène  se  termine 
supérieurement  par  un  robinet 
d'ouverture  et  de  fermeture.  Sur 
la  partie  supérieure  et  latérale  de 
l'obus,  se  trouve  un  orifice  muni 
d'un  pas  de  vis,  destiné  à  recevoir 
l'appareil  proprement  dit. 

Uappareil  proprement  dit  se 
réduit  à  un  tube  métallique  dans 
lequel  passe  le  courant  d'oxygène. 
Une  des  extrémités  de  ce  tube 
porte  une  vis  qui  se  fixe  au  réser- 
voir d'oxygène  ;  l'autre  extrémité 
aboutit  à  un  sac  de  baudruche. 
Sur  le  tube  sont  greffées  les  diffé- 
rentes  pièces   suivantes    Tfig.    45    ^.  .  -,    ,     r,  ..  t^ 

^        ^  ^  Fig^.  47.  —    Ajipareil    de   Roth-Draeg-er. 

à  47 1 

'  R,  cadran  ;    T,   petite  ampoule  où   se 

a.    Un   petit    robinet    servant    à  forme  la  goutte  de  chlorol'orme  qui  tombe 

ouvrir  et  fermer  le  courant  d'oxv-  en  S;   II,  tube  par  lequel  se  fait  laspira- 

j  .,  .,  "  tion  du  chloroforme:  G,  flacon  gradué  ;  B, 

gène  clans  1  appareil  ;  plateau  mobile  dans  le  sens  de  la  flèche. 


CHLOROFORME.  —  INSTRUMENTS.  105 

(>.  In  (léleiilcur  nnini  (rune  vis  à  aik'Lte  qui  permet  de  réduire  la 
pression  du  gaz  de  lô(»  ivilogrammes  i^  un  demi-kilogramme  et  d'en 
régler  le  débit  ;  ce  détenteur  est  dû  à  Guglielminetti  ; 

c.  Deux  luanomèlres,  dont  l'un  indique  la  quantité  d'oxygène 
qui  passe  dans  l'appareil  par  minute  ^3  litres  en  moyenne),  et  l'autre 
la  (juantilé  de  gaz  renfermée  dans  le  réservoir  d'acier. 

d.  Un  tube  en  verre  S  où  tombe  le  chloroforme  ;  on  voit  chaque 
goutte  tomber  ;  on  l'entend  aussi,  car,  en  tombant,  elle  produit  un  petit 
bruit  caractéristique.  Ce  tube  est  surmonté  d'un  cadran  sur  lequel 
une  aiguille  indique  le  nombre  de  gouttes  qui  tombent  par  minute 
(de  0  à  75).  Le  chloroforme  est  contenu  dans  un  flacon  en  verre 
gradué  de  forme  spéciale  ; 

e.  Une  partie  renflée  mélangeur,  où  se  mêlent  oxygène  et  chloro- 
forme. 

Les  vapeurs  de  chloroforme  oxygéné  s'accumulent  temporairement 
dans  le  sac  de  baudruche  et  sont  aspirées  par  l'intermédiaire  d'un 
long  tube  de  caoutchouc  et  d'un  masque.  Ce  dernier  est  en  métal 
et  facilement  stérilisable  ;  il  porte  un  petit  orifice  permettant  au 
malade  de  respirer  de  l'air  en  même  temps  (jue  le  mélange  d'oxygène 
pur  (environ  5  litres  d'air  pour  3  litres  d'oxygène). 

Le  masque  est  en  outre  percé  d'un  orifice  circulaire,  muni  d'une 
valve  de  mica  qui  s'ouvre  à  l'expiration  et  se  ferme  à  l'inspiration. 
Le  jeu  de  cette  valve  produit  un  bruit  qui  facilite  la  surveillance  de 
la  respiration. 

Le  fonctionnement  de  l'appareil  est  le  suivant  :  l'oxygène  passe 
sous  pression  dans  le  tube  de  métal  grelTé  sur  le  réservoir,  attire  à  la 
manière  d'une  trompe  à  eau  le  chloroforme  contenu  dans  le  flacon 
gradué  :  l'oxygène  et  le  chloroforme  se  mélangent  dans  le  sac  de  bau- 
druche d'où  ils  sont  aspirés. 

Mode  d'emploi.  —  Avant  de  se  servir  de  l'appareil,  il  faut  mettre 
20  à  30  grammes  de  chloroforme  dans  le  flacon  et  bien  serrer  les  vis 
qui  assujettissent  l'appareil  au  réservoir.  On  ouvre  le  robinet  qui 
surmonte  le  réservoir  et  le  petit  robinet.  Immédiatement  les 
aiguilles  des  deux  manomètres  vont  brusquement  à  l'extrémité  de 
leur  cadran,  indiquant  que  la  pression  est  beaucoup  trop  forte  et  le 
débit  trop  intense. 

On  règle  alors  les  deux  en  même  temps,  en  actionnant  la  vis  à 
ailette  du  détenteur  jusqu'à  ce  que  le  manomètre  du  débit  d'oxygène 
marque  3  litres  et  l'autre  1  700  litres,  si  nous  supposons  que  le  tube 
d'oxygène  employé  est  du  grand  modèle  et  serve  pour  la  première  fois. 

A  ce  moment,  on  met  le  masque  sur  le  visage  du  malade  (il  est  pré- 
férable, au  début,  de  maintenir  le  masque  avec  la  main  et  de  ne 
l'assujettir  avec  la  petite  lanière  de  caoutchouc  ad  hoc  que  quand  le 
malade  dort),  et  on  place  l'aiguille  sur  le  cadran  du  débit  du  chloro- 
forme au  chiffre  15  pendant  une  à  deux  minutes.  Le  malade  n'a  nulle 


lOG  NOGUÉ.  —  ANESTHESIE. 

sensation  détonn'emenl  :  il  est  si  peu  gêné  par  Todeurdu  chloroforme 
qu'il  respire  sans  appréhension  et  naturellement.  Au  bout  de  deux 
minutes  environ,  on  augmente  progressivement  la  dose  de  chloro- 
forme jusque  XL\  ou  L  gouttes.  On  ne  peut  donner  de  règle  fixe  : 
certains  malades  s'endorment  vite  et  bien  avec  XXX  gouttes, 
d'autres  exigent  davantage;  c'est  affaire  d'habitude  de  la  part  du 
chloroformisateur. 

Lorsque  la  résolution  est  complète,  généralement  au  bout  de  dix  à 
douze  minutes,  il  suffit  de  X  à  XV  gouttes  en  moyennepar  minute  poiu' 
maintenir  l'anesthésie  pendant  toute  la  durée  de  l'opération. 

Quand  l'opération  est  terminée,  on  met  l'aiguille  au  0  et  on 
laisse  le  malade  respirer  de  l'oxygène  et  de  l'air  pendant  quelques 
minutes,  puis  on  ferme  le  robinet  de  débit  d'oxygène,  le  robinet  ou 
écrou  supérieur  du  réservoir  et  le  détenteur. 


NARCOSES  PAU  MÉLANGES.  107 

IX.  -  NARCOSES  PAR   MÉLANGES    OU   COMBINAISONS 
DE  DIVERS  ANESTHËSIQUES. 

On  a  cluMvlié,  en  associant  ensenible  clans  des  proportions  déter- 
minées, certains  anesthésiques,  à  snpprimer  les  inconvénients  les 
pins  man|nants  des  nns  ponr  laisser  prédominer  leurs  avantages. 
T.es  mélanges  les  plus  connus  sont  les  suivants  : 

Mélange  de  Billroth.  —  Ce  mélange,  préconisé  par  le  célèbre 
chirurgien  de  Vienne,  comprend  : 

Éther .-^  \  i  pa,tie. 

Alcool ( 

Chlorolorme 3  parties. 

Mélange  anglais  A.  C.  E.  —  Préconisé  par  le  D'-  Harley  et  très 
usité  aujourtlhui,  il  se  compose: 

Alcool 1  partie. 

Chloroforme 2  parties. 

Ether 3       - 

Mélange  de  Reynès.  —  Le  D"^  Reynès  (de  Marseille)  recommande 

la  formule  suivante  : 

Chlorolorme 2  parties . 

f,?"""^ ââjl  partie. 

Lther ( 

Mélange  de  Schleich.  —  Dans  la  composition  de  ce  mélange 
entrent  le  chlorure  d'éthyle  pour  2  parties,  le  chloroforme  pour  3 
et  Téther  pour  2.  Tony-Champ  (1)  lui  reconnaît  les  avantages 
suivants  :  1°  il  peut  être  substitué  à  Téther  et  au  chloroforme: 
2°  sa  toxicité  serait  moindre  que  celle  du  chloroforme  et  il  ne  pré- 
senterait pas  les  inconvénients  de  Téther  ;  3°  la  zone  maniable  étant 
beaucoup  plus  étendue  que  celle  du  chloroforme,  il  permettrait  de 
maintenir  les  malades  au  seuil  de  Tanesthésie  et  de  réduire  au  mini- 
mum la  dose  d'anesthésique;  4°  s'élimmanttrès  rapidement,  il  donne 
lieu  très  rarement  à  des  vomissements. 

Somnoforme.  —  Le  D""  Rolland  (de  Bordeaux)  a  préconisé  sous  ce 
nom  le  mélange  suivant  : 

Bromure    déthyle 5  grammes . 

Chlorure  déthyle 60  — 

Chlorure   de  méthyle 35  — 

On  peut  l'employer  soit  à  Taide  d'un  mouchoir  plié  avec  une  bande 
de  papier  épais,  formant  une  sorte  de  cornet.  Au  fond  de  ce  cornet, 
on  place  un  morceau  de  coton.  On  verse  sur  ce  coton  5  grammes  de 

(1)  Thèse  de  Paris,  1909. 


108 


NOGUE. 


ANESTHÉSIE. 


somnoforme.  Le  cornet  liermétiquement  appliqué  sur  la  face,  on 
invile  le  malade  à  respirer.  Au  bout  de  quelques  inspirations,  Fanes- 
thésie  est  obtenue. 

Masque  du  D^  Robinson.  —  On  peut  employer  des  masques  plus 
perfectionnés.  Tel  est  le  masque  du  D''  Robinson.  Il  se  compose  d'une 
sorte  d'entonnoir  en  verre  dont  la  partie  évasée,  recouverte  d'un  bour- 
relet pneumatique,  s'applique  hermétiquement  sur  la  face.  Au  sommet 
de  l'entonnoir  est  un  cylindre  terminé  par  un  ballon  en  caoutchouc  ou 
une  vessie.  Sur  un  côté  de  ce  cylindre  se  trouve  un  boîtier  métallique 


Fig.  48.  —  Masque  de  Field  Robinson,  boîte  mélallique  ouverte. 


Fig.    49.    —  Masque  de  la  même  boîte  fermée. 

qui  s'ouvre  vivement  quand  on  appuie  sur  un  ressort  découvrant  une 
tige  centrale,  sur  laquelle  on  peut  faire  effort  pour  briser  le  bec  des 
ampoules.  Cette  tige  traverse  longitudinalement  le  tube  de  verre  et 
se  fixe  par  une  vis  à  l'extrémité  libre  qui  reçoitle  ballon  et  maintient  à 
Tautre  extrémité,  c'est-à-direau  fond  du  masque,  un  diaphragme  formé 
de  sixouhuitépaisseurs  de  gaze  aseptique.  On  projette  l'anesthésique 
soit  directement  sur  ce  diaphragme,  soit  dans  l'intérieur  du  boîtier. 
Un  autre  masque,  dit  masque  physiologique,  se  compose  également 
d'un  entonnoir  en  celluloïd,  dont  un  bourrelet  pneumatique 
recouvre  la  partie  évasée.  Au  sommet  de  cet  entonnoir,  se  fixe 
l'extrémité  ouverte  d'un  tube  métallique,  don!  l'autre  extrémité  est 
terminée  par  une  vessie  servant  de  réservoir  d'air.  Pour  l'expiration 
se  trouve  encore  sur  le  corps  de  ce  tube  une  soupape  qui  permet  la 


NARCOSES  PAR  MÉLANGES.  109 

sortie  do  Tair  expiré.  Knfin,  sur  ce  premier  tube,  se  fixe  un  second 
tube  plus  petit  que  l'on  ferme  avec  une  capsule.  On  introduit  dans 
ce  tube  une  ampoule  ;  on  ferme,  on  presse  un  ressort  qui  rompt 
l'ampoule,  cl  le  licjuide  passe  de  ce  petit  tube  dans  le  gros,  où  il 
s'évapore  et  se  mélange  avec  l'air  inspiré. 

Voici  comment  Marcel  Cavalié  et  Bardon  décrivent  la  technique 
de  ce  mode  d'anesthésie.  Pendant  que  l'opérateur  prépare  ses  ins- 
truments, l'anesthésiste  par  quelques  bonnes  paroles  réconforte  le 
patient.  11  lui  montre  comment  il  doit  souffler  et  respirer  dans  le 
masque  et,  sans  avoir  versé  d'anesthésique,  il  lui  fait  répéter  cet  exer- 
cice. Quand  ces  préliminaires  sont  compris,  l'opération  commence. 
L'opérateur  place  l'ouvre-bouche,  et  immédiatement  l'anesthésiste 
verse  3  à  5  centimètres  cubes  de  somnoforme  dans  le  masque,  qu'il 
applique  sans  brusquerie  ni  précipitation  sur  la  face  du  sujet. 

A  ce  moment,  l'anesthésiste  est  placé  en  arrière  et  à  droite  du 
patient.  Il  lient  le  masque  de  la  main  droite  et,  de  la  main  gauche,  il 
embrasse  le  menton  du  patient.  Cette  position  lui  permet  de  main- 
tenir l'opéré  et  de  surveiller  son  anesthésie,  car  il  arrive  parfois 
qu'après  les  premières  inspirations  le  sujet  est  saisi,  qu'il  hésite  ou 
cesse  de  respirer. 

L'anesthésiste  doit  en  ce  cas,  ou  après  les  deux  ou  trois  premières 
inspirations,  retirer  complètement  le  masque  pour  que  le  patient 
puisse  respirer  une  ou  deux  fois  à  l'air  libre  ;  puis  il  réapplique  le 
masque  et  le  laisse  sur  la  face  jusqu'à  l'anesthésie  confirmée.  Cette 
anesthésie  se  divise  en  deux  périodes  : 

1°  La  période  d' induction,  pendant  laquelle  le  sujet  passe  de  l'étatde 
veille  à  l'état  de  sommeil  anesthésique,  présente  parfois  une  excita- 
tion plus  ou  moins  grande  suivant  qu'on  a  affaire  à  des  sujets  ner- 
veusement prédisposés  ; 

"2°  La  période  de  résolution,  que  l'on  atteint  plus  ou  moins  dans  les 
anesthésies  légères. 

Il  suffit,  pour  suivre  les  progrès  de  l'induction,  de  surveiller  la  pau- 
pière du  patient  qui  exécute  de  petits  mouvements  qui  peu  à  peu 
s'atténuent  et  disparaissent.  C'est  le  moment  de  la  soulever  avec 
l'index  de  la  main  gauche  et  d'appliquer  délicatement  le  médius  sur 
la  conjonctive. 

Si  l'anesthésie  n'est  pas  obtenue,  la  paupière  se  ferme:  mais  en 
continuant  l'induction  et  en  laissant  le  doigt  sur  la  conjonctive,  on 
voit  que  le  mouvement  de  défense  s'épuise  et  disparaît.  C'est  le 
moment  d'opérer. 

Il  serait  trop  long  de  décrire  toutes  les  combinaisons  qui  ont  été 
maginées  dans  l'administration  des  anesthésiques.  Citons  les  prin- 
cipales : 

Xarcose  par  l'alcool  et  le  chloroforme  : 

Narcose  par  le  bromure  d^éthy le  et  le  chloroforme  ; 


110 


NO  GUE. 


ANESTHESIE. 


Narcose  par  le  chloroforme  et  l'élher  ou  inversement  ; 

Narcose  par  le  bromure  tVéthyle  et  iéther  ; 

Narcose  par  le  chlorure  d'éthyle  et  Véther; 

Protoxyde  d'azote  et  éther.  —  Celte  méthode,  imaginée  par 
Clover,  est  très  employée  en  Angleterre.  Elle  consiste  à  con- 
sidérer le  malade  avec  le  protoxyde  d'azote  et  à  continuer  ensuite 
sans  transition  lanesthésie  par  Téther.  On  évite  ainsi  la  période 
d'excitation  de  l'éther,  et  en  quelques  secondes  on  plonge  le  malade 


Fisî.  50. 


Appareil  de  Clover  pour  l'administration  du  protoxyde  d'azote 
et  de  l'éther. 


dans  le  sommeil  anesthésique  :  il  y  a  donc  bénéfice  pour  le  patient  et 
pour  l'opérateur  à  se  servir  de  ce  procédé. 

L'appareil  ifig.  50j  se  compose  dune  bouteille  métallique  de  pro- 
toxyde d'azote  et  d'un  récipient  contenant  un  peu  deau  chaude  desti- 
née à  combattre  les  etîets  frigorifiques  du  protoxyde.  La  seconde  partie 
de  l'appareil  se  compose  d'un  récipient  destiné  à  contenir  l'éther  et 
pouvant  être  suspendu  au  cou  de  laneslhésiste  à  l'aide  d'un  crochet. 
Ce  récipient  communique  avec  une  embouchure  par  lintermédiaire 
d'un  tube  recouvert  d'un  ballon  de  caoutchouc  destiné  à  recevoir 
le  gaz.  Près  de  l'embouchure,  se  trouve  un  robinet  qui  permet  de 
donner  alternativement  au  malade  soit  du  protoxyde,  soit  de  l'éther, 


NARCOSES    PAR    MELANGES. 


111 


soil  de  Tair.  Diulley-Buxloii  a  modifié  un  peu  cet  appareil,  donl  le 
principe  el  le  manieinenl  restent  les  mêmes  (fig.  51). 


Fig.  51.  —  Appareil  de  Dudley-Bu.\ton. 

Récemment,  Ombrédanne  a  préconisé  une  méthode  d'anesthésie 


Fig.  52.   —  Coupe  de  l'appareil  dOmbrédaune. 

générale  par  un  mélange  d'éther,  d'air  pur  el  d'acide  carbonique, 
administré  à  l'aide  d'un  appareil  spécial  (fig,  52).  D'après  Nélaton, 


112  NOGUÉ.  —  ANESTHESIE. 

qui  l'a  employée  dans  300  cas,  l'anesthésie  a  été  comparable  à  celle 
du  chloroforme.  Delbet  et  Lucas  Championnière  n'ont  pas  été  très 
satisfaits  de  cette  méthode  nouvelle. 

Pour  pallier  aux  dangers  de  certains  anesthésiques  généraux,  les 
physiologistes  ont  préconisé  l'administration  préventive  de  certaines 
substances.  C'est  ainsi  que  Claude  Bernard,  dès  1869,  recommandait 
Tinjection  de  morphine  avant  les  inhalations  de  chloroforme,  suppri- 
mant ainsi  la  période  d'excitation  et  les  dangers  de  la  syncope  initiale, 
mais  augmentant  les  risques  d'une  syncope  respiratoire. 

Dastre  et  Morat  ont  préconisé  l'injection  d'atropine  et  de  morphine  ; 
Forné,  Tadminislrationdu  chloral. 


ANESTHÉSIE  PAR  LA  VOIE    TRACHÉALE. 


113 


X.  -   ADMINISTRATION  DES  A  NES  THES  IQU  ES 
PAR  D'AUTRES  VOIES  QUE  LA  VOIE  BUCCO-NASALE. 


ANESTHÉSIE  PAR  LA  VOIE  TRACHÉALE. 

Dansun certain  nombre  d'opérations  portant  sur  la  face  et  en  parti- 
culier sur  le  nez,  le  maxillaire,  la  cavité  buccale,  etc.,  l'application  de 
masque  gène  considérablement  le  chirurgien. 

Aussi  a-t-on  cherché  à  supprimer  le  masque  et  à  le  remplacer  par 
une  canule  permettant  de  faire  pénétrerdirectement  les  vapeurs  anes- 
Ihésiques  dans  la  tranchée.  Claude  Bernard  avait  déjà  ainsi  introduit 
dans  les  voies  respiratoires  du  chloroforme  liquide  chez  les  animaux. 


Fiff.   53. 


Appareil  de  Trendelenburg-  modifié. 


Au  lieu  de  faire  inhaler  le  chloroforme  par  la  bouche,  on  ouvre  la 
trachée  et  on  l'introduit  directement  dans  le  poumon  par  l'ouver- 
ture que  Ion  a  pratiquée.  En  administrant  le  chloroforme  de 
cette  manière,  on  ne  provoque  jamais  d'agitation  ni  de  contractions 
spasmodiques,  et  le  sang  artériel  conserve  toujours  son  aspect  rutilant 
ordinaire.  Si  ce  procédé  n'exigeait  pas  une  trachéotomie,  ce  serait 
certainement  le  meilleur  de  tous  à  employer. 

Ce  moyen  a  été  maintes  fois  employé  chez  l'homme.  Le  chirurgien 
tantôt  pratique  une  trachéotomie  préventive  et  introduit  par  l'orifice 
une  canule  à  trachéotomie  adaptée  à  un  appareil  de  Trendelenburg. 
Cette  canule  est  munie  d'un  ballonnet  que  l'on  peut  gonfler  d'air  pour 
obturer  toute  la  lumière  laryngée  autour  de  la  canule  et  obliger  le 
malade  à  respirer  par  cette  voie. 

Dans  d'autres  cas,  au  lieu  de  faire  la  trachéotomie,  on  introduit  un 
tube  spécial  dans  le  larynx.  Tel  est  le  tube  laryngien  de  Krishaber. 
Doyen enFrancefaitl'inhalation  laryngée  à  l'aide  du  tube  d'O'Dwyer 
et  de  l'entonnoir  de  Trendelenburg  (fig.  53). 


Tk 


AITE    DE    STOMATOLOGIE. 


VL    — 


U'«  NOGL'É.  —  ANESTHÉSIE. 

D'autres  se  sont  servis  de  tubes  naso-pharyngiens  pour  faire  inhaler 
le  chloroforme.  Tels  sont  J.-L.  Faure  (de  Paris),  Crile  (de  Cleveland), 
Adam  (de  Xancy).  Ce  dernier  procédait  ainsi  :  un  courant  dair,  après 
avoir  barboté  dans  du  chloroforme,  est  envoyé  dans  le  naso-pharynx 
à  l'aide  d'une  sonde  nasale.  Le  malade  malheureusement  respire  ainsi 
un  air  qui  est  saturé  de  chloroforme,  même  si  on  actionne  le  souffleur 
aussi  peu  que  possible.  La  grosse  difficulté  de  cette  méthode  est 
donc  le  réglage  et  le  danger  auquel  elle  expose  de  donner  trop  de 
chloroforme. 

Barthélémy  et  Dufour  (de  Nancy)  ont  tourné  cette  difficulté  en  se 
servant  de  l'appareil  de  Vernon  Harcourt  armé  d'une  canule  laryngée 

(fig.  54j  (1).  Voici  comment  ils 
procèdent  :  une  soufflerie  à  main 
aboutit  à  une  tubulure  du  vase  à 
chloroforme,  dont  l'autre  embou- 
chure est  en  relation  avec  une  des 
soupapes  d'inspiration. 

La  même  soufflerie  commande  en 
outre  directement  l'autre  soupape 
d'inspiration  :  celle-ci  ne  laisse  donc 
passer  que  de  l'air  pur.  La  propor- 
tion d'air  pur  et  d'air  chargé  de 
chloroforme  est  réglée  par  l'index 
Fig.  54.  -  Appareil  de  Vernon-  du  disque central  auquelaboutissent 
Harcourt.  les  deux  courants  ;  ils  s'y  réunissent 

dans  le  tube  médian, qui  se  termine 
par  une  sonde  urélrale  deGelly  du  calibre  18.  Cette  sonde,  introduite 
dans  le  larynx,  n'obture  pas  la  glotte,  et  le  malade  peut  respirer 
librement  à  côté.  De  cette  façon,  on  est  rigoureusement  maître  du 
mélange  que  l'on  fait  absorber  en  totalité  chaque  fois  qu'on  actionne 
la  soufflerie,  et  dès  qu'on  cesse  de  l'actionner  le  malade  respire  de 
l'air  pur.  Le  mélange  ou  Tair  injectés  se  stérilisent  et  se  dessèchent 
à  travers  des  tampons  d'ouate  hydrophile  interposés  dans  les  tubes. 
Pour  épargner  au  malade  la  sensation  désagréable  de  l'introduction 
de  la  sonde,  et  surtout  pour  éviter  des  réflexes  qui  pourraient  être 
dangereux,  cet  appareil  ne  doit  servir  qu'à  l'entretien  de  l'anesthésie 
obtenue  par  les  procédés  habituels.  Il  permet  en  outre  d'injecter 
au  besoin,  à  un  moment  donné,  de  l'air  pur,  c'est-à-dire  de  faire 
une  respiration  artificielle  :  il  suffit  de  mettre  l'index  au  0. 

Les  premiers  essais  sur  le  chien  ont  pleinement  réussi  ;  l'animal  a 
pu  être  maintenu  pendant  une  heure  dans  une  anesthésie  très  régulière, 
ce  qui  d'ailleurs  est  particulièrement  difficile  à  obtenir  chez  le  chien 
par  la  méthode  ordinaire.  Il'a  toléré  la  sonde  laryngée  sans  aucun 

(1)  Barthélémy  et  Dufour,  L'anesthésie  dans  la  chirurgie  de  la  face  ^Presse 
méd.,  27  juillet  1907,  n"  60). 


ANESTHESIE  PAR  LA  VOIE  RECTALE.  115 

accident  réflexe  et  n'a  présenté  aucun  des  accidents  pulmonaires 
post-anesthésiques  qu'on  aurait  pu  craindre  en  raison  de  la  pro- 
jection directe  du  mélange  chlorol'ormique  dans  l'appareil  respi- 
ratoire. 

Chez  l'homme,  l'introduction  d'une  sonde  dans  la  larynx  est  prati- 
quement plus  difficile  que  chez  le  chien.  En  raison  de  ce  fait  et  par 
prudence,  on  essaya  d'abord  d'introduire  simplement  la  sonde  dans 
le  pharynx.  Mais  alors,  même  en  actionnant  autant  que  possible  la 
soufflerie,  il  était  impossible  d'entretenir  l'anesthésie,  car  l'appareil 
d'Harcourt  ne  peut  donner  plus  de  2  p.  100  de  chloroforme.  Il  fallait 
donc  en  revenir  à  l'injection  directe  dans  le  larynx. 

Le  premier  essai  clinique  du  procédé  fut  fait  dans  le  service  du 
P*^  Gross  chez  une  malade  atteinte  de  néoplasme  propagé  au 
maxillaire  inférieur.  Il  s'agissait  de  réséquer  la  branche  horizontale 
gauche.  Aussitôt  l'anesthésie  obtenue  aveclemasque  et  le  flacon,  on 
tenta  l'introduction  de  la  sonde  dans  le  larynx.  On  mit  ensuite  en 
marche  l'appareil  et,  après  quelques  tâtonnements  prudents,  on  put 
maintenir  une  anesthésie  très  régulière  et  sans  le  moindre  incident. 
L'index  de  l'appareil  dut  être  laissé  tout  le  temps  à  2  p.  100,  c'est-à- 
dire  à  la  dose  maxima.  La  soufflerie  était  actionnée  à  chaque  inspi- 
ration. Il  n'était  même  pas  besoin  de  se  préoccuper  de  relever  l'angle 
de  la  mâchoire  comme  on  le  fait  d'habitude  pour  ouvrir  la  glotte, 
puisqu'elle  se  trouvait  toujours  maintenue  ouverte  par  la  sonde.  Le 
chloroformisateur,  tenant  l'appareil  accroché  à  sa  ceinture,  pouvait 
s'éloigner  du  lit  chaque  fois  qu'il  était  une  cause  de  gêne  pour  le 
chirurgien.  Au  moment  de  l'incision  buccale,  un  tampon  placé  dans 
le  pharynx  à  côté  delà  sonde  et  souvent  renouvelé  empêchait  le  sang 
de  couler  dans  la  trachée.  Le  réveil  s'effectua  très  rapidement  :  la 
quantité  de  chloroforme  inhalée  avait  été  minime,  puisque  rien  ne 
s'était  perdu  :  10  grammes  en  trois  quarts  d'heure.  Il  n'y  eut  aucun 
accident  du  côté  des  voies  respiratoires,  malgré  le  grand  âge  de  la 
malade,  qui  avait  soixante-treize  ans, 

ANESTHÉSIE  PAR  LA  VOIE  RECTALE. 

L'anesthésie  par  la  voie  rectale  présenterait  de  très  grands  avantages 
dans  toutes  les  opérations  sur  la  face  en  général  et  plus  particulière- 
ment sur  le  bucco-pharynx,  les  maxillaires  et  le  nez.  Il  est  possible 
de  l'obtenir  pratiquement.  Roux  avait  signalé  ce  mode  d'anesthésie 
dès  1847.  Pirogoff  (de  Saint-Pétersbourg),  qui  l'appliqua  le  premier 
sur  ses  malades,  avait  fait  construire  pour  cela  une  sorte  de  clysoir 
à  pompe  entouré  d'un  cylindre  destiné  à  contenir  de  l'eau  chauffée 
à  40°.  La  vapeur  éthérée  pénétrait  dans  le  rectum  par  l'intermédiaire 
d'un  tuyau  élastique  et  d'un  embout  spécial.  D'après  Pirogofï,  à  peine 
ces  vapeurs  avaient-elles  pénétré  dans  le   rectum,  au  bout  de  une  à 


116 


NOGUE. 


ANESTHESIE. 


deux  minutes,  on  pouvait   constater  Todeur  éthérée  de  l'haleine,  et 
Tanesthésie  survenait  rapidement  sans  excitation. 

Dudley-Buxton  administre  d'abord  l'éther  par  la  bouche,  puis  il  con- 
tinue la  narcose  par  le  rectum.  L'appareil  (fig.  55)  se  compose  d'un 
vase  dans  lequel  on  verse  l'éther  et  qui  plonge  dans  un  second  vase 
contenant  de  l'eau  à  49°.  Sur  le  trajet  du  tube  de  caoutchouc  qui  va 
du  récipient  à  éther  à  l'embout  rectal,  se  trouve  un  petit  ballon  en 


Fig.  55.  —  Appareil  de  Dudley-Buxton  pour  l'anesthésie  rectale. 


verre  empêchant  la  pénétration  dans  le  rectum  de  toute  parcelle 
liquide  de  l'anesthésique.  La  rapidité  de  l'anesthésie  serait  très 
variable;  tantôt  trois  minutes  suffisent,  tantôt  il  faut  attendre  vingt- 
cinq  à  trente  minutes. 

E.  Vidal  (d'Arras)  emploie  la  technique  suivante  (1). 

1°  Préparation  du  malade  (d'importance  capitale).  —  La  veille, 
un  purgatif  débarrasse  l'intestin.  Le  matin  de  bonne  heure,  lavement 
abondant  :  2  litres  d'eau  bouillie  tiède  contenant  8  grammes  de 
bicarbonate  de  soude.  Trente  minutes  avant  l'intervention,  piqûre 
de  spartéo-morphine. 

2°  Instrumentation. —  Un  soufflet  S,  de  préférence  à  soupape, 
communique  par  un  tube  I  avec  le  flacon  àtrois  tubulures  E,  contenant 
de  l'éther  pur  (fig.  56  et  57). 

Le  tube  I  plonge  au  fond  du  liquide  que  traversera  donc  le  courant 

(1)  Vidal  (d'Arrasj,  L'anesthésie  générale  par  voie  rectale  (Presse  méd., 
5  déc.   1906,  no  97,  p.   787). 


ANESTHESIE  PAR  LA  VOIE  RECTALE. 


117 


d'air.  II  est  un  tube  de  sûreté  à  mercure;  K  est  le  tube  abducteur 
emportant  l'air  saturé  ou  vapeur  d'éther  vers  le  flacon  réchaulîeur 
vide  R,  qui  plonge  dans  l'eau  à  39°.  De  là  le  courant  gagne  run  des 
orifices  d'une  canule  rectale,  stérilisable,  à  double  courant  G,  intro- 
duite dans  le  rectum  du  malade,  ressort  par  le  second  orifice,  d'où 
un  tube  de  caoutchouc  le  conduit  dans  le  flacon  A,  contenant  de 
ralcool;  le  tube  terminal  y  plonge  d'environ  3  centimètres. 

L'éther  en  excès  se  trouve  ainsi  en  grande  partie  absorbé.  Le 
sommeil  s'obtient  en  général  sans  agitation  appréciable  en  quinze  ou 
vingt  minutes. 

3°  Quelques  points  à  signaler  tout  spécialement.  —  a.  Le  malade  ne 


7 

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— 

-Sr. 

Fig.  56.  —  Schéma  du  dispositif  d'ensemble  de  l'appareil  de  Vidal. 


doit  pas  se  gonfler  :  l'issue  du    gaz  doit  demeurer  parfaitement 
libre  ; 

6.  La  présence  de  l'air  mélangé  aux  vapeurs  d'éther  est  indis- 
pensable. Il  semble  que  la  saturation  du  sang  veineux  par  l'éther  ne 
se  fasse  bien  que  s'il  peut  s'oxygéner  en  même  temps  :  d'où  l'emploi 
du  soufflet; 

c.  La  présence  du  flacon  réchauffeur  R  est  strictement  indispen- 
sable :  le  courant  gazeux  est  en  effet  très  refroidi  par  la  volatilisation 
du  liquide  ;  une  certaine  quan- 
tité d'éther  est  de  plus  mécani- 
quement entraînée  :  deux  causes 
graves  d'irritation  rectale  qu'il 
faut  absolument  éviter. 

4"  Suites  opératoires.  — 
Nulles  :  une  selle  sans  liquide 
dans  la  journée,  quelquefois 
deux. 

Legueu,  L.  Morel  et  H.  Verlier,  qui  ont  fait  une  étude  minutieuse 
de  l'anesthésie  rectale,  envisagent  ainsi  ses  avantages  et  ses  incon- 
vénients. Les  avantages  consistent  en  un  réveil  plus  rapide,  en 
l'absence  d'irritation  pulmonaire,  ce  qui  a  une  grosse  importance 
quand  il  s'agit  d'une  intervention  sur  la  plèvre  ou  le  thorax,  une 
absorption  moindre  d'anesthésique,  libération  du  champ  opératoire 
pour  les  interventions  sur  la  tête  et  le  cou.  Les  inconvénients  de  la 
méthode  sont  les  troubles  cardio-respiratoires,  plus  nombreux  que 


Fig.  57.  —  Détail  de  la  canule  G. 


118  NOGUÉ.  —  ANESTHÉSIE. 

dans  les  autres  modes  d'anesthésies,  la  fréquence  des  sensations 
douloureuses  préanesthésiques  et,  après  l'opération,  la  fréquence  des 
accidents  intestinaux  (ténesme  intense,  colique,  diarrhée  dysen- 
térique) et  même  lésions  mécaniques  (perforation  intestinale). 

L'anesthésie  rectale  est  formellement  contre-indiquée  en  cas 
d'affection  aiguë  ou  chronique  de  l'intestin,  de  même  que  dans  les 
interventions  sur  le  péritoine,  le  périnée  et  les  organes  génitaux. 

Malgré  les  avantages  que  présenterait  cette  méthode,  un  grand 
nombre  d'auteurs  en  ont  signalé  les  nombreux  inconvénients.  En 
Amérique,  on  a  signalé  des  cas  de  mort.  Mais  les  accidents  qui  appa- 
raissent trop  fréquemment  sontle  météorisme,  la  diarrhée,  le  ténesme, 
les  coliques,  le  collapsus. 


NARCOSE  GÉNÉRALE  PAR   INJECTION    DE   L'ANESTHÉSIQUE.     119 

XI.  -  NARCOSE  GÉNÉRALE  PAR  INJECTION  INTRA- 
VEINEUSE OU  SOUS-CUTANÉE  DE  LA  SUBSTANCE 
ANESTHÉSIQUE. 

Claude  Bernard  pensait  que  les  substances  volatiles  introduites 
dans  l'organisme  par  une  autre  voie  que  la  voie  pulmonaire  ne  pou- 
vaient que  difficilement  produire  l'anesthésie,  du  moins  chez  les  ani- 
maux à  sang  chaud.  L'injection  sous-cutanée  d'une  solution  de  chlo- 
roforme ou  d'éther  sous  l'eau  procure  l'anesthésie  chez  les  grenouilles. 
Chez  d'autres  animaux,  tels  que  les  mammifères,  dit  l'illustre  physio- 
logiste, ce  procédé  ne  réussit  pas.  L'injection  sous  la  peau  d'une 
solution  de  chloroforme  ou  d'éther  ne  produit  pas  du  tout  l'anesthésie. 
En  voici  la  raison  :  pour  qu'une  substance  quelconque  agisse  sur 
l'organisme,  il  faut  qu'elle  pénètre  dans  le  sang,  et  il  ne  suffit  pas 
même  qu'elle  entre  dans  le  sang  veineux,  il  faut  qu'elle  arrive  dans 
le  sang  artériel.  C'est  là  une  condition  absolument  indispensable.  On 
peut  administrer  le  chloroforme  par  mille  moyens  divers  ;  mais  au 
fond  tous  ces  procédés  se  ramènent  toujours  à  introduire  le  chloro- 
forme dans  le  sang  artériel.  Le  sang  conduit  alors  le  chloroforme 
jusqu'à  l'élément  nerveux  sensitif,  sur  lequel  s'exerce  l'action  élective 
des  agents  anesthésiques.  Si  on  injecte  chez  un  lapin  ou  un  chien  du 
chloroforme  dissous  dans  l'eau,  le  chloroforme  pénétrera  du  tissu 
cellulaire  sous-cutané  dans  les  veines,  qui  le  conduiront  au  cœur 
droit,  d'où  il  sera  lancé  avec  le  sang  noir  dans  l'artère  pulmonaire,  et 
il  arrivera  ainsi  aux  poumons.  Là  le  chloroforme  ou  l'éther,  qui  sont 
des  substances  éminemment  volatiles,  s'exhalent  dans  l'atmosphère 
avecl'acide  carbonique,  et,  lorsque  le  sang  continuerason  circuit,  en 
retournant  au  cœur  gauche  par  les  veines  pulmonaires  et  ensuite 
dans  l'aorte  et  ses  subdivisions,  il  n'en  contiendra  plus  du  tout,  ou  du 
moins  il  n'en  contiendra  qu'une  proportion  trop  faible  pour  exercer 
une  action  anesthésique  sensible. 

Mais  peut-être  était-il  possible  d'introduire  dans  l'organisme  une 
quantité  suffisante  de  substance  anesthésique  pour  que,  malgré  l'exha- 
laison pulmonaire,  il  en  reste  encore  une  proportion  suffisante  dans 
le  sang  pour  agir  sur  les  centres  nerveux. 

C'est  bien  ce  que  des  recherches  récentes  semblent  démontrer.  Le 
P^'M.-L.  Burkhardt  (l),de  l'Université  de  VViirzbourg,  a  obtenu  une 
anesthésie  complète  par  injection  intraveineuse  d'une  solution  de 
chloroforme  non  seulement  chez  les  animaux  à  sang  chaud,  lapins, 
chiens  et  chats,  mais  encore  chez  l'homme. 

Il  se  sert  pour  cela  d'une  solution  physiologique  de  chlorure  de 

(1)  M.  L.  Burkhardt,  Miinch.  med .   Wochenschr.,  17  août  1909. 


120  >^OGUE.  —  ANESTHESIE. 

sodium  saturée  de  chloroforme.  Cette  solution  contient  0gr,96,  ou  bien 
0",63  de  chloroforme  pour  100  centimètres  cubes  de  sérum.  Cette 
solution  serait  toujours  bien  supportée.  Son  introduction  dans  les 
veines  ne  détermine,  à  rencontre  de  ce  qu'on  observe  dansl'anesthésie 
chloroformique  par  inhalation,  aucun  affaiblissement  de  la  pression 
sanguine.  Ce  fait  remarquable  pourrait  s'expliquer  par  l'action 
hypertensive  de  l'injection  intraveineuse  massive  du  liquide.  On 
nota,  après  cesexpériences,  chez  certains  desanimaux  anesthésiés,  de 
l'albuminurie,  de  la  cylindrurieet  parfois  même  de  l'hémoglobinurie; 
mais  tous  ces  accidents  ne  furent  que  transitoires  et  n'entraînèrent 
aucune  conséquence  fâcheuse. 

Si  la  solution  saturée  est  parfaitement  tolérée,  par  contre  une  solu- 
tion sursaturée,  contenant  du  chloroforme  en  gouttelettes,  est  dan- 
gereuse pour  tous  les  animaux,  chez  lesquels  elle  peut  provoquer 
la  mort  par  arrêt  brusque  sur  le  cœur. 

Voici  les  phénomènes  observés  pendant  les  expériences.  Lorsque, 
à  travers  une  canule  en  verre  fixée  dans  la  veine  jugulaire  et  reliée  par 
un  court  tube  en  caoutchouc  à  un  récipient  en  verre  de  forme  cylin- 
drique et  gradué,  on  fait  couler  lentement  la  solution  saturée  de  chlo- 
roforme dans  le  sérum  physiologique,  l'animal,  d'abord  tranquille, 
manifeste  bientôt  une  légère  inquiétude.  Cette  période  correspondrait 
à  la  période  d'excitation  qu'on  observe  dans  l'administration  du  chlo- 
roforme parla  voie  pulmonaire.  Au  bout  de  quelques  minutes,  de 
cinq  à  dix  en  moyenne,  les  réflexes  disparaissent,  la  respiration 
devient  parfaitement  régulière  et  l'anesthésie  complète  est  obtenue. 
Si  l'on  interrompt  alors  l'écoulement  du  sérum  chloroformé  dans 
lajugulaire,  l'anesthésie  générale  persiste  pendant  une  à  trois  minutes. 
Elle  tend  ensuite  à  se  dissiper  rapidement,  ainsi  que  l'annonce  la  réap- 
parition du  réflexe  cornéen.  Mais,  chose  remarquable,  il  suffit  alors, 
pour  empêcher  le  retour  à  l'état  normal  et  maintenir  le  sommeil  anes- 
thésique,  de  laisser  pénétrer  l'eau  chloroformée  dans  la  veine  en 
quantité  minime.  Le  sommeil  profond  peut  être  ainsi  maintenu  pen- 
dant une  heure. 

Les  lapins  et  les  chiens,  après  cette  narcose  profonde  et  prolongée, 
se  remettent  très  rapidement.  Les  chats,  dont  la  susceptibilité  à 
l'égard  du  chloroforme  est  bien  connue,  succombent  parfois. 

Le  procédé  paraissait  donc  efficace  et  aussi  peu  dangereux  que 
les  procédés  habituels  d'administration  du  chloroforme.  Aussi 
Burkhardt  n'hésita-t-il  pas,  après  de  très  nombreuses  expériences 
chez  les  animaux,  à  l'essayer  chez  l'homme.  Dans  les  quatre  obser- 
vations que  rapporte  M.  Wlad.de  Holstein(l),  l'anesthésie  fut  parfaite. 
La  période  dite  de  tolérance  avec  abolition  complète  des  réflexes 
s'établit  dans  la  narcose  intraveineuse  plus  tardivement  que  dans 

(1)  Wlad.  de  Hoi.stein,  Bull,  méd.,  sept.  1909. 


L\J1-CTI0N  INTRAVEINEUSE  DE  CHLORAL.  121 

la  narcose  par  inlialation.  Il  faut  compter  quinze  à  seizeminulespour 
arriver  à  l'anesthésie  complète.  Mais  M.  Burkhardt  suggère  qu'on 
peut  en  hi\ler  la  venue  en  recouvrant  légèrement  le  nez  et  la  bouche  du 
patient  avec  une  compresse  de  tarlatane  qui  empêche  Télimination 
trop  grande  du  chloroforme  avec  Facide  carbonique  expiré,  ou  plutôt 
qui  détermine  une  inhalation  par  la  voie  pulmonaire  du  chloroforme 
expiré,  inhalation  qui  contribuerait  naturellementà  hâter  l'anesthésie. 
La  réalité  de  l'exhalation  pulmonaire  n'est  plus  en  effet  à  démontrer. 
Ce  procédé  de  narcose  ne  présenterai  t ,  au  dire  de  l'auteur,  aucun  danger 
et  serait  particulièrement  utile  dans  les  opérations  portant  sur  la 
face  et  la  bouche. 

INJECTION  INTRAVEINEUSE  DE  CHLORAL. 

Découvert  en  1831  par  Liebig,  le  chloral  fut  étudié  par  Liebreich, 
qui  démontra  que,  sous  l'influence  des  alcalis  et  des  carbonates  alcalins, 
il  se  dédoublait  en  chloroforme  et  en  acide  formique.  Cette  produc- 
tion de  chloroforme  donna  à  Liebreich  l'idée  d'utiliser  ce  corps  pour 
donner  naissance,  au  milieu  de  l'économie,  à  du  chloroforme  ((ui 
agirait  comme  anesthésique.  Les  expériences  sur  les  animaux  lui 
démontrèrent  qu'en  effet  il  se  produisait  des  phénomènes  semblables 
à  ceux  de  l'anesthésie.  Claude  Bernard,  qui  reprit  ces  expériences, 
pensa  que  le  chloral  n'agissait  que  comme  hypnotique.  Personne  au 
contraire  soutint  la  théorie  de  Liebreich. 

Oré  (de  Bordeaux),  en  1872,  appliqua  chez  l'homme  la  méthode  des 
injections  intraveineuses  de  chloral  en  solution  à  O^^SS  p.  100.  Il 
injectait  4  à  16  grammes  de  la  solution  et  obtenait  une  anesthésie 
absolue.  Mais  la  crainte  delà  formation  de  caillots  a  fait  abandonner 
cette  méthode. 

Récemment,  Maurice  Nicloux  a  repris  l'étude  de  la  décomposi- 
tion de  chloral,  et  voici  les  conclusions  auxquelles  ses  expériences 
l'ont  conduit  : 

«  M'étant  assuré  d'abord  :  1°  qu'une  solution  de  chloral  additionnée 
d'acide  tartrique  et  de  cinq  fois  son  volume  dalcool  n'est  pas  décom- 
posée à  l'ébullition  ;  2°  que  le  dosage  du  chloroforme  dans  le  sang 
n'est  pas  influencé  par  la  présence  du  chloral,  j'ai  entrepris  des 
expériences  très  simples  qui  ont  consisté  à  injecter  par  voie  intra- 
veineuse l'hydrate  de  chloral  et,  une  fois  l'anesthésie  obtenue,  à 
rechercher  le  chloroforme  dans  le  sang.  Mes  expériences  m'ont 
permis  de  conclure  que  l'action  du  chloral  est  bien  spécifique  et  que 
l'anesthésie  par  cette  substance  ne  peut  être  due  au  chloroforme  qui 
proviendrait  de  sa  décomposition.  » 


122  NOGUE.  —  ANESTHESIE. 

NARCOSE  PAR  LA  SCOPOLAMINE  ET  LA  MORPHINE. 

Cette  méthode  a  été  imaginée  par  Schneiderlin.  Il  employait  le 
bromhydrate  de  scopolamine  aux  doses  de  0sr,0003  avec  Os'",01  de 
morphine,  en  injection  sous-cutanée.  Korff,  qui  a  modifié  un  peu  ces 
doses,  conseille  de  faire,  quatre  heures  avant  Topera tion,  une  première 
injection  de  Oe^Ol  de  morphine  et  de  12  milligrammes  de  scopo- 
lamine :  deux  heures  après,  seconde  injection  et,  une  demi-heure 
avant  l'opération,  troisième  injection  des  mêmes  doses.  Quelquefois 
on  a,  après  ces  injections,  fait  inhaler  quelques  gouttes  de  chloroforme. 
L'anesthésie  serait  paisible  et  prolongée.  D'après  Bez,  le  danger  de 
cette  méthode  serait  l'arrêt  possible  de  la  respiration  dû  à  l'action 
de  la  morphine.  Aussi  conseille-t-il  de  réduire  la  proportion  de  cette 
substance  et  de  n'administrer  qu'une  proportion  de  2  de  morphine 
pour  4à  5  de  scopolamine. 


AGENTS  ANESTHÉSIQUES  PEU  EMPLOYÉS.  123 

///.   -    AGENTS  ANESTHÉSIQUES  PEU  EMPLOYÉS. 

Pental.  —  Encore  appelé  amylène,  triméthyl-éthylène,  isoamy- 
lène-ji,  le  pental  est  un  liquide  très  volatil,  d'une  odeur  analogue 
à  celle  de  l'essence  de  moutarde,  inflammable,  insoluble  dans  l'eau, 
soluble  en  toute  proportion  dans  l'éther,  l'alcool  et  le  chloroforme. 

Appliqué  pour  la  première  t'ois  à  l'anesthésie  générale  par  Snow 
en  1856  et  préconisé  ensuite  par  von  Mering  en  1887,  Hollander, 
en  1891,  en  reprit  l'étude  et  trouva  qu'il  produisait  l'anesthésie  dans 
l'espace  de  cinquante  à  quatre-vingt-dix  secondes  sans  excitation 
ni  nausées.  Sur  200anesthésies,  il  n'observa  aucun  accident.  D'autres 
chirurgiens  l'expérimentèrent  à  leur  tour.  Sick,  en  1893,  publia2  cas 
de  mort.  Brener,  sur  120  narcoses,  eut  un  accident  grave  qui  mit  en 
péril  la  vie  du  malade  ;  d'autres  auteurs  ont  signalé  des  accidents 
plus  ou  moins  "inquiétants. 

Il  est  donc  actuellement  prudent  de  se  montrer  très  réservé  quant 
à  l'emploi  de  cet  anesthésique. 

Alcool.  —  Il  a  été  expérimenté  par  Mathaï  (de  Dantzig)  sur  les  ani- 
maux. On  fait  chaufl'er  l'alcool  à  50  à  60°  et  on  le  fait  inhaler  à  l'aide 
d'un  masque,  en  ayant  soin  d'administrer  immédiatement  avant  un 
lavement  d'une  solution  de  un  tiers  d'alcool  dans  deux  tiers  d'eau  (1). 

Acide  carbonique.  —  L'acide  carbonique  a  été  proposé  comme 
anesthésique  général  par  Ozanam.  L'homme  et  les  animaux  supé- 
rieurs peuvent  sans  aucun  inconvénient  respirer  de  l'air  contenant 
des  proportions  de  1,  2,  3,  i,  5  p.  100  d'acide  carbonique  (2). 

Rappelons  que  les  inhalations  systématiques  de  gaz  acide  carbo- 
nique n'augmentent  pas  de  la  plus  petite  quanti  té  le  gaz  contenu  dans 
le  sang,  mais,  en  élevant  la  pression  partielledu  CO^dans  le  poumon, 
empêchent  la  décarbonisation  normale  du  sang  etl'obligent  à  retenir 
une  plus  grande  masse  de  son  propre  acide  carbonique. 

Chez  les  animaux,  20  p.  100  d'acide  carbonique  produisent  de 
l'excitation  du  côté  des  centres  nerveux  respiratoires,  vaso-constric- 
teurs et  accélérateurs  du  cœur,  sudoripares,  salivaires,  etc.,  mais  non 
de  vrais  symptômes  d'empoisonnement.  L'animal  pourra  continuer 
à  vivre  dans  ce  milieu  pendant  plusieurs  heures. 

Cependant  les  animaux  finissent  par  mourir  dans  un  mélange 
gazeux  modérément  riche  enCO^  si  on  les  y  laisse  pendant  plusieurs 
jours. 

Les  animaux  peuvent  résister  pendant  plusieurs  heures  dans  un 
mélange  de  30  p.  100,  pendant  une  demi-Ijeure  et  davantage  dans 
un  milieu  de  60p.  100. 

Gréhant  dit  que,  pour  étudier  l'empoisonnement  par  l'acide  carbo- 

(1)  Mathaï,  Zeniralblatt  fur  C/i/r.,  1899. 

(2)  Dict.  de  physiologie,  art.  Acide  carbonique. 


124  NOGUÉ.  —  ANESTHÉSIE. 

nique,  il  faut  prendre  des  mélanges  à  60  p,  100,  mais  contenant  une 
proportion  d'oxygène  égale  à  celle  que  contient  Tair. 

Paul  Bert  admet  que  la  mort  survient  quand  l'acide  carbonique 
atteint  100  centimètres  cubes  p.  100  dans  le  sang  artériel  et  120  cen- 
timètres cubes  p.  100  dans  le  sang  veineux. 

Dans  Tempoisonnement  par  l'acide  carbonique,  les  phénomènes 
d'excitation  sont  peu  intenses,  car  l'anesthésie  est  complète  en  quel- 
ques secondes.  Par  contre,  les  phénomènes  de  paralysie  finale  sont 
extrêmement  lents  à  se  produire.  Les  centres  de  la  sensibilité  et  du 
mouvement  sont  pris  les  premiers,  mais  les  centres  respiratoires  et 
cardiaques  résistent  beaucoup,  parfois  pendantplus  de  deux  heures. 

Fredericq  (de  Liège)  distingue  deux  périodes  : 

1"  Un  stade  d'excitation  d'une  durée  moyenne  de  trente-cinq 
secondes  ;  les  pupilles  se  contractent  ; 

2°  Un  stade  de  /zarcose  caractérisé  dès  le  début  par  de  l'insensibilité 
et  de  la  paralysie.  Sa  durée  est  de  une  demi-heure  à  deux  heures,  si 
on  emploie  des  doses  de  60  à  70  p.  100. 

D'après  Fredericq  etHester,  à  20  p.  100  seulement  on  n'observe 
que  des  phénomènes  d'excitation,  mais  les  animaux  vivent  dans  ce 
milieu  des  journées  entières. 

A  30  p.  100,  aux  phénomènes  dexcitation  succèdent  rapidement 
les  phénomènes  de  narcose  ;  mais  la  mort  n'arrive  qu'au  bout  de  plu- 
sieurs heures. 


ANESTHÉSIE  PAR  LE  MAGNÉTISME.  125 

XIII.    -     ANESTHÉSIE    GÉNÉRALE    PAR    LES    AGENTS 

PHYSIQUES. 

ANESTHÉSIE  PAR  LE  MAGNÉTISME. 

Mesmer  et  ses  élèves  avaient  nettement  affirmé  la  possibilité  de 
pratiquer  sans  douleur  des  opérations  chirurgicales  pendant  le  som- 
meil hypnotique,  mais  le  côté  charlatanesque  de  leur  pratique  avait 
jeté  par  avance  le  discrédit  sur  toutes  leurs  affirmations,  du  moins 
auprès  des  savants.  A  tel  point  que  TAcadémie,  en  1774,  avait  con- 
damné la  méthode.  Mais,  le  16  avril  1829,  Jules  Cloquet  fit  à 
l'Académie  une  communication'  sensationnelle  :  il  avait  réussi  à 
enlever  un  sein  cancéreux  à  une  femme  endormie  par  des  passes 
magnétiques.  11  s'agissait  dune  femme  de  soixante-quatre  ans,  d'une 
constitution  éminemment  nerveuse,  très  irritable  et  facilement  sen- 
sible à  l'action  du  magnétisme.  Le  médecin  de  la  malade  ayant  déjà, 
dans  un  autre  but,  réussi  à  l'endormir  ainsi  proposa  à  .Jules  Cloquet 
d'employer  cette  méthode.  «  Cloquet  (1)  n'y  voyant  aucun  incon- 
vénient, bien  que  persuadé  que  la  malade  se  réveillerait  au  premier 
coup  de  bistouri,  l'opération  fut  fixée  :  la  veille  et  l'avant-veille, 
la  malade  fut  somnambulisée  plusieurs  fois  par  Chapelain,  qui, 
dans  cet  état,  la  disposait  à  supporter  sans  crainte  l'opération, 
tandis  qu'à  son  réveil  elle  en  repoussait  l'idée  avec  horreur.  Le 
jour  fixé,  Jules  Cloquet,  arrivant  à  dix  heures  et  demie,  trouva 
la  malade  habillée  et  assise  dans  un  fauteuil,  dans  l'attitude  d'une 
personne  paisiblement  livrée  au  sommeil  naturel;  il  y  avait  une  heure 
à  peu  près  qu'elle  était  revenue  delà  messe,  qu'elle  entendait  habi- 
tuellement à  la  même  heure,  et  Chapelain  l'avait  mise  sous  le 
sommeil  magnétique  depuis  son  retour.  La  malade  parla  avec  beau- 
coup de  calme  de  l'opération  qu'elle  allait  subir.  Tout  étant  disposé 
pour  l'opérer,  elle  se  déshabilla  elle-même,  s'assit  sur  une  chaise. 
Chapelain  soutint  le  bras  droit;  le  bras  gauche  fut  laissé  pendant  sur 
le  côté  du  corps.  Pailloux  fut  chargé  de  présenter  les  instruments 
et  de  faire  les  ligatures.  Une  première  incision,  partant  du  creux 
de  l'aisselle,  fut  dirigée  au-dessus  de  la  tumeur  jusqu'à  la  face 
interne  de  la  mamelle  ;  la  seconde,  commencée  au  même  point, 
cerna  la  tumeur  par  en  bas  et  fut  conduite  à  la  rencontre  de  la  pre- 
mière. Les  ganglions  engorgés  furent  disséqués  et  enlevés  avec 
beaucoup  de  précaution,  à  raison  de  leur  voisinage  de  l'artère  axil- 
laire,  et  la  tumeur  fut  extirpée  :  la  durée  de  l'opération  a  été  de 
dix  à   douze    minutes;    pendant  ce   temps,  la  malade  a  continué  à 

(1)  Arch.  gén.  de  med.,  t.  XX,  l^'-  série,  1829. 


126  NOGUE.  —  ANESTHESIE. 

s'entretenir  tranquillement  avec  Topérateur  et  n'a  pas  donné  le  plus 
léger  signe  de  sensibilité.  Aucun  mouvement  dans  les  membres  ou 
dans  les  traits,  aucun  changement  dans  la  respiration,  ni  dans  la 
voix,  ni  dans  le  pouls  ne  s'est  manifesté  ;  la  malade  n'a  cessé  de 
présenter  cet  état  d'abandon  et  d'impassibilité  automatique  qu'elle 
offrait  à  l'arrivée  de  Cloquet  ;  on  n'a  pas  été  obligé  de  la  contenir, 
mais  seulement  de  la  soutenir  ;  une  ligature  a  été  appliquée  sur 
l'artère  thoracique  latérale,  ouverte  pendant  l'extraction  des  gan- 
glions: mais,  chose  digne  d'observation,  lorsque  le  chirurgien  vint 
laver  la  peau,  aux  environs  de  la  plaie,  avec  une  éponge  imbibée 
d'eau,  la  malade  manifesta  des  sensations  semblables  à  celles  pro- 
duites par  le  chatouillement  et  dit  plusieurs  fois  avec  hilarité  : 
«  Eh!  finissez,  ne  me  chatouillez  pas.  »  La  plaie  étant  réunie  par  des 
agglutinatifs  et  pansée,  l'opérée  fut  mise  au  lit,  toujours  dans 
l'état  de  somnambulisme,  dans  lequel  on  la  laissa  quarante-huit 
heures. 

«  Une  heure  après  l'opération,  il  se  manifesta  une  légère  hémorragie 
qui  n'eut  pas  de  suites.  Le  premier  appareil  fut  levé  trois  jours  après 
l'opération,  la  plaie  fut  nettoyée  et  pansée  de  nouveau;  la  malade  ne 
manifesta  aucune  sensibilité  ni  douleur;  le  pouls  conserva  son  rythme 
habituel.  Après  ce  pansement,  Chapelain  réveilla  la  malade,  dont  le 
sommeil  magnétique  durait  depuis  deux  jours.  Elle  ne  parut  avoir  au- 
cune idée,  aucun  sentiment  de  ce  qui  s'était  passé;  mais,  en  appre- 
nant qu'elle  avait  été  opérée,  et  voyant  ses  enfants  autour  d'elle,  elle 
éprouva  une  émotion  très  vive,  que  Chapelain  fit  cesser  aussitôt. 

De  nombreuses  expériences  suivirent.  En  1839,  Naudet  fit  l'extrac- 
tion d'une  dent  chez  une  patiente  soumise  à  l'anesthésie  magnétique. 
Ward,  en  1842,  pratique  une  amputation  de  cuisse.  En  1845,  Esdaille, 
à  Calcutta,  rapporte  plus  de  300  observations.  En  1847,  Ribaud  et  Kiary 
(de  Poitiers)  enlevèrent  une  volumineuse  tumeur  de  la  mâchoire.  Braid, 
en  1843,  annonce  qu'il  a  réussi,  en  faisant  regarder  fixement  un  objet 
brillant  placé  entre  les  deux  yeux,  en  dedans  de  la  vision  distincte, 
à  plonger  des  femmes  dans  un  sommeil  absolument  semblable  au 
somnambulisme.  Broca,  en  1859,  opéra  ainsi  une  jeune  femme  d'un 
abcès  volumineux  de  la  marge  de  l'anus. 

En  chirurgie  dentaire,  l'hypnose  a  été  maintes  fois  utilisée  et  sou- 
vent avec  succès.  Andrieu  a  publié  l'observation  d'une  femme  hysté- 
rique qui  fut  anesthésiée  dans  son  service  de  la  Charité  et  à  laquelle 
les  premières  et  deuxièmes  grosses  molaires  inférieures  du  côté  droit 
furent  extraites  sans  le  moindre  tressaillement  de  la  part  de  la 
patiente.  A  son  réveil,  elle  dit  n'avoir  rien  senti.  En  l'examinant  de 
nouveau,  le  D""  Andrieu  s'aperçut  qu'un  léger  fragment  alvéolaire 
était  détaché  et  ne  tenait  que  peu  à  la  gencive.  Avec  une  pince,  il 
saisit  le  fragment  et  l'enleva.  La  malade  éprouva  une  douleur  suffi- 
sante pour  prouver  que  la  sensibilité  était  revenue. 


ANESTHÉSIE  GÉNÉRALE  PAR  LA  LUMIERE  BLEUE.  127 

Tiirner,  on  1890,  a  publiô  de  nombreuses  observations  d'extractions 
dentaires  laites  pendant  Thypnose  déterminée  par  le  D''  J.  Milne 
Bramwel  (1).  Une  entre  autres  était  une  jeune  fille  atteinte  dune 
afleclion  valvulaire,  et  qui  avait  très  mal  supporté  le  protoxyde 
d'azote  et  léther  et  fut  hynoptisée  sans  difficultés.  Deux  molaires 
à  droite,  deux  molaires  à  gauche  et  une  bicuspide  inférieure,  toutes 
présentant  de  sérieuses  difficultés,  furent  extraites  sans  douleur  et 
sans  accidents  consécutifs. 

D'après  J.  Milne  Bramwel,  la  méthode  aurait  de  nombreux  avan- 
tages :  1"  possibilité,  quand  l'anesthésie  a  été  obtenue,  de  recom- 
mencer l'opération  à  n'importe  quel  moment;  2"  la  possibilité  de 
replonger  le  patient  dans  l'hypnose  sans  recommencer  les  manœuvres 
nécessaires  simplement  par  un  ordre  verbal;  3°  inutilité  de  la  présense 
de  l'hypnotiseur,  un  ordre  écrit  pouvant  être  suffisant;  4°  inutilité 
du  jeûne  préalable  ou  de  toute  autre  précaution  ;  5"  absence  de  toute 
appréhension  grâce  à  la  suggestion  ;  6"  agrément  et  innocuité  absolue 
de  l'hypnose;  7°  possibilité  de  prolonger  indéfiniment  le  sommeil  et 
de  le  faire  cesser  à  volonté  ;  8°  possibilité  de  faire  prendre  au  patient 
n'importe  quelle  position  sur  une  simple  parole  ;  9°  possibilité  de 
suggérer  l'analgésie  seule,  toutes  les  autres  formes  de  la  sensibilité 
restant  intactes;  10°  possibilité,  dans  la  parturition,  d'augmenter  ou 
de  diminuer  l'action  des  muscles  volontaires;  11°  absence  de  tout 
trouble  après  le  réveil  ;  1  '2°  prévention  possible  de  toute  douleur  après 
l'opération  ou  pendant  les  pansements  subséquents;  13"  possibilité 
d'une  guérison  plus  rapide  par  suite  de  l'absence  de  douleur. 

Malgré  tous  ces  avantages,  l'hypnotisme  ne  saurait  être  considéré 
comme  une  méthode  pratique  d'anesthésie  générale.  C'est  un  agent 
encore  infidèle  et  auquel,  d'ailleurs,  un  nombre  considérable  de 
patients  sont  réfractaires.  Mais,  dans  certains  cas  particuliers,  il  faut 
savoir  l'utiliser. 


ANESTHÉSIE  GÉNÉRALE  PAR  LA  LUMIÈRE  BLEUE. 

L'action  remarquable  des  couleurs  sur  les  plantes  et  sur  les  animaux 
est  aujourd'hui  admise  par  tous  les  savants.  On  sait  en  particulier 
que  le  bleu  jouit  de  propriétés  nettement  sédatives  sur  le  système 
nerveux. 

Frappé  de  ces  faits,  le  D'"  Redard  (de  Genève)  institua  une  série 
d'expériences  à  la  suite  desquelles  il  découvrit  que  la  lumière  bleue 
avait  une  action  analgésique  très  prononcée  sur  le  trijumeau  et 
qu'une  opération  de  courte  durée  plus  particulièrement  sur  les 
dents  pouvait  se  faire  dans  son  rayon  d'action.  Il  put  ainsi  faire  de 

fl)  D""  J.  Milne  Bramweli-,  Hypnotic  Aneslhesia  [The  Practilionner ;  spécial 
number  :  jabilee  of  aneslhesia,  oct.lS96), 


128 


XOGUÉ. 


AXESTHESIE. 


nombreuses  avulsions  avec  plein  succès.  Dans  20  a  25  p.  100  des  cas 
cependant,  lanalgésie  ne  put  être  obtenue. 

Le  D''  Redard  se  sert  d  une  lampe  électrique  à  incandescence  de 
16  bougies  fixée  à  un  réflecteur  métallique.  Le  patient  est  prié  de  fixer 
ses  regards  sur  l'ampoule  bleue  ou  violette.  Il  importe  qu'il  tienne  les 
yeux  grands  ouverts.  On  affirme  au  patient  quil  ne  sentira  rien  s'il 
regarde  fixement  l'ampoule.  La  distance  entre  la  lumière  et  l'ampoule 
doit  être  de  15  centimètres.  Le  tout  doit  être  recouvert  d'un  voile  bleu 
afin  d'éviter  la  lumière  difTuse  du  jour.  Au  bout  de  trois  minutes, 
l'insensibilité  est  complète,  mais  elle  dure  peu  de  temps. 


Fig.  58.  —  Avant  ranestliésie.  Patient,   opérateur   (Di"  Redard)    réflecteur 
et  ampoule  éclairée.  La  main  droite  tient  un  voile  bleu. 


On  a  attribué  les  effets  obtenus  à  une  simple  suggestion  hypnotique. 
Redard  répond  qu'il  n'a  obtenu  avec  les  lumières  rouges  et  jaunes, 
tout  en  employant  la  même  technique,  aucun  résultat.  Il  en  est  réduit 
à  supposer  que  c'est  par  l'intermédiaire  du  nerf  optique  que  le  cer- 
veau serait  influencé. 

Ces  expériences,  accueillies  avec  scepticisme  en  France,  on  été 
reprises  en  Angleterre  par  Harvey  Hilliard  (1).  «  Avant  d'essayer  la 
méthode,  dit  cet  auteur,  j'ai  voulu  l'appliquer  sur  moi-même,  et  j'ai 
noté  les  elTets  suivants,  qui  ont  été  corroborés  par  deux  amis  sans 
préjugés  et  qui   avaient  également  consenti  à  servir  de  sujets.  La 

(1)  Harvey  Hilliard,  Analgésie  par  la  lumière  bleue  {British  dental  Journal, 
1905,   et  Progrès  dentaire,  1904,  n»  2). 


ANESTHESIE  GEiNÉRALE  PAU  J.A  LUMIÈRE  BLEUE. 


129 


lumière  bleue  a  une  inlluence  calmante  très  manifeste  :  elle  invite 
à  fermer  les  yeux  et  à  dormir;  puis,  au  bout  de  quelques  minutes, 
elle  atténue  la  sensibilité  à  la  douleur;  par  exemple,  on  ne  distingue 
pas  aisément  la  différence  entre  une  légère  pression  faite  avec  le 
bout  du  petit  doigt  et  une  piqûre  d'aiguille,  et  on  pourrait  introduire 
des  aiguilles  chirurgicales  dans  la  face,  les  lèvres,  les  gencives,  les 
bras  et  en  faire  couler  du  sang,  sans  déterminer  de  douleur  réelle,  à 
moins  d'exercer  une  pression  plus  profonde.  L'analgésie  m'a  paru 
être  beaucoup  plus  complète  sur  Faire  de  distribution  des  nerfs 
crâniens  que  sur  les  extrémités.  Quand,  par  exemple,  le  bras  était 


Fis 


59.    — 


Pendant    rancsthésie.    Voile  bleu  recouvrant    l'éclairage   et   la   tête 
du  patient. 


piqué  une  première  fois,  la  douleur  n'était  ressentie  que  si  l'on 
faisait  immédiatement  une  nouvelle  piqûre;  la  sensation  doulou- 
reuse était  beaucoup  plus  marquée.  Le  premier  stimulus  semble 
réveiller  le  sensorium  qui  devenait  somnolent  et,  par  suite,  un  second 
stimulus  succédant  rapidement  au  premier  était  perçu  plus  facile- 
ment. D'un  autre  côté,  sur  la  surface  de  distribution  des  nerfs  crâ- 
niens, une  suite  de  légers  stimulus  ou  un  seul  stimulus  beaucoup 
plus  fort  est  nécessaire  pour  rappeler  la  sensibilité  normale. 

Dans  l'application  à  l'extraction  des  dents,  les  résultats  ont  été 
variables  sans  qu'il  ait  été  possible  de  découvrir  les  raisons  de  cette 
variabilité.  Dans  certains  cas,  il  se  produisit  une  analgésie  très  satis- 
faisante accompagnée  d'une  tendance  manifeste  au  sommeil,  avec  les 
yeux  clos  et  un  atïaiblissement  de  la  conscience  qui  se  manifestait 

Traité  de  stomatologie.  VI.    —   9 


130  >OGUE.  —  ANESTHÉSIE. 

seulement  après  deux  minutes  et  demie  d'application  des  rayons  bleus, 
tandis  que,  dans  d'autres,  on  n'observait  que  peu  d'effet  après  une 
période  bien  plus  longue.  Dans  les  cas  les  plus  favorables,  lanal- 
gésie  était  fugitive,  c'est-à-dire  ne  durait  que  le  temps  nécessaire  à 
trois  ou  quatre  extractions  rapides. 

L'opinion  de  Harvey  Hilliard  est  que,  dans  les  cas  favorables,  il 
serait  possible  d'obtenir  le  sommeil  avec  une  anesthésie  parfaite,  à 
condition  de  soumettrele  sujet  à  l'influence  des  rayons  bleus  pendant 
un  temps  suffisant. 

Quant  à  la  variabilité  des  résultats,  ajoute-t-il,ilest  certain  que  les 
sujets  qui  sont  excités,  nerveux,  craintifs,  et  qui  n'obéissent  pas  aux 
instructions,  qui,  au  lieu  de  tenir  les  yeux  fixés  sur  la  lampe,  cligno- 
tent sans  cesse  et  se  préoccupent  de  tout  ce  qui  se  passe  autour 
d'eux,  sont  à  peu  près  réfractairesà  l'action  des  rayons  bleus.  Une 
large  proportion  des  insuccès  portait  sur  des  individus  de  cette  caté- 
gorie, qui  avaient  quelques  connaissances  ou  une  expérience  per- 
sonnelle de  l'anesthésie  par  le  protoxyde  d'azote,  qui  ne  pouvaient 
croire  qu'ils  pourraient  perdre  la  sensibilité  à  la  douleur  sans  perdre 
en  même  tempsla  conscience.  D'autres,  par  contre,  évidemment  fort 
dociles,  présentèrent  des  résultats  très  peu  satisfaisants.  Il  parut 
possible  d'expliquer  cela  parla  forme  vraiment  primitivede  l'appareil, 
qui  ne  permettait  pas  de  maintenir  la  lumière  fixée  immuablement 
à  une  distance  invariable  des  yeux  du  sujet  ou  bien  à  l'angle  focal 
exact,  c'est-à-dire  qu'à  un  moment  la  lumière  pouvait  se  projeter 
convenablement  dans  les  yeux,  ce  qui  est  nécessaire  au  succès,  et  à 
d'autres  elle  ne  pouvait  parvenir  jusqu'à  eux.  Autre  inconvénient  : 
très  peu  de  ventilation  est  possible  derrière  le  voile  épais,  qui  est 
indispensable  pour  exclure  toute  lumière  blanche  ;  aussi  le  sujet  est-il 
obligé  de  respirer  de  l'air  vicié.  Cet  air  s'échauffe  aussi  beaucoup  au 
contact  de  la  lampe,  ce  qui  est  désagréable  pour  le  patient  etle  force 
à  clignoter  ou  fermer  les  yeux.  11  est  facile  de  prendre,  à  tort,  cette 
occlusion  des  yeux  pour  un  signe  précurseur  de  la  narcose.  Pour 
éviter  cet  excès  de  chaleur,  la  respiration  d'un  air  vicié  et  l'incerti- 
tude de  la  direction  convenable  de  la  lumière,  Harvey  Hilliard  fît 
construire  un  appareil  composé  de  deux  lampes  bleues,  placées 
dans  un  masque  en  étain  s'adaptant  sur  le  nez  du  sujet  et  autour 
des  orbites,  de  manière  à  laisser  le  nez  et  la  bouche  à  découvert. 
tout  en  excluant  absolument  la  lumière  du  jour.  Les  lampes  étaient 
tout  à  fait  voisines  des  yeux,  n'en  étant  séparées  que  par  une 
lentille.  Les  résultats  ne  furent  pas  meilleurs. 

Dans  quelques  cas,  on  put  faire  deux  ou  trois  extractions  sans 
grande  douleur,  mais,  dans  d'autres,  il  n'y  eut  évidemment  aucune 
anesthésie,  et  alors  l'opération  était  arrêtée  dès  que  le  patient  mani- 
festait de  la  souffrance.  Les  signes  qui  indiquent  que  l'analgésie  est 
suffisante  sont  la  dilatation  de  la  pupille  et  la  fermeture  des  paupières. 


ANESTHESIE  GENERALE  PAR  LA  LUMIERE  BLEUE.  131 

La  dilatation  des  pupilles  s'observe  dans  la  plupart  des  cas  heureux, 
quand  les  patients  avaient  maintenu  les  yeux  ouverts  et  fixés  fermement 
sur  la  lampe  durant  rap{)licalion  des  rayons.  Elle  persistait  pendant 
les  premiers  moments  de  l'opération,  malgré  l'exposition  du  sujet  à 
la  pleine  lumière  du  jour.  Quand  la  pupille  se  contracte, il  faut  arrêter 
l'opération.  Cependant,  dans  certains  cas  heureux,  les  paupières  se 
ferment  après  quelques  minutes  d'application  des  rayons,  et  l'on  n'a 
plus  alors  de  moyen  satisfaisant  de  s'assurer  si  oui  ou  non  le  sujel 
est  insensible  à  la  douleur  :  seule,  la  durée  d'application  des  rayons 
peut  servir  de  guide. 

Les  meilleurs  résultatss'obtiennentavec  des  sujets  de  tempérament 
calme,  dépourvus  de  nervosité  et  peu  craintifs,  ayant  assez  d'intel- 
ligence pour  comprendre  que  l'analgésie  peut  se  produire  sans  perte 
de  conscience  et  qui  savent  obéir  aux  prescriptions  de  l'anesthésiste. 
La  salle  d'opération  et  son  voisinage  doivent  être  aussi  tranquilles 
que  possible;  aucune  conversation  ne  doit  être  permise  entre  les 
assistants.  La  confiance  du  patient  est  essentielle  :  ainsi  ceux  qui,  en 
attendantleurtour,  ont  écouté  des  récits  alarmants  sur  les  opérations 
et  les  anesthésiques  et  en  ont  été  impressionnés  à  l'extrême  sont  des 
sujets  auxquels  la  méthode  ne  saurait  convenir. 

Que  l'anesthésie  puisse  survenir  réellement  dans  les  conditions 
favorables,  les  faits  sont  là  pour  le  prouver. 

Redard  cite  les  deux  observations  suivantes,  choisies  parmi  un 
très  grand  nombre  d'autres  : 

1°  Jeune  homme  de  vingt  ans,  bien  portant,  désire  faire  extraire 
une  bicuspide  gauche  atteinte  de  périodontite.  Très  craintif,  il  ne 
se  décide  à  prendre  place  dans  le  fauteuil  d'opération  qu'à  la  prière 
de  son  père  et  avec  l'affirmation  qu'il  ne  sera  procédé  à  aucune  opé- 
ration sans  son  consentement.  Exposition  à  la  lumière  bleue  pendant 
trois  minutes  environ,  extraction,  pas  de  douleur.  Ce  jeune  homme 
ne  veut  pas  croire  que  l'opération  a  été  pratiquée,  et  c'est  seulement 
après  s'être  palpé  et  s'être  examiné  au  miroir  qu'il  est  convaincu  que 
sa  dent  a  été  extraite  : 

2<»  Femme  de  soixante-trois  ans,  névralgie  du  côté  gauche  déter- 
minée par  une  dent  de  sagesse  très  cariée.  Extraction  de  la  dent 
après  deux  minutes  d'exposition  à  la  lumière  bleue.  Vacillement 
de  la  pupille  avec  tendance  à  la  dilatation  au  moment  où  elle  est 
soustraite  à  la  lumière.  La  malade  déclare  n'avoir  pas  senti  de 
douleur. 

Harvey  Hilliard  cite  les  faits  suivants  :  d'abord  une  femme  qui, 
atteinte  d'une  maladie  de  cœur,  avait  déjà  mal  supporté  leprotoxyde 
d'azote  et  qui  avait  été  malade  ensuite,  fut  si  satisfaite  des  propriétés 
analgésiques  de  la  lumière  bleue  que,  après  une  première  expérience 
de  cette  méthode,  elle  revint  s'y  soumettre  deux  autres  fois  pour  se 
faire  enlever  des  racines. 


J32  NOGUE.  —  ANESTHÉSIE. 

L'n  homme,  après  l'application  des  rayons,  n'ayant  éprouvé  aucune 
douleur  de  l'ablation  d'une  molaire,  revint,  une  fois  l'écoulement  du 
sang  arrêté,  s'en  faire  enlever  deux  autres. 

J'ai  vu  extraire  sans  douleur  jusqu'à  neuf  racines  sous  l'influence 
des  rayons.  J'ai  rencontré  des  personnes  qui,  ayant  subi  successive- 
ment l'action  du  protoxyde  d'azote  et  celle  de  la  lumière  bleue,  expri- 
maient leur  préférence  pour  la  dernière  :  et  d'autres  qui,  ayant  eu  des 
dents  extraites  sous  l'influence  de  ces  rayons  et  sans  aucun  anes- 
Ihésique,  affirmaient  qu'elles  aimaient  mieux  la  première  manière. 
Harvey  Hilliard  pense  donc  que,  les  expériences  de  lord  Avebury 
ayant  montré  que  les  rayons  de  lumière  à  partir  de  rextrême-violet 
du  spectre  influençaient  très  nettement  les  insectes,  il  est  au  moins 
concevable  qu'ils  puissent  affecter  des  êtres  d'une  organisation  supé- 
rieure et,  par  conséquent,  plus  sensibles.  Les  résultats  positifs  obtenus 
avec  l'enveloppement  de  la  tète  du  sujet  dans  un  voile  bleu,  la  lampe 
et  le  réflecteur  en  dedans,  peuvent  en  partie  dépendre  de  l'effet 
narcotique  de  l'air  vicié  que  le  sujet  est  obligé  de  respirer  durant 
<{uelques  minutes. 

.Je  considère,  termine  cet  expérimentateiu",  cette  méthode  comme 
n'ayant, pour  l'instant, qu'un  intérêt  purement  scientifique  :  mais, selon 
moi,  elle  a  plus  d'importance  qu'on  ne  le  croirait  à  première  vue,  car 
il  est  admissible  qu'avec  une  lampe  convenable  n  émettant  que  des 
rayons  bleus,  violets  etullra-violets,  on  pourrait  obtenir  de  meilleurs 
et  de  plus  sûrs  résultats. 

SOMMEIL  ÉLECTRIQUE. 

Le  21  juillet  1902,  Stéphane  Leduc  (de  Nantes)  annonçait  qu'il 
avait  réussi  à  produire  le  sommeil  chez  les  animaux  à  l'aide  d'un 
courant  électrique  de  basse  tension  (1). 

La  technique  comporte  les  appareils  suivants  : 

1°  Une  source  de  courant  continu  ; 

2°  Un  réducteur  de  potentiel  ; 

3°  Un  interrupteur  Leduc  pour  modifier  à  volonté  le  nombre  des 
interruptions  et  la  période  de  passage  du  courant  ; 

4°  Une  voltmètre; 

5°  Un  milliampèremètre  ; 

6°  Un  interrupteur  ordinaire  intercalé  dans  le  circuit  pour  fermer 
ou  rompre  brusquement  le  courant. 

Pour  obtenir  la  période  désirée,  le  milliampèremètre  intercalé  dans 
le  circuit  donne  toutes  les  facilités  possibles;  il  permet  de  régler  la 
période.  Soit  la  période  de  1  '10  choisie,  c'est-à-dire  une  période 
pendant  laquelle  la  durée  du  passage  du  courant  est  représentée  par  1 

(1)  Acad.  des  sciences,  21  juillet  1902.  Production  du  sommeil  et  de  l'anesthésie 
générale  et  locale  par  les  courants  électriques. 


SOMMi:iL   KLECTKlQUi:.  i-Vi 

et  la  (luivr  (lo  Moii-passage  par  9.  On  délermine  d'abord  TinUMisilé 
du  courant  l'ourni  par  la  source  d'rleclricilé,  rinlerrupLenr  n'élanl 
pas  en  marche  ;  en  un  mot  on  détermine  linlensité  du  courant 
conlinu,  lanimal  étant  remplacé  provisoirement  dans  le  circuit  par- 
une  résistance  de  2  000  ohms  environ.  Puis  on  met  en  marche 
rinlerrupteur  et , 
avec  la  maiietle  qui 
rco-le  la  j)osition  du 
lialai  mobile,  on  tait 
varier  la  position  de 
celui-ci  svu'  hi  pente 
(h'  la  roue  jusqu'à  ce 
que  le  milliampère- 
mèlre  n'indi({ue  plus 
(pie  le  l/lUderinlen- 
sité  du  courant  con- 
linu. On  a  la  période 
de  1/10  (1). 

Un  rhéostat  inter- 
calé dans  le  circuit 
de  la  dynamo  permet 
de  régler  la  vitesse 
de  la  rotation  de  la  roue  et,  par  suite,  le  nombre  des  interrujttions  à 
la  seconde. 

On  a  reconnu  que  le  rythme  de  110  interruptions  à  la  seconde 
est  celui  avec  lequel  on  produit  le  mieux  le  sommeil. 

D'après  M"'=  L.  Robinovitch,  pour  obtenir  un  sommeil  électrique 
tranquille,  il  faut  se  servir  d'accumulateurs  comme  source  électrique 
pour  le  courant  qui  doit  passer  à  travers  l'animal,  recourir  à  une 
source  distincte  d'électricité  pour  actionner  l'interrupteur.  Il  faut 
appliquer  la  cathode  à  la  tète  et  l'anode  au  train  postérieur  de  l'animal. 
On  peut  employer,  pour  obtenir  le  sommeil,  la  méthode  brusque  et 
la  méthode  graduelle.  Celte  dernière  est  la  seule  à  conseiller.  Voici 
comment  le  même  auteur  en  décrit  la  technique  et  la  marche. 

«  L'expérience  étant  disposée  comme  nous  venons  de  l'indiquer, 
la  durée  de  la  période  réglée  à  1/10,  ainsi  que  la  vitesse  de  rotation 
de  l'interrupteur  (110  par  seconde),  elle  réducteur  de  potentiel  étant 
à  0,  la  cathode  appliquée  sur  la  tète  de  l'animal  et  l'anode  bifurquée 
aux  deux  cuisses,  on  commence  à  déplacer  la  manette  du  réducteur 
de  potentiel. 

«L'animal  montre  d'abord  quelques  signes  de  surprise;  il  dresse 
les  oreilles,  puis  il  a  l'air  inquiet;  l'intensité  du  courant  continuant  à 
augmenter,  il  essaie  de  s'enfuir,  mais  il  ne  crie  pas,  et  il  ne  semble 


00.  —   Appareil  poiialif  d  'induction  pour  l'aradi- 
sation  des  nerfs    phréniques. 


(1)  D'  Louise  G.  Robinovitch,  Sommeil  électrique.  Thèse  de  Paris,  1906. 


134  NOGUE.  —  ANESTHESIE. 

pas  souffrir.  L'animal  passe  ensuite  par  une  phase  convulsive  légère  ; 
sa  nuque  se  raidit,  il  a  des  tremblements  dans  les  pattes  et  dans  la 
l'ace,  puis  il  tombe  sur  le  flanc.  Graduellement  la  raideur  disparaît, 
l'animal  fait  encore  quelques  efforts  pour  souleverlatête,  qui  retombe 
aussitôt  sur  la  table  :  il  ferme  les  yeux  et  il  parait  endormi.  Il  est 
tranquille,  à  peine  quelques  légers  tremblements  dans  les  pattes 
antérieures,  une  légère  trémulation  dans  les  muscles  de  la  face;  la 
respiration  et  les  battements  cardiaques  continuent  régulièrement. 
Le  voltmètre  marque  ordinairement  alors  de  5  à  0  volts  et  le 
milliampèremètre  1  millinmpère.  L'animal  va  rester  dans  cet  état 
aussi  longtemps  qu'on  le  voudra.  » 

Cette  méthode  d'anesthésie  a  été  appliquée  à  l'homme  en  1902,  et  le 
sujet  fut  le  P'"  Leduc  lui-même,  qui  a  fait  ainsi  qu'il  suit  le  récit  de 
cette  mémorable  expérience  : 

«  Nous  nous  sommes  soumis  nous-même  à  l'inhibition  cérébrale 
électrique.  Une  grande  électrode,  formée  de  coton  hydrophile 
imprégné  d'une  solution  de  chlorure  de  sodium  et  d'une  lame 
métallique,  était  placée  sur  le  front  et  serrée  autour  de  la  tète  ;  cette 
électrode  constituait  la  cathode  ;  une  très  grande  électrode  faite  de 
la  même  manière  était  fixée  sur  les  reins  par  une  bande  élastique. 
Le  courant  passant  cent  fois  par  seconde  pendant  un  dixième  de  pé- 
riode est  établi  graduellement.  La  sensation  produite  par  l'excitation 
des  nerfs  superficiels,  tout  en  étant  désagréable,  est  facilement  sup- 
portable: elle  se  calme  avec  le  temps,  comme  la  sensation  produite 
avec  un  courantcontinu  et,  après  avoir  passé  un  maximum,  diminue 
malgré  l'augmentation  de  la  force  électro-motrice.  La  face  est  rouge  ; 
il  se  produit  des  contractions  légères  des  muscles  du  visage,  du  cou 
et  même  de  l'avant-bras,  et  quelques  trémulations  fibrillaires  ;  puis 
on  sent  un  fourmillement  à  l'extrémité  des  doigts  et  dans  les  mains  ; 
ce  fourmillement  s'étend  aux  orteils  et  auxpieds;  l'inhibition  atteint 
d'iabord  les  centres  du  langage  ;  puis  les  centres  moteurs  sont  complè- 
tement inhibés  ;  le  sujet  est  dans  l'impossibilité  de  réagir  aux  excita- 
tions même  les  plus  douloureuses  ;  il  ne  peut  plus  communiquer  avec 
les  expérimentateurs. 

«  Les  membres,  sans  être  dans  une  résolution  complète,  ne  pré- 
sentent aucune  raideur;  il  se  produit  quelques  gémissements  ne 
correspondante  aucune  impression,  mais  semblant  causés  par  l'exci- 
tation des  muscles  du  larynx. 

«  Dans  nosexpériences,  le  pouls  resta  absolument  inaltéré,  la  respi- 
ration fut  un  peu  gênée.  Lorsque  le  courant  était  au  maximum,  nous 
entendions  encore  comme  dans  un  rêve  ce  qui  se  disait  autour  de  nous  : 
nous  avions  conscience  de  notre  impuissanceà  nous  mouvoir  et  à  com- 
muniquer avec  nos  collègues:  nous  sentions  les  contacts,  les  pince- 
ments, les  piqûres  de  l'avant-bras,  mais  les  sensations  étaient  émous- 
sées.couimecelles  d'un  membre  profondémentengourdi. L'impression 


SOMMEIL  ÉLECTRIQUL:.  135 

la  plus  pénible  est  de  suivre  la  dissociation  et  la  disparition  successive 
des  facultés.  Cette  impression  est  identique  à  celle  d'un  cauchemar 
<lans  lequel,  en  présence  d'un  immense  danger,  on  sent  que  l'on  ne 
peutniproféierun  cri,  ni  accomplir  un  mouvement.  Cependant  nous 
avons  toujours  pensé  suffisamment  pour  regretter  que  nos  collègues 
ne  poussassent  pas  plus  loin  le  courant  pour  achever  l'inhibition. 
Après  une  première  expérience,  nous  recommençâmes  pour  aller 
plus  loin:  cette  fois  encore,  nos  collègues,  croyant  l'inhibition 
complète,  arrêtèrentavant  l'anéantissementabsolu  de  la  conscience  et 
l'entière  suppression  de  la  sensibilité. 

«  La  force  électromotrice  fut  élevée  à  35  volts,  l'intensité  dans  le 
circuit  interrompu  à  4  milliampères.  Dans  les  deux  séances  consé- 
i'utives,  nous  restâmes  vingt  minutes  sous  l'influence  du  courant. 
Le  réveil  fut  instantané  ;  l'effet  consécutif  ne  fut  qu'une  sensation  de 
mieux  être.  •> 

Le  sommeil  électrique  chez  les  animaux  a  pu  être  prolongé  pendant 
huit  heures  vingt. 

Les  caractéristiques  du  sommeil  électrique  sont  les  suivantes  :  les 
pupilles  sont  contractées,  le  rythme  respiratoire  est  à  peu  près 
normal  ;  la  pression  artérielle  est  augmentée.  Les  réflexes  cutanés 
semblent  exagéré  (L.  Robinovitch). 

Tuffier  et  Jardy  ont  appliqué  le  sommeil  électrique  à  la  chirur- 
gie expérimentale.  Leurs  conclusions  méritent  d'être  citées  :  «  On 
sait  combien  dangeureuse  est  l'anesthésie  opératoire  chez  le  chien  : 
la  mortalité  est  élevée,  excepté  parla  méthode  de  Dastre  et  Morat.  Il 
est  donc  intéressant  de  démontrer  que  le  sommeil  électrique  donne, 
avec  une  mortalité  nulle  et  une  sécurité  parfaite,  une  anesthésie 
absolue  longtemps  prolongée.  Sur  une  série  de  sept  animaux  ayant 
subi  plusieurs  anelshésies  et  même  l'un  d'eux  plusieurs  inter- 
ventions, tous  ayant  subi  des  opérations  graves,  qui  produisent 
généralement  un  choc  notable,  tous  ont  eu  un  réveil  instantané, 
se  sont  levés,  ont  pu  marcher  et  même  courir  cinq  minutes 
après  l'opération.  Il  semble  donc  acquis  que  l'électricité  peut, 
sous  forme  de  courant  Leduc,  être  un  anesthésique  de  premier 
ordre  (1)  et,  nous  ajouterons,  nullement  dangereux.  Dans  nos  deux 
dernières  expériences,  nous  avons,  à  dessein,  fait  tenir  la  manette  du 
réducteur  de  potentiel  par  une  main  inexpérimentée,  et  cependant 
l'anesthésie  a  été  parfaite.  Il  y  a  en  effet  une  marge  très  considérable 
entre  le  sommeil  et  la  mort  :  dès  que  le  courant,  plus  exactement 
l'intensité,  devient  trop  élevé,  des  contractions  généralisées  appa- 
raissent, puis  la  respiration  s'arrête,  le  cœur  demeurant  normal;  il 
suffit  alors  de  ramener  de  quelques  spirales  en  arrière  la  manette 
du  réducteur   pour  rétablir  immédiatement  le  rythme  respiratoire 

(1)  D""*  Tuffier  et  Jardy,  Les  applications  du  sommeil  électrique  à  la  chirurgie 
expérimentale  [Presse  méd.). 


136  NOGUÉ.   —  ANESTHI'SIE. 

normal.  L'apnée  ne  peut  être  que  le  fait  d'une  inaltenlion  de  Tanes- 
Ihésisteet  ne  durera  quautant  qu'elle.  Pour  arrêter  le  cœur,  il  faudrait 
pousser  l'intensité  infiniment  plus  haut.  Dans  nos  expériences,  nous 
avons  atteint  14  milliampères  sans  amener  l'inhibition  cardiaque  : 
c'est  le  triple  de  l'intensité  qui  détermine  le  sommeil.  Une  surveil- 
lance même    un  peu  distraite  permet  donc  d'opérer  sans  crainte. 

Nous  avons  appliqué  deux  fois  seulement  le  sommeil  électrique 
en  chirurgie;  nous  avons  suivi  exactement  les  précautions  indiquées 
par  le  P'"  Leduc,  et  nous  avons  pu  observer  les  phénomènes  qu'il 
a  si  bien  décrits  dans  son  auto-observation.  Les  sensations 
accusées  par  le  malade  avant  le  sommeil  sont  très  analogues  à  celles 
que  produit  le  chloroforme;  elles  nous  ont  même  paru  plus  désa- 
gréables et  peut-être  plus  longues.  Il  nous  semble  que  les  dispo- 
sitifs actuels  doivent  être  modifiés  ou  aidés  par  un  anesthésique  autre, 
la  morphine  ou  le  chloral,  par  exemple. 


ACCIDENTS  DE  LA   NARCOSE.  137 


XIV.  -  ACCIDENTS  DE  LA   NARCOSE. 

Même  entre  les  mains  des  hommes  les  plus  expérimentés,  les  anes- 
thésiques  généraux  peuvent  déterminer  des  accidents  graves,  souvent 
mortels.  On  ne  saurait  sans  erreur  mettre  ces  accidents  sur  le  compte 
des  impuretés  des  agents  employés.  «  Il  y  a,  dit  M.  Dastre,  une 
tendance  très  générale  des  chirurgiens  à  accuser  Timpurelé  du 
chloroforme  de  tous  les  méfaits  de  Tanesthésie.  C'est  là  une  opinion 
commode  peut-être,  puisqu'elle  exonère  l'opérateur  d'une  partie  de 
sa  responsabilité,  mais  en  tout  cas  très  exagérée  et  abusive,  car  le 
chloroforme  le  plus  pur  est  encore  capable  de  produire  tous  les 
accidents  que  l'on  attribue  à  ses  impuretés.  La  suspicion  du 
chirurgien  relativement  aux  altérations  du  chloroforme  a  une 
conséquence  favorable,  c'est  de  l'amener  à  n'employer  qu'un  produit 
pur.  Mais,  au  point  de  vue  de  la  théorie,  ce  serait  un  préjugé  fâcheux 
de  croire  que  les  accidents  sont  causés  plus  souvent  parles  impuretés 
queparl'agentlui-même.  »  Et cesjudicieuses  observations  sont  vraies 
pour  tous  les  anesthésiques. 

Accidents  pulmonaires.  —  Les  accidents  les  plus  graves  de 
l'anesthésie  sont  les  accidents  du  côté  du  poumon  et  du  côté  du 
cœur. 

La  syncope  pulmonaire  parésique  ou  adynamique  est  un  phénomène 
ordinairement  tardif  dans  la  narcose.  Elle  est  annoncée  par  une  dila- 
tation brusque  de  la  pupille  avec  absence  du  réflexe  rétinien.  Elle 
entraîne  l'asphyxie,  La  respiration  devient  lente,  paresseuse,  superfi- 
cielle, sans  déplacement  apparent  des  côtes,  puis  tout  à  coup,  sans 
autre  manifestation  extérieure,  elle  se  suspend  détinitiveraent;  c'est 
y  apnée  toxique  de  Dastre. 

A  cette  forme  d'arrêt  de  la  respiration  qui  survient  dans  le  cours 
de  la  narcose,  il  faut  ajouter  une  autre  forme  également  redoutable, 
c'est  la  syncope  respiratoire  convulsive  ou  primitive,  encore  appelée 
laryngo-réftexe.  Elle  se  produit  tout  à  fait  au  début.  «  On  vient  de 
placer  le  chloroforme  devant  la  bouche  et  les  narines  du  patient,  il 
fait  une  ou  deux  respirations  qui  le  suffoquent,  se  raidit  dans  une 
secousse  convulsive,  étend  ses  bras  pour  repousser  la  compresse  et 
tombe  foudroyé.  La  démonstration  du  mécanisme  de  cetaccident  aété 
fournie  par  Paul  Bert.  Cet  arrêt  respiratoire  foudroyant  est  dû  à 
l'excitation,  réfléchie  sur  le  bulbe,  des  nerfs  sensitifs  (trijumeau, 
laryngé)  des  premières  voies  aériennes,  par  l'agent  anesthésique. 
L'accident  ne  se  produit  plus  lorsque,  sur  un  animal  trachéotomisé, 
on  fait  pénétrer  les  vapeurs  anesthésiques  dans  la  trachée  au-dessous 
du  larynx.  On  peut  imputer  à  cet  arrêt  laryngo-réflexe  quelques-uns 
des  cas  de  mort  observés  par  les  chirurgiens  au  début  des  inhalations. 
Il  constitue  un  des  dangers  les  plus  redoutables  de  la  méthode  d'anes- 


138  NOGUE.  —  ANESTHESIE. 

thésiepar  sidération, c'est-à-dire  par  mélanges  concentrés.  //  ne  pré- 
sente Jamais  avec  les  mélanges  à  titre  moyen  »  (R.  Dubois). 

Dastre  admet  une  troisième  forme  de  syncope  respiratoire,  qu'il 
nomme  syncope  automatique  et  qui  serait  due  à  une  excitation  bul- 
baire par  ragent  toxique:  elle  peut  survenir  lentement  ou  au  contraire 
brusquement  par  un  spasme  tétanique  de  la  glotte. 

Ces  trois  formes  de  syncope  sont  dites  syncopes  blanches  parce 
<iue,  au  point  de  vue  clinique,  elles  sont  caractérisées  par  la  pâleur  de 
la  face. 

Les  syncopes  rouges  ou  congestiues,  caractérisées  au  contraire  par 
la  rougeur  de  la  face,  sont  dues  à  des  obstacles  mécaniques  tels  que 
introduction  du  sang  dans  la  trachée,  spasme  de  la  glotte,  chute  de 
la  base  de  la  langue.  Ils  s'accompagnent  d'agitation,  de  cyanose  de 
la  face. 

Accidents  cardiaques.  —  Les  accidents  cardiaques  déterminés 
par  les  anesthésiques  sont  les  plus  redoutables  en  ce  qu'ils  se  pro- 
duisent brusquement  et  qu'ils  sont  généralement  irrémédiables. 
Raph.  Dubois  classe  les  syncopes  cardiaques  primitives  en  trois 
groupes  : 

1°  Syncope  cardiaque  psychique  ou  d'origine  cérébrale.  —  Elle 
peut  être  due  à  la  peur  seule,  à  l'émotion  déterminée  par  une  douleur 
vive.  Vulpian  a  cité  plusieurs  cas  où  ces  causes  pouvaient  être  incri- 
minées : 

a.  L'histoire  du  malade  de  Desault,  qui  mourut  au  moment  même 
où  ce  chirurgien  indiquait  avec  son  doigt  la  place  où  devrait  porter 
le  bistouri  ; 

b.  Celle  de  Simpson,  qui,  la  première  fois  qu'il  voulut  employer 
le  chloroforme  pour  le  substituer  à  l'éther,  eut  son  flacon  renversé  et 
brisé  :  force  lui  fut  de  faire  l'opération  sans  le  secours  d'un  anes- 
thésique;àla  première  incision,  lemaladepâlitetmourutsubitement; 

c.  Celle  du  malade  de  Verneuil  :  la  mort  survint  sans  chloroforme 
alors  que  le  chirurgien  écartait  les  lèvres  dune  incision  faite  pour 
ouvrir  un  abcès  du  cou  : 

d.  Celle  de  Cazeneu  ve  (de  Bordeaux),  qui,  devant  amputer  un  malade, 
lui  mit  sous  le  nez  une  compresse  sur  laquelle  on  n'avait  rien  versé  : 
le  malade  mourut  de  syncope. 

Ce  sont  là  des  observations  classiques,  et  Ion  pourrait  en  citer  bien 
d'autres.  Dans  le  domaine  de  l'expérimentation,  on  voit  des  faits 
analogues,  et  Vulpian  a  vu  ses  animaux  succomber  à  une  syncope 
subite  avant  qu'on  les  ait  opérés,  pendant  qu'on  les  attachait  par 
<'xemple. 

2o  Syncope  cardiaque  réflexe.  —  Un  réflexe  sensitif  violent  peut 
déterminer  l'arrêt  brusque  du  cœur  :  c'est  ce  qui  se  produit  dans  le 
cas  d'excitation  decertains  nerfs  sensitifs,  tels  que  ceux  de  la  région 
abdominale  ou    anale  dans  le  cours  d'une  anesthésie  incomplète. 


ACCIDENTS  DE   I.A  NARCOSl'.  139 

3"  Syncope  cardiaque  par  action  mécanique  due  à  un  changement 
subit  dans  l'état  statique  du  corps.  —  Une  autre  forme  de  syncope 
cardiaque  est  celle  (]ui  siirvieiil  brusquement  dans  le  cours  de  Tanes- 
thésie  par  action  directe  du  chloroforme  sur  le  bulbe.  La  mort  peut 
«'gaiement  survenir  dans  toutes  les  narcoses  accompagnant  les 
«grandes  opérations  par  alï'aiblissement  général  des  fonctions.  C'est  la 
forme  adynamique  de  Perrin. 

On  a  vu  enfin  survenir  des  accidents  tout  à  fait  imprévus,  dont  le 
mécanisme  reste  encore  obscur. 

Certains  auteurs,  entre  autres  Paltauf,  Kundrat,  ont  signalé  un  rap- 
port fréquent  entre  Thyperplasie  du  thymus  et  du  système  lymphatique 
•en  général  et  la  mort  par  les  anesthésiques.  D'après  Laqueur,  un  gon- 
flement notable  des  follicules  de  la  base  de  la  langue  indiquerait 
l'existence  d'un  thymus  hypertrophié  et  commanderait  lapins  grande 
prudence. 

Les  anesthésiques  généraux  peuvent  déterminer  des  accidents 
tardifs  parfois  graves  et  même  mortels.  L'éther  peut  déterminer  des 
inflammations  de  voies  respiratoires,  des  troubles  fonctionnels  des 
reins.  lien  est  de  même  du  chloroforme  qu'on  accuse  de  provoquer 
dans  certains  cas  la  dégénérescence  graisseuse  du  cœur,  du  foie  et 
•des  reins,  se  manifestant  par  des  vomissements  répétés,  des  accidents 
circulatoires  et  du  collapsus. 

Pendant  le  cours  de  la  narcose,  il  est  bon  de  surveiller  constamment 
l'apparition  des  signes  précurseurs  des  accidents.  Raph.  Dubois 
les  indique  ainsi  : 

Le  pouls  s'arrête  en  général  brusquement;  parfois  cependant  l'arrêt 
<iu  pouls  est  précédé  de  modifications  dans  son  rythme  :  tremble- 
ments, intermittences. 

Si  la  face  pâlit  ou  si  le  sang  s'accumule  dans  les  veines,  il  y  a 
menace  de  syncope.  Si  le  sang  cesse  subitement  de  couler  à  la  surface 
d'une  plaie,  la  syncope  cardiaque  est  déjà  produite. 

La  syncope  respiratoire  s'annonce  par  une  dilatation  brusque  de  la 
pupille  avec  absence  du  réflexe  pupillaire.  La  pâleur  de  la  face  avec 
respiration  superficielle  est  aussi  un  indice  d'apnée  toxique  et  de 
danger  de  mort  immédiate. 

L'accélération  de  la  respiration,  quand  celle-ci  est  en  même  temps 
irrégulière,  intermittente,  stertoreuse,  indique  des  troubles  du  côté 
du  bulbe. 

La  suspension  de  la  respiration  par  raideur  des  muscles  n'est 
inquiétante  qu'accompagnée  de  lividité  et  d'intermittences  du  pouls. 

La  respiration  convulsive  indique  l'obstacle  à  l'entrée  de  l'air  du 
côté  des  cordes  vocales. 

La  respiration  stertoreuse  ou  ronflante  peut  parfois  être  inqui('- 
lante. 

Le  bruit  laryngo-stertoreux  est  produit  par  les  vibrations  des  replis 


IkO  NOGUE.  —  ANESTHESIE. 

aryléno-épiglottiques  :   il   précède   souvent  rocclusion  totale  de  la 
glotte. 

Dans  les  mouvements  illusoires  de  la  poitrine  ou  respiration  bé- 
gayante, il  y  a  encore  des  mouvements  de  la  cage  thoracique  et  du 
diaphragme,  et  l'on  peut  croire  que  la  respiration  continue  alors 
qu'elle  est  arrêtée.  Ce  phénomène  tient  au  défaut  de  coordination  des 
muscles  expirateurs  et  inspirateurs  et  non  à  un  obstacle  laryngo- 
trachéen,  car  il  se  produit  chez  les  animaux  trachéotomisés  :  c'est 
un  symptôme  inquiétant  auquel  il  faut  de  suite  remédier. 

Traitement  des  accidents  de  la  narcose.  —  Syncope  respira- 
toire. —  Quand  cet  accident  se  produit,  il  faut  immf'diatcment  faire 
l'inversion  totale  du  malade,  c'est-à-dire  le  placer  dans  la  position 
déclive,  la  tète  pendante,  à  un  niveau  inférieur  à  celui  du  bassin  et 
pratiquer  la  respiration  artificielle. 

Plusieurs  méthodes  peuvent  être  employées. 

Procédé  de  Sylvester.  —  Le  procédé  de  Sylvester  est  le  plus  simple. 
La  langue  étant  maintenue  hors  de  la  bouche  par  une  pince,  le  chirur- 
gien, se  plaçant  derrière  le  malade,  lui  saisit  les  avant-bras  au-dessous 
du  coude  et  les  tire  en  haut  jusqu'au-dessus  de  la  tête.  Les  bras  ainsi 
maintenus  pendant  deux  secondes  déterminent  le  mouvement  d'ins- 
piration du  thorax.  Les  bras  sont  ensuite  ramenés  doucement  en  bas 
et  serrés  contre  la  poitrine  pendant  deux  secondes,  le  gauche  venant 
empiéter  vers  la  ligne  médiane  au  niveau  du  cœur.  On  détermine  ainsi 
un  mouvement  d'expiration.  11  faut  répéter  les  mouvements  quinze 
fois  par  minute  et  continuer  les  manœuvres  pendant  plusieurs  heures. 

Tractions  rythmées  de  la  langue.  —  Cette  méthode,  préconisée 
par  Laborde,  rend  de  grands  services  et  ne  doit  pas  être  négligée. 
Les  tractions  agissent  en  excitant  le  centre  respiratoire  par  irritation 
du  glosso-pharyngien  ou  du  laryngé  supérieur. 

Insufflation  pulmonaire.  —  Laborde  a  également  conseillé  l'insuf- 
llalion  à  l'aide  d'un  masque  spécial  et  d'un  soufflet.  Le  masque 
s'applique  hermétiquement  sur  la  face  et  est  muni  d'un  tube  aplati 
qu'on  peut  enfoncer  jusqu'au  niveau  de  l'ouverture  supérieure  de  la 
glotte,  en  cas  d'occlusion  de  l'isthme  du  gosier  par  la  langue  gonflée 
et  rétractée.  Le  soufflet  est  muni  d'un  système  de  graduation  qui 
permet  de  n'insuffler  que  la  quantité  normale  d'air. 

Massage  direct  du  coeur.  —  Ce  procédé  a  été  imaginé  par  Maas- 
Kônig  :  la  main  appuyée  à  plat  sur  la  région  du  cœur  produit  des 
secousses  rythmiques  deux  fois  plus  rapides  environ  que  les  bat- 
tements du  pouls.  Le  pouls  réapparaît  bientôt,  et  le  sang,  se  remet- 
tant à  circuler,  excite  le  centre  respiratoire.  Cette  méthode,  au  dire 
de  Koblanck,  serait  des  plus  efficace. 

Faradisation  des  nerfs  phrénioues.  — D'après  Perrin  la  faradisation 
des  nerfs  pliréniques  présente  le  grand  avantage  de  mettre  en  action 
le  diaphragme  et  de  fournir  une  respiration  aussi  profonde  et  aussi 


ACCIDENTS  DE  LA  NARCOSE.  141 

complète  (jue  possible.  On  se  sert  pour  cela  d'un  appareil  d'induction 
portatif  ou  du  chariot  de  Dubois-Reymond.  On  place  un  des  pôles  de 
l'appareil  vers  le  milieu  du  bord  externe  du  muscle  sterno-mastoïdien 
et  l'autre  à  la  base  du  thorax.  A  intervalles  réguliers,  quinze  à  dix- 
huitfois  par  minute,  on  interrompt  le  courant.  Vulpian  conseillait  de 
pratiquer  ainsi  la  faradisalion  dans  le  cas  de  syncope  respiratoire 
seule,  le  cœur  continuant  à  battre.  Appliquer  l'un  des  pôles  sur  la 
face  ou  le  cou,  l'autre  à  la  partie  supérieure  de  l'abdomen  ;  les 
courants  induits  provoquent  une  inspiration  ;  on  les  suspend,  la 
poitrine  revient  à  la  position  expiralrice  ;  on  les  fait  passer  de 
nouveau,  ce  qui  détermine  une  nouvelle  inspiration  et  ainsi  de  suite. 

Frictions  sèches.  —  Dans  tous  les  accidents  respiratoires,  il 
faudra  toujours  ramener  la  circulation  cutanée  par  des  frictions 
énergique.^,  des  enveloppements  dans  des  couvertures  chaudes,  etc. 

Attouchements  nu  larynx.  —  Escalier,  utilisant  la  sensibilité 
spéciale  de  la  partie  supérieure  du  larynx,  conseille  de  pratiquer 
avec  l'index  profondément  enfoncé  dans  la  gorge  des  attouchements 
du  larynx  :  cette  irritation  réagit  sur  les  centres  nerveux  et  réveille 
ainsi  par  action  réflexe  les  mouvements  respiratoires. 

Trachéotomie.    —  C'est  un  moyen  extrême   qui  permet  de  faire 
l'insufflation  directe  de   l'air  dans   la  trachée.    L'incision  faite,    on 
introduit  dans   la   trachée   une    canule   à   soupape 
latérale,  qui  permet  à  l'air  de  s'échapper  au  dehors. 
On  pourrait,  à  défaut  de  cette  canule,  employer  une 
sonde.    François-Franck,  qui    a    vu    des    malades        C 
sauvés  par  cette  méthode,  conseille  vivement  l'emploi 
de  cette   canule,   dont    la    partie    EFGH   est    intro- 
duite dans  la  trachée.    A  la  partie  ABCD    on  adapte 
un  tube  en  caoutchouc  résistant  relié  à  un  simple 
soufflet  à  pédale  de   petite  capacité,  de  1  décimètre 
cube.  La  partie  DJFG,  grâce  au  soulèvement  de  la 
soupape,  permet  à  l'air  expiré  de  sortir  (fig.  61). 

Insufflation  de  bouche  a  bouche.  —  C'est  un  j^^,^g  à  soupape 
moyen  insuffisant  auquel  il  ne  faut  recourir  qu'à  pour  irachéoto- 
défaut  de  tout  instrument  permettant  une  insufflation  ""*^' 

plus  abondante  et  plus  puissante. 

Inhalations  d'oxygène.  —  Il  est  bon,  en  pratiquant  la  respiration 
artificielle,  de  faire  inhaler  au  patient  de  l'oxygène  contenu  dans  des 
ballons  de  caoutchouc  ou  comprimé  dans  des  récipients  d'acier. 

Inhalations  de  nitrite  d'amyle.  — Burrall  a  vivement  préconisé, 
pour  combattre  les  accidents  de  lachloroformisation,  les  inhalations 
de  nitrite  d'amyle,  à  la  dose  de  IV  à  V  gouttes  sur  une  compresse. 
Le  nitrite  d'amyle  agirait  comme  vaso-dilatateur  et  combattrait 
ainsi  très  efficacement   1  anémie  cérébrale. 

Syncope  cardiaque.  —  Dès  que  le  poulsfaiblitet  que  les  mouvements 


E 


3 

F      J 


142  NOGUE.   —  ANESTHESIE. 

du  cœur  menacent  de  s'arrêter,  on  peut  appliquer  sur  la  région 
précordiale  le  marteau  de  Mayor  (marteau  trempé  dans  Teau 
bouillante!. 

On  pourra  également  appliquer  une  bande  d'Esmarch  sur  un  des 
membres  inférieurs. 

Transfusions  sous-clta.nées  ol  intraveineuses.  —  De  nombreux 
auteurs  ont  recommandé  les  injections  sous-cutanées  de  solution  de 
sel  marin.  Kocher  leur  préfère  la  transfusion  intraveineuse  massive 
(2  litres)  de  solution  chloruro-sodique  normale. 

Injections  sous-cutanées  d'éther  et  de  caféine,  —  A  la  moindre 
menace  du  côté  du  cœur,  on  n'hésitera  pas  à  pratiquer  des  injections- 
sous-cutanées  d'éther  et  de  caféine,  qui  pourraient  être  plusieurs  fois 
renouvelées  dans  le  cours  de  la  journée. 


CHOIX  DES  ANESTHÉSIQUES  GÉNÉRAUX  EN  STOMATOLOGIE.     14;i 


XV.   -  CHOIX  DES  ANESTHÉSIQUES  GÉNÉRAUX 
EN  STOMATOLOGIE. 

S'il  est  une  branche  de  la  médecine  où  la  question  de  l'emploi  des 
anesllîésiques  se   pose  quotidiennement,  c'est  bien  la  stomatologie. 

La  sensibilité  extrême  du  système  dentaire,  sensibilité  que  l'état 
pathologique  exaspère  encore,  l'appréhension  insurmontable  des 
patients,  légilimenl  souvent  la  narcose.  Mais,  contrairement  à  la 
pratique  des  Américains  et  des  Anglais,  nous  pensons  que,  sauf  pour 
les  grandes  interventions  et  pour  certains  cas  particuliers,  l'anes- 
thésie  locale  doit  être  en  stomatologie  la  règle,  l'anesthésie  générale 
l'exceplion. 

Quand  celle-ci  cependant  est  indiquée,  le  premier  devoir  du 
médecin  est  de  choisir,  parmi  les  anesthésiques,  celui  qui  fait  courir 
le  moins  de  dangers,  ensuite  d'administrer  cet  anesthésique  selon  les 
règles  établies. 

Pour  être  fixé  sur  les  dangers  d'un  anesthésique,  les  statistiques, 
quoi  qu'on  en  puisse  dire,  sont  encore  les  documents  les  plus  sûrs, 
puisqu'elles  sont  le  reflet  de  l'expérience  clinique.  Les  résultats 
qu'elles  nous  fournissent  sont  d'ailleurs  en  parfait  accord  avec  les 
données  de  la  physiologie. 

La  statistique  du  P*"  E.  Andrew,  établie  en  1880,  nous  fait  connaître 
la  mortalité  observée  sur  200  893  anesthésies  : 

Élher 1  cas  de  mort  dans  23  204  administrât. 

Chloroforme 1  —  2  723  — 

Mél.  d'éther  et  de  chloroforme. . .  1  —  5  588  — 

Bichlorure  de  méthylène J  —  75  000 

Protoxyde   d'azote G  —  75  000  — 

Celle  de  Roger  Williams,  concernant  l'hôpital  Saint-Bartholomew 
de  Londres,  montre  que  de  1878  à  1887,  sur  26949  anesthésies,  on  a 
noté  : 

14  581  anesthésies  à  l'éther  avec 3  cas  de  mort. 

12  368  anesthésies  au  chloroforme  avec 10   décès. 

par  conséquent  1  décès  pour  4  860  narcoses  à  l'éther  et  1  décès  pour 
1  236  narcoses  au  chloroforme. 
Celle  de  Gurlt,  établie  de  1890  à   1895,  nous  donne  : 

Chloroforme 201  224  narcoses  avec  88  cas  de  mort. 

Éther 42  141  —  7  décès. 

soit  1   cas  de  mort  sur  2286  narcoses  au  chloroforme  et  1  cas   de 
mort  sur  6620  narcoses  à  l'éther. 


144  NOGUE.  —  ANESTHÉSIE. 

Enfin  la  plus  récente  statistique  faite  aux  États-Unis  en  1900 
indique  : 

Ether 1  cas  de  mort  sur  16  675  narcoses. 

Chloroforme 1  —  3  789         — 

Parmi  les  autres  anesthésiques  employés  en  chirurgie  dentaire,  il 
faut  citer  le  bromure  d'éthyle.  Nous  ne  possédons  pas  de  statistique 
précise  sur  cetagent,  mais  nous  pouvons  affirmer  que,  parmi  les  laryn- 
gologistes, qui  l'emploient  couramment,  les  cas  de  morts  survenus 
ont  été  très  nombreux.  Déjà,  en  1892.  Gubler  et  Labbé  en  signalaient 
2  cas;  en  Amérique,  Gleich  en  publiait  3  cas;  Kœhler,  1  cas;  Suarez, 
1  cas,  et  Guinard,  en  1902,  1  autre  cas.  Depuis  cette  époque,  les  acci- 
dents mortels  se  sont  multipliés,  et  à  Paris  seulement,  dans  ces  der- 
nières années,  on  en  a  compté  plusieurs  autres. 

Le  chlorure  d'éthyle,  plus  récemment  préconisé,  possède  déjà  un 
passif  très  chargé.  En  1906,  le  D""  T.-D.  Luke  lui  attribue  17  cas  de 
mort,  dont  il  indique  soigneusement  la  source.  Comme  le  dit  cet 
éminent  anesthésiste,  «  étant  donnée  la  jeunesse  du  chlorure  d'éthyle, 
cette  liste  n'est-elle  pas  formidable  et  de  nature  à  faire  réfléchir  sur 
l'emploi  de  cet  agent.  L'idée  que  le  chlorure  d'éthyle  est  une  sorte  de 
protoxyde  d'azote  glorifié  que  l'on  peut  emporter  dans  la  poche  de  son 
habit  semble  assez  prédominante,  et  le  caractère  hautement  toxique 
de  cette  substance  n'est  pas  suffisamment  reconnu  «  !  Peut-être 
y  a-t-ii  cependant  ici  quelque  exagération,  et  Maurice  Nicloux 
lui  accorde  une  innocuité  au  moins  égale  à  celle  du  protoxyde 
d'azote. 

Celui-ci,  en  effet,  est  de  tous  les  anesthésiques  généraux  celui  qui 
fait  courir  le  moins  de  dangers.  En  1887.  Colton,  celui-là  même  qui 
avait  anesthésié  Horace  Wells,  avait  fait  sans  un  seul  accident 
155000  narcoses;  Thomas  (de  Philadelphie),  144000.  D'après  Horatio 
Wood,  il  se  pratiquerait  chaque  année  aux  États-Unis  750  000  anes- 
thésiesproto-azotées.  Enfin  Beltrami  (de  Marseille),  qui  a  récemment 
repris  l'étude  de  cet  agent  dans  une  excellente  thèse,  n'a  relevé  que 
12  cas  de  mort  dans  le  monde  entier  depuis  la  découverte  de  l'anes- 
thésie,  et,  si  l'on  dépouille  soigneusement  les  observations,  ces 
12  casse  réduiraient  même  à  6.  Or  ce  chiffre  s'applique  à  10000000  de 
narcoses.  Si  l'on  veut  bien  se  rappeler  que  cet  agent  a  été  pendant 
très  longtemps  administré  à  l'état  impur  et  par  des  mains  inexpéri- 
mentées, on  conviendra  qu'il  est  bien  de  tous  les  anesthésiques  géné- 
raux le  moins  dangereux.  Aujourd'hui,  le  protoxyde  d'azote  esl 
devenu  transportable  grâce  à  la  liquéfaction  et  fourni  au  médecin 
par  le  chimiste  à  l'état  de  pureté  parfaite.  De  plus  il  est  possible  de 
l'administrer  avec  de  l'oxygène,  ce  qui  diminue  considérablement 
les  risques  d'asphyxie. 

Nous  pouvons  donc,  d'après  les  données  de  la  clinique  aussi  bien 


CHOIX  DES  ANESTHÉSIQUES  GÉNÉRAUX  EN  STOMATOLOGIE.     145 

que  d'après  les  recherches  de  laboratoire,  classer  les  aneslhésiques 
généraux  selon  les  dangers  auxquels  ils  exposent  dans  l'ordre 
suivant  : 

Chloroforme  ; 

Mélanj^e  d'éther  et  de  chloroforme; 

Éther  ; 

Bromure  d'éthyle; 

Chlorure  d'éthyle  ; 

Protoxyde  d'azote. 

Ces  divers  agents  n'ont  pas  les  mêmes  indications.  D'une  façon 
générale,  on  peut  dire  que  les  trois  premiers  sont  réservés  aux  opéra- 
tions de  longue  durée  et  les  trois  autres  aux  interventions  courtes  de 
petite  chirurgie. 

En  chirurgie  dentaire,  les  anesthésiques  de  longue  durée  ne  seront 
qu'exceptionnellement  indiqués  :  dans  les  grandes  interventions  sur 
les  maxillaires,  le  voile  du  palais  et  les  accidents  de  la  dent  de  sagesse 
accompagnés  de  trismus.  Iln'existeaucune  raison  sérieuse  de  recourir 
à  ces  agents,  qui  sont  précisément  les  plus  toxiques,  quand  il  s'agit 
d'une  opération  de  courte  durée. 

Récemment  survenait  en  Angleterre  un  cas  de  mort  chez  une 
femme  de  cinquante  et  un  ans  :  le  médecin  avait  administré  d'abord 
le  protoxyde  d'azote,  ensuite  l'éther  et  enfin  quelques  bouffées  de 
chloroforme  ;  tout  cela  pour  une  opération  dentaire  :  la  malade  suc- 
comba à  une  syncope  cardiaque  après  l'extraction  de  cinq  à  six  dents. 
Vraiment,  soumettre  ainsi  de  gaité  de  cœur  une  femme  de  cet  âge 
à  tous  les  risques  de  trois  anesthésiques  successifs,  pour  une  opéra- 
tion aussi  banale,  nous  semble  aller  contre  les  règles  de  la  plus 
élémentaire  prudence.  Il  était  ici  indiqué  plutôt  de  ne  faire  appel 
qu'au  protoxyde,  quitte,  si  cela  eut  été  nécessaire,  à  recommencer  la 
narcose  deux  ou  trois  fois  de  suite.  Cette  conduite  eut  fait  courir  à  la 
malade  le  minimum  de  risques,  tandis  que  la  méthode  employée  était 
de  toutes  la  plus  dangereuse. 

Le  premier  devoir  de  l'opérateur  est  donc  de  faire  un  choix  judicieux 
de  l'agent  anesthésique.  Aux  opérations  longues  et  difficiles,  l'éther 
et  le  chloroforme;  aux  opérations  courtes,  les  autres  anesthésiques. 
Voilà  donc  une  première  sélection  faite. 

S'agit-il  d'une  opération  de  la  première  catégorie  ?  Nous  avons  le 
choix  entre  deux  agents  également  utilisables.  Mais  pouvons-nous  les 
employer  indifféremment  l'un  ou  l'autre?  Non.  L'expérience,  en  effet, 
nous  démontre  que  l'un  d'eux  fait  courir  au  patient  moins  de  risques 
que  l'autre  :  c'est  donc  le  moins  dangereux  que  nous  devons  choisir. 
En  l'occurrence,  c'est  l'éther.  Certes,  l'éther  est  moins  agréable  à  res- 
pirer, il  déterminera  plus  de  nausées  et  de  vomissements;  il  est  d'une 
administration  plus  difficile.  Mais  toutes  ces  considérations  secon- 
daires doivent  céder  le  pas  à  ce  fait  brutal  :  il  est  moins  dangereux. 
Le  chloroforme,  en  effet,  malgré  son  maniement  plus  facile  et  tous 

Traité  de  stomatologie.  VI.   —    iU 


146  NOGUE.  —  ANESTHÉSIE. 

ses  autresavantages,  sera  réservé  à  des  cas  exceptionnels,  tant  à  cause 
de  son  action  spéciale  sur  le  cœur  que  des  risques  d'une  syncope 
initiale  laryngo-réflexe.  Encore  sera-t-il  prudent,  dans  ces  cas  excep- 
tionnels, de  l'administrer  avec  des  appareils  permettant  un  mélange 
en  proportions  réglables  avec  Toxygène  et  l'air. 

S'agit-il,  au  contraire,  d'une  opération  de  courte  durée  ?  Nous  avons 
les  anesthésiques  du  second  groupe  :  bromure  d'éthyle,  chlorure 
d'éthyle  et  protoxyde  d'azote  ;  ce  sont  les  trois  seuls  agents  utilisa- 
bles pour  nous. 

Nous  ne  parlons  pas  des  anesthésiques  désignés  sous  des  noms  de 
fantaisie  et  qui  sont  des  mélanges  en  proportions  plus  ou  moins 
heureuses  des  divers  agents  liquides.  Ce  sont  là  des  préparations  qui 
participent  aux  avantages  et  aux  inconvénients  de  chacun  des  agents 
entrant  dans  leur  composition.  Elles  ne  sauraient  offrir  de  garanties 
supérieures.  Au  contraire,  nous  pensons  que  l'opérateur  aura  tout 
avantage  à  recourir  à  des  anesthésiques  sans  mélange,  dont  il  con- 
naîtra exactement  les  effets  et  dont  il  pourra,  par  conséquent,  mieux 
apprécier  les  indications  et  mieux  surveiller  laction  physiologique. 

Dans  ce  second  groupe,  nous  éliminons  le  bromure  d'éthyle,  qui  est 
le  plus  dangereux  des  trois  et  qui  peut  d'ailleurs  être,  dans  tous  les 
cas,  remplacé  par  le  chlorure  d'éthyle.  Restent  donc  ce  dernier 
agent  et  le  protoxyde  d'azote.  Le  chlorure  d'éthyle  est  d'une  adminis- 
tration infiniment  plus  aisée,  puisque,  à  défaut  d'un  appareil  spécial  il 
peut  être  administré  avec  une  simple  compresse.  Il  procure  une 
anesthésie  d'une  durée  légèrement  plus  longue  que  le  protoxyde 
d'azote.  Mais,  pour  lui  comme  pour  le  chloroforme,  nous  dirons  que 
tous  ces  avantages  doivent  disparaître  devant  ce  fait  brutal  que,  des 
deux,  c'est  lui  le  plus  dangereux.  Évidemment  le  protoxyde  d'azote 
nécessite  un  appareil  un  peu  volumineux,  d'un  maniement  qui  peut 
paraître  compliqué.  Mais  c'est  de  tous  les  anesthésiques  connus  celui 
qui  nous  offre  la  plus  grande  sécurité,  même  administré  pur,  sécurité 
augmentée  encore  par  l'adjonction  d'oxygène.  N'oublions  jamais  que 
des  centaines  de  mille  narcoses  ont  été  faites  avec  lui  sans  le  moindre 
incident.  Devant  ces  considérations  d'ordre  supérieur,  que  devraient 
peser  les  convenances  personnelles?  Offrant  le  minimum  de  risques, 
c'est  donc  à  lui  qu'il  faudrait  toujours  avoir  recours  dans  les  opérations 
de  courte  durée.  Et  cela  est  tellement  admis  dans  certains  pays  que 
nos  confrères  d'Angleterre  et  d'Amérique  n'hésitent  pas  à  préférer, 
même  pour  de  simples  extractions  dentaires  banales,  l'anesthésie 
protoazotée  à  la  simple  anesthésie  locale  par  la  cocaïne  ou  ses  suc- 
cédanés: ce  faisant,  ils  croient  de  très  bonne  foi  faire  courir  à  leurs 
patients  des  dangers  infiniment  moindres. 

Et  cette  opinion  n'est  pas  seulement  celle  des  dentistes.  Le 
D''  Dudley  Buxton,  un  des  plus  éminents  anesthésistes  de  Londres, 
n'hésite    pas    à  laisser  les  dentistes   user   librement  du  protoxyde 


CHOIX  DES  ANKSTHÉSIQUES  GÉNÉRAUX  EN  STOMATOLOGIE.     147 

d'azote,  decrainle  quecetleinterdiclion  ne  les  pousseàutiliserd'autres 
agents  tels  que  la  cocaïne,  qu'il  juge  plus  dangereuse.  Mais,  pour 
comparer  des  choses  vraiment  comparables  entre  elles,  constatons, 
que  les  charlatans  qui  inondent  nos  rues  de  leur  réclame  n'emploient, 
malgré  les  noms  mirifiques  dont  ils  le  couvrent,  d'autre  anesthé- 
sique  général  que  le  protoxyde  d'azote.  C'est  qu'ils  savent  bien, 
malgré  l'opinion  si  répandue  parmi  les  médecins,  qu'avec  le  protoxyde 
d'azote  eux  et  leurs  patients  courent  le  minimum  de  danger  ! 

Nul  doute  que  le  choix  judicieux  de  l'anesthésique  n'épargne  au 
praticien  bien  des  mécomptes.  Malheureusement,  malgré  les  précau- 
tions les  plus  minutieuses,  malgré  l'administration  la  plus  habile 
du  moins  dangereux  des  anesthésiques,  un  accident  peut  toujours 
arriver.  C'est  qu'à  côté  des  causes  connues,  affections  du  myocarde, 
des  valvules,  lésions  graves  des  poumons,  des  reins,  hypertrophie 
du  thymus,  combien  de  facteurs  dont  l'influence  nous  échappe  !  Et 
c'est  précisément  cette  lacune  dans  nos  connaissances  qui  nous  défend 
de  donner  à  aucun  des  anesthésiques  connus  l'épithèle  d'inoffensif. 
Nous  savons  qu'avec  le  meilleur  il  peut  exister  quelque  risque,  et  la 
possibilité  de  ce  risque,  si  minime  soit-il,  doit  toujours  être  présente 
à  notre  esprit.  Et  cela  doit  nous  inciter  à  redoubler  de  précautions, 
à  toujours  considérer  la  narcose  comme  une  chose  grave  par  les 
multiples  et  difficiles  problèmes  qu'elle  soulève,  par  la  respon- 
sabilité énorme  qu'elle  fait  peser  sur  nous  et  dont  jamais  trop  de 
savoir  et  de  conscience  ne  saurait  légitimer  l'application.  Avec 
sir  Francis  Cruise,  nous  dirons  que,  dans  cette  importante  question, 
le  médecin  doit  savoir  s'inspirer  toujours  du  vieil  adage  :  Salus 
popuji  suprema  lex. 


148  NOGUE.  —  ANESTHESIE. 

XVI.  -ANESTHÉSIE  LOCALE. 

Tandis  que,  dans  l'anesthésie  générale,  l'agent  arrive  au  contact  des 
centres  nerveux  et  les  annihile,  dans  l'anesthésie  locale,  c'est  sur  un 
territoire  limité  que  l'agent  porte  son  action,  la  conscience  et  l'intelli- 
gence restant  intactes.  Les  dangers  inhérents  à  la  narcose  devaient 
fatalement  pousser  les  chirurgiens  à  multiplier  les  applications  de 
l'anesthésie  localisée.  Aussi  de  grands  progrès  ont-ils  été  accomplis 
dans  cette  voie,  au  point  même  que  cette  méthode,  dans  certaines 
branches  de  la  chirurgie,  est  devenue  la  règle.  L'anesthésie  rachi- 
dienne,  qui  n'est  qu'une  extension  du  même  procédé  est  venue  aussi 
élargir  son  domaine. 

Il  est  probable  que  ses  progrès  ne  s'arrêteront  pas  là  et,  s'il  est 
actuellement  chimérique  d'espérer  se  passer  delà  narcose,  nul  doute 
qu'on  y  aura  plus  rarement  recours,  à  moins  qu'on  n'arrive  à  la 
rendre  complètement  inoffensive. 

En  ce  qui  concerne  la  stomatologie,  l'anesthésie  locale  est  d'une 
nécessité  quotidienne,  et  nous  devons  nous  efforcer  d'étendre  encore 
ses  applications  pour  le  plus  grand  bien  de  nos  patients. 

Dans  ce  domaine  spécial,  elle  a  fait  dans  ces  dernières  années  des 
progrès  considérables  qui  permettent  de  fonder  sur  son  avenir  les 
plus  belles  espérances.  Aussi  donnerons-nous  à  cette  étude  la  plus 
grande  extension  et  n'hésiterons-nous  pas  à  décrire  parfois  des 
procédés  techniques  appliqués  sur  d'autres  régions  que  les  maxillaires 
ou  les  dents,  mais  qui,  par  comparaison,  peuvent  nous  rendre  les 
plus  grands  services,  et  dont  la  connaissance,  par  conséquent,  nous 
paraît  utile  et  même  nécessaire. 

Méthodes  pour  obtenir  l'anesthésie  locale.  —  Il  existe  de 
nombreux  moyens  pour  obtenir  l'anesthésie  localisée,  moyens  aussi 
intéressants  en  eux-mêmes  les  uns  que  les  autres,  mais  d'une  impor- 
tance pratique  bien  différente.  Si  l'on  envisage  la  question  à  ce  der- 
nier point  de  vue,  on  peut  dire  que  deux  grandes  méthodes  do- 
minent toutes  les  autres  :  l'anesthésie  locale  par  réfrigération  et 
l'anesthésie  locale  par  injection  dans  les  tissus  de  l'agent  anesthé- 
sique.  A  cette  dernière  méthode  se  rattache  l'anesthésie  rachidienne. 
D'autres  procédés  :  application  de  narcotiques,  compressions  diverses, 
applications  de  l'électricité,  nous  arrêteront  également,  bien  qu'ils 
n'aient  en  réalité  pournous  qu'une  utilité  bien  restreinte. 


ANESTHÉSIE  PAR  RÉFRIGÉRATION.  149 

.   —ANESTHÉSIE  PAR  UÉFRIGÉRATION. 

L'action  du  froid  comme  aneslhésique  local  avait  été 
reconnue  par  Larrey  etHunter,  sans  cependant  qu'il  en  résultât  des 
applications  pratiques.  Ce  fut  un  chirurgien  anglais,  James  Arnott 
(de  Brighton),  qui  le  premier  appliqua  systématiquement  la  glace 
dans  les  opérations.  Venu  en  France,  il  poursuivit  ses  expériences 
avec  Velpeau  et,  grâce  à  des  mélanges  réfrigérants  de  glace  et  de  sel 
marin,  il  obtint  une  anesthésie  remarquable.  C'est  ainsi  que  Ad.  Ri- 
chard réussit  la  désarticulation  de  deux  doigts  après  les  avoir  réfrigérés 
et  rendus  localement  insensibles.  Ce  dernier  ajoutait  à  la  glace  et  au 
sel  marin  un  cinquième  de  chlorhydrate  d'ammoniaque.  Il  avait 
obtenu  ainsi  un  abaissement  de  température  de  1G°  au-dessous  de  0, 
maintenu  pendant  sept  minutes  sans  aucun  inconvénient. 

D'après  Perrin,  la  réfrigération  ainsi  produite  ne  détermine  aucun 
accident  sur  les  tissus,  au  point  que,  chez  un  malade  atteint  d'ongle 
incarné,  le  mélange  réfrigérant  ayant  été  laissé  trop  longtemps  en 
place,  l'orteil  était  complètement  gelé,  glacé,  terne  et  sonore;  l'opé- 
ration n'amena  pas  une  goutte  de  sang  ;  mais,  au  bout  de  dix  minutes 
environ,  l'écoulement  se  fit,  avec  une  sensation  de  brûlure,  et  il  n'y 
eut  aucun  accident  consécutif.  Il  faut,  pour  que  la  réfrigération  ait 
toute  son  activité,  que  le  mélange  soit  aussi  intime  que  possible  :  pour 
cela,  il  fautpiler  la  glaceet  ajouter  peu  à  peu  le  sel,  en  continuante 
piler  ;  le  tissu  qui  sert  d'enveloppe  doit  être  poreux  et  non  impermé- 
able, afin  de  favoriser  l'écoulement  de  l'eau,  qui,  si  elle  ne  pouvait 
s'échapper,  élèverait  rapidement  la  température. 

On  conçoit  que  cette  méthode  ne  puisse  être  applicable  dans  toutes 
les  régions  du  corps.  Telle  par  exemple  la  région  buccale.  Plusieurs 
chirurgiens  cependant  ont  essayé  de  l'utiliser  pour  l'extraction  des 
dents,  mais  la  nécessité  de  maintenir  un  certain  temps  la  glace  dans  la 
bouche  constituait  une  très  grande  difficulté.  Rottenstein  avait  fait 
construire  un  tube  dont  une  des  extrémités,  découpée  de  façon  à 
s'appliquer  facilement  sur  la  bouche  et  les  alvéoles,  était  remplie 
de  glace  repoussée,  au  fur  et  à  mesure  qu'elle  fondait,  par  un  ressort 
à  boudin.  Mais  cet  instrument  ne  donna  pas  les  résultats  espérés. 

On  eut  alors  recours  à  des  réfrigérents  d'un  maniement  plus  facile. 
Simpson  et  Nunneley  cherchèrent  à  anesthésier  avec  l'éther  les  points 
à  opérer,  mais  l'application  simple  de  l'éther  ne  donna  que  des 
résultats  médiocres  jusqu'au  jour  où  Richet  père  eut  l'idée  d'activer 
l'évaporation  de  l'éther  à  l'aide  d'instruments  spéciaux. 

Éthérisation  localisée.  —  Richet  laissait  tomber  goutte  à  goutte 
l'éther  sur  la  partie  à  opérer,  tandis  qu'un  aide  activait  l'évaporation 
au  moyen  d'un  soufflet  ordinaire. 

Guérard  imagina  un  appareil  permettant  de  projeter  directement 
l'éther  sur  la  partie  à  anesthésier  et  d'en  provoquer  l'évaporation 


4  50  NOGUÉ.  —  ANESÏHÉSIE. 

rapide.  C'était  une  petite  seringue  mobile,  à  long  bec,  munie  d'un 
robinet.  Cette  seringue,  remplie  d'éther,  se  plaçait  sur  un  support 
portant  un  ressort  à  boudin,  sur  lequel  venait  s'appuyer  la  tète  du 
piston  de  la  seringue.  Dès  qu'on  ouvrait  le  robinet,  le  ressort  à 
boudin  poussait  le  piston,  et  l'éther  était  projeté  sur  la  peau  :  à  cet 
appareil  était  adapté  un  soufflet  ordinaire,  que  l'on  faisait  marcher 
en  même  temps.  Les  résultats  obtenus  furent  satisfaisants. 

Mais  la  vulgarisation  de  l'éther  comme  anesthésique  local  date  de 
l'appareil  de  Richardson.  Cet  appareil  se  compose  d'un  flacon  conte- 
nant l'éther,  muni  d'une  tubulure  fermée  par  un  bouchon  à  travers 
lequel  passe  un  système  tubulé  destiné  à  produire  la  pulvérisation. 
Ce  système  se  compose  de  deux  tubes  métalliques  d'inégale  longueur, 
d'inégal  diamètre  et  placés  l'un  dans  l'autre,  sans  juxtaposition.  Leur 
extrémité  supérieure,  située  à  2  centimètres  l'une  de  l'autre,  est 
effilée:  par  son  extrémité  inférieure,  l'un  des  deux  tubes,  celui  qui  a 
le  plus  petit  diamètre,  plonge  dans  l'éther;  l'autre,  qui  lui  sert  de 
manchon,  n'atteint  pas  la  surface  du  liquide.  Le  courant  d'air  est 
fourni  et  entretenu  d'une  façon  continue  par  deux  poires  en  caout- 
chouc, reliées  entre  elles  par  un  tube  de  communication  :  l'une  des 
poires,  munie  d'une  soupape,  fait  l'office  de  soufflet,  l'autre  de  réser- 
voir à  air.  Cette  dernière  est  en  communication  médiate  avec  le 
flacon. 

Pour  faire  fonctionner  l'appareil,  on  met  en  mouvement  la  poire  à 
soupape  avec  la  main  :  l'air  est  ainsi  projeté  d'abord  dans  la  seconde 
poire,  puis  dans  le  flacon,  dont  la  pression  augmente.  Cet  excès  de 
pression  fait  monter  le  liquide  dans  la  partie  supérieure  du  petit  tube, 
en  môme  temps  qu'il  établit  un  courant  de  dedans  en  dehors  à 
travers  l'espace  ménagé  entre  les  deux  tubes.  Il  résulte  de  cette 
disposition  ingénieuse  que  le  liquide  anesthésique,  au  fur  et  à  mesure 
qu'il  s'écoule  par  l'orifice  supérieur  du  tube  interne,  est  enveloppé 
par  un  courant  d'air  et  divisé  à  l'infini.  L'air  comprimé  dans  la  seconde 
poire  transforme  la  force  de  projection  intermittente  en  une  force  de 
projection  continue.  On  conçoit  aisément  que  l'activité  du  soufflet 
peut  être  variée  au  gré  de  l'opérateur  (Jamain). 

Mathieu  a  modifié  heureusement  l'appareil  de  Richardson.  Le 
système  d'envoi  et  de  régulation  de  l'air  est  le  même.  Le  flacon  est 
renversé  de  manière  à  favoriser  la  sortie  de  l'éther,  qui  s'échappe 
tout  naturellement  et  qui  est  saisi  par  le  courant  d'air  et  divisé  à 
l'infini. 

L'éther  ainsi  projeté  sur  la  peau  amène  rapidement  l'insensibilité 
de  la  surface;  l'anesthésie  atteint  peu  à  peu  les  tissus  sous-jacents. 
La  sensation  éprouvée  au  début  et  pendant  la  projection  varie  natu- 
rellement suivant  les  parties  sur  lesquelles  elle  agit. 

Au  lieu  d'employer  l'éther  pur,  on  a  conseillé  divers  mélanges. 
Richardson  lui-même  avait  proposé  la  formule  suivante  : 


ANESTHÉSIE  PAR  RÉFRIGÉRATION.  151 

Étlier  sulfurique 75  grammes. 

Acide  phonique 05'^,30 

Dobish  a  recommandé  le  mélange  suivant  : 

Chloroforme 10  gramme  s. 

Éther  sulfurique 15        — 

Menthol 1         — 

Schleich  : 

Elhcr   sulfurique 100  grammes. 

Essence  de  pétrole 25         — 

Cette  méthode  est  applicable  en  stomatologie.  Cependant  on  peut 
lui  faire  un  reproche  grave  :  celui  de  nécessiter  un  temps  trop  long 
pour  anesthésier  les  tissus,  surtout  les  tissus  humides  de  la  bouche. 
Elle  a,  en  réalité,  cédé  le  pas  à  des  méthodes  similaires,  mais  dans 
lesquelles  l'éther  est  remplacé  par  des  liquides  plus  volatils. 

Citons  encore  pour  mémoire  le  procédé  de  Leclerc,  qui  consiste  à 
refroidir  le  pulvérisateur  à  éther  dans  un  mélange  réfrigérant  et  à 
ne  pratiquer  la  pulvérisation  qu'après  quinze  minutes  de  refroidisse- 
ment. 

Celui  de  von  Lesser  faitagir  rétherindireclement  :  Téther,  manié 
à  l'aide  d'un  appareil  de  Richardson,  sert  à  refroidir  des  plaques 
métalliques  d'un  métal  bon  conducteur  ;  ces  plaques,  qui  affectent 
des  formes  diverses  selon  la  région  où  on  veut  les  appliquer,  sont  mises 
ensuite  en  contact  avec  cette  région. 

Pulvérisation  de  chlorure  d'éthyle.  —  Rotteinstein,  dès  1866, 
avait  proposé  à  la  Société  allemande  de  médecine  de  Paris  l'emploi 
d'un  mélange  de  chlorure  d'éthyle  et  d'éther  pur  en  pulvérisation  pour 
obtenir  l'anesthésie  locale.  Cependant  l'usage  du  chlorure  d'éthyle  ne 
se  répandit  que  beaucoup  plus  tard. 

Comme  on  le  sait,  le  chlorure  d'éthyle,  chloréthyle,  ou  éther  éthyl- 
chlorhydrique,  est  un  liquide  incolore  d'un  goût  sucré,  entrant  en 
ébullition  à  -|-  10°,  soit  25°  plus  bas  que  l'éther  ordinaire.  La 
chaleur  de  la  main  suffît  donc  pour  provoquer  son  évaporation  rapide 
sans  le  secours  d'un  pulvérisateur  quelconque. 

On  le  trouve  dans  le  commerce  sous  forme  d'ampoules  en  verre 
munies  d'une  fermeture  avis  métallique  ou  d'une  fermeture  automa- 
tique à  ressort. 

L'abaissement  de  température  produit  parl'évaporation  du  chlorure 
d'éthyle  peut  atteindre  —  39°.  C'est  un  corps  inflammable  avec 
lequel  il  est  impossible  de  faire  usage  du  thermo  ou  de  l'éleclro- 
cautère. 

La  surface  sur  laquelle  le  jet  de  chlorure  d'éthyle  est  projeté 
devient  rose,  puis  rouge  intense,  et  enfin  blanche  et  parcheminée. 
Cette  réfrigération  ne  s'obtient  qu'assez  lentement.  Elle  n'est  n 
douloureuse,  ni  désagréable. 


152  rsOGUE.  —  AXESTHESIE. 

Pulvérisation  de  chlorure  de  méthyle.  —  Le  chlorure  de 
méthyle,  éther  méthylchlorhydrique  ou  formine  monochloré,  est 
un  gaz  incolore  qui  se  liquéfie  sous  une  pression  de  6  atmosphères 
ou  une  température  de  — 36°.  Il  bout  à  —  23°, 7.  Aussi  est-il  nécessaire 
de  le  conserver  dans  des  récipients  métalliques  à  parois  épaisses  pour 
le  maintenir  à  l'état  liquide.  Ce  récipient  est  recouvert  extérieure- 
ment d'une  enveloppe  de  cuir  et  muni  d'une  vis  qui  permet  la  pro- 
jection du  jet  fin. 

L'évaporation  de  chlorure  de  méthyle  est  très  rapide  et  détermine 
une  réfrigération  pouvant  atteindre  —  55°  ou  —  60°.  Aussi  est-il 
nécessaire  de  ne  pas  prolonger  l'action  de  ce  liquide  sur  les  tissus, 
si  l'on  veut  éviter  des  accidents  de  sphacèle. 

C'est  précisément  la  crainte  de  ces  accidents  qui  fit  imaginer  par 
le  D""  Bailly  le  procédé  du  stypage. 

Stypage.  —  C'est  une  méthode  de  réfrigération  locale  basée  sur 
l'évaporation  rapide  de  chlorure  de  méthyle  emmagasiné,  à  l'état 
liquide,  dans  un  corps  spongieux. 

Il  faut  disposer  pour  cela  des  instruments  suivants  : 

a.  Une  source  de  chlorure  de  méthyle  ; 

b.  Des  tampons  spongieux,  récepteurs  du  liquide  frigorifère; 

c.  Des  pinces  isolantes  [stypes)  destinées  au  maniement  des 
tampons  : 

d.  Du  thermo-isolateur  d'Arsonval  et  Bailly. 

La  source  de  chlorure  méthyle  est  généralement  un  siphon  métal- 
lique à  parois  épaisses  :  on  peut  également  se  servir  du  thermo- 
isolateur, qui  permet  de  conserverie  chlorure  de  méthyle  liquide 
à  l'air  libre  pendant  plusieurs  heures  ;  cet  appareil  est  composé 
d'un  récipient  transparent  formé  de  deux  tubes  concentriques  en 
verre,  dans  l'intervalle  desquels  a  été  fait  le  vide  sec.  Le  tube 
intérieur  sert  à  recevoir  le  chlorure  de  méthyle,  qui  se  trouve  isolé 
de  la  chaleur  extérieure  par  le  vide  sec. 

Les  tampons  sont  formés  d'ouate  au  centre,  de  bourre  de  soie  à 
la  périphérie,  l'ensemble  étant  recouvert  de  gaze  de  soie  :  ils  sont 
de  formes  et  de  dimensions  diverses.  L'imprégnation  des  gros 
tampons  se  fait  ])ar  le  jet  direct  du  chlorure  de  méthyle  ;  les  petits 
se  plongent  dans  le  liquide  du  thermo-isolateur. 

Les  stypes  étaient  des  instruments  porte-tampons  de  formes 
diverses,  à  manche  d'ébonite. 

Le  tampon  bien  imbibé  de  chlorure  de  méthyle  est  promené  sur 
les  parties  à  anesthésier  :  la  peau  devient  blanche,  puis  insensible. 
On  peut  ainsi  doser  pour  ainsi  dire  avec  un  peu  d'habitude  le  refroi- 
dissement. 

Lebrun  a  utilisé  le  procédé  pour  l'anesthésie  dentaire  en  se 
servant  d'un  double  stype  imaginé  par  Martin.  C'est  un  stype  à 
deux  branches,  réunies  par  une  charnière,  pour  pouvoir  anesthésier 


ANESTHÉSIE  PAR  RÉFRIGÉRATION.  153 

à  la  fois  les  deux  côtés  de  la  dent  :  il  faut,  de  plus,  que  les  tampons 
soient  enveloppés  dans  une  feuille  de  gutta-percha  très  mince 
pour  éviter  Tadhérence  du  coton  à  la  muqueuse. 

Voici  comment  on  agit  après  avoir  pris  les  précautions  suivantes, 
qu'il  faut  toujours  observer  dans  le  slypage  :  1°  ne  jamais  se  servir 
d'un  tampon  humide  ;  2°  l'imprégner  de  chlorure  de  méthyle 
proportionnellement  à  l'étendue  du  stypage  ;  3"  essuyer,  étancher, 
dessécher  la  surface  qui  va  être  stypée. 

On  recueille  donc  dans  le  thermo-isolateur  une  petite  quantité  de 
chlorure  de  méthyle  ;  on  y  plonge  un  des  tampons  pendant  un 
certain  temps,  de  façon  à  bien  l'imprégner  de  la  substance  anesthé- 
sique,  puis  on  le  retire  et  on  le  remplace  immédiatement  pendant 
quelques  secondes  par  le  second  tampon.  On  découvre  ensuite 
rapidement  les  deux  tampons  de  gutta-percha  laminée,  et,  saisissant 
la  dent  au  niveau  de  son  collet,  entre  les  deux  tampons,  on  serre 
fortement  les  branches  de  la  pince  et  on  la  maintient  dessus  jusqu'au 
moment  où  se  produit,  au  lieu  d'application,  une  tache  blanche 
parcheminée.  Si,  quand  on  enlève  la  pince,  on  s'aperçoit  que  l'on 
n'est  pas  parvenu  à  produire  le  parcheminement,  on  replace 
pendant  quelques  secondes  l'appareil.  L'anesthésie  est  très  rapide- 
ment complète  (1). 

Galippe  a  préconisé  une  autre  méthode  qui  consiste  à  verser 
dans  un  verre  ou  dans  le  thermo-isolateur  un  mélange  de  chlorure 
de  méthyle  et  d'éther.  On  trempe  dans  le  liquide  des  tampons 
d'ouate  entourés  de  bourre  de  soie,  et  on  les  applique  sur  la  gencive 
pendant  deux  à  cinq  minutes. 

Galippe  n'a  que  très  rarement  observé  la  mortification  de  la 
muqueuse,  et,  quand  elle  s'est  produite,  elle  était  absolument  super- 
ficielle et  semblable  à  celle  que  détermine  une  simple  application 
d'iode. 

Pulvérisation  de  bromure  d'éthyle.  —  Le  bromure  d'éthyle  a 
été  également  employé  pour  produire  la  réfrigération  des  tissus. 
C'est  un  corps  volatil  qui  fond  à  41°.  Terrillon  le  premier  utilisa  ses 
propriétés,  et  Dominique  Tourreil,  dans  sa  thèse,  en  précisa  les 
applications. 

On  l'emploie  à  l'aide  du  pulvérisateur  de  Richardson.  Il  présente 
sur  l'éther  et  le  chlorure  d'éthyle  un  certain  nombre  d'avantages, 
entre  autres  celui  de  n'être  pas  inflammable. 

Mélanges  de  chlorure  de  méthyle  et  de  chlorure  d'éthyle 
(coryl,  anesthyle).  —  Chacun  des  corps  précédents  présentait,  au 
point  de  vue  de  ses  applications  dans  la  pratique,  de  grands  incon- 
vénients. C'est  ainsi  que  le  chlorure  de  méthyle  est  difficile  à  mani- 
puler, qu'il   risque  de  déterminer  la  formation  d'escarres,    tandis 

(1)  Journ.  de  méd.  et  de  chir.  pratiques,  10  avril  1892. 


1Ô4  NOGUÉ.  —  ANESTHÉSIE. 

que  le  chlorure  d'éthyle,  par  la  lenteur  de  son  évaporalion,  ne  donne 
qu'une  réfrigération  légère  et  tardive.  Il  était  à  présumer  que  le 
mélange  judicieux  de  ces  deux  corps  donnerait  un  produit 
réunissant  les  qualités  de  chacun  d'eux,  en  réduisant  au  minimum 
leurs  inconvénients  respectifs.  De  là  la  création  de  mélanges 
divers  auxquels  les  fabricants  ont  donné  des  noms  fantaisistes,  dont 
les  plus  connus  sont  le  coryl  et  l'anesthyle. 

Le  coryl  est  un  liquide  d'une  odeur  agréable,  dont  le  point 
d'ébullition  est  voisin  de  0°.  11  est  maintenu  liquide  dans  des 
réservoirs  métalliques  sous  une  pression  qui,  à  la  température 
ordinaire,  atteint  environ  3  atmosphères.  Il  est  inflammable. 

On  emploie  le  coryl  à  l'aide  d'un  appareil  spécial  muni  d'ajutages 
de  formes  variées  permettant  de  projeter  le  jet  sur  les  diverses 
parties  de  la  bouche.  Un  réservoir  de  500  à  1000  grammes  permet 
de  remplir  l'appareil  de  pulvérisation  quand  sa  provision  est 
épuisée.  La  réfrigération  est  obtenue  très  rapidement  en  quinze 
secondes  environ. 

L'anesthyle,  combiné  par  le  D""  Bengué,  est  un  mélange  de 
chlorure  d'éthyle  et  de  chlorure  de  méthyle  dans  la  proportion  de 
]  p.  5.  Comme  le  coryl,  l'anesthyle  est  renfermé  dans  des  réservoirs 
métalliques  munis  d'ajutages  divers,  qui  en  font  un  appareil  très  pra- 
tique. Il  détermine  une  anesthésie  rapide  et  sans  danger  pour  les 
tissus. 

D'autres  mélanges  du  même  genre  sont  utilisés  à  l'étranger  sous 
les  noms  d'anesthol,  de  météthyle,  etc.  Ils  ne  constituent  ni 
une  invention  nouvelle,  ni  un  progrès  réel. 

Technique  opératoire.  —  Qu'il  s'agisse  de  chlorure  d'éthyle  ou 
d'un  des  mélanges  sus-mentionnés,  la  manière  d'agir  est  sensible' 
ment  la  même.  Elle  présente,  en  ce  qui  concerne  son  application  à 
l'art  dentaire,  certaines  difficultés. 

Il  faut  d'abord  s'assurer  qu'il  n'existe  pas  dans  la  région  où  doit 
porter  le  jet  de  liquide  réfrigérant  une  dent  atteinte  de  carie.  Ce 
jet,  en  etfet,  venant  frapper  une  pulpe  à  découvert  ou  une  dentine 
sensible,  provoque  une  douleur  aiguë,  d'où  mouvement  de  réaction 
violent  de  la  part  du  patient  et  impossibilité  de  mener  l'opération 
à  bonne  fin.  Il  sera  prudent,  dans  ces  cas,  de  protéger  la  dent  malade 
avec  un  peu  de  paraffine  ou  de  coton  hydrophile. 

Indiquer  ensuite  au  patient  ce  qui  va  se  passer,  afin  que  l'arrivée 
brusque  de  ce  jet  de  liquide  ne  le  surprenne  pas  et  ne  l'effraye  pas. 

Sécher  alors  soigneusement  toute  la  région  et  maintenir  de 
chaque  côté  de  la  dent  un  tampon  d'ouate  ydrophile  à  l'aide  des 
deux  doigts  de  la  main  gauche. 

Projeter  à  ce  moment  le  jet  directement  sur  la  gencive.  Il  est 
cependant  une  précaution  à  prendre  :  c'est  d'éviter  de  projeter  ce 
jet  sur  les  yeux  ou  sur  la  face  du  patient.  Le  mieux,  pour  cela,  c'est  de 


am:stiiésie  hau  rhkrigéhation.  155 

projeter  d'abord  ce  jet  sur  sa  pi'oprc  main,  afin  de  bien  se  rendre 
compte  de  sa  direction  exacte.  On  le  porte  alors  très  aisément  sur 
le  point  choisi  de  la  gencive.  Il  est  nécessaire  de  maintenir  l'orifice 
du  pulvérisateur  à  une  certaine  distance,  que  seule  l'expérience 
permettra  d'apprécier.  Si  cet  orifice  est  trop  près,  le  liquide  s'écoule 
sur  la  gencive  en  excès  sans  aucun  avantage  ;  s'il  est  trop  éloigné, 
la  pulvérisation  se  fait,  mais  en  avant  des  tissus.  Il  faut  que  cette 
pulvérisation  se  fasse  sur  les  I issus  mêmes.  Au  bout  de  quelques 
secondes,  la  gencive  blanchit  en  un  point  très  limité.  On  promène 
alors  le  jet  tout  autour  de  ce  point  jusqu'à  ce  que  la  tache  blanche 
s'étende  autour  de  la  dent.  Il  est  bon  de  prolonger  encore  la 
pulvérisation  pour  obtenir  une  réfrigération  suffisante. 

D'autres  corps  ont  été  employés  encore  pour  obtenir  la  réfrigé- 
ration. 

Citons,  parmi  eux,  l'acide  carbonique,  sous  ses  trois  formes  : 
liquide,  solide  et  gazeuse,  et  le  sulfure  de  carbone. 

Acide  carbonique  liquide.  —  On  l'utilise  en  appliquant  sur  les 
tissus  des  récipients  métalliques  de  formes  diverses  contenant 
l'acide  carbonique  liquide.  Le  premier  phénomène  observé  est 
une  anémie  du  tissu  accompagnée  d'une  légère  sensation  de  brû- 
lure et  bientôt  suivie  d'une  anesthésie  qui  dure  une  à  deux  mi- 
nutes. 

L'acide  carbonique  solide  est  obtenu  par  la  pulvérisation  d'un 
jet  d'acide  liquide  dans  une  boîte  métallique  ou  dans  un  petit  sac 
de  laine.  Il  se  forme  bientôt  un  amas  neigeux,  qu'on  met  dans  un 
moule  métallique,  où  on  le  comprime  avec  un  marteau.  En  prome- 
nant le  cône  d'acide  carbonique  sur  le  tissu,  on  obtient  une  anes- 
thésie très  marquée. 

Cette  action  anesthésique  du  froid  sur  les  tissus  est  très  réelle  et 
peut  rendre  dans  la  pratique  de  grands  services.  En  stomatologie,  on 
l'utilisera  surtout  pour  l'ouverture  des  abcès  gingivaux,  quand  la 
fluctuation  est  très  nette,  c'est-à-dire  quand  les  tissus  à  inciser  ont 
une  très  faible  épaisseur.  On  pourra  l'appliquer  en  outre  à  l'extrac- 
tion des  dents  de  lait  chez  les  enfants,  où  elle  procure  une 
anesthésie  suffisante,  et  encore  quand  il  s'agira  chez  l'adulte 
d'extraire  des  racines  très  accessibles  et  peu  solidement  implantées. 
Enfin  on  peut  également  appliquer  la  réfrigération  comme  adjuvant 
de  l'anesthésie  par  injection.  Mais  on  ne  saurait  compter  obtenir 
une  analgésie  parfaite  quand  il  s'agira  d'extraire  une  dent  solidement 
adhérente  au  maxillaire.  C'est  que  la  réfrigération  n'agit  que  super- 
ficiellement et  ne  saurait  de  ce  fait  constituer  une  méthode  appli- 
cable à  la  majorité  des  cas. 

On  peut  se  demander  si  l'action  de  la  vapeur  anesthésique  sur 
les  extrémités  nerveuses  est  une  action  chimique,  anesthésique  ou 
bien  une   action    réfrigérante.    La   question,  dit  Ch.  Richet,   n'est 


156  NOGUE.  —  ANESÏHESIE. 

pas  facile  à  résoudre  (1).  «  On  admet,  en  général,  que  Tévaporation  de 
rétheragit  surtout  par  le  froid  produit.  Mais  je  pencherais  à  croire 
qu'on  fait  trop  bon  marché  de  l'action  locale  de  la  vapeur  d'éther.  La 
peau,  même  parfaitement  intacte,  absorbe  les  gaz  et  les  vapeurs  des 
liquides  volatils.  C'est  une  démonstration  qui  a  été  faite  bien  des 
fois  par  les  physiologistes.  Il  suffit  d'avoir  manié  de  Téther  pour 
que  les  mains  en  conservent  encore  l'odeur  pendant  quelque  temps, 
de  sorte  que  nous  pouvons  regarder  non  seulement  comme  possible, 
mais  même  comme  nécessaire,  le  pénétration  d'une  certaine 
quantité  d'éther  à  travers  la  peau.  Ainsi  les  nerfs  de  la  peau  étant 
en  contact  avec  l'éther  sont  anesthésiés  par  une  sorte  d'inhibition 
locale,  sans  que  les  centres  nerveux  aient  reçu  l'atteinte  d'une 
quantité  de  poison  suffisante  pour  anéantir  leur  activité.  Dans  les 
expériences  préliminaires  qu'il  faisait  avec  l'éther,  mon  père  avait 
remarqué  que,  si  l'on  fait  la  compression  circulaire  du  doigt  (de 
manière  à  empêcher  la  circulation  d'enlever  l'éther  dont  la  peau  est 
imbibée  et  qui  s'est  probablement  combiné  aux  cellules  nerveuses 
du  derme),  l'anesthésie  survient  plus  facilement.  Il  est  d'ailleurs 
vraisemblable  que  le  froid,  en  ralentissant  énormément  la  circulation, 
et  presque  en  l'abolissant,  a  pour  effet  de  ne  pas  permettre  au  sang 
d'enlever  l'éther  qui  a  pénétré  dans  le  derme.  Par  conséquent,  le 
froid  agit  non  seulement  en  tant  que  froid,  mais  encore  comme 
agent  retardateur  de  la  circulation  :  ce  qui  favorise  l'imbibition  par 
le  derme.  Il  est  probable  que  tous  les  liquides  volatils  à  basse  tem- 
pérature, ainsi  que  tous  les  gaz  projetés  sur  la  peau  à  l'état  liquide, 
agissant  par  réfrigération,  d'une  part  et,  d'autre  pari,  parimbibition 
du  derme,  sont  capables,  quels  qu'ils  soient,  de  produire  l'anesthésie 
locale.  «  Le  même  auteur  ajoute  :  «  En  physiologie,  on  a  aussi  utilisé 
la  réfrigération,  et  cela  non  seulement  par  pulvérisation  locale  de 
telle  ou  telle  partie  du  corps,  comme  dans  la  pratique  chirurgicale, 
mais  encore  en  agissant  directement  sur  les  centres  nerveux. 
R.  Dubois  a  anesthésié  des  tortues  et  des  grenouilles,  spécialement 
des  vipères,  en  refroidissant  l'encéphale  au  moyen  d'un  jet  d'éther.  » 
Quoique  nous  nous  soyons  toujours  servi  du  mot  anesthésié  pour 
ces  phénomènes,  le  mot  analgésie  serait  évidemment  plus  exact.  Il 
semble  que  la  sensibilité  tactile  à  la  pression  ne  puisse  dispa- 
raître que  très  tardivement,  tandis  que  l'algesthésie  disparaît 
assez  vite.  Encore  faut-il  distinguer  dans  la  sensibilité  tactile  deux 
phases:  une  première,  qui  est  la //ne.sse  du  toucher —  celle-ci  disparaît 
tout  de  suite  —  et  une  autre  qui  donne  une  vague  notion  du  toucher 
—  celle-ci  disparaît  lentement.  La  sensibilité  à  la  douleur  disparaît 
après  la  finesse  du  tact,  mais  longtemps  avant  que  toute  sensibilité 
à  la  pression  ait  disparu.  On  rapprochera  ces  faits  de  ceux  qui  ont 

(1)  Gh.  Richet,  Dictionnaire  de  physiologie  :  Anesthésié  et  Aneslhàsiques. 


ANESTHESIE  PAR  REFRIGERATION.  157 

été  observrs  d'abord  par  Longel  (1847),  puis  par  beaucoup  de 
physiologistes,  sur  les  effets  des  substances  anesthésiques  directe- 
ment appliquées  sur  les  tissus  nerveux.  La  sensibilité  et  la  molilité 
ne  sont  pas  atteintes  en  même  temps.  Surtout  on  a  bien  constaté  que 
l'excitabilité  d'un  nerf  périt  avant  la  conductibilité.  Autrement  dit, 
un  nerf  empoisonné  localement  peut  encore  conduire  l'excitation, 
alors  que,  si  cette  excitation  est  portée  directement  sur  le  point 
empoisonné,  elle  n'a  plus  aucun  effet  excitateur. 

Sulfure  de  carbone.  —  Ce  corps  a  été  utilisé  comme  anesthé- 
sique  local  par  Delcominète  (de  Nancy).  Il  agirait  comme  réfri- 
gérant, et,  toutes  choses  égales  d'ailleurs,  il  produirait,  d'après  Perrin, 
un  abaissement  de  température  plus  considérable  que  l'éther.  L'é- 
vaporation  rapide  du  sulfure  de  carbone  produit  une  cuisson  assez 
vive  avant  de  déterminer  l'anesthésie.  Au  lieu  de  provoquer  l'anémie 
des  tissus,  c'est  un  état  congestif  qu'il  provoque.  On  peut  l'utiliser 
en  pulvérisation,  en  se  servant  de  l'appareil  de  Richardson. 


158  NOGUE.  —  ANESTIIESIE. 

II.  —  AAESTHÉSIE  PAR  COMPRESSION  ET  DIVERS 

AGENTS. 

Anestliésie  par  compression.  —  Les  anciens  chirurgiens 
avaient  parfaitement  observé  que  la  compression  était  capable  de 
produire  l'anesthésie  locale.  Nul  doute  même  qu'ils  ne  missent 
couramment  ce  procédé  en  pratique,  dénués  qu'ils  étaient  de  mé- 
thodes plus  parfaites.  Ils  pratiquaient  la  compression  circulaire  de 
la  totalité  d'un  membre  et  aussi  la  compression  directe  des  troncs 
nerveux.  C'est  ainsi  qu'en  1781  James  Moore  avait  préconisé  l'emploi 
d'un  compresseur  de  la  cuisse  capable  de  faire  sentir  son  action  à 
la  fois  sur  le  nerf  sciatique  et  sur  le  nerf  crural. 

Mais  la  compression  directe  des  troncs  nerveux  profonds  est  difficile 
à  réaliser  et  ne  saurait  constituer  une  méthode  efficace  d'anesthésie. 
Seule  la  compression  des  filets  nerveux  superficiels  pourrait  donner 
des  résultats  appréciables.  C'est  ainsi  que  les  bijoutiers  utilisent  cette 
méthode  quand  ils  veulent  percer  le  lobule  de  l'oreille  et  les  chirur- 
giens quand  ils  veulent  pratiquer  une  piqûre  hypodermique  ou  une 
incision  des  téguments. 

La  compression  agit  en  supprimant  l'irrigation  sanguine  dans  les 
tissus.  La  démonstration  expérimentale  de  ce  fait  a  été  donnée  par 
Maurel  et  Abelous.  Découvrant  l'aorte  abdominale  d'un  lapin,  ils 
l'isolent  et  la  compriment  de  manière  à  arrêter  sûrement  toute  circu- 
lation dans  le  train  postérieur.  Or  quelques  minutes  suffisent  pour 
voiries  membres  inférieurs  perdre  leur  sensibilité  et  leurs  muscles 
tomber  en  résolution.  Cependant,  même  lorsque  cette  résolution  est 
complète,  l'excitation  électrique  prouve  que  les  muscles  ont  conservé 
leur  contractilité  et  les  filets  nerveux  leur  double  conductibilité. 
Qu'on  supprime  ensuite  la  compression,  et  on  voit  revenir  la  contrac- 
tilité d'abord  et  plus  tard  la  sensibilité  :  l'irrigation  sanguine  est 
donc  indispensable  aux  fonctions  des  divers  éléments  histologiques. 
Dans  cette  irrigation,  les  terminaisons  nerveuses  sensitives  perdent 
leur  sensibilité,  les  fibres  musculaires,  leur  contractilité,  etc.  De 
tous  les  éléments  histologiques,  ce  sont  les  terminaisons  sensitives 
qui  souffrent  les  premières  de  la  suppression  de  cette  irrigation.  Dans 
ces  expériences,  la  circulation  avait  été  supprimée  d'une  manière 
complète,  aussi  bien  dans  les  capillaires  que  dans  les  gros  vaisseaux, 

A  l'aide  d'injections  de  poudre  de  lycopode  dans  des  artères,  ces 
auteurs  ont  réussi  à  supprimer  la  circulation  dans  les  capillaires  :  ils 
ont  vu  que,  sous  l'influence  de  cette  suppression  partielle  de  la  circu- 
lation, les  téguments  perdent  leur  sensibilité  et  les  muscles  entrent 
en  résolution. 

Pratiquement,  d'ailleurs,  on  voit  la  ligature  d'un  doigt  amener 
rapidement  l'anesthésie  de  la  région  sous-jacente,  dans  laquelle  la 
circulation  se  trouve  de  ce  fait  entravée. 


ANESTHÉSIE  PAR  COMPRESSION.  159 

Au  point  de  vue  stomalologique,  il  est  difficile  d'appli(juer  la  com- 
pression aux  nerl's  des  mâchoires.  Nous  avons  cependant  tenté  la 
chose  à  l'aide  de  pinces  spéciales  à  cran,  dont  les  mors  recouverts 
de  caoutchouc  penuettaiont  d'opérer  une  pression  progressive  sur 
les  tissus.  Les  résultats  n'ont  pas  été  encourageants  par  suite  de  la 
douleur  très  vive  déterminée  par  la  pression  des  mors. 

Ancsthésie  locale  par  les  narcotiques.  —  Ce  procédé  d'anes- 
thésie  locale,  encore  appelé  narcolisation,  consiste  à  appliquer  sur  les 
muqueuses  de  la  peau  un  narcotique,  tel  que  la  belladone  ou 
l'opium,  en  vue  de  suspendre  la  sensibilité. 

Malheureusement,  ces  substances  ne  jouissent  que  d'une  action 
anesthésique  locale  très  faible.  En  outre,  la  peau  les  absorbe  diffici- 
lement, protégée  qu'elle  est  par  la  couche  cornée  de  son  épiderme.  Il 
faudra  donc,  pour  activer  l'absorption,  enlever  cette  couche  cornée. 
Pour  cela,  on  a  préconisé  l'emploi  du  vésicatoire  :  dans  la  phlyclène, 
onintroduitle  narcotique,  le  mettant  ainsi  directement  en  contact  avec 
la  surface  plus  absorbante  du  derme.  Cette  méthode  endermique  n'a 
donné  dans  la  pratique  aucun  résultat  appréciable  d'anesthésie  locale. 

On  a  eu  recours  sans  plus  de  succès  à  l'application  sur  la  peau  de 
pommades  contenant  la  belladone  ou  l'opium. 

Quant  aux  muqueuses,  leur  pouvoir  absorbant  est  infiniment  plus 
considérable  ;  quand  on  applique  sur  elles  un  médicament  actif,  son 
action  sur  l'organisme  ne  tarde  pas  à  se  faire  sentir.  Si  l'opium  et  la 
belladone  ne  donnent  dans  ce  cas  aucun  résultat  c'est  que  leur  action, 
anesthésique  locale  est  extrêmement  faible. 

Aussi  faut-il  renoncer  d'une  façon  générale  à  l'anesthésie  locale 
par  les  narcotiques.  En  stomatologie  surtout,  ils  ne  nous  rendront 
aucun  service,  et  noas  avons  pour  les  remplacer  comme  anesthé- 
siques  locaux  des  médicaments  autrement  actifs. 

Ancsthésie  par  l'acide  phénique.  —  L'acide  phénique  en 
solution  concentrée  (85  p.  100,  par  exemple)  jouit  de  propriétés 
anesthésiques  très  nettes.  Malheureusement  il  est  en  même  temps 
très  caustique,  et  ne  doit  être  manié  qu'avec  une  grande   prudence. 

Bell,  Squibb,  Andrew  H.Smith  l'ont  préconisé  comme  anesthésique 
local.  Si  l'on  badigeonne  la  peau  à  l'aide  d'un  pinceau  imbibé  d'acide 
phénique,  il  se  produit  une  sensation  très  nette  de  brûlure.  Les  tégu- 
ments blanchissent,  se  plissent  et  deviennent  insensibles. 

Cette  action  est  surtout  très  nette  sur  les  muqueuses.  L'anesthésie 
est  parfaite,  mais  très  superficielle.  Cette  propriété  de  l'acide  phénique 
est  fréquemment  utilisée  en  stomatologie.  Mais  on  associe  générale- 
ment à  l'acide  phénique  d'autres  substances,  qui,  tout  en  jouissant  de 
propriétés  également  anesthésiques,  diminuent  sa  causticité.  Tels 
sont  la  cocaïne,  le  menthol,  le  chloral  ou  le  camphre. 

Mais  toutes  les  préparations  contenant  l'acide  phénique  en  solu- 
tion concentrée  doivent  être  utilisées  sur  des  surfaces  très  restreintes 


160  >OGUE.  —  ANESTHESIE. 

et  appliquées  très  légèrement.  Malgré  toutes  les  précautions  prises, 
il  n'est  pas  rare  de  voir  une  couche  plus  ou  moins  profonde  et  plus  ou 
moins  étendue  d'épiderme  se  sphacéler. 

Anesthésîe  locale  par  l'acide  carbonique  g-azeux.  — 
Le  gaz  acide  carbonique  a  été  très  anciennement  utilisé  comme 
anesthésique  local.  Percival  Pott  s'en  était  servi  dès  1772  pour  cal- 
mer les  douleurs  des  ulcérations  cancéreuses.  Ingenhouz  et  Beddoes 
reconnurent  en  1784  son  action  sédative  très  nette  sur  la  peau.  Follin, 
vers  1860,  reprit  cette  étude  et  préconisa  ce  gaz  en  douches  vaginales 
comme  calmant. 

Son  action  sur  la  peau  est  très  peu  marquée.  Brown-Sequard 
a  réussi  à  rendre  insensibles  les  muqueuses  de  la  gorge  et  du 
larynx  sous  l'action  d'un  jet  d'acide  carbonique.  Gellé  a,  par  le 
même  moyen,  calmé  les  violentes  douleurs  de  l'otalgie. 

Fordos  a  eu  l'idée  d'ajouter  à  l'acide  carbonique  les  vapeurs  du 
chloroforme  pour  renforcer  son  action  anesthésique. 

Acide  carbonique  en  solution  sous  pression.  — On  a  égale- 
ment cherché  à  utiliser  l'acide  carbonique  en  solution  sous  pression, 
et  on  s'est  servi  pour  cela  des  siphons  d'eau  de  Seltz  artificielle. 

En  projetant  à  10  centimètres  de  distance  le  contenu  de  deux  à 
trois  siphons  d'eau  de  Seltz  sur  une  région  limitée  de  la  peau,  on  a 
obtenu  une  anesthésie  qui  persista  pendant  quatre  à  cinq  minutes. 


ANESTHÉSIE  LOCALE  PAR  L'ÉLECTRICITl'.  161 

III.  —  AAKSTIIKSIE  LOCALE  PAU  L'ÉLECTRICITÉ. 

Dos  Icntalivcs  furcnl  lailos  en  Amérique  pour  obtenir  l'anesLliésie 
locale  par  le  courant  électrique  dans  l'extraction  des  dents.  Le  den- 
tiste Francis  faisait  passer  un  courant  galvanique  à  travers  la  dent 
par  l'intermédiaire  du  davier  en  communication  avec  le  pôle  négatif, 
tandis  que  le  pôle  positif  était  tenu  à  la  main  par  le  patient.  Cette 
découverte  suscita  un  grand  enthousiasme  à  Philadelphie  en  1858. 
Une  commission  fut  nommée  et  déclara  la  méthode  dune  efficacité 
réelle.  Malheureusement  les  expériences  conduites  d'une  façon  scien- 
tifique furent  loin  d'être  aussi  concluantes.  Ainsi,  à  Londres, 
le  président  du  Collège  des  dentistes,  Matlheus,  déclara  que  «  le 
galvanisme  agit  en  produisant  une  diversion  à  la  douleur,  mais 
non  une  véritable  insensibilité  w.Magitot.àsontour,  àlasuile  d'obser- 
vations nombreuses  dans  les  hôpitaux  de  Paris,  termina  ainsi  son 
rapport  : 

1"  Les  opérations  chirurgicales  et  en  particulier  les  extractions 
dentaires  sont  susceptibles  de  causer  des  douleurs  infiniment  variées 
d'intensité,  suivant  les  sujets  et  les  conditions  opératoires; 

2°  Les  opérations  chirurgicales  effectuées  avec  l'intervention  du 
courant  électrique  ont  présenté  les  mêmes  variations  de  douleurs 
que  dans  les  opérations  ordinaires; 

3°  Toutefois  le  passage  brusque  du  courant  électrique  a  produit 
chez  certains  sujets  une  impression  si  imprévue  et  si  spéciale  qu'elle 
a  pu  servir  de  diversion  à  la  douleur,  d'ailleurs  légère,  d'une  opéra- 
tion rapide  ; 

4°  En  définitive,  le  courant  électrique  ne  saurait  être  considéré 
comme  un  agent  anesthésique. 

Richardson  eut  l'idée  d'aider  à  la  pénétration  des  médicaments 
dans  les  tissus  avec  le  courant  électrique.  C'est  la  méthode  qu'il 
appela  narcotisme  vollaiqiie.  Il  utilisait  surtout  les  narcotiques  ;  le 
mélange  dont  il  se  servait  était  le  suivant  : 

Teinture  d'aconit. 00  grammes. 

Extrait  d'aconit 1  gramme. 

Chloroforme 12  grammes. 

Le>  expériences  faites  à  l'école  de  médecine  de  Crosvenor  Place 
donnèrent  des  résultats  concluants,  tant  chez  l'homme  que  chez  les 
animaux  :  malheureusement  l'anesthésie  n'était  obtenue  qu'après 
une  heure.  Cette  action  du  courant  fut  d'ailleurs  mise  en  doute  par 
le  P''  Waller,  qui  déclara,  à  la  suite  de  ses  expériences,  que 
l'électricité  ne  jouait  dans  ces  phénomènes  aucun  rôle  et  que  les 
effets  observés  devaient  être  attribués  exclusivement  à  l'application 
des  médicaments  narcotiques  sur  la  peau. 

Quand  la  coca'ine  fut  entrée  dans  la  pratique,  ces  essais  furent 

Traité  de  stomatologie.  VL    —    11 


162  NOGUÉ.  —  ANESTHESIE. 

repris  sous  le  nom  de  cataphorèse  par  Harries  en  1890.  Le  procédé 
est  basé  sur  le  c»  transport  «  qui  s'opère  du  pôle  positif  au  pôle  néga- 
tif du  courant  continu.  En  formant  l'électrode  positif  par  un  tampon 
recouvert  de  flanelle  bien  imbibé  de  la  solution  de  cocaïne  à 
10  p.  100,  le  passage  du  courant  détermine  l'absorption  de  la  cocaïne. 
Harries  emploie  un  courant  de  2.5  milliampères,  qu'il  maintient  pen- 
dant quarante  minutes.  Le  courant  passe  pendant  tout  ce  temps  dans 
le  même  sens  sans  mouvement. 

Si  la  cataphorèse  n'a  pas  donné  en  stomatologie  des  résultats  bien 
probants  pour  l'extraction  des  dents,  elle  a  pu  rendre  quelques  ser- 
vices pour  obtenir  Tanesthésie  de  la  dentine.  Nous  étudierons  en 
détail,  dans  un  chapitre  spécial,  la  technique  de  cette  méthode. 

En  1893,  Oudin  fit  dans  le  service  dentaire  de  la  Charité,  avec 
Cruet,  des  expériences  sur  l'anesthésie  par  les  courants  de  haute 
fréquence .  La  dent  à  extraire  et  même  une  partie  de  la  gencive  étaient 
coiflees  dun  tampon  d'ouate  hydrophile  humide  et  comprimée 
sous  une  plaque  de  caoutchouc  en  contact  avec  un  des  fils  conduc- 
teurs. L'autre  électrode,  terminé  par  un  tampon  d'ouate  humide,  était 
appliqué  sur  la  peau.  On  faisait  passer  le  courant  pendant  cinq  à 
six  minutes  sans  que  le  sujet  ressentît  la  moindre  impression. 
«  Vino-t-cinq  opérations  d'extraction  furent  ainsi  faites  en  trois 
séances.  Mon  ami  le  D""  Oudin  interpréta,  je  crois,  les  résultats 
obtenus  un  peu  plus  favorablement  que  moi.  Ces  résultats  furent, 
à  mon  sens,  insuffisamment  démonstratifs.  L'appareil  était  d'ailleurs 
bruyant,  encombrant.  Pour  ma  part,  je  ne  continuai  pas  l'expé- 
rience »  (Cruet^. 

Analgésie  par  V électricité .  —  Se  basant  sur  les  expériences 
de  dArsonval,  qui  à  laide  des  courants  de  haute  fréquence  et 
de  haute  intensité,  avait  obtenu  l'anesthésie  de  la  peau,  Régnier 
et  H.  Didsbury  ont  essayé  d'appliquer  cette  méthode  à  la  pratique 
stomatologique. 

L'appareil  utilisé  est  celui  du  P""  d'Arsonval,  construit  par 
Caifl'e.  Il  comprend  essentiellement  une  bobine  de  30  centimètres 
d'étincelle  avec  interrupteur  Contremoulin  et  condensateur  à 
pétrole,  relié  à  un  résonnateur  Oudin. 

L'électrode  correspondant  à  la  dent  est  constituée  par  un  moulage 
ens/e/i/de  larégionàanesthésier.  Ce  moulage  est  revêtu,  àl'intérieur, 
de  poudre  métallique  et  d'une  mince  feuille  d'étain.  Pour  absorber 
la  chaleur  développée  par  le  courant,  cette  feuille  d'étain  est  encore 
enduite  d'une  couche  de  pâte  d'amiante  humide.  Le  courant  est  alors 
amené  dans  ce  mbule.  Un  galvanomètre  placé  sur  la  partie  du 
circuit  qui  joint  le  résonnateur  à  lélcctrode  indique,  pendant  toute 
la  durée  de  la  séance,  l'intensité  du  courant. 

L'insuffisance  de  l'anesthésie  dans  ce  procédé  tient,  dans  la 
plupart  des  cas.  aux  deux  causes  physiques  suivantes  :  1°  insuffisance 


ANESTHÉSIE  LOCALE  PAR  L'ÉLECTRICITÉ.  16iî 

tlu  l'ontucl  de  réleclrode  et  de  la  dent  (soiL  parce  que  le  moule  n'est 
pas  bien  appliqué,  soit  parce  que  le  dégraissage  de  la  gencive  n'a  pas 
été  suffisamment  l'ail)  ;  2°  intensité  trop  faible  du  courant. 

En  outre,  bien  ipie  le  courant  de  haute  fréquence,  lorsqu'il  est 
convenablement  réglé,  n'éveille  aucune  sensation,  il  arrive  parfois 
que  des  personnes  pusillanimes  ou  nerveuses,  effrayées  par  l'aspect 
de  l'appareil  et  le  bruit  dé  la  décharge  du  condensateur,  ne  laissent 
pas  terminer  l'application,  et  le  résultat  se  trouve  ainsi  forcément 
modifié. 

Enfin  il  faut  veiller  soigneusement  à  ce  que  tous  les  conducteurs 
soient  bien  montés,  dans  l'ordre  voulu,  sur  les  appareils,  faute  de 
quoi  le  courant  passe  mal  et  ne  produit  pas  l'effet  attendu. 

Afin  d'éviter  des  dérivations  préjudiciables  au  malade,  il  est 
indispensable  que  celui-ci  soit  placé  dans  un  siège  entièrement 
dépourvu  de  pièces  métalliques. 

Les  résultats  obtenus  par  Régnier  et  Didsbury  sont  ainsi  indi- 
qués par  ces  auteurs  : 

a.  Les  dents  monoradiculaires,  non  atteintes  de  périostite,  sont 
enlevées  avec  l'indolence  la  plus  absolue,  après  une  application 
électrique  de  trois  à  cinq  minutes,  avec  une  intensité  de  150  à  200  mil- 
liampères  ; 

b.  Lesdentspolyradiculaires,  non  atteintes  de  périostite,  exigentune 
application  un  peu  plus  longue  et  une  intensité  de  "200  à  250  milliam- 
pères; 

c.  Les  dents  atteintes  de  périostite  aiguë  ou  chronique  sont  beau- 
coupplus  rebelles  à  l'anesthésie.  Sur  ce  point,  de  nouvelles  recherches 
sont  nécessaires.  Il  y  a  lieu,  notamment,  de  se  demander  s'il  ne 
faudrait  pas  en  pareil  cas  ajouter  à  l'action  électrique  celle  d'un  autre 
agent. 


I6i  ^OGL'E.  —  ANESÏHESIE. 

IV.    —    AXESTHÉSIE   LOCALE    PAR   INJECTION 
DE    LK>T  IDES  DANS  LES    TISSES 

On  peut  dire  que  l'aneslliésie  locale  n'est  vraiment  entrée  dans  le 
domaine  chirurgical  que  du  jour  où  les  propriétés  de  la  cocaïne 
furent  connues.  Seule,  la  pénétration  dans  les  tissus  de  la  solution 
cocainique  réalisa  Tarrèt  de  toute  sensibilité.  Aujourd'hui,  d'autres 
corps,  dérivés  de  la  cocaïne  ou  synthétiquement  créés  par  la  chimie, 
partagent  avec  elle  les  propriétés  anesthésiques.  Mais  la  présence 
dans  le  liquide  injecté  de  substances  vraiment  anesthésiques  n'est 
pas  indispensable.  Avant  la  découverte  même  de  la  cocaïne,  des 
tentatives  couronnées  de  succès  avaient  été  faites  pour  réaliser  la 
suspension  de  la  sensibilité  par  injection  intratissulaire  de  liquides 
absolumentneutres,  comme  l'eau  par  exemple.  Postérieurement  même 
à  celte  découverte,  d'autres  recherches  furent  entreprises  pour 
déterminer  la  part  respective  dans  cette  suppression  de  la  sensibilité 
du  médicament  anesthésique  et  du  véhicule  lui-même.  C'est  ainsi 
que  furent  appréciées  les  propriétés  anesthésiques  de  leau  distillée, 
de  l'eau  alcoolisée,  des  solutions  à  basse  température,  etc. 

ANESTHÉSIE    LOCALE    PAR    INJECTION    D'EAU 

Burney  Yeo  et  Griflilh  furent  les  premiers  à  utiliser  les  injections 
sous-cutanées  d'eau  pour  obtenir  l'anesthésie  locale  en  1858.  Halstead 
(de  Baltimore)  aurait,  d'après  Dawbarn,  employé  avec  succès  l'eau 
comme  anesthésique  local  jusqu'en  1885. 

En  France,  à  la  suite  d'une  observation  du  P""  Potain,  que  l'injec- 
tion sous-cutanée  d'eau  produisait  la  cessation  de  la  douleur,  on 
utilisâtes  injections  comme  méthode  d'aneslhésieà  maintes  reprises. 

Schleich  arriva  aux  mêmes  résultats  à  la  suite  de  recherches 
entreprises  pour  déterminer  la  limite  d'extrême  dilution  à  laquelle 
une  solution  de  cocaïne  exerce  encore  ses  effets  analgésiants.  Il  fut 
ainsi  amené  à  se  demander  si  l'injection  dans  les  tissus  dun  liquide 
indilférent  ne  produisait  pas  les  mômes  résultats.  Des  expériences 
faites  sur  lui-même  et  sur  deux  de  ses  aides  confirmèrent  cette 
hypothèse.  L'injection  d'eau  dans  l'épaisseur  du  derme  déterminait 
une  anesthésie  locale  sur  toute  la  région  où  cette  injection  produi- 
sait de  rœdème  blanc.  Schleich  agissait  ainsi  :  après  désinfection 
de  la  peau,  il  remplissait  la  seringue  d'eau  stérilisée  et  procédait 
ensuite  à  l'injection.  Mais  cette  injection  était  plus  ou  moins  doulou- 
reuse suivant  la  région  où  elle  était  faite  et  suivant  la  rapidité  avec 
laquelle  on  opérait.  Ainsi  une  injection  faite  lentement  à  la  face 
externe  de  l'avant-bras  était  presque  indolore,  tandis  que  la  même 
injection  faite  à  la  face  interne  de  ce  même  avant-bras  était  ordinai- 
rement très  douloureuse.  Pour  supprimer  toute  sensation  de  douleur. 


ANESTHÉSIE  LOCALE  PAU  LNJEGTION   DANS  LES  TLSSUS.      1G5 

il  faul  (Mîiployer  concomilamnuMil  avi'c  linjeclion  le  spray  d'éllier 
(élliiM"  suiruri(iue,  i  pai'lies  ;  essence  tle  pétrole,  1  i)ai'lie).  i^eiidant 
une  demi-minute,  on  dirige  le  jet  de  vapeur  sur  la  légion  de  la  peau 
que  l'on  veut  aneslhésier,  puis,  tout  en  continuant  la  pulvérisation, 
on  enfonce  l'aiguille  parallèlement  à  la  direction  delà  peau,  et  Ion  a 
soin  de  rester  dans  l'épaisseur  du  derme.  On  voit  alors  se  produire 
un  œdème  cutané  et,  au  bout  d'une  demi-minute  environ,  la  zone 
occu|)ée  par  cet  œdème  est  devenue  tout  à  fait  insensible;  on  peut 
l'inciser  sans  la  moindre  douleur. 

Malheureusement  Schleich  trouva  que  l'eau  pure  déterminait  dans 
la  pratique,  aussi  bien  pendant  qu'après  l'injection,  des  douleurs 
trop  grandes,  et  il  abandonna  cette  mélhodepour  sa  méthode  d'infil- 
tration par  une  solution  extrêmement  étendue  de  cocaïne  (1891), 
méthode  qui  donne  d'ailleurs  entre  les  mains  des  chirurgiens 
d'excellents  résultats  et  que  nous  étudierons  plus  loin. 

Les  applications  de  l'eau  stérilisée  pour  obtenir  l'aneslhésie  locale 
ont  été  étudiées  par  le  D''  Samuel  G.  Gant  (1),  spécialement  dans 
la  chirurgie  du  rectum.  11  ne  fait  usage  que  d'eau  stérilisée  pure  sans 
adjonction  d'aucune  solution  saline  et  l'emploie  de  préférence  chaude. 

Après  avoir  pincé  fortement  la  peau  entre  le  pouce  et  l'index  pour 
diminuer  la  douleur  de  la  piqûre,  l'aiguille  est  introduite  dans  les 
couches  de  la  peau,  et  un  peu  d'eau  est  lentement  injectée.  Elle  doit 
produire  une  petite  distension  localisée  semblable  à  une  ampoule. 
En  même  temps  qu'apparaît  cette  ampoule,  l'anesthésie  de  la  pea'u 
sur\ient.  On  fait  une  nouvelle  injection,et  ainsi  de  suite,  en  ayant  soin 
de  ne  pas  passer  complèlement  au  travers  de  la  peau.  Quand  la 
seringue  est  vide,  onla  remplit  de  nouveau,  et  on  injecte  de  l'eau 
jusqu'à  ce  que  la  distension  soit  complète  dans  toute  la  région  à 
inciser.  On  fait  alors  des  injections  dans  la  région  sous-dermique 
rapidement,  jusqu'à  ce  qu'une  arête  rigide,  blanchâtre,  de  la  grosseur 
de  l'index,  se  produise.  Cela  fait,  on  peut  inciser  la  peau  et  le  tissu 
sous-culané  sans  douleur. 

Anesthésie  par  injection  dans  les  tissus  de  liquides  à  basse 
température.  — Le  grand  reproche  qu'on  peut  faire  à  la  méthode  de 
réfrigération,  c'est,  d'une  façon  générale,  de  ne  donner  qu'une  anes- 
thésie limitée  à  la  surface  des  tissus  et  de  déterminer  parfois  la  forma- 
lion  d'escarres  par  mortification.  Dans  notre  spécialité,  elle  est  passible 
en  outre  de  quelques  autres  critiques.  La  réfrigération  est  souvent  dou- 
loureuse, surtout  quand  elle  se  fait  sentir  sur  une  pulpe  à  découvert  ; 
elle  est  souvent  dune  application  difficile  dans  la  bouche.  Elle  est  en- 
fin très  incertaine  dans  ses  effets  et  très  limitée  dans  ses  indications. 

Etait-il  possible  de  porter  cette  aciion  du  froid  dans  la  profondeur 
des  tissus  et  d'en  prolonger  à  volonté  la  durée?  C'est  par  l'affirmative 

(1)  Samvel  g.  Gant,  Stérile  watcr  aneslhesia  in  the  office  treatment  of  rectal 
diseases.  (A>;(-)'or/i  ineJ.  Journ.,  23  jan\-.,   1904). 


166  NOGUE.  —  ANESTHESIE. 

que  répond  le  D^  Marc  Lélang.  en  faisant  connaître  une  nouvelle 
méthode  des  plus  originale,  dont  voici  les  grandes  lignes. 

Par  un  moyen  quelconque,  mélange  réfrigérant,  pulvérisation, 
on  refroidit  au  degré  voulu  un  liquide  convenable  placé  dans  une 
éprouvette.  On  remplit  une  seringue  de  Pravaz  de  ce  liquide  et  on 
l'injecte  avec  les  précautions  ordinaires  dans  la  région  à  anesthésier. 
Il  se  produit  immédiatement  une  anestliésie  complète,  superficielle 
ou  profonde,  qu'on  peutprolongerà  volonté  enrenouvelantlinjection. 
Pour  cela  on  prépare  un  mélange  réfrigérant  composé  de  8  parties 
de  sulfate  de  soude  et  de  5  parties  d'acide  chlorhydrique,  qui 
produit  un  abaissement  de  température  de  —  27°.  Au  milieu  du 
mélange,  on  place  un  tube  à  essai  rempli  d'eau  salée,  dans  lequel 
plonge  une  seringue  de  Pravaz  remplie  du  même  liquide  et  un 
thermomètre  qui  indique  les  progrès  constants  du  refroidissement. 
Quand  la  température  est  descendue  à  environ  10",  on  retire  la 
seringue,  dont  le  contenu  est  à  une  température  voisine  de  0», 
et  on  fait  une  injection  d'un  ou  plusieurs  centimètres  cubes  dans 
la  région  à  anesthésier.  Le  sujet  n'éprouve  aucune  douleur  autre  que 
celle  de  la  piqûre  de  l'aiguille  ;  aucune  induration  ne  se  manifeste 
au  point  injecté,  et  cependant  l'anesthésie  est  complète  et  durable. 
Des  expériences  nombreuses,  faites  sur  les  cobayes,  Létang  a  pu 
déduire  des  faits  très  instructifs  auxquels,  à  notre  avis,  on  n'a  pas 
donné  l'attention  qu'ils  méritaient.  C'est  ainsi  que,  ayant  étudié 
l'action  nocive  produite  parla  constitution  chimique  des  substances 
et  par  l'action  même  du  froid,  il  a  trouvé  qu'il  y  avait  parfois  un 
véritable  antagonisme  entre  ces  deux  effets.  L'injection  rapide, 
par  exemple,  de  10  centimètres  cubes  d'eau  pure  à  +  1°  provoque 
de  très  légères  lésions  dans  les  tissus  :  or  ces  lésions  ne  se  produisent 
pas  si  l'on  ajoute  à  l'eau  une  goutte  d'éther.  Ici  l'action  mécanique 
du  froid  a  été  neutralisée  par  l'action  chimique  de  l'éther.  Ainsi  la 
limite  inférieure  de  la  réfrii^ération  inofïensive  est  variable  selon  la 
nature  du  produit  employé,  ce  qui  fait  que  certaines  substances  sont 
de  ce  fait  à  rechercher  ou  à  éliminer. 

Il  résulte  de  ces  expériences  que  toute  injection  d'eau  distillée  faite 
à  une  température  supérieure  à  75°  provoque  des  lésions  de  brûlure 
graves  dans  les  tissus,  si  bien  que  la  recherche  de  la  sensibilité  est 
impossible,  la  sensation  de  brûlure  dépassant  toutes  les  autres. 
L'injection  de  la  même  substance  entre  des  limites  de  température 
variant  de  40  à  75°  provoque  une  vive  douleur,  et  la  sensibilité  de  la 
région  ainsi  traitée  est  plus  élevée  qu'à  l'état  normal  (action  de 
vaso-constriction  jusqu'à  50».  de  vaso-dilatation  au-dessus i. 

Si  Ion  fait  varier  la  température  de  l'injection  entre  15  et  40°,  on 
constate  une  très  légère  diminution  de  la  sensibilité  autour  du  point 
piqué,  à  la  condition  toutefois  que  le  volume  d'eau  soit  assez  consi- 
dérable; dans  le  cas  contraire,  il   y  aurait  plutôt  exagération  de  la 


ANESTHESIE  LOCALE  PAR  LXJECTION  DANS   LES  TISSUS.     167 

sensibilité.  L'action  aneslhcsique  devient  très  appréciable  quand  la 
température  descend  au-dessous  de  10°.  Elle  se  manifeste  bien 
nettement  à  +  1^'.  Elle  est  à  peu  près  complète  à  —  5°;  elle  devient 
pratiquement  absolue  à  —  10°.  Cette  étude  a  été  faite  avec  une 
substance  incong-elable  au-dessous  de  0°  et  n'ayant  presque  pas 
d'action  propre  par  elle-même,  comme  la  solution  de  sel  marin. 

Le  diagramme  de  la  figure  61  rend  compte  de  ces  résultais.  Il  in- 
dique des  elïets  bien  différents  de  ceux  obtenus  par  desimpies  varia- 


Injecti, 


alqL 

e 

\ 

Fort 

N 

léqt 

)re 

\ 

\ 

\ 

80° 
lége. 

70° 
re 

60' 

50° 

UO' 

s^ 

20° 

]0° 

F" 

" 

20° 

30° 

proi 

ionc 

ie 

r\ 

abs 

oliie 

\ 

\ 

Fig.  62.  —  Diagramme  de  Marc  Létang-. 

Les  mots  douleur,  légère,  forte  ou  aiguë,  s'appliquent  à  la  fois  à  la  sensation 
qne  pi-oduit  l'injection  et  à  celle  produite  par  l'excitation  électrique. 

Au  contraire,  les  mots  anesLhésie  légère,  prononcée,  absolue,  signifient  unique- 
ment perte  de  la  sensibilité  aux  courants  électriques  d'induction. 

lions  de  température  agissant  sur  la  peau  ou  les  muqueuses.  Bien  que 
ces  recherches  aient  porté  sur  l'appréciation  des  diverses  sensibilités 
à  l'excitation  électrique,  à  celle  de  la  chaleur  ou  du  pincement,  on  n'a 
figuré  qu'un  seul  trait,  représentant  la  courbe  de  la  sensibilité  aux 
courants  d'une  bobine  d'induction,  l'anesthésie  à  cette  excitation  étant 
la  plus  difficile  à  obtenir.  La  seule  inspection  de  ce  diagramme 
montre  que  l'intensité  des  diverses  anesthésies  est  sensiblement 
proportionnelle  à  la  quantité  de  chaleur  soustraite  à  l'organisme. 
Le  choix  du  liquide  injectable  présentait  quelques  difficultés, 
Létang  avait  d'abord  adopté  le  mélange  par  parties  égales  d'eau  et 
de  glycérine,  comme  remplissant  toutes  les  conditions  de  facile 
préparation,  de  facile  emploi, d'innocuité  très  grande:  mais,  après  de 
nombreux  essais,  il  dut  le  mettre,  à  cause  de  sa  causticité  trop  grande, 
au  second  rang  et  lui  préférer  la  solution  au  tiers  qui  lui  semble  la 


168  NOGUE.  —  ANESTHÉSIE. 

meilleure:  pour  empêcher  qu'elle  ne  se  congèle  vers  0°,  il  faut  seulement 
lui  ajouter  2  p.  100  d'éther  à  66".  Quant  à  la  solution  deau  dans 
léther,  elle  a  le  défaut  davoir  une  chaleur  spécifique  très  faible  et 
d'avoir  une  action  trop  énergique  sur  lorganisrae  pour  qu'on  puisse 
l'employer  à  de  fortes  doses. 

La  formule  suivante  peut  être  recommandée  : 

Eau  distillée   bouillante 100  grammes. 

Glycérine  neutre  pure 100         — 

Éther  à  66° 2         — 

F.  S.  A,  une  solution  pour  injections  interstitielles  à  —  10. 

Cette  solution  se  conserve  bien  et  peut,  du  reste,  être  préparée 
partout  extemporanément  et  aseptiquement  avec  de  l'eau  bouillante. 
Elle  oxyde  assez  peu  les  aiguilles  dacier  pour  que  l'emploi  des 
aiguilles  en'métal  inoxydable  ne  soit  pas  indispensable.  On  peut  sans 
inconvénient  faire  avec  elles  jusqu'à  dix  injections  de  10  centimètres 
cubes  chacune. 

Pour  réaliser  dans  la  pratique  cette  réfrigération,  Lélang  avait 
établi  un  appareil  composé  de  deux  parties  : 

1°  L  n  pulvérisateur  spécial  à  acide  carbonique  avec  lequel  on 
obtenait  en  quelques  secondes  un  froid  intense; 

2°  Lne  seringue  à  injections  interstitielles  de  4  centimètres  cubes 
munie  d'un  thermomètre. 

Le  pulvérisateur  contenait  100  grammes  dacide  carbonique,  dont 
le  jet.  avant  de  s'échapper  à  l'air  libre,  passait  dans  une  caisse  en 
bois  renfermant  la  seringue,  dispositif  qui  permettait  de  diminuer 
notablement  la  dépense  d'acide  et  de  maintenir  la  basse  température 
atteinte  pendant  un  temps  très  long. 

Au  lieu  de  se  servir  de  cet  appareil  à  acide  carbonique,  on  peut 
employer  des  ampoules  de  chlorure  d'éthyle  ;  mais,  dans  ce  cas,  il 
faut,  pour  obtenir  la  réfrigération,  deux  à  trois  minutes,  et  c'est  à  peine 
si  l'on  peut  faire  descendre  le  thermomètre  au-dessous  de  —  3»,  ce 
qui  est  pratiquement  insuffisant. 

Anesthésie  par  injection  d'eau  alcoolisée.  — Nous  avons,  pen- 
dant longtemps,  poursuivi  des  expériences  danesthésie  locale  par 
injections  de  solutions  d'eau  alcoolisée.  Ces  injections  furent  faites 
dansla  régiondes  gencives.  Les  solutions  employées  étaient  formées 
d'eau  stérilisée  et  d'alcool  rectifié  :  6ô  et  45  p.  100  d'alcool. 

La  solution  d'alcool  à  65  p.  100,  injectée  dans  lestissus  gingivaux, 
.  déterminait  au  moment  de  la  pénétration  une  douleur  assez  vive,  qui 
se  prolongeait  pendant  quatre  à  cinq  minutes  pour  disparaître 
ensuite.  L'aneslhésie  était  manifeste  une  ou  deux  minutes  après 
l'injection.  Dans  un  grand  nombre  de  cas,  elle  permit  l'extraction 
de  dents  très  solidement  implantées  sans  douleurappréciable.  parfois 
même  avec  une  anesthésie  absolue. 

L'injection  des  solutions  d'alcool  à   45   p.    100    était    infiniment 


ANESTHÉSIE   PAR  INJECTION  DANS  LES  TISSUS.  169 

moins  douloureuse  et  1res  bien  suj)porl('C.  MalluMircusement  l'ancs- 
thésie  (|u'elle  déterininail  était  peu  marquée. 

Sur  lôO  observations,  nous  n'eûmes  à  noter,  ni  intlammation  des 
tissus  intéressés,  ni  accidents  consécutifs.  Quelques  patients 
accusèrent   des    douleurs    post-opératoires   assez   vives. 

S'ilcst  impossible  de  compter  sur  Tinjeclion  d'eau  alcoolisée  pour 
obtenir  une  anesthésie  locale  suffisante  dans  la  pratique,  nul  doute 
que  radjonclion  de  Talcool  dans  certaines  solutions  anesthésiques  ne 
puisse  renforciM-  Faction  du  médicament,  en  permettant  ainsi  l'emploi 
de  doses  moindres. 

ANESTHÉSIE     PAR     INJECTION     DANS    LES    TISSUS 
DE     MÉDICAMENTS    ANESTHÉSIQUES. 

Nous  avons  vu  que  Tanesthésie  locale  pratique  date  de  la  décou- 
verte du  premier  corps  jouissant  de  propriétés  anesthésiques,  de  la 
cocaïne.  Il  ne  s'agit  donc  plus  ici  irinjection  de  substances  neutres 
sans  action  sur  l'organisme  autre  que  l'action  locale,  mais  bien  de 
substances  actives  d'un  m^aniement  délicat,  souvent  dangereux. 
De  là  la  nécessité  de  connaître,  pour  chacune  d'elles,  l'ac- 
tion physiologicjue  sur  la  plupart  des  grands  organes,  la  posologie 
précise.  Une  étude  complète  de  chaque  anesthésique  local  est  donc 
absolument  nécessaire.  La  cocaïne,  la  première  en  date  et  la  mieux 
étudiée,  pourra  servir  de  prototype  ;  mais  il  n'en  est  pas  moins 
nécessaire  de  connaître  les  autres  :  eucaïne,  stovaïne,  novocaïne,  adré- 
naline, etc.  Nous  serons  ainsi  à  même  de  juger  de  leurs  indications  ou 
contre-indications,  de  les  appliquer  aveclaprudence  indispensable  et 
de  combattre  avec  chance  de  succès  les  accidents  parfois  graves 
qu'elles  peuvent  déterminer. 

COCAÏXE. 

On  extrait  la  cocaïne,  dit  le  P'"  Reclus,  des  feuilles  d'un  arbuste, 
VErythroxyluin  coca,  un  cocalier  abondant  au  Pérou,  en  Bolivie 
et  dans  la  République  de  l'Equateur.  La  zone  de  l'Amérique 
où  il  croît  spontanément  ne  s'étend  guère  que  du  2Ce  degré  de 
latitude  sud  au  12^- degré  de  latitude  nord.  Il  croît  de  préférence 
sur  les  collines  rocailleuses  des  Andes,  à  des  altitudes  de  600  à 
1 600  mètres  ;  il  est  délicat,  sensible  au  changement  de  température, 
ce  qui  en  rend  difficile  la  culture  industrielle,  activement  poussée 
dansles  vallées  de  la  Magdalena.  Onl'a  acclimaté  dans  l'ancien  monde 
à  Ceylan  et  dans  les  Indes  anglaises.  Dès  la  troisième  année  de  la 
plantation,  on  peut  commencer  la  cueillette  des  feuilles,  que  l'on  fait 
sécher  au  soleil  et  doii  l'on  retire  la  cocaïne  brute,  expédiée  ensuite 
à  Hambourg,  son  grand  et  presque  unique  marché  en  Europe. 

La  cocaïne  est  un  alcaloïde,  «  éther   méthylique  de  l'acide  cocayl- 


170  NOGUÉ.  —  ANESTHÉSIE. 

benzoyl-oxypropionique  »,  qu'on  désigne  aussi  sous  le  nom  peut- 
être  meilleur  de  «  mélhyl-benzoyl-ecgoninc  ».  Elle  n'est  connue  que 
depuis  un  demi-siècle  :  Wackenroder,  en  1852,  et  Gaedeke,  en  1854, 
isolèrent  un  produit  cristallisé,  qu'ils  prirent  à  tort  pour  la  substance 
active  du  cocalier  :  celle-ci  ne  fut  découverte  qu'en  1857  par  Maclagan  ; 
deux  ans  plus  tard,  en  1859,  Nieman  la  retrouve  de  son  côté  et 
la  signala  au  monde  savant  sous  le  vocable  de  cocaïne,  qui  devait  lui 
rester.  Encore  fallut-il  plusieurs  années  pour  connaître  les  merveil- 
leux effets  de  la  substance  nouvelle. 

Cependant  voilà  trois  siècles  et  demi  que  les  conquistadores 
avaient  parlé  de  la  planle  sacrée  qui  figure  sur  Técu  de  la  Bolivie  ; 
il  semblait  qu'elle  était  la  richesse  du  pays  et  servait  aux  Indiens 
à  payer  leur  tribut  de  guerre.  Quelques  pincées  de  ces  feuilles,  ma- 
cérées avec  de  la  chaux,  rendaient  le  Quichona,  l'Aymara,  capables 
d'endurer  la  faim  :  avec  elles,  ils  pouvaient  affronter  le  soroche  ou 
mal  des  montagnes  el  traverser  sans  fatigue  les  plateaux  péruviens 
aussi  hauts  que  le  mont  Blanc. 

Mais  à  tout  cela  on  ne  crut  guère,  et  il  faut  atteindre  la  seconde 
moitié  du  xix^  siècle  pour  trouver  un  premier  travail  sur  les  pro- 
priétés physiologiques  des  feuilles  de  coca.  En  1859,  à  la  suite  de 
l'absorption  d'une  infusion  de  coca,  Montegazza  avait  constaté  sur 
lui-même  l'accroissement  de  la  fréquence  du  pouls  et  des  mouve- 
ments respiratoires  :  des  doses  plus  élevées  avaient  provoqué  de  la 
congestion  cérébrale,  du  délire  et  de?  hallucinations.  Schroff, 
en  1862,  obtenait  des  résultats  analogues  ainsi  que  Isaac  Ott  en  1876; 
en  1877,  Conpard  observait  sur  les  malades  adonnés  au  vin  de 
Mariani  une  certaine  anesthésie  de  la  gorge  :  il  voulut  la  reproduire 
et  se  procura  d'abord  de  l'extrait  de  coca  aussi  liquide  et  aussi 
concentré  que  possible,  dont  il  badigeonnait  les  tissus  enflammés 
par  la  laryngite  et  les  pharyngites  douloureuses  ;  il  eut  même  l'idée 
d'anesthésier  ainsi  les  cordes  vocales  pour  permettre  à  Rosapelly  de 
faire  ses  expériences  sur  la  phonation  ;  puis,  dès  1882,  avec  le 
concours  de  Laborde,  il  étudia  non  plus  le  coca,  mais  son  alcaloïde, 
la  cocaïne  :  malheureusement  ces  recherches  ne  furent  publiées 
qu'après  le  retentissant  travail  communiqué,  en  1884,  au  Congrès 
d'Heidelberg  et  où  Karl  Kôller  prouvait  que  les  instillations  de 
cocaïne  sur  la  muqueuse  oculaire  analgésient  la  cornée,  la  con- 
jonctive et  permettent  d'y  porter  l'instrument  tranchant  sans  provo- 
quer de  douleurs.  En  France,  Terrier  répète  ces  expériences,  dont  il 
fait  part  à  ses  collègues  de  la  Société  de  chirurgie,  et  de  ce  jour 
l'analgésie  des  muqueuses  par  les  badigeonnages  de  cocaïne  entre 
dans  la  pratique  courante. 

On  eut  alors  l'idée,  un  peu  partout,  d'injecter  avec  la 
seringue  de  Pravaz  l'alcaloïde  sous  la. peau,  dans  les  mailles  du 
tissu  cellulaire,  et  on   obtint   une  analgésie  suffisante   pour  tenter, 


ANESTHÉSIE   PAR  INJECTION  DANS  LES  TISSUS.  171 

«ans  éveilltM'  de  trop  grandes  douleurs,  qiielques  opérai  ions  de 
pelile  chiruri>ie.  Chacun  voulut  en  essayer;  mais  on  i^^norail  loul 
delà  cocaïne  el  môme  sa  puissance  loxique  ;  on  fixail  au  hasard 
cl  comme  <(  au  pelil  bonheur  »  les  doses  à  injecter  et  le  titre  des 
solutions.  Il  en  résulta  des  désastres  retentissants  :  plusieurs  morts 
furenl  sii>nalées  presque  simultanément  en  divers  points  de  l'Europe, 
et  répouvanle  fut  telle  que  celle  substance  parut  à  jamais  proscrite 
■des  services  de  chirurgie. 

Non  seulement,  disait-on,  la  cocaïne  peut  luer,  mais  ce  poison,  en 
réactif  sur  l'organisme  humain,  n'est  soumis  à  aucune  loi,  elTarbi- 
Iraire  le  plus  décourageant  préside  à  ses  effets  :  parfois  une  dose 
insignifiante  amène  les  accidents  le  plus  redoutables,  tandis  que 
des  quantités  massives  sont  tolérées  sans  inconvénients.  L'analgésie 
elle-même  reste  problématique  et,  si  une  injection  jugule  toute 
douleur  pour  une  intervention  petite  ou  grande  sur  certains  individus, 
sur  d'autres  la  même  injection,  pour  la  même  intervention,  est 
souvent  inefficace  (I). 

Préparation.  —  La  cocaïne  proprement  dite  est  composée  de 
plusieurs  alcaloïdes,  dont  les  plus  connus  sont  :  la  cocaïne  /,  la 
cocaïne  <:/,  la  benzol-ecgonine,  la  cinnamyl-ecgonine,  la  cinnamyl- 
cocaïne,  les  Iruxillines,  la  Iropacocaïne  et  l'hygrine. 
V  La  seule  utilisée  en  médecine  est  la  cocaïne  gauche  ou  méthyl- 
benzolecgonine.  On  l'obtient  par  deux  procédés  :  l'extraction  el  la 
synthèse. 

1°  Extraction.  —  C'est  à  la  méthode  due  à  M.  Bignon,  pharmacien  à 
Lima,  que  l'on  a  recours  en  Amérique  pour  extraire  la  cocaïne  des 
feuilles  de  coca. 

Les  feuilles,  à  l'état  pulvérulent,  sont  intimement  mélangées  à 
une  solution  de  carbonate  de  sodium  ;  puis  on  ajoute  du  pétrole 
dislillable  entre  200  et  250°,  et  l'on  agite  le  tout  d'une  manière  con- 
tinue, pendant  quelques  heures,  à  une  température  tiède;  sous  l'in- 
fluence du  réactif  alcalin,  les  alcaloïdes  de  la  coca  sont  déplacés  de 
leurs  combinaisons  salines  et  se  dissolvent  dans  l'hydrocarbure. 

Le  résidu  est  enfermé  dans  des  sacs  d'étofic  assez  résistants  pour 
subir  la  pression  qui  permettra  de  séparer  les  liquides  de  la  masse 
solide  ;  des  liquides  recueillis  on  obtiendra,  par  décantation, 
la  dissolution  des  alcaloïdes  dans  l'hydrocarbure,  que  l'on  neutra- 
lisera en  l'agitant  avec  une  solution  aqueuse  d'acide  chlorhydrique  : 
on  obtiendra  alors  par  évaporalion  et  refroidissement  le  chlorhy- 
drate de  cocaïne,  que  l'on  traitera  par  la  dessiccation  et  la  pression. 

Les  chlorhydrates  ainsi  obtenus  sont  repris  par  l'eau,  puis  décom- 
posés par  l'ammoniaque,  qui  précipite  les  bases  libres  ;  celles-ci 
séchées  prennent  le  nom  de  cocaïne  brute. 

{])  D''  Paul  Reclus,  L'ancsLliésie  localis^-e  par  la  cocaïne,  Paris,  1903. 


172  NOGUE.  —  ANESTHESIE. 

La  cocaïne  brûle  conlienl  80  à  95  p.  100  de  cocaïne  /  et  20  à 
15  p.  100  de  cocaïne  d,  d'isatropyl-cocaïne,  de  benzoyl-ecgonine,  de 
Iruxillines  et  d'hygrine. 

On  dissout  alors  la  cocaïne  brute  dans  l'alcool  ;  on  neutralise  en 
ajoutant  une  solution  alcoolique  d'acide  chlorhydrique,  et  l'on  obtient 
ainsi  le  chlorhydrate  decocaïne  cristallisé  séparé  des  autres  bases  qui 
restent  dans  la  liqueur  alcoolique. 

2°  Synthèse.  —  La  cocaïne  est  un  éther  méthylique  et  benzoïque 
de  l'ecgonine  gauche  :  elle  est  retirée  des  résidus  du  traitement  de  la 
cocaïne  brute  en  les  dissolvant  dans  un  excès  d'acide  chlorhydrique 
et  en  portant  la  solution  à  l'ébullition  pendant  une  heure  ;  on  filtre, 
on  concentre  la  liqueur,  on  isole  le  chlorhydrate  d'ecgonine  par 
cristallisation  ;  on  termine  la  séparation  de  ce  sel  en  ajoutant  de 
l'alcool  et  de  l'éther  aux  eaux  mères,  puis  on  le  traite  par  un  alcali 
pour  obtenir  la  base. 

On  prend  une  molécule  d'ecgonine  en  solution  aqueuse  saturée  à 
chaud  avec  un  peu  plus  d'une  molécule  d'anhydride  benzoïque  ;  on 
chautl'e pendant  une  heure,  on  laisse  refroidir,  on  épuise  la  masse, 
orictallidpe  ^n  nnrtjp.  nar  de  l'éther  qui  enlève  l'anhydride  benzoïque 
en  excès  et  l'acide  benzoïque  formé. 

Le  résidu,  traité  par  un  peu  d'eau,  dissout  l'ecgonine  et  laisse  son 
éther  benzoïque  en  suspension;  la  benzoyl-ecgonine  est  transformée 
en  méthyl -benzoyl-ecgonine  par  l'action  de  l'iodure  de  méthyle  en 
solution  alcoolique  alcalinisée  (procédé  de  Liebermann  et  Giesel). 
En  remontant  de  la  tropine  à  la  cocaïne,  on  passe  par  les  corps 
suivants  (  1  )  : 

1"  Tropinone,  pseudo-lropine,  tropacocaïne  ; 

2°  Ecgonine,  benzoyl-ecgonine,  éther  mélhylique  de  l'ecgonine, 
cocaïne. 

Tous  ces  alcaloïdes  ont  été  étudiés  parles  physiologistes,  qui  les 
ont  classés  en  quatre  groupes  : 

1°  Le  groupe  de  la  tropine  et  de  ses  dérivés  immédiats  (benzoyl-tro- 
pine  et  homotropine)  comprend  les  mydria tiques  non  anesthésiques  ; 
2°  Le  groupe  de  la  pseudo-tropine  :  tropacocaïne,  comprend  des 
anesthésiques  locaux  non  mydriatiques  ; 

3°  Le  groupe  de  l'ecgonine  :  éther  mélhylique,  benzoyl-ecgonine, 
comprend  des  corps  intermédiaires  entre  la  tropine  et  la  cocaïne,  peu 
ou  pas  mydriatiques,  non  anesthésiques; 

4°  La  cocaïne  est  en  même  temps  mydrialique  et  anesihésique. 
Quels  enseignements  pouvons-nous  relirerdes  faits  qui  ont  amené 
cette  division  ? 

Nous  conslalons  surtout  une  difCérence  très  intéressante  entre  les 
dérivés  immédiats  de  la  tropine  et  ceux  de  la  pseudo-tropine.  Chi- 

(1)  Ernest  Fouhm-au,  Bull,  des  sciences  pfiann.,  sept.  1904. 


ANESTHÉSIE  PAR  INJECTION  DANS  LES  TISSLS.  173 

mi(|ucnient,  ces  deux  séries  no  se  dislingnenl  rune  dcraulre<|ue  par 
la  position  de  roxydrile  dans  Tespace,  la  pseudo-lropine  élanl  la 
forme  slahlede  la  Iropine.  Mais  celte  simple  isomérie  stéréo^éomé- 
Irique  entraîne  des  perlurbalions  considérables  dans  l'action  physio- 
lo<>iquc.  On  pourrait  coniparerla  tropine  et  lapseudo-tropine  à  deux 
naviresconstruitsidentiquemmentsur  le  même  modèle,  auxquels  un 
gouvernail  res|>eclif  imprimerait  des  directions  opposées.  Poussant 
plusloin  la  comparaison,  on  pourrait  dire  que,  de  même  que  l'action 
du  gouvernail  peut  être  contrariée  par  celle  des  rames  ou  des  voiles, 
de  même  on  ixnit  diriger  la  molécule  Iropi nique  dans  le  sens  de 
lanalgésie  locale,  en  accummulanl  sur  elle  certains  groupements 
dont  aucun  ne  suffit  à  lui  seul. 

Voilà  donc  deux  enseignements  bien  distincts,  que  Ton  peut  résumer 
ainsi. 

Dans  certains  cas,  la  molécule  primitive,  par  exemple  la  pseudo- 
tropine,  est  pour  ainsi  dire  en  puissance  d'anesthésie  ;  elle  est,  pour 
parler  un  langage  médical,  candidate  à  l'action  analgésique  locale. 
Il  suffitde  lui  adjoindre  un  seul  groupement  bien  choisi  pour  obtenir 
un  corps  éminemment  actif. 

Dans  d'autres  cas,  comme,  par  exemple,  celui  de  la  tropine,  la 
molécule  a  besoin  d'être  surchargée  de  certains  groupements  agissant 
dans  le  même  sens  anesthésique. 

Il  est  très  important  d'ajouter  que  ces  groupements  ne  peuvent 
être  répartis  d'une  manière  quelconque.  Wiltslaetter  a,  en  effet, 
préparé  une  cocaïne  synthétique,  la  cocaïne,  dans  laquelle  le 
carboxyle  et  Toxydrile,  tous  deux  éthérifiés  de  la  même  façon  que 
dans  la  cocaïne,  se  trouvent  placés  sur  le  même  atome  de  carbone: 

CfiH5_C00.        ,C02.CH3 
CH0.C0.CGH3  \/ 

/     \  /\ 

CH2  ^CH.CO^CHa  /  \ 

il  CH^  CH^ 

I  I 

Cocaïne  ordinaire.  Cocaïne  a. 

en  position  para  relativement  à  l'azote. 

Cette  cocaïne  y.  contenant  par  consécpient  toutes  les  chaînes  latérales 
delà  cocaïne^  mais  dans  un  ordre  différent,  est  dépourvue  de  toute 
action  anesthésique. 

Propriétés  physiques  de  la  cocaïne.  —  Cristallisai  ion.  — 
Prismes  rhomboïdaux  à  quatre  ou  six  pans,  dans  l'alcool. 

Solution.  —  Peu  soluble  dans  l'eau;  1700  dans  l'eau  à  li»;  très 
soluble  dans  l'alcool  et  l'éther  ;  soluble  dans  i'oléonaphte,  l'huile 
d'olive,  l'huile  d'arachide  (Poinsot,  Vigier). 

Fusion.  —  Fond  à  98°. 

Odeur.  —  Sans  odeur. 

Saveur.  —  Amère. 


174  NOGUÉ.  —  AXESTHESIE. 

Le  sol  anhydre,  employé  en  médecine,  esl  1res  soluble  dans  l'eau 
et  dans  l'alcool. 

Lorsqu'on  mel  la  cocaïne  en  contactavec  l'épiderme  normal,  môme 
en  solutions  concentrées  (solution  hydro-alcoolique  à  "20  p.  100),  on 
n'observe  aucune  action  générale  ou  locale.  C'est  que  cet  épiderme 
forme  une  barrière  infranchissable  pour  la  pénétration  du  médica- 
ment. Mais,  si  Ton  détermine  sur  cette  surface  imperméable  une 
perte  de  substance,  on  voit  de  suite  son  action  se  manifester.  Il  en 
est  de  même  quand  la  cocaïne  est  mise  au  contact  d'une  muqueuse. 
Il  se  produit  une  vaso-constriction  intense,  et  de  rosée  la  muqueuse 
devient  blanche.  Nulle  part  cette  action  n'est  aussi  nette  que  sur  la 
piluitaire.  En  môme  temps  que  l'anémie  des  tissus  se  produit  l'anes- 
Ihésie.  11  était  naturel  de  penser  que  la  perle  de  la  sensibilité  était 
sous  la  dépendance  de  la  vaso-conslriclion.  Mais  Arloing  ne  tarda 
pas  à  démontrer  qu'il  n'en  était  rien.  Pour  cela,  chez  un  lapin 
dont  l'œil  a  été  insensibilisé  par  la  cocaïne,  il  coupe  le  cordon  sym- 
pathique du  même  côté  :  aussitôt  on  voit  une  vascularisation  consi- 
dérable remplacer  l'anémie,  et  cependant  la  sensibilité  reste  abolie. 

L'insensibilité  persiste  pendant  trois  à  quatre  minutes,  puis  dispa- 
raît progressivement  :  les  tissus  reprennent  leur  coloration  normale.  Il 
en  est  de  môme  si  l'on  fait  pénétrer  la  cocaïne  dans  l'épaisseur  des  tis- 
sus, en  franchissant  la  barrière  épidermique  avec  l'aiguille  de  Pravaz. 

«  La  cocaïne,  le  type  le  plus  parfait  des  anesthésiques  locaux, 
possède  la  plu[»arldes  propriétés  qui  caractérisent  les  anesthésiques 
généraux  et  doit  de  ce  chef  être  rapprochée  du  protoxyde  d'azote, 
du  chloroforme  et  de  l'élher.  Introduite  dans  l'organisme,  elle 
retentit  sur  tous  les  éléments  anatomiques  et  sur  toutes  les  activités 
physiologiques,  qu'elle  excite  d'abord  et  qu'elle  paralyse  ensuite. 
Cette  action  est  temporaire  :  elle  ne  fait  qu'arrêter,  pour  un 
moment,  les  phénomènes  qui  se  reproduisent  lorsqu'on  éloigne 
l'agent  perturbateur.  La  cocaïne  à  dose  faible  retarde  la  fermen- 
tation et  la  germination  ;  à  dose  forte,  elle  la  suspend;  elle  exerce 
une  action  universelle  sur  le  protoplasma  vivant,  ce  qui  est  un  des 
principaux  attributs  des  véritables  anesthésiques  »  (Reclus). 

Cependant  cette  aneslhésie  générale  ne  survient  qu'à  la  fin, 
comme  un  phénomène  ultime  de  l'intoxication,  alors  que  la  vitalité 
de  l'animal  est  gravement  atteinte.  Et  encore,  même  à  ces  doses  con- 
sidérables, elle  n'anesthésie  pas  complètement  les  centres   nerveux. 

Action  sur  les  animaux.—  L'action  générale  de  la  cocaïne  sur  les 
animaux  varie  selon  l'espèce  d'animal  sur  laquelle  on  expérimente. 
Anrep  avait  montré  que  la  cocaïne  chez,  les  animaux  à  sang  chaud, 
déterminait  une  action  excitante  des  plus  marquée  sur  les  centres 
nerveux.  Mais  ces  phénomènes  ne  s'observent  guère  chez  les  ani- 
maux à  sang  froid,  par  exemple  chez  les  grenouilles.  Chez  le  même 
animal  ù  sang  chaud,  augmentons  les  doses  :  les  phénomènes  d'exci- 


AXESTIŒSIE  PAR  INJECTION  DANS  LES  TISSUS.  17S 

talion  aiigmenleiil.  rapidement  et  les  convulsions  apparaissent.  A 
partir  de  ce  moment,  on  obtient  des  piiénomènes  vérilablement 
toxiques.  On  pourrait  peut-être  appeler  dose  phi/siologiqiie  la  dose 
d'alcaloïde  capable  d'exalter  simplement  les  fonctions  physiolo- 
giques de  ranimai  sans  les  perturber,  c'est-à-dire  sans  donner  nais- 
sance à  des  convulsions  (Delbosc). 

A  côté  de  ces  phénomènes  dominants,  il  s'en  produit  d'autres  de 
même  origine,  mais  qu'on  peut  considérer  comme  accessoires. 

Vulpian  a  noté  chez  le  chien  une  propulsion  des  globes  oculaires, 
de  la  mydriase  et  un  agrandissement  des  paupières,  résultat  abso- 
lument semblable  à  celui  que  l'on  obtient  en  faradisant  le  bout 
supérieur  du  cordon  cervical  sympathique  coupé  entravers.  Vulpian 
croyait  en  elï'et  que  la  cocaïne  excitait  tout  d'abord  les  origines 
cervicales  du  sympathique,  c'est-à-dire  la  moelle.  Cette  excitation 
avait  pour  conséquence  une  constriction  des  vaisseaux,  qui  lui  per- 
mettait de  com])rendre  l'élévation  de  la  pression  sanguine.  Cette 
élévation  succédait  d'ailleurs  à  un  abaissement  primitif,  dû  à  un 
effet  direct  de  la  cocaïne  sur  les  parois  du  cœur. 

Laborde  croyait  également  à  une  excitation  des  filets  vaso- 
constricteurs  du  grand  sympathique,  car  il  avait  observé  sur  le  lapin 
une  anémie  constante  des  vaisseaux  auriculaires. 

La  fréquence  excessive  des  battements  du  cœur  doit  être 
expliquée  de  la  même  façon.  Aussi  tous  ces  phénomènes,  joints  à 
l'hyperexcitabilité  réflexe,  sont  une  preuve  non  douteuse  de  l'action 
de  la  cocaïne  sur  la  moelle. 

Mais  les  autres  parties  de  l'axe  encéphalo-médullaire  sont  égale- 
ment influencées.  On  doit  penser  tout  naturellement  au  bulbe,  en 
présence  des  modifications  apportées  dans  le  rythme  respiratoire  et  à 
l'encéphale  pour  expliquer  l'impulsion  motrice  inévitable  qui  anime 
un  animal  cocaïnisé.  Il  est  bon  de  remarquer  que  cette  action  sur 
l'encéphale  est  beaucoup  plus  manifeste  chez  l'homme,  dont  les  facul- 
tés psychiques    sont  notablement  augmentées  et  même  perturbées. 

On  peut  conclure  que  la  cocaïne  à  dose  physiologique  est 
un  excitant  de  l'axe  encéphalo-médullaire,  avec  prédominance  peut- 
être  médullaire. 

Chez  les  animaux  à  sang  chaud,  dès  qu'on  injecte  une  dose 
suffisante  de  cocaïne,  on  voit  apparaître  les  convulsions.  Cette  dose 
varie  avec  la  taille  de  l'animal.  Avec  deux  animaux  de  même  espèce, 
mais  de  poids  différent,  celui  qui  pèse  le  moins  est  toujours  plus 
sensible  à  l'action  de  la  cocaïne,  même  la  dose  de  cocaïne  étant 
proportionnellement  la  même  (Delbosc).  La  raison  est  que  le  rapport 
entre  le  poids  total  du  corps  et  le  poids  du  cerveau  est  à  l'avantage 
du  plus  petit.  Ce  rapport  est  très  important,  et  cette  importance  va 
être  mise  en  relief  par  l'étude  comparative  des  doses  de  cocaïne 
nécessaires  pour  produire  des  convulsions  suivant  l'espèce  animale. 


176  NOGUE.  —  ANESTHESIE. 

Voici  les  résultats  obtenus  par  les  expérimentateurs  : 

Cobaye  :  injections  dans  le  tissu  celiulaire  ou  le  péritoine. 

Compain,  Paris,  1SS6 0,02  cocaïne:  légère  excitation. 

Delb'osc       —       1889 0.03        —  excitation. 

—  —   0,06       —  vi%^e  excitation. 

—  -- 0,07        —  convulsions,   survie. 

—  — 0,08       —  convulsion,   mort. 

—  — 0.08        —  —  — 

Laborde       —       1889 0,08       —  —  — 

Dose  convulsivante  :  0,07  par  kilogramme  d'animal. 

Lapin  :  injections  dans  le  péritoine. 
Delbosc  1889 0.03  de  cocaïne  :    rien. 

—  0,10  —  excitation. 

—  0,12  —  excitation. 

0,15  —  vive  excitation. 

—           0,15  —  convulsions,  survie. 

—           0,18  —  vive  excitation. 

0,18  —  con\iilsions,  survie. 

—           0,20  —                        —                 — 

—  , 0,20  '  —  convulsions,  mort. 

—  0,20  —  —  — 

—  0,20  —  —  — 

Dose  convulsivante     0,18  par  kilogramme  d'animal. 

Si  maintenant  on  recherche  chez  chacun  de  ces  animaux  ayant 
servi  aux  expériences  quel  est  le  rapport  existant  entre  le  poids 
moyen  de  son  cerveau  rapporté  au  kilogramme  de  son  poids,  on 
trouve  (Delbosc)  : 

Poids  du  cerveau 

rapporté  au  Dose 

kilo  d  animal.  convulsivante. 

Lapin : 4  0,18 

Cobaye 7  0,07 

Du  simple  examen  de  ce  tableau  résulte  ce  fait  que  la  dose  de 
cocaïne  nécessaire  pour  produire  des  convulsions  est  d'autant  plus 
petite  que  la  masse  cérébrale  est  plus  grande. 

Il  est  intéressant  de  rechercher  si  cette  loi  se  vérifie  chez  l'homme. 
C'est  ce  que  Delbosc  a  essayé  de  faire. 

Tout  d'abord,  dit-il,  il  nous  est  facile  de  trouver  une  des  inconnues. 
En  eiTel,  d'après  Cuvier,  le  rapport  moyen  entre  la  masse  cérébrale 
de  l'homme  et  le  poids  total  de  son  corps  est  de  un  vingt-huitième,  ce 
qui  donne  35,  en  rapportant  cette  proportion  au  kilogramme  d'animal. 

Lorsqu'on  emploie  une  quantité  de  cocaïne  supérieure  à  celle  qui 
est  capable  de  provoquer  des  mouvements  épileptiformes,  l'animal 
est  souvent  tué.  Il  suffit  en  effet  de  se  reporter  aux  tableaux  précé- 
dents pour  voir  que  la  dose  mortelle  suit  la  dose  convulsivante.  La 
même  loi  préside  d'ailleurs  à  l'évolution  de  ces  deux  phénomènes; 
et  pour  tuer  un  animal,  il  faudra  une  quantité  de  cocaïne  d'autant 
moindre  que  le  cerveau  sera  plus  développé. 

Action  de  la  cocaïne  sur  1  homme.  —  D'une  façon  générale,  on 
peut  dire  que  laclion  <le  la  cocaïne  à  dose  toxique  sur  l'homme  se 
manifeste  par  une  extrême  pâleur  de  la    face,  par  une  décoloration 


ANESTIli:SIE  PAR  IXJEGTION  DANS  LES  TISSUS.  177 

Ires  marinico  dt's  muqueuses  et  des  extrémités  accompagnée  de 
relVoidisseinenl.  Accélération  et  intermittences  des  battements  du 
cœur,  fréquence  de  la  respiration,  angoisse  précordiale,  perte 
incomplète  de  la  connaissance  avec  sentiment  de  fin  prochaine,  sont 
les  phénomènes  concomitants.  A  une  dose  plus  élevée  Os',20  chez 
l'adulte),  les  convulsions  peuvent  apparaître. 

Prenons  maintenant  avec  Delbosc  ces  phénomènes  un  à  un,  et 
nous  verrons  qu'ils  peuvent  être  expliqués  par  l'action  de  la  cocaïne 
sur  le  système  nerveux  et  plus  particulièrement  par  excitation  de 
Taxe  encéphalo-médullaire. 

Dans  l'intoxication  légère,  la  moelle  sera  la  première  et  souvent  la 
seule  prise.  D'où  la  pâleur  de  la  face  et  des  téguments,  car  c'est 
dans  la  moelle  que  se  trouvent  principalement  les  origines  du  grand 
sympathique,  et  l'on  sait,  d'après  Dastre,  que  les  phénomènes  de  la 
circulation  se  trouvent  sous  la  dépendance  de  ce  système  sympa- 
thique. On  conç^oit  alors  que  l'excitation  de  la  moelle  due  à  la 
cocaïne  se  manifeste,  grâce  aux  filets  vaso-constricteurs,  par  une 
diminution  notable  du  calibre  des  vaisseaux.  En  effet,  la  pâleur  des 
téguments  est  quelquefois  poussée  à  l'extrême. 

On  conçoit  que,  sous  celte  même  influence,  la  circulation  de  l'en- 
céphale soit  modifiée.  Schilling  en  a  eu  la  preuve  directe  :  dans 
un  cas  d'empoisonnement,  il  a  examiné  le  fond  de  l'œil  àl'ophtal- 
moscope  et  a  trouvé  que  les  vaisseaux  de  la  rétine  étaient  à  peine 
visibles. 

C'est  encore  à  l'influence  prédominante  de  la  cocaïne  sur  l'axe 
médullaire  que  sont  dus  les  troubles  circulatoires.  Car  l'excitation 
de  la  moelle  cervico-dorsale,  dans  laquelle  le  sympathique  prend  ses 
fibres  cardiaques,  produit  une  précipitation  des  mouvements  du 
cœur  qui  les  amène  au  taux  de  150  à  160  par  minute.  On  comprend 
de  même  que  la  pression  sanguine  s'élève  dans  les  premiers  moments 
pour  baisser  aussitôt,  caries  battements  du  cœur,  quoique  nombreux, 
sont  très  petits,  perdant   en  force  ce  qu'ils  gagnent  en  vitesse. 

Cette  excitation  du  grand  sympathique  peut  encore  expliquer 
bien  des  phénomènes.  Sous  son  influence,  tous  les  organes  à 
muscles  lisses  peuvent  se  contracter,  et  cette  action  se  manifestera 
plus  particulièrement  sur  la  pupille,  qui  se  dilatera  ;  sur  l'estomac, 
dont  les  contractions  seront  parfois  augmentées  jusqu'à  produire 
le  vomissement;  sur  l'intestin,  dont  le  péristaltisme  pourra  aller 
jusqu'à  l'effet  purgatif. 

D'autres  fois,  les  phénomènes  médullaires  passeront  inaperçus  ou 
même  n'existeront  pas  ;  les  etîetsde  lacocaïnese  localiseront  sur  le 
bulbe  ;  alors  on  verra  la  respiration  s'accélérer  grâce  à  l'excitation 
directe  des  origines  du  pneumogastrique  (Mosso).  Dans  les  premiers 
moments,  la  fréquence  des  contractions  diaphragmatiques  devient 
extrême    :  les     mouvements    sont  petits,     précipités,      saccadés, 

Thaité  de  stomatologie.  VI.   —    12 


178  XOGUÉ.  —  ANESTHÉSIE. 

puis    se    ralenlissenl  progressivement     par     épuisement    nerveux. 

Si,  au  contraire,  la  cocaïne  porte  son  action  sur  rcncéphale,  on 
voit  alors  éclater  la  série  des  phénomènes  psychiques.  Le  sujet  pourra 
avoir  des  attendrissements  subits,  puis  sans  transition  des  accès  de 
fureur.  Parfois  ses  facultés  intellectuelles  seront  surexcitées  au 
plus  haut  degré:  il  se  rappellera  tout  à  coup  des  faits  qui  s'é- 
taient passés  il  y  a  vingt  et  trente  ans  et  qu'il  avait  totalement 
oubliés. 

Enfin,  si  la  dose  de  cocaïne  est  trop  forte,  on  voit  tout  à  coup 
éclater  des  phénomènes  plus  graves  :  des  convulsions.  Les  mouve- 
ments toniques  d"abord  et  cloniques  ensuite  deviennent  plus 
violents  à  mesure  qu'on  se  rapproche  de  la  terminaison  fatale. 
Pendant  cette  période  convulsive,  on  peut  voir  la  face  se  cyanoser, 
la  respiration  s'embarrasser  :  les  battements  du  cœur  deviennent  de 
moins  en  moins  perceptibles  elle  malade  meurt. 

Le  premier  effet  de  la  cocaïne  est  de  provoquer  une  contraction 
des  tuniques  vasculaires  :  les  cellules  sensitives  insuffisamment 
nourries  perdent  ensuite  toutes  fonctions  physiologiques. 
Arloing  (1)  a  prouvé  que  ces  deux  phénomènes  étaient  absolu- 
ment indépendants.  Il  rapporte  d'abord  l'anémie,  la  pâleur  des 
tissus  à  une  excitation  de  filets  vaso-constricteurs  du  grand  sympa- 
thique. Il  suffit,  en  effet,  de  cocaïniser  l'œil  d'un  lapin  et  de  faire 
ensuite  la  section  du  sympathique  cervical  pour  voir  une  vascula- 
risation  énorme  de  la  conjonctive  succéder  à  l'anémie  de  cette 
membrane.  Et  cependant  l'œil  reste  toujours  insensible.  Dès  lors,  il 
faut  renoncer  à  expliquer  l'analgésie  par  la  constriction  des 
vaisseaux.  Arloing  croit  à  une  action  directe  sur  les  fibres  termi- 
nales sensitives.  Et  cette  opinion  n'est  pas  une  simple  hypothèse  : 
il  l'appuie  sur  les  expériences  suivantes  : 

Un  fragment  de  nerf  sciatique  d'une  grenouille  est  immergé  dans 
une  solution  forte  de  cocaïne.  Le  nerf  devient  brun  jaunâtre,  et  on 
trouve  à  lexaraen  microscopique  que  tout  le  contenu  des  fibres 
nerveuses  est  coagulé,  dissocié.  Un  autre  fragment  de  nerf  immergé 
pendant  le  même  temps  dans  de  l'eau  distillée  ne  présente  de  coa- 
gulation qu'au  voisinage  de  la  gaine  de  Sclnvann.  Il  faut  donc 
admettre  que  la  cocaïne  agit  en  altérant  le  protoplasma  des 
éléments  nerveux. 

D'ailleurs,  il  est  à  remarquer  que,  dans  un  nerf  mixte,  les  fibres 
sensitives  sont  les  premières  atteintes  ;  les  fibres  motrices  ne  le  sont 
que  secondairement.  Feinberg  a  vu  que  la  cocaïne,  appliquée  sur 
un  nerf  mis  à  nu,  produit  une  anesthésie  locale  qui  se  propage  à  la 
périphérie,  tandis  que  le  bout  central  du  nerf  et  sa  motilité  restent 
intactes. 

(1)  Arloi.ng,  l.yon  méd.,  17  mai  1885.  —  Delbosc,  Thèse  de  Paris,  1889. 


ANESTHESIE  PAR  INJECTION  DANS  LES  TISSUS.  179 

Parfois,  après  une  application  locale  de  cocaïne,  on  obtient  iine 
analgésie  généralisée  ù  tout  le  tégument.  Laborde,  qui  le 
premier  (1)  a  vu  le  phénomène,  renonce  à  l'expliquer  :  il  se  contente 
de  faire  remarquer  que  lesystème  nerveuxcentral  n'est  pas  influencé, 
car  lexcitubililédii  tronc  nerveux  est  conservée  et  même  augmentée. 
Brown-Séquard  (2)  croit  que  ce  phénomène  doit  être  rapproché 
de  ce  cas  cité  par  Richet  en  184G,  et  dans  lequel  une  simple  cauté- 
risation au  fer  rouge  produisit  une  analgésie  non  seulement  du 
point  touché,  mais  encore  du  corps  tout  entier. 

Les  opinions  sont  actuellement  divisées  sur  la  question  de 
savoir  si  Tanesthésie  produite  par  la  cocaïne  est  le  résultat  du 
trouble  vaso-moteur  (les  artérioles  se  contractant  sous  son 
influence,  les  filaments  nerveux  se  trouveraient  anémiés),  ou  si  la 
cocaïne  paralyse  directement  les  extrémités  nerveuses,  soit  de  sensi- 
bilité, du  toucher,  soit  de  sens  spécial,  car  elle  fait  disparaître  la 
faculté  du  goût  et  de  l'odorat,  aussi  bien  que  la  perception  du 
toucher  et  de  la  douleur.  Quand  on  administre  la  cocaïne  à  la  dose 
et  de  la  façon  voulues  pour  afl'ecter  toute  l'économie,  le  cerveau 
paraît  s'exciter,  le  cœur  être  stimulé  et  la  pression  sanguine 
augmenter.  Les  doses  délétères  tuent  par  asphyxie,  la  respiration 
cessant  et  le  cœur  s'arrêtant  en  diastole  ;  mais  ce  fait  n'a  pas  encore 
été  observé  chez  l'homme,  la  quantité  nécessaire  au  dénouement 
fatal  étant  très  considérable. 

Cet  agent  diminue  toutes  les  sécrétions  et,  bien  qu'au  début  les 
mouvements  de  l'intestin  soient  légèrement  stimulés,  des  doses  plus 
fortes  ou  la  continuation,  du  médicament  amènent  de  la  paresse 
intestinale,  la  dyspepsie  et  la  constipation.  Les  échanges  molécu- 
laires s'atténuent,  et  la  quantité  de  l'urine  diminue  parallèlement  ; 
la  température  semble  s'élever  un  peu.  On  a  constaté  la  production 
de  l'albuminurie  et  la  présence  du  sucre  dans  l'urine.  C'est  probable- 
ment par  les  reins  que  la  cocaïne  s'élimine.  On  ne  sait  rien  de 
positif  relativement  à  son  action  sur  la  fibre  musculaire. 

«  Brown-Séquard  considère  l'effet  de  la  cocaïne  comme  un  nouvel 
exemple  d'action  inhibitrice,  ses  expériences  l'ayant  convaincu  que 
la  cocaïne  agit  sur  les  centres  nerveux  par  l'intermédiaire  des  nerfs 
périphériques.  Les  phénomènes  qui  résultent  de  l'injection  de 
la  cocaïne  au  niveau  du  larynx  sont,  pour  lui,  les  mêmes  que  ceux 
produits  par  l'application  d'un  jet  d'acide  carbonique  sur  la 
membrane  muqueuse  de  cet  organe.  Deux  minutes  après  l'injection, 
il  y  a  une  anesthésie  généralisée  et  une  analgésie  des  différentes 
plaies  faites  sur  le  corps  de  l'animal.  L'anesthésie  cutanée  ne  dure 
que  quelques  minutes,  mais  l'analgésie  des  plaies  persiste  même 
encore  le  lendemain.  Si   l'on  fait  de  nouvelles  blessures,  celles-ci, 

(J)  Laborde,  Soc.   de  hiol.,  24  déc.  1884. 

(2)  Brown-Séquard,  Soc.  de  biol.,  14  mars  1885. 


180  NOGUÉ.  —  ANESTHÉSIE. 

loin  cl'tMre  analgésiques,  deviennent  au  contraire  hyperalgésiques. 
Ce  qui  prouverait  que  la  cocaïne  agit  sur  les  centres  nerveux  et 
particulièrement  sur  le  cervelet,  c'est  que  des  injections  de  cette 
substance  produisent  quelquefois  un  mouvement  de  roulement  du 
côté  opposé  à  l'injection  et  d'autres  fois  un  mouvement  tournant. 
D'autres  expériences  de  Brown-Séquard  prouvent  l'action  inhibi- 
trice  de  la  cocaïne  :  quand  la  dose  injectée  était  assez  grande  pour 
produire  des  convulsions,  il  suffisait  de  tirer  ou  de  fléchir  fortement 
les  doigts  de  pieds  pour  arrêter  immédiatement  les  convulsions. 
Chez  les  animaux  qui  mouraient  dans  ces  conditions,  la  tempéra- 
ture du  corps  après  la  mort  s'élevait  jusqu'à  44°. 

Le  mécanisme  de  l'action  anesthésiante  de  la  cocaïne  n'est  pas 
explicable,  d'après  Ch.  Richet,  par  ses  effets  vaso-constricteurs. 
L'anémie  qu'on  observe  constamment  après  une  injection  de  cocaïne 
ne  suffit  pas  pour  rendre  compte  de  l'insensibilité,  et  cela  pour 
plusieurs  raisons:  d'abord  parce  que  l'insensibilité  survient  plus 
vite  que  ne  pourrait  le  faire  l'anémie,  ensuite  parce  que  l'anémie 
n'est  jamais  complète.  Les  tissus,  quoique  insensibles,  saignent 
encore  quand  on  les  incise.  Enfin,  dans  la  cornée,  par  exemple,  il 
n'y  a  pas  de  vaisseaux  sanguins;  et  cependant  nous  voyons  qu'elle 
devient  insensible  du  fait  de  la  cocaïne.  Il  faut  donc  admettre,  ce 
qui  est  d'ailleurs  très  rationnel,  que  la  cocaïne,  portant  son  action 
sur  les  terminaisons  nerveuses,  les  empoisonne  directement  et  non 
par  le  mécanisme  de  l'anémie.  D'ailleurs,  en  physiologie,  l'explica- 
tion mécanique  des  intoxications  par  les  effets  vaso-moteurs  est  bien 
rarement  exacte.  Presque  jamais  ni  l'anémie,  ni  la  congestion  ne 
suffisent  pour  expliquer  les  symptômes  observés. 

D'après  Gabriel  Pouchet  (1),  l'action  paralysante  de  la  cocaïne  n'a 
absolument  rien  de  spécifique  sur  les  terminaisons  nerveuses  comme 
on  l'avait  admis  à  un  moment  donné  :  on  avait  cru  que  la  cocaïne 
exerçait  son  action  exclusivement  sur  les  terminaisons  nerveuses 
sensitives,  que  les  terminaisons  motrices  n'étaient  en  aucune  façon 
touchées,  et  on  avait  traduit  cette  interprétation  par  une  image  qui, 
comme  beaucoup  de  figures  de  rhétorique,  n'était  pas  exacte  : 
on  avait  appelé  la  cocaïne  un  curare  sensilif;  c'est  une  expression 
pittoresque  jusqu'à  un  certain  point,  mais  absolument  dépourvue 
de  vérité. 

Ce  qui  est  vrai,  c'est  que  la  cocaïne  suspend  l'activité  de  tous  les 
éléments  vivants  au  contact  desquels  on  la  met  à  dose  suffisante. 
C'est  un  véritable  poison  protoplasmique  :  toutes  les  variétés  du  pro- 
toplasma sont  touchées  par  la  cocaïne,  à  la  condition  que  cette 
cocaïne  agisse  sur  ce  protoplasma,  quel  qu'il  soit,  à  une  dose  et  à  un 
degré  de  dilution  suffisants.  On  peut  dire  que  c'est  un  poison  paraly- 

(1)  P''  Gabriel  Pouchet,  Cours  de  pharmacologie  et  de  matière  médicale  de 
la  Faculté  de  médecine  de   Paris,  1899. 


ANESTHESIE  PAR  IXJECTION  DANS  LES  TISSUS.  181 

sant  banal,  aussi  bien  des  terminaisons  nerveuses  motrices  que  des  ter- 
minaisons nerveuses  sensitives,  aussi  bien  des  nerfs  périphériques  de 
toutes  catégoriesquc  des  centresnerveux,  aussi  biendeséléments  mus- 
culaires que  des  éléments  glandulaires,  aussi  bien  des  cellules  épithé- 
liales  vibratiles  que  des  leucocytes  ;  enfin,  pour  ce  qui  regarde  le 
protoplasma  végétal,  la  cocaïne  est  un  poison  de  toutes  les  cellules, 
de  tous  les  microbes,  de  tout  ce  qu'on  peut  imaginer  de  vivant 
(G.  Pouchet).- 

Sous  rinfluence  de  la  cocaïne  mise  au  contact  d'un  tronc  nerveux, 
ainsi  que  Ta  démontré  François-Franck  dans  une  série  de 
recherches  extrêmement  précises,  on  peut  obtenir  une  section  phy- 
siologique progressive  et  transitoire  des  nerfs,  en  déterminant  une 
véritable  action  paralysante  locale;  un  cordon  nerveux  quelconque, 
qu'il  soit  centripète  ou  centrifuge,  qu'il  appartienne  au  système 
cérébro-spinal,  ou  bien  au  sympathique,  peut  être  fonctionnellement 
sectionné  dans  une  zone  très  limitée,  par  une  application  locale  de 
5  à  10  milligrammes  de  cocaïne  suivant,  bien  entendu,  le  volume  du 
nerf  et  le  mode  d'application.  Cette  action  suspensive  locale  peut 
s'observer  très  bien  même  sur  les  nerfs  moteurs  et  sur  les  nerfs 
exclusivement  moteurs,  et  c'est  François-Franck  qui  en  a  donné  le 
premier  la  preuve  en  montrant  que,  chez  le  chien,  par  exemple,  le 
phrénique  pouvait  être  inhibé  par  la  cocaïne  et  empêcher  tout 
mouvement  du  diaphragme. 

Cette  paralysie  que  produit  ainsi  le  contact  d'une  solution  de 
cocaïne  avec  le  tronc  nerveux  s'élablit  progressivement  ;  elle  survient 
très  rapidement  lorsque  la  cocaïne  est  introduite  par  voie  d'injection 
interstitielle  dans  la  gaine  celluleuse;  mais  il  faut  avoir  soin  de  ne 
pasdéterminerde  traumatisme  des  tubes  nerveux  ;  au  point  de  vue  de 
la  pratique  de  la  chirurgie,  c'est  extrêmement  difficile.  Cela  n'a  que 
peu  d'importance  quand  on  faitde  la  physiologie  expérimentale  ;  on  en 
est  quitte,  si  on  a  un  accident,  pour  recommencer  son  expérience; 
mais  il  en  est  autrement  dans  la  pratique  chirurgicale.  Celte  action 
paralysante  se  produit  aussi,  mais  avec  lenteur,  lorsque,  au  lieu  de 
faire  l'injection  dans  la  gaine  celluleuse,  on  fait  simplement  un 
enveloppement  du  nerf  dans  de  la  ouate  hydrophile  imbibée  d'une 
solution  de  cocaïne;  on  observe  alors  une  perle  de  la  conductibilité 
nerveuse,  et  cela  à  la  suite  d'une  très  courte  période  d'excitation; 
cette  perte  de  conductibilité  s'accuse  alors,  au  point  de  vue  péri- 
phérique, par  l'apparition  graduelle  de  modifications  fonctionnelles 
résultant  de  l'isolement  des  organes  périphériques  innervés.  C'est 
ainsi,  par  exemple,  que,  si  on  fait  une  injection  dans  la  gaine  cellu- 
leuse des  phréniques,  ou  si  on  enveloppe  les  deux  phréniques  d'un 
chien  avec  un  peu  d'ouate  hydrophile  imprégnée  d'une  solution 
de  chlorhydrate  de  cocaïne,  on  voit  cesser  peu  à  peu  les  con- 
tractions du  diaphragme,  par  suite  de  la  disparition  des  propriétés 


182  NOGUE.  —  ANESTHESIE. 

fonctionnelles    du    nerf    ainsi    mis    au    contact    de    la    cocaïne. 

La  perte  d'activité  est  complète,  comme  Ta  montré  François- 
Franck,  et  cela  dans  les  deux  sens;  elle  équivaut  véritablement  à 
une  section,  et  elle  s'étend  environ  à  l  ou2  centimètres  au  maximum 
au-dessus  et  au-dessous  de  la  zone  cocaïnée,  toutes  précautions  étant 
prises,  bien  entendu,  pour  éviter  la  diffusion,  Fimbibition  qui  pour- 
rait se  faire  des  tissus avoisinants.  Cet  isolement  du  nerf, — ce  résultat 
que  François-Franck  a  très  bien  caractérisé  au  point  de  vue  expérimen- 
tal par  le  nom  de  section  physiologique,  — persiste  pendant  un  temps 
variable,  bien  entendu,  avec  la  dose  de  cocaïne;  puis  la  restitution  à 
l'état  primitif,  à  l'état  normal,  se  fait  graduellement,  et  cela  après 
une  phase  très  courte  d'augmentation  de  l'excitabilité,  phase  qui  est, 
dans  la  période  de  retour,  équivalente  à  ce  qu'est,  au  début,  la  période 
d'excitation. 

La  réparation  est  parfaitement  complète,  absolue;  il  ne  reste 
véritablement  pas  la  moindre  trace  de  l'action  de  la  cocaïne  sur 
le  nerf,  et  François-Franck  part  de  là  pour  en  conclure  qu'il  ne 
s'agit  pas  d'une  combinaison  fixe  entre  le  protoplasma  et  la  co- 
caïne, pas  plus  que  d'une  altération  histologique  des  centres 
nerveux;  c'est  une  véritable  action  de  contact,  une  action  physico- 
chimique,   peut-être   même    simplement    une   action    mécanique. 

Au  point  de  vue  de  l'expérimentation,  le  principal  avantage  de 
cette  section  physiologique  consiste  surtout  dans  ce  fait  qu'on  peut 
obtenir  la  survie  des  animaux  sur  lesquels  on  a  pratiqué  une  opé- 
ration de  ce  genre  et  qu'on  peut  recommencer  cette  opération  dans 
des  conditions  absolument  identiques.  La  cocaïnisation  locale  peut 
donc,  comme  l'a  fait  ressortir  François-Franck,  être  utilisée  dans 
tous  les  cas  où  la  section  était  nécessaire,  et  cela  quel  que  soit  le 
nerf  sur  lequel  on  veuille  agir,  et  sans  que  l'animal  syr  lequel  on 
opère  soit  définitivement  sacrifié. 

Enfin,  au  point  de  vue  de  la  chirurgie  humaine,  elle  a  tous  les 
avantages  que  nous  venons  de  voir  tout  à  l'heure  :  la  possibilité 
d'opérer  une  région  qui  est  absolument  dépourvue  de  sensibilité,  et 
même  de  mouvement  jusqu'à  un  certain  point,  puisque  l'action  mo- 
trice elle-même  est  éteinte  sous  l'influence  de  la  cocaïne. 

Mais,  pour  tirer  le  meilleur  parti  de  la  cocaïne  au  point  de  vue  de 
son  application  à  la  physiologie  opératoire,  il  est  nécessaire  de  réa- 
liser certaines  conditions  qui,  si  elles  sont  différentes,  comme  cela 
semble  évident  a  priori^  des  conditions  dans  lesquelles  on  peut  se 
trouver  au  point  de  vue  de  la  pratique  chirurgicale,  n'en  sont  pas 
moins  intéressantes,  parce  qu'elles  montrent  comment  on  a  pu  arriver 
à  établir  la  technique  des  opérations  chirurgicales  en  se  basant  sur 
les  résultats  de  cette  technique  physiologique  et  de  l'expérimonlation 
sur  les  animaux. 

La  dose  doit  être  suffisante  pour  paralyser  localement  le  nerf  et 


ANESTHÉSIE  PAR  INJECTION  DANS  LES  TISSUS.  183 

insuriisanle  pour  provoquer  des  troubles  généraux  à  la  suite  de  son 
absorption;  c'est  là,  également,  l'idéal  de  son  emploi  au  point  de 
vue  de  la  chirurgie.  Un  fait  que  l'expérimentation  physiologique 
seule  pouvait  apprendre  et  (pii  a  une  importance  considérable  au 
point  de  vue  de  l'application  à  la  chirurgie  humaine,  c'est  celui-ci  : 
la  quantité  de  cocaïne  nécessaire  pour  obtenir  cette  action  inhibi- 
trice  sur  le  nerf  ne  varie  pas  suivant  la  taille  des  sujets,  comme  on  pour- 
rait se  l'imaginer  au  premier  abord  ;  elle  est  dilTérente,  par  exemple, 
chez  le  cobaye,  chez  le  chien,  chez  la  grenouille:  mais  elle 
varie  étroitement  suivant  le  volume  et  la  consistance  des  tissus 
nerveux. 

Le  contact  de  la  solulion  de  cocaïne  doit  être  exactement  limite 
au  nerf  qu'il  s'agit  de  supprimer  fonctionnellement,  et  c'est  ainsi, 
par  exemple,  que  la  cocaïnisalion  involontaire  et  accidentelle  des 
phréniques,  lorsqu'on  veut  arriver  à  cocaïniser  la  pneumogastrique 
chez  le  chien,  peut  arrivera  déterminer  l'arrêt  des  contractions  du 
diaphragme,  d'où  résulte  l'arrêt  des  mouvements  respiratoires,  par 
suite  de  la  cocaïnisation  en  masse,  non  seulement  des  vagues,  mais 
encore  des  phréniques  qui  leur  sont  accolés.  De  plus,  lorsqu'on  ne 
réalise  pas  cette  action  du  simple  contact  sur  un  tissu  nerveux,  on 
s'expose  à  l'absorption  et  aux  accidents  généraux  qui  peuvent  résul- 
ter de  cette  absorption.  Ce  sont  là  précisément  les  inconvénients 
que  Kummer  (de  'Vienne)  avait  mis  en  évidence,  à  la  suite  de  ce  qu'il 
appelait  les  injections  perdues,  c'est-à-dire  les  injections  faites  dans 
les  cas  où  l'anesthésie  n'était  pas  suivie  d'une  opération  sanglante 
donnant  issue,  par  le  sang  qui  s'écoulait,  à  une  quantité  plus  ou 
moins  considérable  de  la  solution  de  cocaïne  introduite  dans 
l'économie. 

Enfin  il  y  a  une  solution  de  choix  pour  cette  expérimentation  physio- 
logique, solution  de  choix  dont  le  titre,  naturellement,  diflere,  dans 
une  notable  mesure,  de  celui  qui  est  nécessaire  pour  obtenir  l'anes- 
thésie en  chirurgie  humaine  :  cette  solution  de  choix  est  au  titre  de 
1  p.  20  ;  c'est  une  de  ces  solutions  de  richesse  extrême  dont  il  faudrait 
se  garder  de  faire  usage  dans  la  pratique  habituelle.  IV  gouttes 
de  cette  solution  équivalent  à  1  centigramme  de  chlorhydrate  de 
cocaïne.  Les  expériences  de  François-Franck  ont  montré  qu'il  fallait 
des  quantités  variables  de  cette  solution  de  cocaïne  pour  déterminer 
chez  un  môme  animal,  chez  un  chien  de  taille  moyenne  par  exemple, 
et  en  quelques  secondes,  la  perte  locale  de  l'excitabilité  et  de  la  con- 
ductibilité nerveuses  par  injection  dans  la  gaine  celluleuse.  Ainsi, 
III  gouttes  de  cette  solution  sont  suffisantes  pour  déterminer 
l'inhibition  du  vago-sympathique  ;  IV  gouttes  sont  nécessaires 
pour  déterminer  l'inhibition  du  sciatique  ;  II  gouttes  suffisent 
pour  déterminer  la  disparition  des  propriétés  fonctionnelles  des 
récurrents,   du  laryngé   supérieur,  du    phrénique  ;    I    goutte    enfin 


184  NOGUÉ,  —  AXESTHESIE. 

suffit  pour  la  corde  du  tympan,  pour  riiypoglosse,  pour  les  branches 
supérieures  (iriennes  et  carolidiennes)  du  ganglion  cervical  supé- 
rieur, pour  le  nerf  vertébral,  etc. 

Pour  apprécier  l'étendue  de  la  zone  insensibilisée  par  la  cocaïne, 
François-Franck  injectait  dans  la  gaine  celluleuse  du  nerf  une 
solution  de  son  chlorhydrate  colorée  avec  une  substance  douée  d"un 
pouvoir  colorant  intense  :  cela  permettait  de  localiser  exactement 
les  régions  en  contact  direct  avec  la  cocaïne  et  d'acquérir  une  notion 
approximative  de  l'étendue  de  la  zone  imprégnée,  toutes  réserves 
faites  pour  une  différence  possible  entre  l'affinité  des  éléments  ner- 
veux, d'une  part  pour  la  matière  colorante,  d'autre  part  pour  la 
cocaïne. 

Il  ressort  des  intéressantes  recherches  de  Maurel  les  faits  sui- 
vants, auxquels  on  n'a  pas  à  notre  avis  prêté  toute  l'attention  qu'ils 
méritent  : 

1°  Tous  les  agents  physiques  ou  chimiques  capables  de  donner 
la  forme  sphérique  aux  leucocytes,  dans  les  mêmes  conditions, 
sont  capables  de  produire  l'anesthésie; 

2°  Pour  tous  ces  agents,  il  y  a  une  concordance  aussi  exacte  que 
possible  entre  les  degrés  de  température  ou  les  titres  qui  donnent  la 
forme  sphérique  aux  leucocytes  et  les  degrés  ou  les  titres  qui  pro- 
voquent l'anesthésie; 

3°  Par  conséquent,  vu  cette  concordance,   il  est  probable  que  le 
troubles  circulatoires  dépendant  des  modifications  subies  par   les 
leucocytes  sous  l'influence  de  ces  agents  entrent  pour  une  part  im- 
portante dans  la  production  de  l'anesthésie; 

A°  Enfin  la  cocaïne  étant  comprise  parmi  les  substances  pouvant 
produire  cette  modification,  il  est  probable  qu'au  moins  une 
partie  de  son  action  anesthésique  doit  s'expliquer  par  ce  méca- 
nisme. 

Mais  comment  celte  action  de  la  cocaïne  sur  le  leucocyte  peut-elle 
déterminer  l'anesthésie?  Leslcucocytesdevenus  sphériques  diminuent 
la  circulation  capillaire.  Or,  dès  qu'il  y  a  dans  les  tissus  suppression 
de  l'irrigation  sanguine,  il  y  a  anesthésie.  Quand  on  comprime  l'aorte 
abdominale  de  manière  à  supprimer  complètement  la  circulation  dans 
le  train  postérieur  d'un  animal,  le  premier  phénomène  observé  est  la 
perte  de  la  sensibilité.  C'est-à-dire  que,  de  tous  les  éléments  histolo- 
giques  de  ce  membre  inférieur,  ce  sont  les  terminaisons  sensitives  qui 
ont  le  plus  besoin  de  l'irrigation  sanguine  et  par  conséquent  les  pre- 
mières qui,  après  sa  suppression,  perdent  leur  fonction.  Depuis 
quelques  minutes  déjà  les  excitations  cutanées  sont  peu  senties  que 
les  fibres  musculaires  se  contractent  encore  el  que  les  filets  nerveux 
mixtes  conservent  leurdouble  conductibilité.  C'est  cette  plus  grande 
sensibilité  des  terminaisons  sensitives  à  la  suppression  de  la  circula- 
tion qui  permet  d'isoler  la  sensibilité  des  autres  fonctions,  et  c'est 


ANESTIIÉSIE  PAR  INJECTION  DANS  LES  TISSUS.  185 

parce  queraclion  de  la  cocaïne  est  avant  tout  mécanique  qu'elle  est 
anestliésique. 

Kn  outre,  son  action  sur  les  leucocytes  est  augmentée  par  celle  sur 
les  vaso-moteurs.  On  a  même  pu  croire  que  cette  action  vaso-con- 
slriclive  était  sulfisante  pour  produire  Tanesthésie.  Mais  les  expé- 
riences d'Arloing  ont  montré  que  l'on  pouvait  éviter  la  contraction  des 
vaisseaux  sans  supprimer  leurs  propriétés  anesthésiques. 

Cette  action  de  la  cocaïne  peut-elle  expliquer  comment  les  divers 
auteurs  ont  été  conduits  à  la  théorie  du  curare  sensitif  ou  à  l'action 
de  la  cocaïne  sur  les  centres  nerveux?  Maurel  pense  que  cette 
explication  est  désormais  des  plus  facile. 

L'expérience  fondamentale  sur  laquelle  repose  la  théorie  du  curare 
sensitif  est  la  suivante  :  si  Ton  injecte  de  la  cocaïne  dans  un  membre 
inférieur,  les  téguments  perdent  leur  sensibilité,  et  les  troncs  ner- 
veux conservent  la  leur.  L'action  as  la  cocaïne  s'exercerait  donc 
spécialement  sur  les  extrémités  sensilives. 

.Mais  on  obtient  les  mêmes  résultats  soit  après  les  injections  hypo- 
dermiques, soit  après  les  injections  intra-artérielles.  Si,  dans  les  con- 
ditions où  ces  expériences  ont  été  faites,  la  sensibilité  disparaît,  tan- 
dis que  les  fonctions  des  muscles  et  des  nerfs  persistent,  c'est  que 
les  terminaisons  nerveuses  sensitives  sont  les  éléments  dont  la  fonc- 
tion a  le  plus  besoin  de  l'irrigation  sanguine.  Le  même  fait  se  passe 
toutes  les  fois  que  cette  irrigation  sanguine  est  supprimée,  et  cela 
quelle  qu'en  soit  la  cause,  si  bien  que  la  compression  artérielle  et 
l'injection  artérielle  de  poudre  inerte  conduisentaux  mêmes  résultats. 
Il  s'agit  donc  ici  d'une  action  sur  la  circulation  et  non  sur  les  termi- 
naisons sensitives,  sur  lesquelles  la  compression  et  la  poudre  de 
lycopode  ne  peuvent  en  exercer  aucune. 

Si  l'on  sectionne  la  moelle  épinière  au  niveau  de  la  quatrième  ver- 
tèbre et  qu'on  injecte  de  la  cocaïne  dans  le  tronc,  on  voit  la  sensibilité 
persister  moins  longtemps  dans  le  train  antérieur  que  dans  le  train  pos- 
térieur. D'où  Ton  conclut  que  c'est  sur  la  moelle  qu'agit  la  cocaïne,  et 
ce  qui  le  prouverait,  c'est  que  ce  sont  les  parties  du  corps  desservies 
par  la  portion  de  la  moelle  non  soumise  à  l'action  de  la  cocaïne  qui 
conservent  la  sensibilité.  Les  auteurs  de  l'expérience  font  eux-mêmes 
remarquer  qu'en  sectionnant  la  moelle  ils  sectionnent  forcément  ses 
vaisseaux. 

Or  la  cocaïne,  par  son  action  sur  les  leucocytes  et  les  petits  vais- 
seaux, en  diminuant  la  circulation,  exerce  vme  influence  sur  toutes 
les  parties  de  l'organisme  :  elle  tend  à  diminuer  les  fonctions  de  tous 
les  tissus  et  organes.  Dans  la  première  expérience,  elle  exertjait  seu- 
lement son  action  sur  la  circulation  d'un  membre,  et  son  action  se 
faisait  seulement  sentir  sur  le  membre.  Dans  la  dernière  expérience, 
au  contraire,  la  cocaïne  exerce  son  action  sur  la  circulation  de  tout 
l'organisme,  sauf  sur  la  circulation  d'une  partie  de  la  moelle,  et 


186  NOGUÉ.  —  ANESTHESIE. 

forcément  celle-ci  échappe  seule  à  son  influence.  Il  est  vrai  que  la 
cocaïne  agit  sur  les  tissus  du  train  postérieur,  mais  il  paraît  évident 
que  le  pouvoir  excito-moteur  de  ces  tissus  doit  se  manifester  d'une 
manière  plus  énergique,  puisque,  pour  le  train  antérieur,  la  cocaïne 
agit  non  seulement  sur  les  tissus,  comme  pour  le  train  postérieur, 
mais  de  plus  sur  l'organe  central  des  réflexes,  sur  la  moelle  épinière. 
Ces  résultats  s'expliquent  donc  par  l'action  de  la  cocaïne  sur  la 
respiration. 

II  en  est  de  même  pour  l'expérience  dans  laquelle  on  ne  laisse 
communiquer  le  train  postérieur  avec  le  tronc  que  par  ses  filets  ner- 
veux, et  dans  laquelle,  après  avoir  mjecté  de  la  cocaïne  dans  le 
tronc,  on  voit  ces  filets  nerveux  perdre  leur  conductibilité. 

Dans  cette  expérience,  les  filets  nerveux  perdent  leur  conductibilité 
motrice  sous  l'influence  d'une  condition  indépendante  de  la  cocaïne 
et  seulement  parce  que  la  circulation  est  supprimée  par  la  ligature 
depuis  un  certain  temps;  ils  perdent  leur  conductibilité  sensitive 
parce  que,  sous  l'influence  de  la  cocaïne,  la  circulation  de  la  moelle 
se  faisant  mal,  cet  organe  perd  ses  fonctions  comme  les  autres. 

La  perte  de  la  double  conductibilité  des  troncs  nerveux  par  l'action 
directe  de  la  cocaïne  s'explique  de  la  même  manière  :  on  sait,  en 
effet,  que  l'on  peut  supprimer  la  sensibilité  d'une  région  encocaïnant 
directement  les  filets  nerveux  qui  la  desservent.  Or  ici  encore 
l'explication  se  présente  d'elle-même. 

La  cocaïne  supprime  la  fonction  de  ce  nerf  parce  que,  en  agissant 
localement,  elle  supprime  sa  circulation. 

C'est  enfin  de  la  même  manière  qu'il  faut  expliquer  les  expériences 
faites  sur  la  substance  cérébrale,  lorsque  la  cocaïne  a  été  mise  direc- 
tement en  contact  avec  elle.  Si  l'on  voit  la  cocaïne  manifester  son 
action  après  le  contact  avec  les  centres  nerveux,  ce  n'est  pas  qu'elle 
ait  une  action  élective  sur  eux.  C'est  que  là,  comme  partout,  elle 
agit  sur  la  circulaiton  de  ces  centres,  et  que  ces  centres,  comme 
les  autres  organes,  ne  fonctionnent  plus  quand  on  supprime  leur 
irrigation. 

En  somme,  toutes  ces  expériences  s'expliquent  parle  même  méca- 
nisme, La  cocaïne  n'agit  électivement  ni  sur  les  terminaisons  sen- 
sitivcs,  ni  sur  les  nerfs,  ni  sur  les  centres  nerveux.  Elle  n'a  d'action 
élective  que  sur  les  leucocytes  et  les  vaso-moteurs.  Mais,  par  contre, 
grâce  à  ces  deux  éléments,  elle  agit  sur  la  circulation  et,  en  la  sup- 
primant, elle  peut  agir  indifféremment  sur  tous  les  tissus,  sur  tous 
les  organes,  parce  qu'il  n'est  pas  de  tissu,  pas  d'organe,  qui  n'ait 
une  circulation  et  qui  puisse  fonctionner  sans  elle. 

Quant  à  l'opinion  de  Daslre,  qui  en  était  arrivé  à  rapprocher  la 
cocaïne  des  anesthésiques  généraux,  les  expériences  de  Maurel 
tendent  à  prouver  que  c'est  par  le  même  mécanisme  que  la  cocaïne 
que  les  anesthésiques  généraux  exercent  leur  action.  Ces  derniers. 


ANESTHESIE  PAR  INJECTION  DANS  LES  TISSUS.  187 

comme  la  cocaïne,   n'agii-aiont  qu'en  supi)i'imant   les   oxydations. 

C'est  là  une  théorie  séduisante.  JMaurel  l'appuie  d'arguments  dont 
la  valeur  ne  saurait  être  négligée. 

Toxicité.  —  La  cocaïne,  de  mèmeque  certains  autres  toxiques,  dit 
Maurel,  présente  ce  fait  singulier  que  sa  toxicité  peut  se  manifes- 
ter à  des  doses  très  éloignées  les  unes  des  autres,  selon  le  motle 
d'administration.  Tandis  que,  en  elTet,par  la  voie  stomacale  on  peut 
atteindre  la  dose  de  O^^SO  à  I  gramme  prise  en  une  seule  fois  sans 
donner  la  mort,  on  a  vu  cette  mort  se  produire  avec  des  doses  beau- 
coup plus  faibles,  telles  que  O^"", 20  et  même  Os^Lj,  lorsque  l'adminis- 
tration a  eu  lieu  par  la  voie  hypodermique.  Les  mêmes  différences 
se  retrouvent  pour  l'apparition  des  accidents  plus  faibles,  indiquant 
seulement  que  les  doses  médicamenteuses  ont  été  dépassées. 

Ces  dilïérences  déjà  si  tranchées,  constatées  par  la  clinique  chez 
l'homme,  s'accusent  encore  bien  davantage  quand  on  se  place  sur  le 
terrain  expérimental.  Sur  les  animaux,  ce  n'est  plus  par  des  doses 
quatre  à  vingt  fois  plus  élevées  que  se  manifeste  cette  différence, 
mais  par  l'écart  considérable  de  1  à  25.  En  effet,  tandis  qu'il  faut 
Os%25  de  chlorhydrate  de  cocaïne  pour  tuer  1  kilogramme  de  lapin 
en  donnant  le  sel  par  la  voie  hypodermique  ou  stomacale,  il  suffit 
de  05'',0l  de  ce  même  sel  injecté  à  certain  titre  dans  les  veines  pour 
tuer  la  même  quantité  du  même  animal. 

Cette  différence  considérable  entre  les  doses  mortelles  selon  le 
mode  d'administration  conduit  donc  à  cette  conclusion  qu'il  est 
possible  que  la  cocaïne  puisse  tuer  par  deux  mécanismes  diffé- 
rents. 

Il  est  évident,  d'abord,  qu'une  différence  si  grande  ne  peut  s'ex- 
pliquer par  la  moindre  quantité  de  toxique  que  la  voie  stomacale 
ferait  pénétrer  dans  le  sang.  Lorsqu'on  injecte  à  un  animal  par  la 
voie  stomacale  Os^lS  à  Os'',20  de  chlorhydrate  de  cocaïne  par  kilo- 
gramme de  poids,  dans  les  quinze  à  vingt  minutes  qui  suivent,  le 
sang  de  cet  animal  contient  plus  de  Og'',01  de  ce  sel,  quantité  qui 
cependant  le  tue  instantanément  dès  qu'on  l'injecte  à  un  titre  donné 
dans  un  point  quelconque  de  son  système  veineux  général. 

Ainsi  cette  différence  considérable  dans  les  doses  mortelles  de 
cocaïne,  dans  les  deux  cas,  ne  saurait  être  expliquée  par  la  quantité 
de  cocaïne  contenue  dans  le  sang,  puisque  cette  quantité  est  sûre- 
ment plus  considérable  dans  le  premier  cas,  où  il  survit,  que  dans  le 
second,  où  il  meurt. 

Cette  différence  des  résultats  ne  saurait  non  plus  trouver  son 
explication  par  la  ditTérence  dans  la  voie  d'administration,  de  quelque 
manière  que  cette  différence  soit  interprétée. 

S'il  en  était  ainsi,  si  la  ditTérence  de  toxicité  de  la  cocaïne  tenait 
seulement  à  la  différence  des  voies  d'administration,  on  verrait  cette 
différence  être  constante  :  elle  ne  l'est  pas. 


188  NOGUE.  —  ANESTHESIE. 

Si,  en  effet,  quand  on  adminislre  la  cocaïne  par  la  voie  stomacale, 
la  quantité  nécessaire  pour  amener  la  mort  reste  toujours  sensible- 
ment la  même,  il  n'en  est  pas  de  même  pour  les  morts  et  les  accidents 
constatés  chez  l'homme  après  l'administration  par  la  voie  hypoder- 
mique. Au  contraire,  ces  accidents  et  ces  morts  ne  constituent  heu- 
reusement que  de  rares  exceptions,  et,  jusqu'à  présent,  seul  le  hasard 
le  plus  capricieux  semble  présider  à  leur  apparition. 

Une  même  quantité  administrée  par  le  même  procédé  dans  la 
même  région,  au  même  titre,  reste  inofTensive  chez  certains  sujets 
et  provoque  des  accidents  chez  un  autre.  Le  même  sujet  chez  lequel 
on  a  injecté  souvent  la  cocaïne  à  une  dose  donnée,  sans  inconvénient, 
est  pris  d'accidents  inquiétants  après  une  administration  absolument 
identique  aux  précédentes. 

Enfin  chez  les  animaux,  à  la  condition  de  suivre  certaines  indi- 
cations, la  quantité  de  cocaïne  nécessaire  pour  tuer  l'animal  reste 
la  même,  que  le  toxique  soit  donné  par  les  voies  stomacales  ou  par 
la  voie  hypodermique. 

Les  différences  constatées  chez  l'homme  ne  peuvent  être  expli- 
quées par  les  différences  des  voies  d'administration. 

Ainsi  donc,  les  différences  de  résultats  observées  chez  l'homme, 
sous  l'influence  de  la  cocaïne,  ne  pouvant  être  expliquées  ni  par 
les  quantités  de  cocaïne  contenues  dans  le  sang,  ni  par  la  voie 
d'administration,  on  est  conduit  de  nouveau  à  cette  conclusion, 
de  plus  en  plus  probable,  qu'il  s'agit  réellement  là  de  deux  méca- 
nismes différents.  Les  faits  suivants,  du  reste,  vont  apporter  un 
nouvel  appui  à  cette  conclusioa  (Alaurel). 

Si,  en  effet,  en  restant  dans  le  domaine  clinique,  l'un  de  ces  deux 
genres  de  mort,  celui  par  les  petites  doses,  semble  n'être  que  le  jeu 
du  hasard,  il  prend  au  contraire  un  singulier  caractère  de  certitude 
quand  on  se  place  sur  le  terrain  expérimental.  Sur  ce  terrain,  les 
caractères  des  deux  genres  de  mort  s'accentuent,  et  la  différence 
de  leurs  mécanismes,  sans  que  nous  puissions  encore  pénétrer  ces 
mécanismes,  ressort  plus  nettement. 

Nous  pouvons  à  volonté  produire  les  deux  morts  et  à  des  doses 
sûres.  Pour  tuer  un  kilogramme  de  lapin  parla  voie  stomacale  ou 
la  voie  hypodermique,  il  faut  arriver  à  environ  Ob', 25  de  sel  de 
cocaïne,  et  tout  aussi  sûrement,  nous  pouvons  tuer  la  même 
quantité  de  cet  animal  en  injectant  dans  ses  veines  0''",01  de  ce 
même  sel  à  un  titre  donné. 

Ici,  on  le  voit,  le  second  genre  de  mort  se  dégage  de  ses  obscu- 
rités. Pour  donner  la  mort  d'une  manière  certaine  avec  les  petites 
doses,  il  faut  injecter  le  toxique  dans  le  système  veineux  :  d'où 
cette  conclusion  probable  que,  dans  les  cas  d'injection  hypo- 
dermique suivie  d'accidents,  l'injection  a  dû  exceptionnellement 
pénétrer  dans  les  vaisseaux. 


AXESTHESIE  PAR  INJECTION  DANS  LES  TISSUS.  189 

Ainsi,  pour  produire  la  mort  par  ijeliles  doses,  la  pénélralion  vou- 
lue ou  involontaire  de  la  cocaïne  dans  le  système  veineux  est  indis- 
pensable :  sans  cette  pénétration,  elle  ne  peut  avoir  lieu.  Mais  celte 
pénétration  suffit-elle  ?  Non,  car  si  Ton  fait  arriver  dans  les  veines 
la  cocaïne  en  solution  étendue,  on  évite  ces  accidents.  Ce  qui  fait 
donc  le  danger  des  injections  intraveineuses,  c'est-à-dire  les  acci- 
dents ou  les  morts  sous  l'influence  des  petites  doses,  c'est  surtout 
le  titre  des  solutions  injectées.  Tandis  que  le  lapin  succombe 
instantanément  sous  l'influence  d'une  injection  intraveineuse  de 
O-*",  01  de  chlorhydrate  de  cocaïne  par  kilogramme  de  poids  en 
solution  à  1  p.  10,  on  peut,  à  la  condition  d'employer  des  solutions 
étendues,  injecter  dans  les  mêmes  veines  des  quantités  trois  ou 
quatre  fois  plus  fortes,  sans  produire  de  graves  accidents. 

D'une  série  d'expériences  des  plus  minutieuses,  Maurel  a  pu 
déduire  des  faits  intéresssants  qu'on  peut  ainsi  résumer  : 

Si  l'on  étudie  l'action  de  la  cocaïne  sur  les  éléments  figurés  du 
sang,  on  trouve  que  les  injections  faites  au  titre  de  Og'V20  p,  100 
tuent  les  leucocytes  très  rapidement,  tandis  qu'à  partir  de  Os"", 10  et 
au-dessous  les  leucocytes  résistent  pendant  quelques  heures  et 
que  jusqu'au  titre  de  Os'", 02  p.  100  et  peut-être  au  delà,  ces  titres  suf- 
fisent pour  leur  donner  une  tendance  marquée  vers  la  forme  sphé- 
rique.  Quant  aux  hématies,  même  les  fortes  doses  de  1  gramme 
p.  100  sont  sans  action  sur  elles.  Donc,  si  la  cocaïne  agit  sur  le 
sang,  c'est  par  l'intermédiaire  des  leucocytes  qu'elle  exerce  son 
action. 

De  plus  il  existe  une  certaine  concordance  entre  les  quantités  de 
cocaïne  suffisantes  pour  produire  les  phénomènes  d'intoxication 
chez  l'homme  et  celles  qui  sont  nécessaires  pour  imprimer  des 
modifications  sensibles  à  la  totalité,  ou  tout  au  moins  à  une  partie 
notable  de  ses  leucocytes. 

C'est  cette  forme  globuleuse  des  leucocytes  qui  va,  d'après  Mau- 
rel,  jouer  un  rôle  si  considérable  dans  les  accidents  toxiques. 

Sous  l'influence  de  la  cocaïne  administrée  à  la  limite  des  doses 
toxiques,  les  leucocytes  perdent  leur  forme  étalée  et  prennent  une 
forme  subglobuleuse,  qui  incontestablement  doit  gêner  la  cir- 
culation. 

Que  l'on  suppose,  par  exemple,  un  vaisseau  d'un  calibre  de  12  a 
sur  la  paroi  interne  duquel  rampe  un  leucocyte.  Tant  que  cet 
élément  sera  étalé,  son  épaisseur  ne  dépassant  pas  3  a,  il  laissera 
un  espace  de  9  u.,  permettant  aux  hématies  de  passer  ;  mais  qu'au 
contraire  ce  leucocyte  prenne  une  forme  subglobuleuse  faisant 
ainsi  une  saillie  de  6  à  8  a  dans  l'intérieur  du  vaisseau,  qu'en  même 
temps  sa  consistance  augmente,  et  ce  vaisseau  deviendra  infran- 
chissable pour  ces  mêmes  éléments.  Or  les  vaisseaux  de  ce  calibre 
ne  sont  pas  rares;  ils  sont  forcément  presque  aussi  nombreux  que 


190  KOGUÉ.  —  ANESTHESIE. 

les  capillaires  et  répandus  dans  tous  les  tissus  el  dans  tous  les 
organes.  Celle  gène  de  la  circulalion  sera  donc  générale  :  elle  se 
produira  dans  la  loLalilé  de  l'organisme .  Or,  clant  donné  que  lissus 
et  organes  perdent  leur  fonclion  quand  la  circulalion  leur  manque, 
on  comprendra  quels  troubles  considérables  cette  gène  de  la  cir- 
culation peut  entraîner  dans  toutes  les  fonctions  et  quel  danger 
elle  devient  pour  Torganisme,  pour  peu  qu'elle  s'accentue. 

Aussi,  vu  ces  considérations  sur  la  circulation  des  capillaires 
ei  des  petits  vaisseaux,  vu  Timporlance  bien  connue  de  cette  cir- 
culalion sur  le  fonctionnement  régulier  des  lissus  et  des  organes  ; 
vu  enfin  les  conclusions  des  expériences  monlrant  que  la  mort,  sous 
rinfluence  de  la  cocaïne,  n'arrive  qu'aux  doses  suffisantes  pour 
imprimer  aux  leucocytes  mobiles  des  modifications  qui  doivent 
forcément  gêner  la  circulalion  de  ces  tissus  et  organes,  on  peut 
conclure  :  qu'il  est  probable  que  les  modifications  que  la  cocaïne 
imprime  aux  leucocytes  mobiles  interviennent  dans  la  mort  par 
cet  agent,  au  moins  dans  les  cas  d'empoisonnement  par  la  voie 
stomacale. 

La  suite  des  expériences  faites  par  les  voies  hypodermiques  intra- 
veineuse ou  inlra-artéi'ielle  est  venue  confirmer  ces  résultats. 

Quand  la  mort  survient  par  saturation  de  l'organisme,  l'anatomie 
pathologique  montre  très  nettement  qu'il  existe  une  contraction  des 
petits  vaisseaux  presque  complète  et  un  arrêt  ou  une  gêne  de 
la  circulalion  des  hématies  par  les  leucocytes  qui,  prenant  une  forme 
globuleuse  et  devenant  plus  consistants,  diminuent  le  calibre  de 
ces  vaisseaux  ou  l'obstruent  complètement. 

Mais  la  mort  peut  survenir,  sans  pour  cela  qu'on  ait  injecté  chez 
l'homme  des  doses  toxiques  :  elle  a  été  observée  sous  l'influence 
de  doses  relativement  minimes.  C'est  alors  la  mort  par  accident. 
Lorsque  la  cocaïne  pénètre  dans  le  torrent  circulatoire  à  un 
titre  non  toxique  pour  les  leucocytes,  il  faut  donc,  pour  que  cetagent 
fasse  sentir  son  action,  que  la  quantité  ayant  pénétré  dans  l'orga- 
nisme soit  telle  que  la  totalité  de  sa  partie  liquide  contienne  la 
cocaïne  à  un  titre  qui  puisse  influencer  les  leucocytes.  La  cocaïne 
n'agit  alors  qu'après  saturation  de  l'organisme.  C'est  la  mort  par  satu- 
ration :  el  il  suffit  dans  ces  cas  que  les  leucocytes  aient  une  tendance 
mari|uée  vers  la  forme  sphérique  pour  conduire  à  ce  résultat. 

Au  contraire,  quand  la  cocaïne  arrive  dans  le  sang  à  un  titre 
fortement  toxique  pour  les  leucocytes,  ceux-ci,  déjà  en  contact, 
perdent  leur  adhérence,  deviennent  sphériques  et  rigides,  sont 
emportés  par  le  torrent  circulatoire  el  peuvent  produire  la  mort 
comme  de  véritables  embolies. 

C'est  exactement  ce  qui  se  produit  quand  on  injecte  dans  les 
veines  d'un  animal  une  poudre  inerte,  telle  ({ue  la  poudre  de  lyco- 
pode  :   les  symptômes  et  les   lésions  anatomiques  sont  les  mêmes 


ANESTIIÉSIE  PAU  IXJECTIOxN  DANS  LES  TISSUS.  191 

que  ceux  qu'on  observe  dans  la  mort  par  injeclion  intraveineuse 
de  eocaïne  à  un  litre  fortement  leucocyticide.  C'est  dans  les  troubles 
delà  circulation  pulmonaire  qu'il  faut  en  chercher  la  cause. 

Si  on  injecte  la  cocaïne  aux  mêmes  doses,  mais  à  un  litre  incapable 
de  rendre  les  leucocytes  sphériques,  la  mort  ne  se  produit  pas  : 
c'est  donc  le  titre  et  non  la  dose  qui  constitue  le  danger  de 
ces  injections  intraveineuses. 

Enfin,  si  la  mort  accidentelle  par  la  cocaïne  est  souvent  d'ordre 
mécanique,  si  ce  toxique  n'intervient  que  pour  transformer  les 
leucocytes  en  embolies  inertes  qui  vont  obstruer  les  capillaires 
pulmonaires,  n'était-il  pas  possible  de  rendre  ces  injections  intra- 
veineuses inoQ'ensives,  môme  quand  elles  sont  faites  à  un  titre 
très  toxique,  en  filtrant  le  sang-  et  en  le  débarrassant  des  leucocytes 
devenus  sphériques  avant  leur  arrivée  au  poumon? 

En  effet,  si  l'on  injecte  la  cocaïne  dans  les  artères  (fémorale, 
rjnale,  etc.),  les  leucocytes  rendus  sphériques  sont  arrêtés  dans  le 
système  capillaire  et  ne  peuvent  arriver  au  poumon.  11  n'y  a  donc 
pas  d'embolie.  Dans  ces  cas  cependant,  la  cocaïne,  après  avoir 
exercé  son  action  sur  les  leucocytes,  reste  bien  dans  le  sang,  et 
elle  ne  perd  aucune  de  ses  propriétés.  Mais  elle  ne  fait  sentir  son 
action  que  lorsque  la  quantité  injectée  a  mis  la  totalité  des  liqui- 
des de  l'organisme  à  un  titre  suffisant  pour  agir  sur  les  leuco- 
cytes. Nous  retombons  dans  le  cas  de  mort  par  saturation.  Dans 
l'autre,  rappelons-le,  la  mort  est  due  à  la  suppression  de  l'acte  res- 
piratoire, qui  elle-même  reconnaît  pour  cause  la  suppression  de 
la  sensibilité  de  la  surface  pulmonaire.  Les  leucocytes  emboliques, 
en  supprimant  les  échanges  du  tissu  pulmonaire,  suppriment  sa 
sensibilité  à  son  excitant  naturel,  et,  le  réflexe  respiratoire  étant 
ainsi  suspendu  dans  son  acte  initial,  la  respiration  s'arrête  ;  c'est 
la  mort  par  embolie  pulmonaire. 

Intoxication.  —  Il  faut  bien  connaître  le  tableau  d'une  intoxi- 
cation par  la  cocaïne.  Le  P"'  Reclus,  avec  sa  profonde  expé- 
rience et  son  grand  talent,  nous  l'expose  ainsi  : 

L'intoxication  débute  par  une  sorte  d'ivresse  que  traduisent  de  la 
loquacité,  des  fusées  de  rire,  de  l'attendrissement,  puis  souvent  aussi 
de  la  fureur,  des  hallucinations  de  la  vue  et  de  l'ouïe,  un  délire 
bruyant  que  suspendent  des  vertiges,  des  lipothymies  et  parfois 
la  syncope  totale  ;  la  face  est  d'une  pâleur  livide  et  couverte  de  sueur 
froide.  S'il  n'y  a  pas  de  syncope  ou  si  le  patient  revient  à  lui,  il 
est  pris  de  tremblements  et  de  convulsions  toniques  ou  cloniques 
qui,  lorsqu'elles  atteignent  certains  muscles  essentiels,  tels  que 
le  diaphragme,  peuvent  provoquer  un  danger  immédiat.  On  observe 
en  même  temps  des  nausées,  des  vertiges,  une  dilatation  de  la 
pupille,  puis  le  collapsus  vient  et  le  malade  meurt. 

On  a  signalé  des  troubles,  moins  graves,  mais  qui  prennent  sou- 


192  NOGUÉ.  —  ANESTHESIE. 

vent  une  marche  chronique,  des  défaillances  intellectuelles,  une 
perle  de  mémoire,  de  Tinsomnie,  des  cardialgies  rebelles,  de 
l'anémie  persistante,  une  démarche  spasmodique,  une  exagération 
des  réflexes,  de  la  maladresse  musculaire,  du  ténesme  rectal  et 
viscéral,  de  la  polyurie.  Enfin  on  a  constaté  qu'une  simple  injec- 
tion pouvait,  chez  un  prédisposé,  éveiller  une  psychose  post- 
opératoire. 

Nous  avons  vu  que  la  cocaïne  avait,  au  delà  de  certaines  doses, 
une  action  toxique  très  nette  chez  Fhomme  comme  chez  les  ani- 
maux. Ces  doses,  seules  l'expérimentation  et  la  clinique  pouvaient 
les  déterminer  avec  une  suffisante  précision. 

Aussi,  au  début  de  l'anesthésie  cocaïnique,  certains  accidents 
dus  à  l'imprudence  des  opérateurs  survinrent,  dont  quelques- 
uns  retentirent  au  point  de  jeter  le  discrédit  sur  ce  précieux 
agent. 

Le  plus  célèbre  fut  celui  du  P''  Kolommin.  qui  injecta  dans  le  rec- 
tum d'une  malade  la  dose  énorme  de  ls'",50  de  cocaïne  :  la  patiente 
mourut  et  de  désespoir  le  malheureux  chirurgien  se  suicida.  Baratoux 
a  rapporté  l'histoire  dun  pharmacien  qui,  se  croyant  atteint  de 
diphtérie,  se  fit  dans  la  gorge  pendant  plusieurs  heures  des  pulvérisa- 
tions de  cocaïne.  Après  une  série  de  syncopes,  il  succomba.  Abadie  a 
cité  l'observation  d'une  femme  de  soixante-douze  ans,  déjà  frappée 
d'apoplexie  depuis  trois  mois,  qui  subit  dans  la  paupière  inférieure 
une  injection  de  0g'",04  de  cocaïne  :  l'opération  terminée,  la  malade 
se  leva  en  titubant,  pour  s'affaisser  sur  le  sol.  j\Ialgré  des  injections 
d'éthèr  et  de  caféine,  cette  malade  mourut  cinq  heures  après. 

Delbosc,  dans  son  excellente  thèse  de  1889,  a  relevé  tous  les 
cas  d'intoxication  connus  à  celte  époque  sous  la  forme  de  tableaux 
qu'il  est  intéressant  de  reproduire. 


ANESTHESIE  PAR  INJECTION  DANS  LES  TISSUS. 


193 


ODSERVATEIUS. 

PHÉNOMÈNES    OnSERVKS. 

Mosi:. 

Adams    Frost    {Trihiine     méd., 

Pâleur   de    la    face,    sueurs   pro- 

0,0005 

1"  janv.  1888). 

fuses,  pouls  petit  et  ralenti. 

Zicm  [AlUf.  med,Cenlralzeilun(j, 

Pâleur  de   la  face,  embarras  de 

0,004 

188â,  n"90). 

la  respiration. 

Heuse  {Tribune  méd.,  1""  janv. 

Dyspnée,  vomissements. 

0,0045 

1888\ 

Mayerhaiiseri       {Frunce        méd. 

Céphalalgie,    sécheresse     de     la 

0,005 

27  févr.  1886). 

gorge,  nausées;  puis  agitation, 
inappétence  pendant  48  heures. 

Call  [Soc.  médico-chirurgicale  de 

Mouvements  convuisifs. 

0,005 

Madrid  ,     cité     par     Mattison 

dans    Therapeulic   Gazelle,  du 

16 janv.  1888k 

Bull.  ijcn.  de  thérap.,  1883,  p.  422. 

Céphalalgie,  malaise,  titubalion, 
perte  de  l'appélit. 

0,005 

Mowat  {Lancet,  13  oct.  1888). 

Petitesse  du  pouls,  convulsions. 

0,0075 

Tipton  {Tribune  mèd.,  l'"' janv. 

Pùleur  de  la  face,  vomissements, 

0.008 

1888). 

petitesse  du  pouls. 

Reich  [Paris  méd.,  6  levr.  1886). 

Tremblements,   vertiges,  sueurs 
froides. 

0,01 

GoculeL  [Art  c/ert/.are, janv.  1888, 

Pâleur  de  la  face,  syncope,  puis 

0,01 

p.  644). 

convulsions  et  contractures. 

Ducourneau  {Art  dentaire,  avril 

Stupeur,  angoisse. 

0,01 

1888.  p.  "18). 

Knapp  (Paris  méd.,  8  févr.  1886). 

Lividité  cadavérique,  sueurs. 

0,011 

Id. 

Pâleur  de  la  face. 

0,012 

Reich  (Paris  méd.,  6  févr.  1886). 

Défaillance,  vomissements. 

0,012 

Hall   et   Halster    {Gaz.    méd.    de 

Vertiges,  vomissements. 

0,012à0,014 

Paris,  1883,  n°  4). 

Howel    ^^'ay     {Tribune     méd., 

4  cas  dïntoxication. 

0,012  à, 0015 

le-- janv.  1888). 

Galezowski  ( 7Vi6.  méd.,  l>'''janv. 

Titubation,  embarras  paralytique 

0,015 

1888). 

de  la  langue  pendant  30  heures. 

Cosmos,  11  fév.  1888 

Syncope,  accidents  graves  pen- 
dant 1  heure. 

0,015 

Bresgen  [Trib.   méd.,   l<^''  janv. 

Xausées.  troubles  dans  la  marche, 

0,015 

1888). 

e-tcitation  suivie  de  dépression. 

Griswald  {Trib.  méd.,  l^'"  janv. 

Défaillance,    vertige,    pouls    fili- 

0,018 

1888). 

forme,  troubles  de  la  vue,  syn- 
cope. 

Blodgett  {Boston  med.  and  sur- 

Défaillance,  sueurs  froides,  inter- 

0,018 

çfical  Journal,  cité  par  Matti- 

valle de  collapsus  profond  avec 

son,  loc.  cit.). 

perte  de   connaissance,  délire. 

Stevens  {France  méd.,    27   févr. 

Convulsions,  perte  de  sensibilité. 

0,02 

1886). 

Préterre  (La  cocaïne  en  chirurgie 

Mouvements  convuisifs,  troubles 

0,02 

dentaire,  p.  25). 

visuels. 

Mannheim  {Berl.  klin.   Wochen- 

Résolution  musculaire,  troubles 

0,02 

schr.,  1888,  p.  583). 

de     la     circulation,     angoisse, 
excitation    cérébrale    pendant 
3  heures;  3  jours  après  nou\el 
accès,  suivi  d'autres  accès  pen- 
dant des  semaines. 

Meyer  et  Bardet  (Bull,   de    thé- 

Syncope. 

0,02 

rap.,  1885,  p.  122). 

Stevens   {France   méd.,    27   févr. 

Défaillance,  vertiges. 

0,0J4 

1886). 

i 

Traité  de  stom.\tologie. 


VI. 


i?, 


194 


NOGUÉ.  —  ANESTHESIE. 


OBSERVATEURS. 


Mac  Inlyre  {Saint-Louis  ined.  and 

surgical  Journ.;  France  mèd., 

23  nov.  1886). 
Prcterre    (Cocaïne    en    chirurgie 

dentaire,  p.  28j. 
Préterre    (Cocaïne    en    chirurgie 

dentaire,  p.  26j. 

O.    "Williams    (.Veir-Vo/'A-     med. 

Journal,     cité    par    Mattison, 

loc.  cit.). 
Préterre    (Cocaïne    en    chirurgie 

dentaire,  p.  30;. 
Abadie(S'oc.f/'op/i/ai.,2oct.  1888|. 
Préterre    (Cocaïne    en    chinwgie 

dentaire,  p.  50). 


PHENOMENES   OBSERVES 


Laborde  {Soc.    de    biol.,   15    ocl 

1887). 
Préterre    (Cocaïne    en    chirurgie 

dentaire,  p.  £0;. 

Préterre    (Cocaïne    en    chirurgie 

dentaire,  p.  12). 
Stickler  Médical  Record,  c'ilé  par 

Mattison,  loc.  cit.). 
Tliuiller  (.1^^  dentaire,  juin  1887, 

p.  4581. 
James  Magill(/?rt<.  med.  Journal 

p.  617,  mars  1887). 
Whistler    (Bull,    méd.,   29    févr. 

1888). 
Addinscll  [Therapeulic  Gazelle, 

16  janv.  1888). 

Schilling  {London  med.  Record, 

15  mars  1885). 
Godding  (Lancel,  25  févr.  1888). 

Schubert  (Tr/iiine  méd..  l'-'janv. 

1888). 
Walter    Tothill     {London    med. 

Journal,    cité     par    Mattison, 

loc.  cit.) 
Walter    Tolhil     {London     med. 

Jo!ir;i.,citéparMattison,Zoc.c/<.l 
Howel  Way  (Med.  News,  30  avr. 

1887). 
Wood      (Therapeulic      Gazette, 

18  juin  1888). 
Préterre    (Cocaïne    en    chirurgie 

dentaire,  p.  37). 

Barshy    (Brilish    med.    Journal, 

cité  par  Mattison,  loc:  cit.) 
Grubc  {Tribune  méd.,  l*''' janv. 

1888). 


Paralysie  partielle,  enil^arras  de 
la  respiration,  incapacité  de 
parole  et  de  déglutition. 

Céphalalgie,  nausées,  troubles 
visuele,  pleurs  abondants. 

Nausées,  difficulté  de  respirer, 
embarras  de  la  parole:  ensuite 
pleurs,  suivis  d'accès  d'hUarité. 

Dilatation  de  la  pupille,  séche- 
resse de  la  gorge;  troubles  de 
la  vue  pendant  une  semaine. 

\ausées,crampes  dans  les  mollets, 
fièvre  pendant  la  nuit. 

Mort. 

Sensation  d'étouTemcnt,  impos- 
sibilité d'avaler,  prostration, 
aphonie,  faiblesse  dans  les 
jaml)es. 

3  heures  de  coUapsus  voisin  du 
coma. 

Difficulté  d"avaler,  trouble  de  la 
vision,  faiblesse  dans  les 
jambes. 

Sueurs  et  refroidissement  des 
extrémités. 

\'ertiges,  nausées,  diarrhée. 

Sueurs  froides,  nausées,  vomis- 
sements. 

Pâleur,  angoisse  précordiale, 
troubles  circulatoires. 

Accélération  des  battements  du 
cœur,  état  marqué  d'hilarité. 

Palpitation,  sentiment  de  suffo- 
cation, excitation  générale  et 
loquacité. 

Syncope  de  3  minutes. 

Délire,  refroidissement  des  extré- 
mités. 
Troubles  de  la  vue  et  syncope. 

Deux  heures  et  demie  de  syncope 


Délire,  troubles  de  la  circulation 

et  de  la  respiration. 
Tendance  à  la  syncope  pendant 

six  heures. 
Convulsions. 

Étouffement,  tremblement  ner- 
veux, faiblesse  dans  les  jambes, 
pleurs. 

Pâleur,  vertiges,  dyspnée,  vomis- 
sements. 

Vertiges,  vomissements,  oppres- 
sion. 


0,03 

0,03 
0,03 

0,0314 

0,04 

0,05 
0,03 

0,05 
0,05 

0,05 
0.05 
0,05 
0,06 
0,06 
0,06 

0,06 
0,06 
0,06 
0,064 

0,064 
0,065 
0,05 
0,07 

0,07 
0,08 


ANESTHESIE   l'AU  INJECTIO.N  DANS  LES  TISSUS. 


195 


oi!sni»VATi:iiiis. 


riii:>OMi:NES  ousebves. 


Prétorre    (Cocaïne    en    chiriM-^io 

dentaire,  p.  55). 
Sclmyder  (Corresp.  Blall.  f.  sch. 

.i-irzsie,     cité     par     Mattison, 

loc.  cil.). 
Pitts  {Lancet,  1S87,  24  déc.) 

PnHerre    (Cocaïne    en    chirurgie 
dentaire,  p.  23). 

Uunkorsky    (Bull,    méd.,   juillet 

1.SS8). 
Bnllock    (Buslon    med.  and  xiir- 

(jical  Journal.  IGjuin  1SS7). 
S/umann  (Therap.  \Monalshefte, 

J8S8,  p.  394). 
Moreau  {Compte  l'endu  de  la  Soc. 

de  bioL,  1SS7,  560). 
Hœnel  (Berl.  klin.  Woclienschr., 

22  cet.  18S8). 
Whisthe    Union    tnéd.,  22    sept 

1888). 
Samuel  Earle  {Therap.   Gazette 

16janv.  1888). 
Service  de  Reclus,  communiqué 

par  M.  Cestan. 
Service  de  M.  Reclus  (Obs.  pars. 

Roberts  [Lancet,  cité  par  Malt 

son,  toc.  cit.). 
Manlieini  (Trib.   méd.,  1^^'  janv. 

1888). 
Steer      Bowlier      (Tril).      méd 

l"janv.  1888). 
Moissard  (Courrier  méd.^  22  déc. 

J888). 

Keiham  [Lancet^  S  janv.  188"  . 

Samuel    Earle    (Marf/land    med. 
•    Journal,     cité    par    Mattison, 

loc.  cit.). 
Kilham  {Lancet,  l^^^janv.  1887). 

Centralblatt  f.  klin.   Med.,  1880, 
no  16,  p.  296). 

Symes  (Med.  News,  11  juill.  1888). 
Dejerine  [Soc.   de  biol.,   17   déc. 

1887). 
Ileymann   {Bull,   de    thérapeut., 

1886,  p.  95). 
Kolomin   (Therap.    Monatshefte, 

1888  ang.). 
Bulletin  méd.,  24  févr.   1889. 
Ricci   (Deutsche   med.    Wochen- 

schr.,  1887,  n»  81,  p.  894). 


MontaUi      (Sperimenlale      sept. 
1888,  p.  294). 


Céphalalgie,  nausées,  troubles 
visuels. 

Mouvements  convulsifs,  refroi- 
dissement des  extrémités. 

Troubles  de  la  circulation  et  de 
la  respiration,  vomissements. 

Coustriction  à  la  gorge,  engour- 
dissement des  pieds,  prostra- 
tion, syncope. 

Douleurs  lombaires,  vertiges, 
coUapsus  pendant  une  heui-e. 

Vertiges,  prostration,  dyspnée, 
faiblesse  du  pouls. 

Syncope,  raideur  des  extrémités. 

Excitation    cérébrale,     analgésie 

généralisée. 
Syncope  et  convulsions. 

N'ertiges,  tendances  syncopales. 

Convulsions  pendant  demi-heure . 

Excitation  cérébrale:  accès  de 
fureur  et  d'attendrissement. 

Troubles  de  la  respiration,  réso- 
lution musculaire. 

Délire,  amaurose  pendant  4  h. 

Dyspnée,  dysphagie  et  agrj-pnce 

pendant  20  heures. 
Nausées,  état  de  collapsus. 

Troubles  respiratoires,  nausées 
crampes  dans  les  jambes,  liai 
lucinations. 

Confusions  des  idées,  imminence 
de  suffocation. 

Convulsions,  syncope  de  5  mi- 
nutes. 

Nausées,  incohérences  de  la  pa 

rôle  et  des  idées. 
Agitation,   subdelirium,  troubles 

intellectuels  sui\is   de   céi^lia 

lalgie. 
.Mort, 
lîlat  demi-comateux,  contracture 

musculaire  généralisée. 
10  heures  de  collapsus. 

Mort. 

Mort. 

Excitation  extrême,  gesticula- 
tions choréiques,  accélération 
du  pouls  et  de  la  respiration; 
4  jours  plus  tard,  retour  des 
mêmes  accidents. 

Mort. 


O.OS 
0,09 

0,09 
0,10 

0,10 

0,10 

0,10 

0,10 

0,115 

0,12 

0,12 

0,15 

0,15 

0,18 

0,20 

0,24 

0,25 

0,25 
0.30 

0,30 
0,65 

0,75 

1  S»-. 

1  gr- 
1,04 

1,25 
1,25 


1,50 


196  NOGUÉ.  —  ANESTHESIE. 

Depuis,  d'autres  cas  de  morl  oui  été  signalés  et  même  des  cas 

d'intoxication  grave  avec  des  doses  minimes. 

<c  En  somme,  dit  Reclus,  les  accidents  graves  imputables  à 
la  cocaïne  sont  dus  à  des  doses  invraisemblables.  Certes  nous  ne 
prétendons  pas  toujours  innocenter  les  faibles  doses  :  il  est  possible 
que  les  5,  10,  15,  '20  centigrammes  que  nous  employons  d'habi- 
tude puissent  provoquer  des  accidents  légers  ou  redoutables. 
Pourquoi  cet  alcaloïde  échapperait-il  à  la  commune  loi?  Sans  qu'on 
ait  dépassé  les  quantités  ordinaires,  la  morphine,  l'atropine,  la 
strychnine  ont  souvent  provoqué  des  intoxications.  Il  faut  compter 
avec  les  idiosyncrasies,  les  susceptibilités  particulières,  et  nous  ne 
saurions  tro}>  recommander  la  plus  extrême  prudence.   ■■ 

On  ne  saurait,  en  elTet,  trop  insister  sur  ce  dernier  conseil.  C'est 
que  les  cas  d'idiosyncrasie  se  présentent  fréquemment  dans  la 
clientèle.  Hallopeau  accuse  une  dose  de  8  milligrammes  d'avoir 
occasionné  des  accidents  qui  durèrent  plusieurs  mois.  Marsat  (de 
BéthuneV  qui  s'en  est  servi  journellement  pendant  deux  ans  pour 
l'extraction  des  dents,  a  observé  chez  un  grand  nombre  d'individus 
de  petits  accidents,  tels  que  pâleur  de  la  face,  transpiration  abon- 
dante, vertiges,  voire  même  des  alertes  assez  sérieuses  :  tachy- 
cardies, syncopes,  convulsions  épileptiformes.  Chez  un  homme 
de  dix-neuf  ans,  robuste  et  sans  antécédents  nerveux,  il  observa, 
cinq  minutes  après  l'injection  de  1  centigramme  de  cocaïne,  de  la 
pâleur  de  la  l'ace,  de  la  dilatation  des  pupilles,  de  la  moiteur  de 
la  peau.  Puis  légère  rougeur  des  pommettes,  persistance  de  la 
dilatation  j)upillaire,  raideur  de  la  nuque,  contractures  musculaires 
généralisées  aux  jambes,  à  l'annulaire,  au  petit  doigt  et  enfin  à  la 
face  et  aux  lèvres.  Pendant  toute  la  durée  de  cette  crise,  le  malade 
ne  perdit  pas  connaissance  :  aucune  trace  de  salive  dans  la  bouche, 
et  la  langue  sèche  avait  l'aspect  d'une  langue  de  chat. 

On  rappelle  souvent  l'intéressante  observation  de  Hugenschmidt 
pour  montrer  quelle  peut  être  rinfluence  de  l'imagination  sur  un 
malade.  Notre  confrère  est  appelé  pour  administrer  la  cocaïne  à  une 
dame  d'une  soixantaine  d'années  pour  une  opération  dentaire  dou- 
loureuse. Il  la  trouve  très  surexcitée  et  persuadée,  d'après  le  récit 
d'un  médecin,  que  le  médicament  dont  on  va  se  servir  est  des  plus 
dangereux.  Dans  de  telles  conditions,  Hugenschmidt  refuse  d'admi- 
nistrer la  cocaïne  :  mais,  pressé  par  sa  cliente,  il  fait  semblant  d'accéder 
à  son  désir  et  injecte  X  gouttes  d'eau  distillée.  En  moins  de  trente 
secondes,  la  malade  se  plaignait  de  douleurs  terribles  dans  la  tète,  se 
levait  rapidement,  faisait  quelques  pas  et  tombaitdans  un  fauteuil  en 
criant  :  «  .Je  meurs!  «  Puis  survint  une  syncope  qui  dura  une  demi- 
heure. 

Traitement  de  l'intoxication  cocaïnique.  —  Si  nous  partons   de 
cette  hypothèse  de  Maurelque  tout  le  danger  de  la  cocaïne  provient 


ANESTHÉSIE  PAR  INJECTION  DANS  LES  TISSUS.  197 

do  rombolie  pulmonaire,  riiulication  la  plus  nette  est  la  nécessité  de 
la  respiration  artificielle.  Ce  qu'il  faut,  c'est  faire  pénétrer  dans  le 
san^"  une  quantité  doxygène  suffisante  pour  entretenir  la  vie  des 
éléments  histologiques  :  sans  cela,  aux  dangers  de  rombolie  pulmo- 
naire se  joindra  bientôt  celui  du  défaut  de  fonction  de  tous  les 
éléments. 

On  fera  donc  la  respiration  artificielle  par  tractions  rylhmées  de 
la  langue.  Elle  devra  élre  continuée  sans  répit  et  parfois  fort  long- 
temps. 

En  effet  deux  cas  peuvent  se  présenter.  Il  peut  se  faire  que  les 
leucocytes  emboliques  n'aient  pas  été  tués  par  la  cocaïne.  Or,  dans 
ce  cas,  on  verra  les  accidents  disparaître  rapidement.  La  circulation, 
quoique  faible,  se  faisant  toujours,  les  leucocytes  se  trouvent  bientôt 
dans  un  sang  moins  chargé  de  cocaïne,  et  ils  ne  tarderont  pas  à 
reprendre  leur  mobilité  et  leur  souplesse.  La  perméabilité  des  capil- 
laires pulmonaires  se  trouve  ainsi  rétablie  et,  avec  cette  |)erméabilité, 
la  sensibilité  de  la  surface  pulmonaire,  ce  qui  rendra  dès  lors  la 
respiration  artificielle  inutile. 

Dans  le  second  cas,  lorsque  les  leucocytes  emboliques  auront  été 
tués,  l'intervention  devra  èlre  plus  prolongée.  L'obstacle  mécanique 
qu'ils  constituent  ne  pourra  disparaître  que  par  leur  désagrégation. 
Or  parfois  une  heure  et  peut-èlre  plusieurs  heures  seront  nécessaires 
pour  que  cette  désagrégation  ait  lieu. 

Mais  la  respiration  artificielle  n'est  pas  la  seule  indication.  La 
cocaïne  agit  en  outre  en  contractant  fortement  les  petits  vaisseaux. 
Il  faudra  donc  faire  appel  aux  vaso-dilatateurs  et,  en  premier  lieu,  à 
la  chaleur.  Ne  serait-il  pas  avantageux  de  faire  respirer  de  l'air  à 
40°  (Maurel)? 

Enfin  il  faudrait  faciliter  la  perméabilité  des  capillaires  par  l'emploi 
des  agents  capables  d'exagérer  l'impulsion  cardiaque. 

Quand  il  s'agit  des  accidents  produits  par  la  saturation  de  l'orga- 
nisme, il  faudrait  connaître  un  agent  qui  fût  l'antidote  de  la  cocaïne. 
Mais  cet  agent  n'a  pas  été  découvert;  on  peut  utiliser  ici  cette  notion 
que  les  températures  élevées  rendent  les  leucocytes  plus  résistants 
à  l'intoxication  cocaïnique.  Il  faudra  donc  réchauffer  le  malade  par 
tous  les  moyens  possibles,  boissons  chaudes,  bains  chauds,  etc.  ; 
administrer  les  agents  vaso-dilatateurs,  les  médicaments  cardiaques. 

Tenant  compte  que  la  toxicité  de  la  cocaïne  est  proportionnelle  non 
à  la  quantité  contenue  dans  l'organisme,  mais  au  litre  auquel  cette 
quantité  met  le  sang  (Maurel),  il  paraît  indiqué  de  faire  pénétrer  dans 
le  torrent  circulatoire  la  plus  grande  quantité  d'eau  possible  pour 
diminuer  ainsi  le  degré  de  la  solution  sanguine.  Les  boissons  abon 
dantes  agiront  en  diminuant  la  dose  de  cocaïne  contenue  dans 
une  quantitédonnée  de  sang.  Mais,  en  outre,  ces  boissons  abondantes 
répondront  à  une  indication  tout  aussi  importante,  celle  de  favoriser 


193  NOGUÉ.  —  AXESTHÉSIE. 

rélimiualion  du  toxique.  Cette  élimination  devra  être  obtenue  par 
trois  voies  : 

a.  Les  purgatifs  qui,  en  diminuant  le  plasma  sanguin,  débarrassent 
l'organisme  dune  quantité  proportionnelle  de  cocaïne; 

h.  Les  diurétiques,  qui  augmentent  l'élimination  rénale; 

c.  Les  sudorifiques,  qui  produisent  du  côté  de  la  peau  le  mêmfr 
résultat  que  les  diurétiques  du  côté  du  rein. 

Comme  traitement  de  l'intoxication  cocaïnique,  on  a  proposé  Ifr 
nitrite  d'amyle  en  inhalations  à  la  dose  de  III  à  IV  gouttes.  C'est  un 
vaso-dilatateur  énergique.  Cependant  la  pratique  n'a  guère  sanc- 
tionné les  données  de  la  théorie. 

On  ne  saurait  compter  sur  l'action  de  médicaments  antagonistes, 
qui  restent  d'ailleurs  encore  à  découvrir.  Le  mieux,  comme  le  conseille 
Legrand,àlasuite  de  son  maître  Reclus,  c'est  de  s'en  tenir  aux  moyens 
que  le  bon  sens  conseille  :  coucher  le  malade  dans  le  décubitus 
horizontal,  la  tête  légèrement  renversée  en  arrière  ;  pratiquer  sur  le 
visage  et  la  poitrine  des  flagellations  avec  des  compresses  trempées 
dans  de  l'eau  chaude  ou  de  l'eau  froide,  faire  absorber  du  café  relevé 
de  quelques  cuillerées  de  rhum  ou  de  cognac,  injecter  sous  la  peau 
de  la  caféine  et  de  l'éther,  friclionner  vigoureusement  tout  le  corps 
et,  le  cas  échéant,  recourir  sans  relâche  à  la  respiration  artificielle,  car 
on  l'a  vue  ramener  lejeu  normal  des  poumons,  qui  se  ralentissait  tout 
à  coup. 

Titre  des  solutions  cocaïniques.  —  Doses.  —  C'est  le 
P""  Reclus  qui,  après  des  années  de  patientes  recherches,  a  pu  for- 
muler les  règles  de  l'anesthésie  cocaïnique.  Ces  règles,  il  les  a 
résumées  dans  cette  formule  lapidaire  qu'il  sera  prudent  de  toujours- 
observer:  dose  faible,  titre  faible,  injection  traçante. 

Le  titre  de  la  solution  a  une  importance  extrême.  Au  début  de 
l'anesthésie  cocaïnique,  on  employait  couramment  les  solutions  à 
5  et  même  10  p.  100;  mais  ce  titre  a  été  de  plus  en  plus  réduit^ 
et  aujourd'hui  on  n'emploie  plus  que  les  solutions  à  1  p.  100  et  ù 
1  p.  200. 

Ce  titre  joue  d'abord  un  rôle  au  point  de  vue  de  la  toxicité.  Une 
solution  concentrée  à  un  titre  déterminé  est  aussi  toxique  qu'une 
solution  étendue  qui  introduirait  dans  le  même  temps  cinq  à  six  fois 
autant  de  cocaïne  que  la  première  dans  l'épiderme.  Il  semble  que  la 
saturation  exagérée  d'une  petite  portion  de  l'organisme  ait  par  elle- 
même  des  conséquences  toxiques  graves,  et  cela  tout  à  fait  indépen- 
damment de  la  saturation  totale  qui  l'accompagne.  Ce  phénomène» 
très  curieux  au  point  de  vue  physiologique,  a  été  observé  très  nette- 
ment sous  l'influence  de  la  cocaïne;  mais  on  l'a  vu  se  reproduire 
aussi  avec  d'autres  substances  (G.  Pouchet'j. 

Le  titre  de  la  solution  joue  un  rôle  important  dans  la  rapidité,, 
dans  lintensité  et  dans  la  durée  de  l'anesthésie  (Reclus).   Avec  les 


ANESÏHÉSIE  PAR  INJECTION  DANS  LES  TISSUS.  199 

solutions  i\  "JO,  10  et  même  5  p.  100,  on  pouvait  saisir  rinslrument 
tranchant  dès  l'injeclion  finie,  l'analgésie  étant  immédiate;  elle  est 
encore  presque  immédiate  avec  les  solutions  à  2  p.  100.  Mais  avec  les 
solutions  actuelles  à  0,5  p.  100,  un  plus  long-  temps  est  nécessaire  : 
il  faut  attendre  au  moins  deux  à  trois  minutes  avant  d'intervenir, 
sous  peine  de  provoquer  de  la  douleur. 

Avec  les  solutions  à  0,5  p.  100,  on  obtient  une  analgésie  complète, 
mais  la  sensibilité  tactile  est  conservée.  Il  en  est  de  même  de  la 
sensibilité  thermique. 

La  durée  de  l'anesthésie  est  également  beaucoup  moindre  avec 
les  solutions  à  0,5  p.  100  qu'avec  les  solutions  au  vingtième  :  avec  ces 
dernières,  on  avait  pu  prolonger  les  opérations  pendant  plus  d'une 
heure. 

Notre  solution  préférée,  dit  le  P""  Reclus,  et  recommandée 
est  0,5  p.  100.  Cependant,  pour  les  tissus  très  sensibles,  tégument 
interne  et  externe,  peau  et  muqueuse,  et  chez  des  personnes  très 
impressionnables,  on  pourrait  encore  user  quelquefois  de  solutions 
à  1  p.  100;  mais,  pour  les  aponévroses,  beaucoup  mieux  innervées 
cependant  qu'on  semble  le  croire,  pour  les  muscles  et  pour  le  périoste, 
j'ai  toujours,  dans  toutes  les  circonstances,  eu  recours  aux  injections 
à  0,5  p.  100  seulement,  mais  peut-être  injectées  plus  largement  que 
mes  anciennes  solutions  à  1  p.  100.  J'ai,  comme  disent  mes  élèves,  la 
seringue  plus  u facile». 

Quant  aux  doses,  elles  sont  évidemment  très  variables  selon  bien 
des  circonstances.  Reclus  n'hésite  pas  à  pousser  les  doses  jusqu'à 
4,  6,  10,  15  seringues  et  même  19  seringues  de  la  solution  à  1  p.  100, 
le  double  avec  la  solution  moitié  moindre,  ce  qui  représente  une  dose 
d'alcaloïde  allant  jusqu'à  19  centigrammes.  Reclus  recommande 
de  ne  jamais  atteindre  20  centigrammes,  se  basant  sur  ce  fait  qu'on  a 
observé  un  cas  de  mort  après  une  injection  de  22  centigrammes. 

Il  estime  que,  en  prenant  toutes  les  précautions  qu'il  indique,  il 
n'y  a  aucun  danger  au-dessous  de  ces  doses. 

En  stomatologie,  on  ne  saurait  conseiller  ces  doses  élevées.  C'est 
que,  dans  notre  spécialité,  il  n'est  guère  possible  d'opérer  comme 
le  conseille  Reclus  dans  la  position  couchée.  Force  est  donc  de 
réduire  les  doses  à  leur  minimum.  Nous  pensons  donc  que  la  dose  de 
1  centigramme  doit  être  la  dose  habituelle.  Mieux  vaut  également 
adopter  la  dilution  de  0,5  p.  100.  Dans  ces  conditions,  1  centi- 
mètre cube  contient  Og'',005,  et  on  utilise  une  seringue  de  la 
capacité  de  2  centimètres  cubes  :  une  seringue  entière  représente 
1  centigramme.  Parfois  1  centimètre  cube  de  liquide  est  suffisant 
autour  de  certaines  dents;  d'autres  fois  on  peut  aller  jusqu'à  la 
seringue  complète.  Une  trop  grande  quantité  de  liquide  ne  saurait 
en  elfet  être  injectée  dans  les  tissus  gingivaux  sans  inconvénients 
(tluxions  consécutives,  œdème,  etc.). 


200  .  ^OGUE.  —  ANESTHÉSIE. 

Contre-indications  de  la  cocaïne.  —  La  cocaïne  est  contre- 
indiquée  chez  lesenlanls  au-dessous  de  huit  à  dix  ans  ;  encore  con- 
viendra-t-il,  quand  on  en  fait  usage  au-dessous  de  quinze  à  seize  ans, 
de  se  montrer  très  circonspect. 

Elle  est  contre-indiquée  chez  tous  les  affaiblis,  les  cachectiques, 
les  vieillards,  les  artérioscléreux  et  chez  toute  personne  présentant 
quelques  lésions  cardiaques. 

Il  sera  particulièrement  sage  de  ne  jamais  l'administrer  aux 
brightiques  et  de  se  montrer  très  prudent  chez  les  emphyséma- 
teux. 

Gabriel  Pouchet  a  excellemment  formulé  les  contre-indications 
de  la  cocaïne. 

Tout  d'abord,  dit-il,  une  contre-indication,  c'est  celle  miseenavant 
par  une  Commission  de  l'Académie  de  médecine  qui  s'est  occupée, 
en  1891,  d'étudier  les  conditions  dans  lesquelles  devait  se  pratiquer 
l'analgésie  par  la  cocaïne.  Ces  conditions  sont  relativesà  l'état  névro- 
pathique  de  l'individu. 

Il  y  a  des  individus  chez  lesquels  il  est  impossible  de  faire  usage  de 
certains  médicaments,  parcequ'ils  ont,  au  sujet  de  ces  médicaments, 
uneterreur,  une  aversion  plus  oumoins  justifiée  et  qu'on  estàpeu  près 
sûr  de  voir  se  développer  chez  eux,  sous  l'influence  non  seulement 
d'une  dose  très  minime,  mais  même  de  pilules  de  mie  de  pain,  des 
accidents  plus  ou  moins  graves.  Dans  ce  cas,  il  est  bon  de  s'abstenir 
de  l'usage  de  la  cocaïne. 

On  a  ditqu'il  était  illogique  de  pratiquer  des  injections  de  cocaïne 
dans  les  tissus  sans  vitalité,  dans  des  tissus  en  état  d'asphyxie  ou 
bien  atteints  de  troubles  trophiques.  Cette  manière  de  voir,  de 
l'avis  de  Pouchet,  serait  en  concordance  avec  l'action  nécrosante 
de  la  cocaïne  dans  certaines  circonstances. 

D'autre  part,  Reclus  insiste  beaucoup  sur  ce  fait  que,  dans  ce 
qu'il  appelle  les  opérations  non  réglées,  la  cocaïne  est  plutôt  nuisible 
qu'utile.  Par  opérations  non  réglées,  il  faut  entendre  celles  dans 
lesquelles  on  peut  se  trouver  exposé  à  aller  beaucoup  plus  loin  qu'on 
ne  pensait.  Par  exemple,  quand,  dans  une  opération  pour  néoplasme, 
on  peut  se  trouver  entraîné  à  poursuivre  des  ganglions  plus  ou 
moins  éloignés. 

Un  autre  inconvénient  peut  résulter  de  la  trop  grande  étendue  du 
champ  opératoire,  à  moins  que  ce  champ  ne  soit  superficiel,  qu'il  n'y 
ait  pas  plusieurs  plans  de  tissus  à  analgésier. 

Enfin,  dans  les  tissus  ulcérés,  le  liquide  peuts'échapper  sans  servir 
utilement  à  l'anesthésie.  Cela  se  produit  surtout  lorsqu'on  introduit 
des  solutions  de  cocaïne  chez  desindividus  affectés  de  gingivo-périos- 
tite  ou  bien  d'adénite  tuberculeuse  suppurée,  ou  bien  lorsqu'on  veut 
se  servir  de  cocaïne  pour  l'analgésie  de  fistules  anales  multiples. 
En  pareilles  circonstances,  on  risque  de  ne  produire  qu'une  analgésie 


ANESTHÉSIE.  PAR  INJECTION  DANS  LES  TISSUS.  201 

insullisante  par  suite  de  lecoulement  Irop  rapide,  eu  dehors  des 
tissus,  de  la  solution  de  cocaïne  :  ou  bien  encore  on  risque  des 
accidents  d'inloxication  générale  à  cause  de  l'absorption  trop 
intense. 

En  résumé,  les  opérations  irrégulières,  telles  que  Reclus  les 
dépeint  :  celles  à  foyer  mal  délimité,  capables  de  déterminer  des 
surprises  pour  l'opérateur,  ou  bien  celles  qui  doivent  se  faire  sur  un 
champ  opératoire  trop  étendu  à  étages  superposés,  nécessitant 
l'emploi  d'une  trop  grande  quantité  de  cocaïne  ,  ou  bien  l'emploi  de 
cocaïne  dans  des  tissus  ulcérés,  déjà  enflammés:  toutes  ces  circon- 
stances sont  autant  de  contre-indications  à  l'emploi  de  la  cocaïne. 
Elles  mettent  l'opérateur  dans  l'obligation  d'avoir  recours  auxhypno- 
aneslhésiques,  à  moins  cependant  que  l'âge,  la  faiblesse  du  malade, 
l'état  de  déchéance  organique  ou  des  stases  d'origine  cardiaque  ou 
pulmonaire  ne  viennent  constituer  des  contre-indications  encore  plus 
impérieuses  à  l'emploi  des  hypno-anesthésiques. 

Anesthésie  cocaïnique  par  infiltration.  Méthode  de 
Schleich. —  En  1892,  Schleich  fit  connaître  son  procédé  danesthésie 
par  infiltration  basé  sur  l'observation  de  Liebreich,  qu'on  peut 
obtenir  une  anesthésie  locale,  précédée  d'une  période  d'hyperes- 
Ihésie,  par  une  simple  injection  sous-cutanée  d'eau  distillée. 
Il  se  produit  une  papule  fortement  saillante  à  la  surface  de  l'épi- 
derme.  Si,  au  lieu  d'eau  distillée,  on  injecte  du  sérum  physiologique 
(chlorure  de  sodium  à  (\  p.  1000),  il  n'y  a  ni  hyperesthésie,ni 
anesthésie. 

Schleich  pensa  que,  entre  l'eau  distillée  produisant  une  hyperes- 
thésie  puis  une  anesthésie,  et  la  solution  de  sérum  physiologique  ne 
produisant  ni  l'une  ni  l'autre,  ildevaitexister  une  solution  de  chlorure 
de  sodium  à  un  titre  particulier  ne  déterminant  pas  d'hyperesthésie, 
mais  capable  cependant  de  produire  l'anesthésie,  et  en  effet  il  aurait 
réalisé  cette  solution  en  faisant  dissoudre  du  chlorure  de  sodium 
dans  de  l'eau  dans  la  proportion  de  2  p.  1000.  Bien  plus,  lorsqu'au 
lieu  d'expérimenter  avec  des  solutions  de  sels  inofl'ensifs,  comme 
le  chlorure  de  sodium,  on  utilise  des  solutions  de  cocaïne,  il  observa 
que  l'action  aneslhésiante  de  la  cocaïne  était  variable  suivant  le  titre 
des  solutions,  la  technique  du  procédé  restant  toujours  la  même,  c'est-à- 
dire  des  gouttelettes  étant  introduites  sous  l'épiderme  dans  l'épais- 
seur du  derme. 

En  parlant  du  titre  de  1  p.  100  de  chlorhydrate  de  cocaïne  et  en 
abaissant  peu  à  peu  le  titre  des  solutions,  il  arriva  à  remarquer  que 
la  solution  de  cocaïne  à  2  centigrammes  pour  100  grammes  d'eau 
déterminait  une  anesthésie  aussi  nette,  aussi  intense  que  celle  produite 
par  une  solution  de  cocaïne  à  1  p.  100.  Avec  des  solutions  plus  faibles, 
c'est-à-dire  d'une  teneur  moindre  que  2  centigrammes  de  chlorhydrate 
de  cocaïne  pour  200  grammes  d'eau,  il    avait  bien  de  l'anesthésie, 


202  NOGUE.  —  ANESÏHESIE. 

mais  cette  aneslhésie  était  précédée  d'une   période  plus  accentuée 
d'hvpereslhésie. 

Enfin,  avec  des  solutions  de  cocaïne,  de  richesse  supérieure  à 
2  p.  100  (il  essaya  les  solutions  de  2  à  4  p.  100),  il  y  avait  des  modifi- 
cations diverses  des  sensations  douloureuses,  suivies  d'anesthésie  ; 
il  en  était  de  même  avec  les  solutions  de  chlorure  de  sodium  à  des 
litres  différents,  mais  supérieurs  à  G  p.  1000  ou  inférieurs  à  2  p.  1000. 
La  solution  de  chlorure  de  sodium  à  2  p.  1 000  détermine  au 
début  non  pas  Ihyperesthésie,  mais  de  la  paresthésie,  c'est-à- 
dire  une  modification  dans  la  pei-ception  ressentie,  n'allant  pas  jus- 
qu'à la  douleur,  et  qui  consiste  en  une  sensation  de  tension,  de  dé- 
mangeaison, qui  est  bientôt  remplacée  par  une  anesthésie  absolument 
complète. 

La  solution  de  chlorure  de  sodium  à  2  p.  1  000  réalise  donc  pour 
Schleich  un  véritable  anesthésique  local;  mais  il  fait  cette  restriction 
quel'aneslhésie  locale  ainsi  obtenue  se  réalise  surtout  dans  les  tissus 
sains  et  que,  lorsque  les  tissus  ne  sont  pas  dans  leur  état  d'intégrité 
parfaite,  il  est  nécessaire  de  faire  intervenir  une  substance  agissant 
d'une  façon  physico-chimique  sur  les  terminaisons  nerveuses  sensi- 
tives.  11  fait  alors  intervenir  la  cocaïne  et  même,  comme  nous  allons 
le  voir  dans  un  moment,  la  morphine.  Il  aurait  observé,  en  effet,  que 
cette  solution  de  chlorure  de  sodium  à  2  p.  1000  est  capable,  lors- 
qu'on y  fait  dissoudre  de  la  cocaïne,  de  déterminer  une  anesthésie 
aussi  considérable  que  celle  produite  par  la  solution  de  cocaïne  à 
1  p.  100,  mais  à  des  titres  de  cocaïne  infiniment  inférieurs.  Ainsi  le 
titre  de  la  solution  de  cocaïne  suffisant  pour  produire  lanesthésie, 
c'est-à-dire  2  centigrammes  de  cocaïne  pour  100  grammes  d'eau, 
peut  être  réduit  de  moitié,  soit  à  1  centigramme,  quand  on  opère  la 
dissolution  dans  une  solution  de  chlorure  de  sodium  à  2  p.  1  000 
au  lieu  d'eau  distillée. 

Schleich  montra  également  que  le  chlorure  de  sodium  n'était  pas 
la  seule  substance  capable  de  d  terminer  ainsi  de  l'anesthésie  : 
qu'une  solution  de  sucre  à  3  p.  100,  une  solution  de  bromure  de 
potassium  au  même  titre,  une  solution  de  caféine  à  2  p.  100,  seraient 
également  capables  de  déterminer  une  anesthésie  plus  ou  moins 
considérable.  Mais,  pour  toutes  ces  substances,  de  même  que 
pour  la  morphine  et  pour  la  cocaïne,  il  y  aurait  un  titre  optimum 
de  solution  qui  serait  celui  auquel  il  faudrait  s'arrêter  pour  réaliser 
de  la  meilleure  faron  possible  l'anesthésie  chirurgicale.  Ainsi,  pour 
ce  qui  concerne  exclusivement  la  cocaïne,  on  observerait  une  pares- 
thésie préalable  avec  une  solution  de  cocaïne  à  1  centigramme 
p.  100  et  au-dessous,  tandis  qu'on  observe  une  anesthésie  locale 
pure  et  simple  avec  des  solutions  dont  le  titre  varie  de  2  centi- 
grammes jusqu'à  2  grammes  p.  100,  et  enfin  l'anesthésie 
douloureuse,     c'est-à-dire     l'anesthésie    précédée    de     la     période 


ANESTHÊSIE  PAR  INJECTION  DANS  LES  TISSUS.  203 

d'hyporosthésie  avec  une  solution  dont  le  litre  est  supérieur  à 
2  grammes  p.  JOO. 

Le  phénol  est  seulement  anesthésique  au  titre  de  2  centigrammes 
î\  1  gramme  p.  100;  tandis  qu'au  titre  de  2  à  5  grammes  p.  100  il 
détermine  une  très  vive  douleur. 

Schleich  remarqua  également  que  le  chlorhydrate  de  morphine 
en  solution  à  10  centigrammes  p.  100  était  capable  de  donner  des 
solutions  anesthésiques  produisant  sensiblement  les  mêmes  efTets 
que  la  solution  de  cocaïne  à  2  centigrammes  p.  100. 

Pour  lui,  lorsqu'il  s'agit  des  tissus  sains  et  de  solution  de  chlorure 
de  sodium  exclusivement,  l'action  anesthésianle  ainsi  obtenue  peut 
être  interprétée  grâce  à  l'intervention  de  trois  facteurs  :  d'abord 
une  ischémie  assez  notable  des  tissus  infdtrés  par  le  liquide  qu'on  y 
injecte  ;  ensuite  une  compression,  assez  notable  également,  des 
rameaux  nerveux  sensitifs  qui  plongent  dans  ces  tissus  infdtrés, 
et  enfin  la  température  du  liquide  qui  viendrait  jouer  un  rôle  égale- 
ment, car,  toujours  d'après  Schleich,  l'action  anesthésique  est 
d'autant  plus  marciuée  que  le  liquide  en  question  est  injecté  à  une 
température  plus  basse,  ceci,  bien  entendu,  dans  certaines  limites 
et  relativement  à  la  température  normale  physiologique  :  la  tempé- 
rature la  plus  basse  à  laquelle  il  fait  ses  injections  est  comprise 
entre  10  et  12°  C. 

Il  a  recommandé  trois  solutions  à  des  litres  différents.  Il  les 
appelle:  solution  forte,  solution  moyenne  et  solution  faillie;  elles 
sont  ainsi  composées  : 

Forte.  Moyenne.  Faible. 

Chlorhydrate  de  cocaïne 08S20  0«%10  Oe'.OlO 

Chlorhydrate  de  moiphinc 0^^,02  08%02  0'!%005 

Chloruie  de  sodium 0g'',20  Os^iO  08',200 

Eau  distillée 100  gr.  100  gr.  100  gr. 

En  somme,  ces  solutions  diffèrent  entre  elles  surtout  par  la 
proportion  de  cocaïne,  la  quantité  de  morphine  étant  plus  petite 
aussi  dans  la  solution  faible,  mais  dans  une  moindre  proportion  que 
la  cocaïne. 

Pour  une  seule  opération,  Schleich  admet  qu'on  peut  aller  jusqu'à 
injecter  25  centimètres  cubes  de  la  solution  forte,  50  centimètres 
cubes  de  la  solution  moyenne  et  500  centimètres  cubes,  c'est-à-dire 
un  demi-litre,  de  la  solution  faible. 

A  son  avis,  la  solution  forte  et  la  solution  faible  doivent  être 
réservées  pour  des  cas  particuliers:  c'est  la  solution  moyenne,  c'est-à^ 
dire  la  solution  à  10  centigrammes  de  cocaïne,  2  centigrammes  de 
chlorhydi-ate  de  morphine,  20  centigrammes  de  chlorure  de  sodium 
pour  100  grammes  d'eau,  qui  est  celle  avec  laquelle  il  pratique  la 
presque  totalité,  ou  la  grande  majorité  tout  au  moins,  de  ses 
opérations. 


204  >'OGUE.  —  ANESTHESIE. 

La  solution  forte  doit  être  réservée  pour  les  cas  suivants  :  lorsque 
la  solution  moyenne  détermine  de  la  douleur,  lorsque  les  tissus  à 
aneslhésier  sont  déjà  le  siège  d'une  inflammation  aiguë,  ou  bien 
lorsqu'on  opère  dans  un  tissu  cicatriciel  en  présence  de  névromes, 
lorsqu'il  y  a  une  hyperesthésie  généralisée.  Daprès  Schleich,  ces 
cas  seraient  assez  rares. 

Quant  à  la  solution  faible,  il  ne  faut  l'employer  que  dans  les 
circonstances  suivantes  :  lorsque,  après  l'usage  soit  de  la  solution 
forte,  soit  de  la  solution  moyenne,  on  approche  de  la  dose  maxima 
qu'il  est  prudent  de  ne  pas  dépasser,  cest-à-dire  lorsqu'on  a  em- 
ployé 20  centimètres  cubes  de  la  solution  forte,  ou  40  centimètres 
cubes  de  la  solution  moyenne.  Il  est  alors  prudent  de  continuer 
avec  la  solution  faible,  pour  ne  pas  atteindre  tout  de  suite,  en 
quelques  seringues  seulement,  les  25  grammes  que  Schleich  donne 
comme  limite  de  la  solution  forte  ou  les  50  grammes  qu'il  donne 
comme  limite  de  la  solution  moyenne. 

Au  point  de  vue  pratique,  il  aurait  été  très  commode  de  pouvoir 
condenser  sous  un  petit  volume  le  mélange  des  sels  nécessaires  et  de 
préparer  des  comprimés  comme  on  le  fait  maintenant  pour  un 
certain  nombre  de  sels  minéraux  ou  organiques,  comprimés  qu'il 
eût  été  très  simple  de  faire  dissoudre  dans  la  quantité  voulue  d'eau 
distillée  pour  réaliser  ainsi  extemporanément  la  composition  de  ces 
liquides.  Malheureusement  toutes  les  tentatives  faites  jusqu'ici  pour 
obtenir  des  comprimés  présentant  la  composition  voulue  ont  échoué 
complètement,  et  on  est  obligé  de  préparer  des  solutions  fraîches 
à  chaque  opération. 

Pour  employer  ces  solutions,  Schleich  recommande  également 
une  technique  particulière,  qu'il  est  absolument  indispensable, 
d'après  lui,  de  suivre  point  par  point  si  l'on  ne  veut  pas  aboutir  à 
un  échec  dans  l'emploi  de  la  méthode. 

Il  faudrait  d'abord  faire  l'insensibilisation  superficielle  de  la 
région  par  la  vaporisation  soitd'éther,  soit  de  chlorure  d'éthyle,  ou 
bien,  lorsque  la  région  ne  se  prête  pas  à  ce  mode  d'insensibilisation, 
par  l'application  circonscrite  d'une  solution  phéniquée  forte  (solu- 
tion à  5  ou  même  10  p.  100),  ou  bien  encore  par  le  badigeonnage  préa- 
lable d'une  solution  de  cocaïne.  C'est  ainsi,  par  exemple,  que,  pour 
le  vagin,  le  rectum,  la  cavité  buccale,  il  est  impossible  de  faire  au 
préalable  l'insensibilisation  de  la  muqueuse  avec  un  jet  de  chlorure 
d'éthyle  ou  d'éther,  et  l'on  est  obligé  d'avoir  recours  à  l'attouchement 
«vec  la  solution  phéniquée  ou  avec  un  cristal  de  coca'ine.  Il  importe 
beaucoup  que  la  première  piqûre  ne  développe  aucune  douleur.  Le 
jet  de  vapeur  anesthésique,  lorsque  l'opération  doit  porter  sur  les 
tissus  enflammés,  doit  être  dirigé  progressivement  de  la  partie 
saine  du  tissu  vers  la  partie  enflammée. 

Enfoncer  alors  l'aiguille  de  la  seringue  lentement   et  juste  assez 


ANESTHÉSIE  PAR  INJECTION  DANS  LES  TISSUS,  205 

pour  riH-ouvrir  (Milièrement  rorifice  de  la  canule.  On  prali(iue  alors 
une  pression  légère,  et  on  voit  se  former,  autour  de  laiguille,  une 
papule  qui  saccroit  peu  à  peu  à  la  périphérie  :  lorsque  la  dimension 
de  celte  papule  est  à  peu  près  égale  à  celle  d'une  pièce  de  60  cen- 
times, —  et  il  est  indispensable  d'attendre  ce  moment,  — on  retire  la 
seringue  et  on  l'enfonce  de  nouveau  presque  à  la  périphérie  de  cette 
première  papule,  de  façon  à  en  produire  une  seconde,  dont  les  bords 
soient  tangents  ou  même  empiètent  un  peu  sur  les  bords  de  la  pre- 
mière. On  arrive  ainsi  à  produire  un  chapelet  de  papules  qui  se 
succèdent  et  qui  indiquent  le  trajet  que  doit  suivre  l'instrument 
tranchant. 

Ensuite  il  faut  faire  Tanesthésie  des  couches  profondes.  D'après 
Schleich,  cette  anesthésie  doit  se  faire  après  avoir  pratiqué  des 
incisions  préalables  lorsqu'il  s'agit  d'aller  au  delà  des  couches 
musculaires  ou  aponévrotiques,  à  moins  que  les  couches  pro- 
fondes à  atteindre  ne  soient  par  trop  éloignées  de  la  peau. 

Par  ces  procédés  et  avec  ces  solutions,  on  pourrait  arriver  à 
anesthésier  jusqu'au  périoste  et  jusqu'à  la  moelle  osseuse  même, 
en  faisant  des  injections  sous-périostées,  en  introduisant  quelques 
gouttes  de  la  solution  de  cocaïne  au  contact  de  la  moelle  osseuse 
après  effraction  préalable  d'une  fraction  de  l'os.  Quant  aux  tissus 
nerveux  d'un  volume  un  peu  considérable  qu'on  pourrait  rencontrer 
sur  sa  route  pendant  le  cours  de  l'opération  et  qu'il  faudrait  anes- 
thésier, Schleich  n'a  pas  l'air  d'avoir  ici  grande  confiance  dans  sa 
solution  de  cocaïne,  car  il  recommande  de  les  toucher  de  préférence 
avec  une  solution  phéniquée  à  5  p.  100,  ou  bien  de  pratiquer  dans  la 
gaine  celluleuse  du  nerf,  suivant  le  procédé  utilisé  par  François- 
Franck  pour  l'expérimentation  physiologique,  l'injection  d'une  ou 
deux  gouttes  de  la  solution  cocaïnée. 

Si,  en  pratiquant  cette  injection  de  solution  cocaïnée  dans  la 
gaine  celluleuse  des  nerfs,  on  était  absolument  sûr  de  ne  pas  blesser 
les  éléments  nerveux,  ce  serait  très  simple  ;  mais,  en  raison  des 
phénomènes  graves  qui  pourraient  résulter  d'une  lésion  accidentelle 
bien  difficile  à  éviter  en  toute  certitude,  mieux  vaut  recourir  à  la 
solution  phéniquée  à  5  p.  100  (G.  Pouchet). 

L'anesthésie  persiste  pendant  une  durée  de  quinze  à  vingt  minutes, 
et  Schleich  dit  qu'il  ne  lui  est  jamais  arrivé  d'être  obligé  de  recom- 
mencer l'insensibilisation  des  couches  superficielles  pour  faire  les 
sutures  terminales. 

L'opinion  du  D""  H.  Braun  (de  Leipzig)  (1)  sur  l'anesthésie  par 
infiltration  mérite  d'être  citée  : 

«  Je  me  suis  livré  à  une  série  de  recherches  en  vue  de  définir  les 
différents  facteurs  physiologiques  dont  il  convient  de  tenir  compte 

(1)  H.  Braun,  XXVII<^  Congrès  de  la  Soc.  de  chir.,  13  avril  1898. 


206  >.OGUÉ.  —  ANESTHÉSIE. 

relativement  à  l'action  de  Tanesthésie  par  infiltration  ;  je  m'occu- 
perai en  premier  lieu  de  FefTet  produit  par  l'injection  des  solutions 
aqueuses  en  général. 

«  Le  premier  de  ces  facteurs  réside  dans  la  température  de  la 
solution  et  le  second,  qui  est  en  même  temps  le  plus  important,  dans 
la  pression  osmotique.  Cette  dernière  dépend  de  la  concentration 
de  la  solution  et  correspond  de  ce  fait  au  point  de  congélation, 
c'est-à-dire  que  toutes  les  solutions  ayant  la  même  température 
de  congélation  provoquent  dans  les  tissus  la  même  pression  osmo- 
tique. Plus  ce  point  de  congélation  se  rapproche  de  celui  des 
tissus  de  l'organisme  humain,  plus  la  solution  est  indifférente. 
En  prenant  les  solutions  de  chlorure  de  sodium,  jai  trouvé 
que  la  solution  indifférente  est  représentée  par  une  concentration 
de  0,9  p.  100. 

«  Pour  la  cocaïne,  la  solution  indifférente  au  point  de  vue  osmo- 
tique serait  de  5,8  p.  100,  Plus  une  solution  s'éloigne  de  la  concen- 
tration indifférente,  plus  elle  irrite  les  tissus,  en  produisant  ulté- 
rieurement un  certain  degré  d'anesthésie.  Celle-ci  atteint  son 
maximum  avec  l'injection  d'eau  absolument  pure. 

u  Celte  aneslhésie  est  cependant  de  beaucoup  inférieure  à  celle  que 
détermine  l'injection  de  certains  alcaloïdes  possédant  le  pouvoir 
spécifique  de  l'anesthésie  locale.  Les  seuls  qui  peuvent  entrer  en 
ligne  de  compte  sont  la  cocaïne  et  Teucaïne.  Leur  puissance  anes- 
thésiante  se  manifeste  de  la  manière  la  plus  nette  quand  on  les 
dissout  dans  une  solution  physiologique  de  chlorure  de  sodium, 
et  ils  atteignent  leur  effet  maximum  lorsqu'on  les  injecte  à  la  tem- 
pérature du  corps,  sans  que  toutefois  la  température  de  la  solution 
soit  capable  de  modifier  sensiblement  leur  action.  Je  considère  que 
l'adjonction  d'une  petite  quantité  de  morphine,  préconisée  par 
Schleich,  ne  présente  aucun  avantage,  la  morphine  n'agissant 
pas  sur  les  terminaisons  périphériques  des  nerfs  sensibles  :  elle 
paraîtrait  plutôt  nuisible,  en  ce  sens  qu'elle  provoque  facilement  un 
œdème  local  considérable,  tel  qu'on  l'observe  parfois  après  les 
piqûres  de  morphine.  La  réfrigération  préalable  du  point  d'injection 
n'est  pas  à  recommander,  puisque  cette  manœuvre  est  plus  doulou- 
reuse que  l'introduction  de  la  canule  elle-même. 

«  Relativement  à  l'anesthésie  locale  par  infiltration,  j'estime  qu'elle 
constitue  la  méthode  de  choix  en  raison  de  son  innocuité,  qui  a 
cependant  pour  inconvénient  de  donner  une  consistance  uniforme 
aux  divers  tissus,  et  je  la  crois  pour  cette  raison  contre-indiquée 
dans  l'extirpation  des  néoplasmes  malins,  ainsi  que  pour  le  traite- 
ment des  suppurations  diffuses.  » 

Avantages  et  inconvéxien'ts  de  la  méthode  de  Schleich.  —  Les 
avantages  de  la  méthode  de  Schleich  sont  considérables  du  fait 
qu'ils  permettent  l'anesthésie  d'un  champ   opératoire   très  étendu 


ANESTHESII-:  PAR  INJECTION  DANS  LES  TISSUS.  207 

avec  uno  ([uanliU'  iniiiiiiK;  de  cocaïne.  En  outre,  les  hémorragies 
sont  considérablement  diminuées  dans  les  tissus  infiltrés. 

Mais  il  y  a  également  des  inconvénients,  et  ces  inconvénients  ont 
déjù  depuis  longtemps  été  mis  en  évidence  dans  le  pays  même  où 
la  méthode  a  pris  naissance.  En  dehors  du  temps  assez  considérable 
que  demande  la  mise  en  œuvre  de  la  méthode  de  Schleich,  —  car  la 
série  de  piqûres  qu'il  est  nécessaire  de  faire,  le  trajet  qu'il  faut 
suivre,  la  préparation  des  solutions,  tout  cela  demande  un  temps 
assez  considérable,  —  en  dehors  de  tout  cela,  il  y  a  encore  d'autres 
inconvénients.  Le  plus  important  est  certainement  l'œdème  que  ce 
procédé  d'infdtration  détermine  dans  la  région  qu'on  veut  anesthé- 
sier,  œdème  qui  voile  cette  région  d'une  façon  plus  ou  moins 
marquée,  qui  dissocie  les  tissus,  qui  peut  même,  dans  certains  cas, 
<létruire  les  rapports  anatomiques  et  faire  qu'un  nerf,  une  artère, 
une  veine  arrivent  à  échapper  au  milieu  de  l'infUlration  ou  du  moins 
à  n'être  retrouvés  qu'avec  une  certaine  difficulté.  Ce  sont  là  des 
points  sur  lesquels  Hofmeister,  en  1896,  avait  déjà  insisté  et  qui 
font  qu'en  somme  la  méthode  de  Schleich  ne  présente  pas  d'avan- 
tages sur  la  méthode  de  Heclus,  au  contraire. 

Enfin,  un  dernier  point  sur  lequel  il  est  nécessaire  d'insister,  est 
celui-ci  :  lorsqu'on  veut  avoir  recours  à  la  méthode  de  Schleich,  il 
est  important,  pour  pratiquer  la  constrictionavec  une  bande  élasticjue, 
que  cette  constriction  soit  faite  après  l'infiltration,  l'injection  j^ouvant 
sans  cela  devenir  très  difficile,  parce  que  le  sang  ne  peut  plus  être 
expulsé  facilement  dans  la  région  dont  la  circulation  a  été  suspendue 
par  la  bande  servant  à  exercer  la  constriction  :  l'injection  devient 
alors  douloureuse. 

Enfin  il  y  a  des  difficultés  particulières  qu'on  rencontre  dans  les 
tissus  enflammés  ou  dans  les  tissus  scléreux,  et  les  différents  chirur- 
giens qui  ont  employé  les  procédés  de  Schleich  sont  à  peu  près 
unanimes  pour  reconnaître  que,  dans  les  tissus  scléreux,  il  est 
extrêmement  difficile  d'employer  cette  méthode  par  infiltration, 
parce  que  la  résistance  de  ces  tissus  est  telle  qu'on  fait  éclater  le 
corps  de  la  seringue,  ou  bien  que  la  canule  lâche  le  corps  de  la 
seringue,  et  qu'on  rencontre  des  difficultés  assez  considérables  si 
l'on  veut  vaincre  la  pression  énorme  qu'il  arrive  d'être  obligé  de 
surmonter  pour  infiltrer  certains  tissus. 

En  stomatologie,  la  méthode  de  Schleich  est  passible  des  mômes 
reproches.  Les  tissus  gingivaux  sont  d'une  consistance  générale- 
ment très  ferme,  et  on  éprouve  des  difficultés  marquées  à  y 
faire  pénétrer  de  grandes  quantités  de  liquide.  Nous  ne  pouvions 
cependant  la  passer  sous  silence,  en  raison  de  l'intérêt  qu'elle 
présente  en  elle-même  et  des  notions  nouvelles  qu'elle  nous 
fournit. 

Préparation  des  solutions  de  cocaïne  :  stérilisation.  —  Il 


208  NOGUÉ.  —  ANESTHÉSIE. 

est  possible  de  préparer  soi-même  extern poranément  la  solution  de 
cocaïne  au  moment  de  s'en  servir.  Il  suffit,  pour  cela,  d'avoir  titré 
d'avance  à  1  centigramme  de  petits  paquets  de  cocaïne.  On  trouve 
éo-alement  dans  le  commerce  des  comprimés  de  cocaïne  dosés. 

Dans  une  cupule  de  porcelaine,  on  fait  bouillir  un  peu  d'eau,  puis, 
à  l'aide  de  la  seringue  préalablement  stérilisée,  on  aspire  2  centi- 
mètres cubes  de  cette  eau,  qu'on  chasse  ensuite  dans  une  seconde 
cupule.  Il  suffit  d'y  faire  dissoudre  la  cocaïne  et  de  reprendre  alors 
la  solution  dans  la  même  seringue. 

Ce  procédé  qui,  dans  la  pratique,  est  suffisant,  a  l'inconvénient 
d'être  un  peu  long  et  surtout  d'exposer  à  une  erreur  de  dosage 
toujours  possible. 

Il  est  préférable  d'avoir  recours  à  des  préparations  titrées 
d'avance  et  stérilisées.  La  stérilisation,  pratiquée  dans  un  labo- 
ratoire, oiïre  toujours  plus  de  garanties  que  la  simple  ébullition.  Et 
on  conçoit  l'importance  qu'il  y  a  pour  l'opérateur  à  n'injecter  dans  les 
tissus  qu'un  liquide  parfaitement  aseptique.  Mais,  avec  la  stérili- 
sation à  l'autoclave,  on  pouvait  craindre,  quand  il  s'agissait  d'alca- 
loïdes, que  la  chaleur  ne  les  modifiât  plus  ou  moins.  C'est  d'ailleurs 
le  reproche  que  les  chirurgiens  avaient  fait  aux  solutions  ainsi 
stérilisées. 

Sur  ces  entrefaites,  Hérissey  a  démontré  que,  malgré  l'opinion 
courante,  les  solutions  aqueuses  de  cocaïne  peuvent,  dans  l'auto- 
clave, être  portées  à  la  température  de  115°  et  même  de  120°; 
il  n'y  a  point  de  décomposition,  il  n'y  a  point  de  dédoublement,  et  la 
cocaïne  reste  la  cocaïne.  En  etlet,  si,  avant  et  après  le  chauffage,  on 
examine  au  polarimèlre  la  solution  mise  en  expérience,  on  ne 
constate  aucune  différence  dans  la  rotation  gauche  observée;  puis 
les  essais  chimiques  ne  décèlent  aucun  changement  du  sel  dissous 
enfin  l'emploi  d'une  telle  solution  procure  une  anesthésie  excellente, 
comme  nous  l'avons  prouvé  par  une  série  d'opérations  sur  des 
malades  porteurs  de  lésions  bilatérales  :  double  hernie,  double  vari- 
cocèle,  double  hydrocèle,  paquet  variqueux  des  deux  jambes. 
J'injectais  d'un  côté  (D""  Reclus)  la  cocaïne  stérilisée,  de  l'autre  côté 
la  cocaïne  non  stérilisée  et,  des  deux  côtés,  le  résultat  était  le  même  ; 
insensibilité  totale  des  tissus,  que  le  bistouri  divisait  sans  provoquer 
la  moindre  douleur.  Cette  triple  preuve  est  suffisante,  et  la  stérili- 
sation des  solutions  de  cocaïne  à  l'autoclave  était  un  fait  désormais 
acquis. 

Ces  solutions,  stérilisées  à  l'autoclave  et  maintenues  dans  des 
tubes  scellés,  conservent  presque  indéfiniment  leurs  propriétés 
analgésiantes  :  elles  deviennent  ainsi  un  médicament  de  réserve, 
qu'on  peut  emporter  dans  une  expédition.  En  juin  1900,  Reclus 
fit  une  cure  radicale  de  hernie  avec  une  solution  stérilisée  et 
conservée  en  tube  scellé  depuis  plus   de  vingt  mois;   en  1900,  il  fit 


ANESTHESIE  PAR  INJECTION  DANS  LES  TISSUS.  209 

une  lifaslrotomie  avec  de  hi  cocaïne  scellée  depuis  plusdc  (juatre  ans 
et  demi  :  mais  il  ne  faut  pas  oublier  que  tout  (lacon  ouvert  peut 
s'ensemencer,  et  au  bout  de  quelques  jours  les  moisissures  n'y  sont 
pas  rares. 

Quelles  alléralions  celle  flore  y  provoque-t-elle  ?  Toujours  est-il 
que,  verslafin  de  la  première  semaine,  l'action  analgésique  de  cette 
cocaïne  exposée  au  contact  de  l'air  est  déjà  atTaiblie,  et,  en  été,  des 
solutions  de  bonnes  marques  cessent  d'èlre  analgésiques  au  bout  de 
trois  semaines.  Donc  la  solution  de  cocaïne  stérilisée  pourra  être 
vieille  de  plusieurs  années  le  cas  échéant,  mais  le  flacon  qui  la  ren- 
ferme neseraouverl  qu'au  moment  de  l'opération  et  ne  servira  que 
pour  une  opération. 

Dans  le  service  du  P''  Reclus,  les  solutions  de  cocaïne  se 
préparent  ainsi  :  le  sel  en  quantité  voulue,  20  centigrammes  d'ordi- 
naire, est  dissous  dans  40  centimètres  cubes  d'eau  distillée  pour  la 
solution  à  0,5  p.  100.  La  solution  est  enfermée  dans  des  ampoules 
soigneusement  nettoyées,  rigoureusement  aseptiques  et  que  l'on 
scelle  à  la  lampe.  Puis  on  les  place  dans  l'autoclave  et  on  les  y 
maintient  pendant  vingt  ou  trente  minutes,  à  la  température  ordi- 
naire de  stérilisation  à  chaleur  humide,  c'est-à-dire  ItO  à  115°. 
A  défaut  dautoclave,  il  suffirait  de  stériliser  les  ampoules  en 
les  plongeant  dans  un  bain  tl'eau  bouillante,  ou  mieux  dans  une  solu- 
tion saline  quelconque,  dont  la  température  d'ébullition  dépasse 
100°.  Lorsqu'il  n'est  pas  nécessaire  de  transporter  la  solution  à 
une  grande  distance  ,  on  peut  éviter  l'emploi  d'ampoules  scellées  et 
placer  la  solution  stérilisée  dans  de  petits  flacons  de  capacité  conve- 
nable et  bouchés  avec  un  tampon  d'ouate  aseptique  (Reclus). 

Mais  bientôt  d'autres  expérimentateurs  reprirent  la  question  et 
arrivèrent  à  des  conclusions  diff"érentes.  Dufour  et  Ribault(l) 
constatèrent  que  le  dédoublement  de  la  cocaïne  était  très  facile  dans 
des  verres  très  alcalins  comme  il  s'en  trouve  beaucoup  dans  le  com- 
merce. Si  Arnaud  et  Hérissey  n'avaient  pas  observé  ce  dédou- 
blement, c'est  qu'ils  avaient  eu  à  leur  disposition  des  verres  exception- 
nellement neutres. 

Les  expériences  de  Dufour  et  Ribault  ont  porté  sur  trois 
verres  d'alcalinité  dift'érente,  tous  très  utilisés  pour  la  stérilisation  et 
la  conservation  des  solutions  pour  injections  hypodermiques.  Les 
flacons,  remplis  d'eau  distillée  neutre,  furent  soumis,  les  uns  à  une 
température  de  ISO-^  environ  dans  l'autoclave,  pendant  deux  heures, 
les  autres  à  une  température  de  99°, 5  seulement,  également  à  l'auto- 
clave et  pendant  une  heure;  d'autres  enfin  furent  stérilisés  au  bain- 
marie  bouillant  :  on  employa  pour  cette  dernière  expérience  les 
verres  les  plus  alcalins. 

(1)  Dufour  et  Ribault,  Bull,  des  sciences  pharm.,  juin  1904. 

Traité  de  stomatologie.  VI.    —    14 


210  NOGUE  —  ANESTIIESIE. 

Or  il  résulte  des  déterminations  très  précises  faites  par  les  auteurs- 
qu'une  partie  de  la  cocaïne  est  toujours  dédoublée  (en  benzoylecoo- 
nine  et  ecgonine),  quels  que  soientle  procédé  et  le  verre  employés, 
mais  que  ce  dédoublement  peut  être  considéré  comme  négligeable, 
au  point  de  vue  pratique,  avec  des  verres  cédant  à  l'eau  très  peu; 
d'alcali  ou  avec  des  verres  relativement  très  alcalins  lorsque  la  tem- 
pérature reste  au  voisinage  de  100°  ;  l'emploi  d'une  température  plus 
élevée  devient,  par  contre,  dangereux  avec  des  verres  moyennement 
alcalins. 

Phénate  de  cocaïne.  —  Le  phénate  de  cocaïne,  d'après  le- 
D""  von  OEfele  (de  Hengersberg),  présenterait  sur  le  chlorhydrate 
certains  avantages.  Tandis  que  ce  dernier  présente  un  degré  très 
grand  de  solubilité,  le  phénate  au  contraire  est  peu  soluble  :  il 
s'ensuit  qu'il  n'est  pas  absorbé  dans  l'organisme  et  que,  par 
suite,  son  action  anesthésiante  sur  les  tissus  est  plus  considérable. 
Il  serait  de  même  beaucoup  moins  toxique  pour  les  mêmes  raisons. 
En  outre  ce  phénate  de  cocaïne  serait  plus  antiseptique  que  le- 
chlorliydrate. 

Von  CEfele  préconise  la  préparation  suivante  : 

Phénale  de  cocaïne 10  centigrammes. 

Faire  dissoudre  dans  ; 

Alcool 5  parties. 

Ajouter  : 

Eau  distillée j  fçrammes. 

F.  S.A.  —  Injecter  le  contenu  d'une  à  trois  seringues  de  Pravaz  de  cette  solution^ 

Voici  l'opinion  de  Reclus  sur  ce  sel  :  «  Nous  avons  eu  fréquem- 
ment recours  aux  injections  de  phénate  de  cocaïne  :  ce  sel  ne  nous  a 
rendu  ni  plus  ni  moins  de  services  que  le  chlorhydrate.  Aussi 
l'aurions-nous  adopté  lorsque  nous  ne  savions  pas  encore  stériliser 
nos  solutions,  si,  dans  quelques  cas  de  cure  radicale  de  hernie  et 
d'hydrocèle,  dans  une  résection  du  scrotum  pour  varicocèle,  nous 
n'avions  noté  sur  le  trajet  anesthésié  et  de  chaque  côté  de  l'inci- 
sion une  petite  bande  de  sphacèle  qui  ulcéra  les  couches  superfi- 
cielles du  derme;  cet  accident  n'a  jamais  eu  de  gravité,  mais  il  a 
retardé  de  quelques  jours  la  cicatrisation,  et  c'est  pourquoi  nous 
avons  abandonné  le  phénate  de  cocaïne  pour  nous  en  tenir  au 
chlorhydrate.  » 

Quelques  dentistes  ont  persisté  à  remployer,  et  plusieurs  dis- 
solvent le  phénate  dans  l'huile  ou  dans  la  vaseline.  Legrand  ra- 
conte qu'il  fit  un  jour  l'expérience  sur  lui  et  que,  pendant  plus  d'un 
an,  l'injection  resta  intacte,  sans  résorption  aucune  dans  l'épaisseur 
des  tissus. 

Cocaïne  base.  — Il  est  possible  d'utiliser  la  cocaïne  elle-même  au 
lieu  de  l'un  de  ses  sels.  Pour  cela,  il  faut  la  dissoudre  dans  l'huile 


COCAÏNE  BASE.  211 

(huile  d'olive,  huile  trarachide,  oléonaphle).  Cette  préjDaratioii  a 
cHé  préconisée  par  Poinsot  père.  La  solution  est  contenue  dans  de 
petits  tubes.  Elle  doit  être  légèrement  chaufl'ée  au  bain-nuirie  avant 
l'usage. 

11  est  nécessaire  de  se  servir  d'une  seringue  à  ailettes,  car  le  liquide 
pénètre  dilTicileuient  dans  les  tissus.  Il  est  bon  d'attendre  cinq  à 
sept  minutes  après  l'injection  avant  d'intervenir  :  ce  n'est,  en  effet, 
qu'après  ce  laps  de  temps  que  l'anesthésie  est  complète.  On  aura 
soin,  l'avulsion  pratiquée,  de  masser  la  gencive,  de  telle  sorte  que- 
par  l'orifice  dupertuis  fait  par  l'aiguille,  sorte  l'excès  d'huile. 

Les  solutions  courantes  de  cocaïne  base  et  de  phénylcocaïne  sont 
à  5  p.  100;  la  quantité  injectable  sans  aucun  trouble  est  de  3  centi- 
mètres cubes.  Le  malade  peut  èlre  indifféremmentassisou  couché;  il 
n'est  pas  nécessaire  qu'il  ait  mangé  ou  pris  un  cordial  avant  ou  après 
l'injection  ;  il  peut,  l'opération  terminée,  vaquer  à  ses  occupations;  la 
réparation  des  tissus  lésés  par  l'extraction  se  fait  normalement  ;  quant 
à  la  petite  induration  persistant  après  l'injection,  on  peut  facilement 
l'éviter  en  faisant  un  massage  concentrique  par  rapport  à  l'orifice 
d'entrée  de  l'aiguille;  l'action  peu  toxique  de  ces  solutionsparaît  être 
due  non  seulement  au  véhicule  huileux  qui  les  rend  peu  diffusibles  et, 
par  conséquent,  plus  efficaces  localement,  mais  encore  à  la  forme 
base  de  la  cocaïne  età  sa  combinaison  phéniquée,  qui  rendent  sa  com- 
position plus  anesthésique  en  même  temps  qu'antiseptique  ;  on  évite 
les  accidents  phéniqués  en  ne  se  servant  que  de  l'acide  pliénique 
synthétique,  c'est-à-dire  chimiquement  pur. 

Précautions  à  prendre  dans  l'anesthésie  cocaïnique.  —  Ces 
précautions  sont  les  suivantes  :  tout  d'abord,  la  position  hoi'i- 
zontale  du  malade,  à  laquelle  Reclus  attache  la  plus  haute  impor- 
tance, au  point  de  l'élever  au  rang  d'un  des  «  commandements  »  de 
l'injection  cocaïnique.  Il  estime,  en  effet,  que  c'est  parce  que  cette 
précaution  n'a  pas  été  prise  qu'on  a  vu  si  souvent  survenir  la  syncope 
dans  les  opérations  sur  le  cuir  chevelu,  sur  la  face  et  la  bouche. 
Il  ne  croit  pas  à  une  zone  dangereuse  siégeant  dans  cette  région, 
mais  pense  que  la  position  assise  facilite  la  vaso-constriction  céré- 
brale, tandis  que  le  décubilus  horizontal  facilite  l'accès  du  sang  dans 
le  cerveau. 

Et,  en  effet,  il  n'est  pas  rare  qu'avec  des  doses  minimes  de 
cocaïne  et  même  avec  des  injections  d'eau  ou  d'alcool  on  note,  quand 
le  malade  est  assis,  une  pâleur  subite  de  la  face  et  une  tendance  à  la 
lipothymie. 

Il  est  préférable,  en  outre,  que  le  malade  ne  soit  pas  à  jeun  et 
prenne  une  tasse  de  café  chaud. 

Ce  qu'on  peut  observer  encore  à  des  doses  thérapeutiques,  c'est 
une  légère  excitation  n'allant  jusqu'à  la  fureur  que  lorsque  les  doses 
ont  été  exagérées. 


212  NOGUE.  —  ANESTHESIE. 

Cependant  on  a  pu  quelquefois  observer,  une  ou  deux  heures 
après  l'administration  de  faibles  doses  de  cocaïne,  des  vertiges  avec 
tendance  aux  lipothymies. 

Il  ne  faut  pas  ignorer,  en  outre,  qu'on  a  eu  parfois  des  alertes,  des 
accidents  même  assez  marqués,  avec  des  doses  minimes  de  1,  2  cen- 
tigrammes et  même  avec  quelques  milligrammes. 

Ce  qui  montre  qu'il  faut  toujours,  avec  un  médicament  aussi  actif, 
prendre  les  plus  grandes  précautions  et  déployer  la  plus  grande 
prudence. 

ADRÉXALIXE. 

En  raison  de  l'importance  prise  par  l'adrénaline  dans  Tanesthésie 
locale  et  en  particulier  en  art  dentaire,  nous  nous  étendrons  assez 
longuement  sur  cette  substance,  bien  qu'elle  ne  puisse  être  consi- 
dérée comme  un  véritable  anesthésique  local. 

L'adrénaline  (synonymie:  rénaline,  supra  ré  ni  ne,  épinéphrine)  a  été 
isolée  des  capsules  surrénales  à  l'état  cristallin  parTakamino,  en  1901, 
et  par  Aldrich  la  même  année. 

Préparation  de  l'adrénaline  extractive.  —  Nous  emprun- 
terons les  détails  suivants  à  une  élude  de  M.  René  Durand  (1).  La 
préparation  s'effectue  à  l'abri  de  l'air,  soit  dans  une  couche  d'huile, 
soit  dans  une  atmosphère  de  CO-,  pour  éviter  l'action  d'un  ferment 
oxydant  très  actif  contenu  dans  la  glande.  Le  procédé,  mis  au  point, 
par  Gabriel  Bertrand  (2),  consiste  essentiellementà  extraire  la  base  par 
l'acide  uratique  en  solution  alcoolique,  à  distiller  l'alcool  dans  le  vide, 
à  déféquer  la  liqueur  ainsi  concentrée  par  l'acétate  de  plomb  et  à  pré- 
cipiter par  l'ammoniaque  la  liqueur  filtrée   et  concentrée  à  nouveau. 

On  fait  macérer  les  capsules  surrénales  pendant  cinq  heures 
dans  une  quantité  suffisante  d'eau  à  SO-SO»  ;  on  chaufTe  pendant 
une  heure  à  90°-95°  afin  de  coaguler  la  majeure  partie  des  matières 
albuminoïdes,  après  avoir  versé  au  préalable  à  la  surface  du  liquide 
une  couche  d'huile  pour  éviter  une  évaporation  trop  rapide  et 
surtout  l'oxydation  par  l'air.  On  sépare  par  pression  la  partie 
liquide  qui  renferme  le  principe  actif,  et  le  résidu  est  de  nouveau 
mis  dans  l'eau  chaude  légèrement  acidulée  par  de  l'acide  chlorhy- 
drique  ou  acétique,  de  manière  à  dissoudre  l'adrénaline  qui  pourrait 
s'y  trouver  encore.  Les  solutions  réunies,  débarrassées  de  l'huile  qui 
surnage  et  filtrées,  sont  évaporées  dans  le  vide  jusqu'à  consistance 
convenable,  puis  agitées  avec  deux  ou  trois  volumes  d'alcool  fort. 
Cet  alcool,  qui  a  dissous  l'adrénaline,  est  évaporé  en  ajoutant  au 
résidu  de  l'ammoniaque  ou  de  la  soude  jusqu'à  réaction  alcaline;  on 
obtient  un  précipité  jaunâtre,  qui  est  de  l'adrénaline  impure.  Pour  la 

(1)  Voy.  Progrès  mèd. 

(2)  Bail.  Soc.  chim.,    31,  1188,  1904. 


ADRÉNALINE.  213 

purifier,  on  la  dissout  dans  un  acide,  et  on  Iraite  cette  solution  par 
l'alcool  et  réllier;  les  matières  colorantes  et  étrangères  sont  préci- 
pitées; le  filtrat,  alcalinisé  par  l'ammoniaque,  laisse  déposer  l'adré- 
naline, qui  est  lavée,  desséchée  et  au  besoin  de  nouveau  purifiée 
par  la  même  méthode. 

118  kilogrammes  de  capsules  surrénales  fournies  par  3  900  chevaux 
donnent  125  grammes  d'adrénaline  pure  lévogyre,  s'oxydant  facile- 
ment à  l'air. 

Constitution  de  l'adrénaline.  —  L'adrénaline,  rigoureusement 
pure,  obtenue  par  des  précipitations  fractionnées,  répond  à  la  for- 
mule C'H'^AzO^  indiquée  par  Aldrich  et  possède  les  réactions  géné- 
rales des  alcaloïdes.  Sa  constitution,  indiquée  par  Pauly,  confirmée 
par    Friedmann  (1),  paraît  définitivement  établie  par   la  synthèse 
réalisée  par  Flury  (2).  La  formule  suivante  résulte  de  ces  travaux: 
CII 
llOf     >CH  — OH  — GH-^  — Az(^ 
Hol     JcH  ^"' 

CH 

On  s'explique  facilement,  d'après  cette  formule,  les  propriétés  sui- 
vantes de  l'adrénaline: 

1  o  Coloration  verte  par  le  perchlorure  de  fer,  due  aux  2  oxyhydriles 
fixées  en  position  ortho  sur  le  noyau  benzénique  ; 

2°  Obtention  d'un  triéther,  par  éthérification  des  3  oxyhydriles. 

3°  Obtention  d'un  sel,  lorsqu'on  sature  par  un  acide  le  groupement 
basique  AzH  —  CH'; 

4°  L'action  de  la  potasse  en  fusion  qui  oxydant  la  chaîne  latérale 
conduit  à  l'acide  pyrocatéchique: 

5°  Le  pouvoir  rotatoire  dû  au  carbone  asymétrique  supportant  la 
fonction  alcool  secondaire. 

Synthèse  de  l'adrénaline.  —  La  synthèse  chimique  de  l'adréna- 
line ne  conduit  pas  au  composé  lévogyre  comme  l'adrénaline  natu- 
relle, mais  à  un  mélange  d'adrénaline  lévogyre  et  dextrogyre  en 
quantités  égales,  mélange  qui  est  donc  inactif  par  compensation 
sur  la  lumière  polarisée. 

Pour  réaliser  cette  synthèse,  on  part  de  la  pyrocatéchine,  sur 
laquelle  on  fait  agir  l'acide  monochloro-acétique  suivant  la  réaction: 

/OH 
3G6H'<  +  POGP  +  .3CH2Gi  —  C02H  = 

\0H 
3HG1  +   P0>H3  +  3G«H3(OH)^  _  GO  —  GH^GI. 

On  obtient  ainsi  la  chloracéto-pyrocatéchine,qui  est  traitée  ensuite 
par  la  méthylamine;  le  produit  de  cette  réaction  est  l'acétone  corres- 

(1)  Beilrag.  chem.  Physiolog.,  6,  92  1905. 

(2)  Zeitschr.  fur  Aiigenchemi..  Bd.  XXI,  p.  877. 


214  NOGUÉ.  —  ANESTHESIE. 

pondante  à  radrénaline,  ou  adrénalone,  qu'il  suffit  d'hydrog-énerpar 
î'amali^ame  d'aluminium  ou  par  rélectrolyse  pour  obtenir  l'adréna- 
line de  synthèse. 

Cette  synthèse,  du  reste,  doit  être  très  délicate,  puisquejusqu'ici 
l'industrie  continue  à  extraire  l'adrénaline  des  capsules  surrénales, 
malgré  le  prix  de  revient  très  élevé  (60  francs  le  gramme)  ;  mais  il 
est  très  probable  que  l'adrénaline  de  l'avenir  sera  fournie  par  la 
synthèse,  car  la  pyrocatéchine  qui  sert  de  point  de  départ  à  celle-ci 
vaut  environ  40  francs  le  kilogramme  (1). 

Composés  synthétiques  voisins.  —  On  obtient  des  corps  qui, 
comme  l'adrénaline,  élèvent  la  pression  sanguine  et  contractent  les 
vaisseaux  :  en  remplaçant  dans  la  formule  de  celle-ci  : 

/ÎI  /H  /H  /H 

AzC  par  Az(  ,   ou  Az         ,  ou  Az. 

\CH3  \C2H5  \II  \CH2_CH-;  — OH 

De  même,  l'acélone  correspondante  (adrénalone)  agit  comme 
l'adrénaline,  mais  beaucoup  plus  faiblement. 

Les  homologues  de  Vamino-acélijl-pyrocaiéchine  agissent  aussi  ; 
mais  on  doit  noter  que  les  bases  libres  sont  plus  actives  que  les  bases 
élhylées  ;  que  la  base  éthylée  agit  plus  fortement  que  la  base 
méthylée  ;  chose  singulière,  les  bases  diméthylées  et  diéthylées  sont 
inactives,  ainsi  que  la  base  éthanol  aminée  (2). 

Uamine  acétophénone  CH' —  CO— CH-— AzH^  agit  comme  para- 
lysant les  mouvements  volontaires.  Les  vaisseaux  ne  sont  pas  con- 
tractés. Certaines  doses  provoquent  une  petite  élévation  de  la  pres- 
sion sanguine. 

La  substance  dilate  la  pupille  (3). 

On  doit  rapprocher  aussi  de  l'adrénaline  Vhijdrastinine,  par  suite 
des  analogies  de  formule  et  de  propriété  (4).  L'hydrastinine  agita  la 
fois  sur  le  système  cent  rai  vaso-moteur  et  sur  les  vaisseaux  eux-mêmes: 

/Of     >,CH-i- CIP-Az/ 
^»<ol      |CH0.  "^^"^ 

La  calamine,  dont  le  chlorhydrate  est  quelquefois  appelé  stypti- 
cine,  au  contraire,  ne  possède  plus  la  propriété  de  contracter  les 
vaisseaux  (5)  : 

11)  Il  faut  pourtant  noter  que.  d'après  la  communication  de  Frohlich  au  récent 
congrès  de  Budapest,  l'adrénaline  des  capsules  surrénales  aurait  une  activité  plus 
t-randc  que  l'adrénaline  synthétique    X.  D.  L.  R.). 

(2)  LrKvi  et  H.  Meyer,  Ar.  PP,  53,213. 

(3)  PrriNi,  Arch.  de  pharmacologie,  1905,  14-75. 

(4)  KtuDENOWSKi,  Enrjelmann's  Arch.,  1904,  suppl.  Il,  323. 

(5)  Pki  MAnFORi,  Arch.  ilal.  de  biol.,  1897,  fasc.  2. 


ADRENALINE.  215 


CIP 


L'adiV'ualiiio  se  présente  sous  l'aspect  d'une  poudre  blanc  jau- 
Tiâlrequi,  examinée  au  microscope,  paraît  cristallisée  dans  l'un  des 
systèmes  suivants  :  groupements  en  choux-fleurs,  feuilles,  plaques 
losangiques  agglomérées,  fines  aiguilles,  prismes. 

L'adrénaline  est  très  stable  à  l'étal  sec  :  sa  saveur  est  légèrement 
amère. 

Elle  est  peu  soluble  dans  l'eau  et  l'alcool  froids  ou  chauds,  inso- 
luble dans  l'éther  froid.  Elle  est,  par  contre,  très  soluble  dans  l'eau 
légèrement  acidulée. 

Ses  solutions  s'oxydent  très  rapidement  à  l'air  et  à  la  lumière  et 
se  colorent  en  rose  plus  ou  moins  foncé.  Elles  conservent  cepen- 
dant toute  leur  activité  physiologique.  On  ne  doit  rejeter  que  les 
solutions  qui,  par  suite  d'une  oxydation  plus  profonde,  auraient  laissé 
déposer  un  précipité  brun. 

Les  solutions  d'adrénaline  peuvent  se  stériliser  à  120°  sans  alté- 
ration. 

Elle  donne  avec  les  acides  des  sels  bien  définis,  mais  déliquescents, 
ilont  la  solution  est  légèrement  acide. 

L'adrénaline  se  rencontre  dans  le  commerce  soit  sous  forme  de 
l ablettes  d'adrénaline  facilement  solubles  dans  l'eau, soit  sous  forme 
<rune  solution  au  millième  : 

Adrénaline  cristallisée 1  gramme. 

Solution  normale  d'HCl 10  cent,  cubes. 

Chlorure  de  sodium  pur 7  grammes. 

Chlorétone 5        — 

Eau  distillée (0.  S.  pour  faire  1  000  cent,  cubes. 

Le  chlorétone  esl  ajouté  à  la  solution  pour  la  maintenir  limpide. 
C'est  un  corps  obtenu  on  faisant  agir  de  la  potasse  sur  parties  égales 
de  chloroforme  et  d'acétone.  Il  est  antiseptique  et  légèrement  anes- 
Ihésique. 

On  conserve  les  solutions  après  stérilisation  en  flacons  colorés, 
hermétiquement  bouchés. 

Notions  physiologiques.  —  L'injection  intraveineuse  d'adréna- 
line chez  le  chien  est  suivie,  au  bout  de  deux  à  trois  minutes,  d'une 
augmentation  de  la  tension  artérielle  qui  peut  aller  de  l4  à  25  centi- 
mètres de  mercure;  cette  hypertension  dure  trois  à  quatre  minutes 
et  fait  place  à  une  légère  hypotension.  Oliver  et  Schivfer  attribuent 
cette  augmentation  de  pression  à  une  contraction  des  artérioles 
périphériques,  qu'on  observe  très  nettement  sur  le  mésentère.  Cette 
vaso-constriction,  qui  se  manifeste  extérieurement  par  la  pâleur  des 
tissus,  dure  beaucoup  plus  que  l'hypertension  ;  elle  ne  se  produit 


216  ,  NOGUE.  —  ANESTHESIE. 

pas  dans  certains  organes,  tels  que  le  poumon,  le  cerveau,  le  foie. 
Elle  dépend  surtout  de  l'excitation  des  ganglions  nerveux  périphé- 
riques, car  on  l'observe  malgré  la  section  de  la  moelle  et  la  paralysie 
par  le  chloral  des  centres  vaso-moteurs. 

Les  mouvements  respiratoires  sous  l'inlluence  de  Tinjection 
deviennent  plus  superficiels  ;  l'inspiration  est  abrégée,  l'expiration 
prolongée  :  les  sécrétions  salivaire  et  lacrymale  sont  augmentées. 
Les  vomissements  sont  la  règle.  La  même  injection  intraveineuse, 
même  à  doses  très  faibles,  diminue  et  même  arrête  pendant  trois 
minutes  la  sécrétion  de  l'urine  (Barbier  et  Frfcnkel),  puis  l'accélère 
beaucoup  ;  à  ces  phases  correspondent  des  changements  dans  le 
volume  du  rein  et  dans  la  teneur  des  urines  en  acides  phospho- 
riques  et  en  urée   Lépine). 

Action  sur  le  cœur.  —  L'injection  expérimentale  d'extrait  surré- 
nal et,  mieux  encore,  l'injection  d'adrénaline  augmente  l'énergie  du 
myocarde.  A  vrai  dire,  cette  augmentation,  très  nette  et  très  pro- 
longée sur  un  cœur  isolé.,  l'est  beaucoup  moins  sur  l'animal  vivant, 
où  le  cœur  reste  soumis  à  l'influence  modératrice  du  vague  Gerhardt). 
Chez  12  malades  observés  à  cet  égard,  Souques  et  Morel  ont  noté  un 
ralentissement  du  pouls  appréciable  dans  8  cas.  Mais,  dans  4  autres, 
le  pouls  n'avait  pas  varié  ou  était  devenu  un  peu  plus  rapide. 
Toutefois  l'action  bradycardisante  de  l'adrénaline  n'est  pas  niable 
après  les  expériences  de  Gottlieb  et  de  Clopatl.  Le  premier  a  vu, 
«  chez  un  lapin  intoxiqué  par  le  chloral,  le  cœur  recouvrer  son  éner- 
gie sous  l'influence  d'une  petite  dose  d'extrait,  et  môme  recommen- 
cer à  battre  alors  qu'il  était  arrêté  depuis  cinq  minutes,  à  la  condi- 
tion qu'on  ajoutât  à  l'action  de  l'extrait  celle  du  massage  du  cœur». 
Clopatt  a  constaté  l'action  excitatrice  de  l'extrait  surrénal  sur  un 
cœur  intoxiqué  par  le  chloral  et  le  chloroforme.  Sur  l'animal  sain, 
l'injection  intraveineuse  d'extrait  capsulaire  peut  produire  la  bra 
dycardie  avant  l'hypertension  artérielle.  Il  semble  donc  que  cette 
bradycardic  soit  non  pas,  comme  on  l'a  dit,  fonction  de  l'hyper- 
tension périphérique,  mais  le  résultat  d'une  action  sur  le  noyau  bul- 
baire du  vague  (Biedl  et  Reiner,  Souques  et  Morelj.  Il  semble,  en 
effet,  d'après  les  observations  publiées,  que  l'adrénaline  ait  une  cer- 
taine prédilection  pour  la  région  bulbo-protubérantielle,  puisqu  à 
dose  excessive  elle  produit  des  phénomènes  toxiques  où  le  bulbe 
est  en  cause  (vertige,  nausées,  vomissements,  angor). 

Il  est  donc  vraisemblable  que  l'adrénaline,  introduite  dans  le 
torrentcirculatoire,  arrive  aux  poumons  après  avoir  traversé  le  cœur 
droit.  Agissant  alors  comme  agent  général,  elle  actionne  les  centres 
bulijaires  et  détermine  les  phénomènes  sus-indiqués  :  ce  n'est  là 
qu'une  hypothèse. 

Pour  Gottlieb,  l'injection  d'extrait  surrénal  n'augmente  pas  l'irri- 
tabilité du  myocarde,  mais  celle  des  ganglions  intracardiaques.  Par 


ADRÉNALINE.  217 

analogie,  on  admet  qu'elle  agil  sur  les  vaisseaux  non  par  action 
directe  sur  les  fibres  lisses,  mais  par  rintermédiaire  des  ganglions 
nerveux  périphériques. 

Celte  hypothèse  n'est  pas  admise  par  quelques  auteurs.  L'action 
de  l'adrénaline  sur  l'appareil  cardio-vasculaire  dépend,  en  outre,  de 
la  voie  d'introduction  du  principe  actif.  Carnot  et  Josserand,  sur  un 
chien  de  15  kilogrammes,  produisent,  par  injection  d'un  quart  de 
milligramme  d'adrénaline  dans  la  veine  saphène,  une  élévation  de 
la  tension  artérielle  de  plusieurs  centimètres  de  mercure.  Ils  sont 
obligés  de  doubler  les  doses  pour  obtenir  le  même  effet  en  injectant 
dans  le  bout  périphérique  d'une  artère  musculaire. 

Action  physiologique  sur  les  autres  appareils.  —  Nous  serons 
plus  bref  sur  l'action  de  l'adrénaline  sur  différents  appareils  (res- 
piration, digestion,  etc.);  le  rôle  de  l'extrait  capsulaire  a  été  étudié 
dans  cet  ordre  d'idées  dans  de  nombreux  travaux  récents. 

l^AppAHEiL  RESPIRATOIRE.  —  Lc  badigeoiinagc  de  la  muqueuse 
nasale  est  suivi  de  l'ischémie  presque  complète  de  cette  membrane, 
action  qui  dure  un  quart  d'heure  environ. 

L'injection  intraveineuse  d'une  dose  moyenne  chez  le  chien 
entraîne  des  modifications  quantitatives  et  qualitatives  des  mouve- 
ments respiratoires.  Les  mouvements  respiratoires  deviennent  plus 
superficiels:  l'inspiration  se  raccourcit,  l'expiration  se  prolonge. 
Doyon  a  constaté  la  contraction  des  muscles  bronchiques.  Avec  une 
dose  très  forte,  on  peut  obtenir  l'arrêt  des  mouvements  respiratoires. 

2°  Appareil  digestif.  —  L'expérimentation  a  donné  des  résultats 
très  variables.  Doyon  a  observé  des  contractions  de  l'œsophage,  de 
l'estomac,  de  l'intestin  grêle.  Borultan  a  observé  les  phénomènes 
inverses  (disparition  des  mouvements  péristaltiques  de  ces  organes). 
Nombre  d'auteurs  ont  noté  les  vomissements  après  injection  d'une 
dose  relativement  élevée  d'adrénaline. 

3°  Appareil  urixaire.  —  L'action  de  l'extrait  capsulaire  sur  la 
diurèse  a  été  étudiée  par  Bordier  et  Frenkel  et  par  Lépine. 
L'injection  intraveineuse  diminue  et  même  supprime  pendant  trois 
minutes  l'écoulement  de  l'urine,  puis  l'accélère  énormément.  Ces 
phases  correspondraient  à  des  changements  de  volume  du  rein. 
Doyon,  après  Lewandowsky  et  Langley,  a  observé  que  l'injection 
intraveineuse  d'adrénaline  abaissait  et  même  ramenait  à  0  la  pression 
exercée  par  le  réservoir  vésical  sur  son  contenu. 

4°  Température.  —  Une  dose  d'adrénaline  susceptible  d'amener 
l'hypertension  entraîne  toujours,  dit  Lépine,  dans  les  heures  con- 
sécutives à  l'injection,  une  élévation  de  la  température  centrale. 
Pour  notre  part,  nous  avons  observé  sur  quatre  cobayes  une  éléva- 
tion thermique  variant  entre  0°,5  et  1°  à  la  suite  d'injection  sous- 
cutanée  d'adrénaline  à  dose  assez  Torte.  Peut-être  l'adrénaline 
excite-t-elle  le  centre  calorique.  Toutefois  l'adrénaline,  employée  à 


218  NOGUE.  —  ANESTHESIE. 

dose  thérapeutique,  ne  nous  a  jamais  paru  élever  la  température  de 
nos  malades,  alors  même  qu'il  en  résultait  de  Thypertension,  de  la 
bradycardio  et  même  une  ébauche  d'intoxication. 

5°  Système  nerveux  central.  —  Lépine  a  observé,  immédia- 
tement après  l'injection  d'adrénaline,  des  modifications  du  psychisme 
chez  des  chiens  :  «Ils  sont  peureux,  le  plus  souvent  à  un  haut  degré; 
ils  se  cachent  dans  un  coin  du  laboratoire:  si  la  dose  est  forte,  ils 
peuvent  avoir  des  convulsions.  »  De  notre  côté,  nous  avons  remarqué 
que  les  cobayes  en  expérience  étaient  pris  de  tremblement  immédia- 
tement après  la  piqûre  ;  l'un  d'eux  avait  des  convulsions  ;  enfin  trois 
fois  nous  avons  observé  de  la  paraplégie. 

6°  Action  sur  le  métabolisme  des  hydrates  de  carbone.  —  Expé- 
rimentalement, Blun  a  montré  que  l'injection  d'adrénaline  à  dose 
assez  élevée  entraînait  chez  le  chien  une  glycosurie  marquée. 
Boulud  et  Lépine  concluent  dans  le  même  sens.  Enfin  Herter  badi- 
geonne un  tiers  de  la  surface  du  pancréas  d'un  chien  avec  1  centi- 
mètre cube  d'une  solution  d'adrénaline  au  millième  et  provoque,  au 
bout  d'une  heure,  l'apparition  d'une  glycosurie  très  marquée  (1). 

Toxicité.  —  Bouchard  et  Claude  concluent  de  leurs  expé- 
riences que  la  dose  mortelle  d'adrénaline  paraît  être  intermédiaire 
entre  Onig,l  et  0"^,  3  par  kilogramme  d'animal  en  injection  veineuse. 
La  mort  semble  être  due  à  deux  ordres  de  causes  :  1°  troubles  ner- 
veux dont  l'expression  la  plus  simple  est  la  parésie  des  membres 
postérieurs,  qu'onobserve  pendant  quelques  minutes  chez  les  animaux 
qui  survivent  et  dont  l'expression  la  plus  élevée  est  représentée  par 
des  convulsions  toniques  et  cloniques  avec  opisthotonos  et  mydriase  ; 
•2»  troubles  cardio-pulmonaires,  caractérisés  par  une  respiration 
accélérée  tout  d'abord,  puis  très  ralentie  aux  approches  de  la  mort  ; 
la  production  d'un  œdème  pulmonaire  signalé  par  un  peu  d'écume  (2). 

La  voie  d'introduction  de  l'adrénaline  dans  l'organisme  peut  avoir 
nne  action  marquée  sur  sa  toxicité.  Carnot  et  Josserand  ont  en  elîet 
montré  que  l'injection  d'un  quart  de  milligramme  d'adrénaline 
dans  la  saphène  d'un  chien  de  15  kilogrammes  élève  la  tension  arté- 
rielle de  plusieurs  centimètres  de  mercure  ;  il  faut  0"'g,5,  c'est-à-dire 
le  double,  pour  obtenir  cet  effet  en  faisant  l'injection  dans  le  bout 
périphérique  d'une  artère  musculaire,  et  il  en  faut  encore  davantage 
si  l'artère  irrigue  des  muscles  déjà  fatigués. 

Des  expériences  de  nombreux  auteurs  découle  celte  conclusion 
pratique  que  les  effets  sphygmogéniques  et  toxiques  font  presque 
entièrement  défaut,  quand  on  fait  une  injection  sous  la  peau  ou  dans 
les  muqueuses. 

L'adrénaline  s'oxyde  très  rapidement  dans  le  sang.  Aussi  n'observe- 

(1)  L-E.  MoREL,  Progrès  meJ.,  1903,  no«  31  et  32. 

(2)  BoucHAun  et  Claude,  Recherches  expérimentales  (C.  R.  de  iWcad.  des  sciences^ 
l'idée.  1902). 


ADRENALINIi.  219 

l-on  pas  (l'cflels  cumulatifs.  Des  obscr\alious  multiples  faites  sur  la 
toxicité  de  l'adrénaline  on  peut  tirer  les  conclusions  suivantes(Morel)  : 

Avec  1  milligramme  d'adrénaline,  en  solutions  au  millième,  en 
injection  liypodermiciue  ; 

Avec  XX  gouttes  de  cette  même  solution  administrée  par  voie 
buccale  ; 

On  peut  déterminer  des  symptômes  d'intoxication  parmi  lesquels 
le  vertige,  la  céphalée,  les  vomissements,  le  tremblement,  les  con- 
vulsions, les  tendances  syncopales,  le  syndrome  de  l'angine  de  poi- 
trine, sont  les  plus  fréquents. 

Aussi  a-t-on  cherché  sur  les  animaux  de  laboratoire  à  déterminer 
le  coefficient  de  toxicité  de  l'adrénaline. 

Takamine  avait  écrit  que  l'adrénaline  était  dépourvue  d'action 
irritante,  toxique  ou  nuisible  [infusions).  Or  celte  assertion  est 
certainement  erronée,  car  non  seulement  l'adrénaline  peut  provo- 
quer les  accidents  signalés  plus  haut,  mais,  comme  l'a  montré  Lépine, 
elle  peut  déterminer  la  mort,  insidieusement,  par  syncope. 

Et  cette  toxicité  est  fonction  non  seulement  de  la  dose,  mais  du 
mode  d'introduction  dans  l'organisme. 

Ainsi  pour  le  cobaye,  la  dose  mortelle  serait,  par  kilogramme 
d'animal  : 

DeOg'',001  en  injection  sous-cutanée; 

De  Og^OOO•2  en  injection  intramusculaire  ; 

De  Os'',000'2  en  injection  intraveineuse. 

Chez  le  chien,  Carnot  et  Josserand  ont  enregistré  des  résultats 
fort  variables;  tel  chien  a  supporté  sans  inconvénient  la  dose  énorme 
<le  0"g,5  par  kilogramme  par  voie  veineuse,  alors  que  tel  autre  a 
succombé  avec  une  dose  vingt-cinq  fois  moindre. 

Ces  résultats  expérimentaux  varient  avec  les  auteurs.  Souques  et 
Morel  ont  vu  des  cobayes  résister,  —  en  présentant,  il  est  vrai,  des 
accidents,  —  à  des  doses  beaucoup  plus  fortes  que  celles  précédem- 
ment indiquées. 

Du  rests,  l'adrénaline,  encore  qu'elle  soit  toxique,  n'a  pas  d'effets, 
comme  nous  l'avons  dit,  cumulatifs,  ce  qui  lient  à  sa  prompte 
oxydation  dans  l'organisme.  Il  y  a  môme  accoutumance  à  l'adré- 
naline. Bouchard  et  Claude  ont  injecté  des  doses  croissantes 
(jusqu'à  0'°g,4)  à  un  lapin  de  1  kilogramme,  chaque  injection  étant 
séparée  de  la  précédente  par  quelques  jours  d'intervalle.  L'animal 
résista,  sans  présenter  d'autres  accidents  qu'une  parésie  passagère. 

La  mort,  quand  elle  survient  (chez  les  animaux),  semble  due  à  des 
troubles  nerveux  et  à  des  troubles  cardio-pulmonaires.  Les  troubles 
nerveux  consistent  en  paraplégie  (que  nous  avons  observée  con- 
stamment sur  cinq  cobayes  injectés  à  ce  point  de  vue). 

Quelquefois  on  observe  des  convulsions  toniques  et  cloniques  et 
<le  la  mydriase. 


220  NOGUE.  —  ANESTHESIE. 

Les  troubles  cardio-pulmonaires  consistent  en  accélération,  puis 
en  ralentissement  respiratoire,  avec,  aux  approches  de  la  mort,  pro- 
duction d'un  œdème  pulmonaire. 

Nous  pouvons  donc  écrire  que  l'adrénaline  est  un  médicament 
qu'on  doit  administrer  avec  prudence  dans  tous  les  cas,  sans  avoir 
cependant  à  craindre  d'efl'ets  accumulatifs.  Carnot  et  Josserand,  sur 
un  chien  atteint  de  péricardile  tuberculeuse,  ont  obtenu  la  mort 
avec  une  dose  d'adrénaline  inférieure  à  la  dose  toxique  moyenne; 
ils  en  concluent  qu'il  faut  être  très  prudent  dans  l'administration  de 
l'adrénaline  chez  les  cardiaques.  En  n'employant  que  des  doses  de 
0'"g,5  à  0"g,75  d'adrénaline,  on  n'a  pas  à  redouter  d'accidents,  et 
cette  doseest  néanmoins  suffisante  pour  produire  l'hémostase,  par  voie 
sous-cutanée,  dans  les  hémoptysiesen  particulier  (Souques  et  Morel). 

Action  thérapeutique.  —  Quand  on  applique  sur  une  muqueuse 
une  solution  d'adrénaline  au  millième,  il  se  produit  immédiatement 
après  une  vaso-constriction  qui  se  manifeste  par  la  pâleur  des 
tissus.  Cette  ischémie  locale  a  une  durée  variable.  D'après  Léon 
Granjon,  sur  la  muqueuse  buccale,  l'ischémie  est  d'autant  plus 
durable  que  les  tissus  dans  lesquels  on  fait  les  injections  sont 
à  mailles  plus  serrées  (bourrelet  fibro-muqueux  de  la  gencive 
au  collet  des  dents),  qu'il  sont  plus  épais  et  aussi  moins  hyper- 
émiés.  Ses  expériences  l'ont  porté  aux  conclusions  suivantes,  qui 
peuvent  en  pratique  avoir  leur  intérêt  :  1°  l'adrénaline  est  rapi- 
dement oxydée,  c'est-à-dire  détruite,  si  on  l'injecte  directement  dans 
des  tissus  mous  et  congestionnés;  2"  cette  oxydation  doit  se  faire 
par  action  de  l'oxyhémoglobine  du  sang;  3°  pour  ne  pas  être  détruite 
immédiatement,  elle  doit  être  pour  ainsi  dire  emmagasinée  dans 
un  tissu  dont  la  densité  lui  aura  permis  de  séjourner  un  moment 
pour  supprimer,  par  une  vaso-constriction  immédiate,  l'apport  du 
sang,  agent  de  l'oxydation  :  elle  dilTusera  de  ce  réservoir  lentement 
et  progressivement  vers  les  tissus  voisins,  où  elle  agira  malgré 
l'hyperémie  considérable. 

La  fonction  vaso-constriclive  a  pour  corollaire  la  fonction  hémo- 
statique. Et,  en  effet,  une  hémorragie,  même  abondante,  est  presque 
toujours  instantanément  arrêtée  par  une  application  d'adrénaline. 
Cette  action  thérapeutique  est  en  tous  points  remarquable  et  net- 
tement supérieure  à  celle  de  tous  les  autres  agents.  Tous  les  auteurs 
qui  se  sont  occupés  de  la  question  ont  maintes  fois  remarqué  que 
certaines  hémorragies,  absolument  rebelles  à  tout  autre  traitement, 
même  chez  les  hémophiliques,  sont  immédiatement  arrêtées,  que 
la  solution  de  continuité  siège  sur  la  peau  ou  sur  une  muqueuse. 
La  constriction  vasculaire  a  toujours  une  durée  assez  prolongée 
pour  laisser  au  caillot  même  très  léger  le  temps  de  se  former,  c'est- 
à-dire  pour  assurer  dans  la  grande  majorité  des  cas  une  hémostase 
définitive. 


ADRENALINE.  221 

Enfin,  et  ce  n'est  pas  là  une  des  propriétés  les  moins  intéressantes 
<ie  l'adrénaline,  ce  produit  seul  sert  à  prévenir  les  hémorragies  par 
applications  ou  injections,  au  début  de  nombreuses  opérations  où  on 
veut  avoir  un  champ  opératoire  net  et  éviter  une  déperdition  de 
sang,  et,  à  ce  point  de  vue  là  encore,  il  est  nettement  supérieur  à  tous 
les  autres  (Léon  (iranjon). 

Applications.  —  L'adrénaline  seule  a  été  utilisée  avec  succès  en 
oto-rhino-laryngologie,  en  ophtalmologie  et  enfin  en  stomatologie. 
Dans  cette  branche  de  la  médecine  qui  nous  intéresse  plus  particu- 
lièrement, ses  propriétés  hémostatiques  ont  été  appliquées  aux 
hémorragies  alvéolaires  qui  suivent  les  extractions  dentaires  ;  de 
môme  à  titre  préventif  pour  éviter  la  production  de  ces  hémor- 
ragies. On  a  pu  encore  faire  appel  à  ses  propriétés  vaso-con- 
strictives  dans  les  hémorragies  pulpaires,  dans  la  dévilalisation  de 
la  pulpe. 

Associée  à  la  cocaïne,  l'adrénaline  a  eu  une  fortune  des  plus 
brillante  en  stomatologie.  Le  D'  Dattier  (1),  qui  l'a  emplovée 
un  des  premiers,  s'en  montre  partisan  convaincu.  Ce  procédé, 
d'après  lui,  aurait  non  seulement  l'avantage  d'assurer  l'anesthésie 
d'une  façon  parfaite  et  avec  de  faibles  doses  de  cocaïne,  même  en 
cas  de  périostite  ou  de  gingivite,  mais  encore  il  permettrait  d'opérer 
à  blanc  et,  par  suite,  il  faciliterait  la  recherche  des  racines;  en  outre, 
grâce  à  l'action  de  l'extrait  de  capsules  surrénales  sur  la  circulation 
générale,  —  effet  se  traduisant  par  une  accélération  passagère  des 
battements  du  cœur,  —  on  n'aurait  pas  à  redouter  l'apparition  d'ac- 
cidents syncopaux.  Léon  Granjon  ne  tarda  pas  à  souscrire  à  ces 
mêmes  conclusions.  Il  pense  que,  si  la  cocaïne  n'agit  pas  sur  les 
tissus  enflammés,  c'est  qu'elle  est,  à  peine  injectée,  entraînée  dans 
la  circulation  générale  par  les  vaisseaux  dilatés  à  l'excès,  d'autant 
plus  que  les  extrémités  nerveuses,  noyées  dans  un  tissu  conges- 
tionné, sont  peut-être  par  cela  même  moins  longtemps  et  moins  in- 
timement en  contact  avec  le  médicament.  Il  sera  donc  très  utile, 
pense-t-il,  pour  anesthésier  une  région  hyperémiée,  d'arrêter  d'abord 
la  circulation  dans  cette  région  :  1°  pour  arrêter  la  diffusion  rapide  de 
la  cocaïne  ;  2°  pour  la  mettre  en  contact  intime  avec  les  ranuiscules 
nerveux  et  peut-être  leurs  terminaisons.  Braun  et  Senn  pensent 
que,  dans  ces  cas,  si  l'adrénaline  agit,  c'est  qu'elle  diminue  le  pouvoir 
de  réaction  du  tissu  vivant  vis-à-vis  de  la  coca'ine,  en  diminuant  sa 
vitalité  par  arrêt  de  la  circulation.  Quoi  qu'il  en  soit,  l'adrénaline  est 
l'agent  idéal  pour  arriver  à  ce  résultat.  Il  suffit  d'étudier  ses  pro- 
priétés physiologiques.pour  conclure  qu'elle  doit  a  priori  anémier  le 
tissu  et  laisser  à  la  cocaïne  le  temps  d'agir.  L'adrénaline,  en  outre, 
du  fait  qu'elle  est  vaso-constrictive,  contribuera  à  diminuer  la  douleur 

(1)  Dattier,  Semaine  méJ .,  18  juin  1902. 


222  NOGUE.  —  ANESTHESIE. 

dans  un  tissu  quelconque.  Mais  elle  paraît  de  plus  jouir  par  elle- 
même  de  propriétés  anestliésiques  réelles  dues  à  une  action  autre 
que  la  constriclion  vasculaire,  mais  encore  mal  connue.  On  peut 
donc  conclure  de  l'observation  des  faits  que  l'adrénaline  augmente 
le  pouvoir  anesthésique  de  la  cocaïne  et  permet  en  tissu  sain  ou 
enflammé  de  diminuer  en  proportions  marquées  la  dose  de  ce  médi- 
cament. 

Mode  d'emploi.  —  Le  D'  Léon  Granjon  affirme  que,  étant  données 
une  bonne  adrénaline  stérile  et  non  altérée  et  une  solution  de 
cocaïne  fraîchement  préparée  et  aseptique,  l'injection  d'une  même 
proportion  de  ces  produits,  toutes  choses  étant  égales  d'ailleurs, 
aura  beaucoup  plus  d'effet  si  le  mélange  est  fait  extemporanément 
que  s'il  est  fait  d'avance,  même  si,  dans  ce  dernier  cas,  on  scelle  immé- 
diatement à  la  lampe  le  tube  en  verre  coloré.  Enfin  non  seulement 
il  est  beaucoup  plus  simple  et  plus  pratique  de  faire  soi-même  avec 
un  compte-gouttes  un  dosage  plus  rigoureux  du  produit  au  moment 
de  l'employer,  mais  encore  Je  mélange  devra  être  fait  en  proportions 
tout  à  fait  variables  suivant  les  phénomènes  que  l'on  voudra  obtenir. 
Il  v  a  donc  toutes  sortes  de  raisons  pour  faire  le  mélange  au  moment 
de  l'opération.  On  peut  le  faire  très  simplement  de  la  façon  sui- 
vante :  dans  un  petit  godet  en  porcelaine  stérilisable,  on  verse  II, 
III,  IV  gouttes  ou  davantage  d'adrénaline  à  1  p.  1  000,  suivant 
la  vaso-constriction  locale  que  l'on  veut  avoir,  à  l'aide  d'un  compte- 
gouttes  calibré  ou  mieuxd'un  flacon-compte-gouttes, etpar-dessus  on 
verse  1  centimètre  cube  de  la  solution  de  chlorhydrate  de  cocaïne 
à  1  p.  100.  Il  ne  reste  plus  qu'à  aspirer  le  liquide  avec  la  seringue 
pour  injecter.  Les  meilleurs  résultats  s'obtiendront  en  poussant  l'in- 
jection en  tissu  dur,  dont  les  mailles  serrées  formeront  pour  ainsi 
dire  une  réserve  médicamenteuse,  et  ici  sous  le  bourrelet  fibro-mu- 
queux  que  forme  la  muqueuse  gingivale  en  se  réfléchissant  au  collet 
de  la  dent  pour  se  contiuuer  avec  la  membrane  alvéolo-dentaire 
(Léon  Granjon). 

Accidents.  —  A  la  consiriction  artérielle,  à  l'ischémie  des  tissus 
produits  par  l'adrénaline  succède  généralement  une  vaso-dilatation  : 
d'où  certains  auteurs  ont  conclu  à  la  possibilité  d'hémorragies 
secondaires  graves.  Mais,  en  réalité.  Dattier,  sur  600  opérations  effec- 
tuées avec  le  mélange  cocaïne-adrénaline,  n'a  observé  aucun  cas 
d'hémorragie.  Granjon,  de  son  côté,  pense  que  cette  congestion 
secondaire  se  produira  fréquemment  et  pourra  devenir  gênante 
dans  certains  cas  (hypertrophie  de  la  prostate,  conjonctivites,  in- 
flammations des  diverses  muqueuses)  où  on  a  surtout  utilisé  l'action 
décongestionnante  du  produit:  qu'elle  est  rarement  accompagnée 
d'hémorragie,  parce  que  l'hémostase  primitive  favorise  la  formation 
du  caillot. 

On  a  accusé  également  l'adrénaline  de  déterminer,  au  lieu  d'injec- 


ADRENALINE  ET  ANESTHÉSIQUES  LOCAUX.  223 

lion,  la  formation  d'escarres.  Mousset  pense  qu'elles  sont  dues  à  un 
spasme  vasculaire,  sans  infection  microbienne,  analoi<ue  à  celles 
<|u'on  obtient  en  injectnnt  des  substances  vaso-constrictives  très 
énergiques,  telles  quelasphacclotoxine. 

Quant  aux  accidents  toxiques  généraux  produits  par  l'adrénaline, 
ce  sont  des  vertiges,  de  l'angoisse  et  de  l'arythmie  cardiaques,  des 
sensations  de  constriction  thoracique,  des  accidents  syncopaux  et 
convulsifs  graves. 

Il  faudra  être  très  réservé  dans  l'emploi  de  l'adrénaline  chez  les 
sujets  très  jeunes,  chez  les  vieillards,  les  artérioscléreux  et  les 
brightiques,  chez  tous  les  sujets  dont  le  foie  ou  les  reins  ne  sont  pas 
dans  un  état  d'intégrité  parfaite.  Mieux  vaut  toujours  l'employer, 
d'ailleurs,  à  doses  aussi  faibles  que  possible;  le  D'  Granjon  dit  à  la 
dose  de  VI  à  VIII  gouttes  de  la  solution  au  millième;  nous  pensons 
qu'il  est  préférable  de  rester  bien  au-dessous. 

Contre-indications.  —  Les  elTets  de  l'adrénaline  bien  connus 
aujourd'hui  :  vaso-constriclion  énergique  suivie  de  vaso-dilatation; 
dangers  d'escarres  et  de  nécroses  osseuses  ;  possibilité  d'embolies 
et  de  phénomènes  généraux  graves  ;  vertiges,  etc.,  doivent  incitera 
une  grande  prudence. 

Chez  les  artérioscléreux,  les  brightiques, les  malades  atteints  d'une 
affection  cardiaque,  mieux  vaudra  s'abstenir  d'administrer  l'adré- 
naline. 

ASSOCIATIOl^  DE  VADRÉX ALINE 
AVEC  LES  ANESTHÉSIQUES  LOCAUX. 

L'adrénaline  peut  être  très  avantageusement  associée  à  la  cocaïne 
ou  à  d'autres  anesthésiques  locaux.  Elle  renforce  très  nettement 
l'action  de  la  cocaïne  et  permet  de  réduire  ses  doses  en  pratique. 
Elle  rend  l'aneslhésie  plus  intense  et  plus  prolongée. 

On  sait,  en  outre,  l'expérience  l'a  maintes  fois  démontré,  combien 
la  cocaïne  agit  mal  sur  les  tissus  enflammés.  En  stomatologie,  il  est 
impossible  d'obtenir  uneanesthésie  satisfaisante  dans  les  cas  d'ostéo- 
périoslite,  par  exemple.  L'addition  de  l'adrénaline  à  la  solution 
cocaïnée  permet,  au  contraire,  d'obtenir  lanesthésie.  Cet  elïet  remar- 
quable serait  suffisant  pour  expliquer  le  succès  de  ce  médicament  en 
chirurgie  dentaire  et  pour  en  légitimer  l'usage.  D'après  Moure 
et  Brindel,  l'adrénaline  agirait  en  amenant  la  décongestion  rapide 
des  tissus  et  en  permettant  alors  à  la  cocaïne  de  produire  ses  effets. 

Enfin  l'adrénaline  posséderait  encore  la  précieuse  propriété  d'em- 
pêcher l'action  toxique  de  la  cocaïne. 

Braun  a  montré  qu'on  pouvait  facilement  diminuer  les  doses  de 
cocaïne  quand  onl'associaità  l'adrénaline.  Si,  d'après  cet  auteur,  on 
injecte  des  solutions  de  cocaïne  très  diluées,  qui,  par  elles-mêmes, 
seraient  sans  action,  en  leur  adjoignant  une  quantité  minime  d'adré- 


224  NOGUE.  —  ANESTHESIE. 

naline,  Faclion  anesthésique  locale  de  ces  solutions  est  augmentée 
dans  des  proportions  telles  que  ces  solutions,  diluées,  agissent  aussi 
énergiquement  que  des  solutions  très  concentrées. 

La  durée  de  l'anesthésie  est  considérablement  prolongée.  L'anémie 
des  tissus  et  l'anesthésie  s'étendent  indépendamment  l'une  de 
l'autre. 

L'adrénaline  a  pu  être  associée  à  d'autres  anesthésiques  locaux 
que  la  cocaïne,  el  généralement  avec  les  mêmes  avantages. 

Foisy  a  bien  démontré  que  le  mélange  de  cocaïne  et  d'adrénaline 
avait  la  propriété  d'anesthésier  les  tissus  enflammés.  On  peut 
résumer  les  progrès  réalisés  par  ces  mélanges  dans  les  propositions 
suivantes  formulées  à  la  suite  des  expériences  de  Foisy  et  Riballier 
dans  la  thèse  de  ce  dernier  : 

1°  Localement,  l'adrénaline  en  injection  sous-cutanée  produit  une 
vaso-constriction  intense  ne  s'accompagnant  pas  de  vaso-dilatation 
consécutive.  Les  escarres  produites  au  point  d'injection  ne  s'ob- 
servent qu'avec  des  solutions  trop  concentrées.  L'adrénaline  est 
dépourvue  de  toute  action  anesthésique  vraie  ; 

'2°  L'injection  de  doses  faibles  d'adrénaline  produit  : 

L'ne  hypertension  artérielle  des  plus  manifeste,  mais  ordinairement 
passagère  ; 

Un  ralentissement  de  la  fréquence  du  pouls  ; 

Une  augmentation  de  l'énergie  du  cœur  ; 

Une  diminution  du  nombre  des  globules  rouges  avec  une  leucocy- 
tose  très  marquée; 

3°  Les  doses  toxiques  chez  les  animaux  s'accompagnent  de  dys- 
pepsie, de  paralysie  du  train  postérieur  et  de  convulsions.  A  l'autopsie, 
on  trouve  des  infarctus  dans  le  poumon  et  dans  le  pancréas.  La 
toxicité  de  l'adrénaline  est  environ  quarante  fois  moindre  en  injection 
sous-cutanée  que  en  injection  intravasculaire; 

4°  Les  accidents  d'intoxication  survenus  chez  l'homme  peuvent  être 
dus  soit  à  un  défaut  dans  la  préparation  de  l'adrénaline,  soit  à  une 
dose  trop  élevée. 

L'emploi  de  l'adrénaline  doit  être  proscrit  chez  les  angineux  et 
très  réservé  chez  les  malades  atteints  d'hyperémie  artérielle,  chez 
les  hépatiques  et  les  addisoniens  ; 

5"  L'action  de  doses  faibles,  mais  souvent  répétées,  produit  chez 
l'animal  l'athérome,  une  anémie  avec  mononucléose  et  une  hyper- 
trophie des  organes hématopoiétiques; 

Cf  L'injection  du  mélange  rénaline-cocaïne  produit  une  vaso-con- 
striction locale  très  intense,  une  anémie  remarquable  et  efficace  sur- 
tout en  tissus  enflammés,  sur  lesquels  la  cocaïne  n'a  pas  de  prise. 

Elle  ne  s'accompagne  ni  d'escarres,  ni  d'hémorragies  secondaires; 

1^1)  Foisy,  Semaine  méd.  23févr.  1903.  —Riballier,  Thèse  de  Paris,  1904. 


ADREXALINE  KT  ANESTHÉSIQUES  LOCAUX.  225 

7°  Le  mélange  rtMialine-cocaïne  produit  une  hypertension  artr- 
rielle  avec  ralenlissement  du  pouls  et  ne  s'accompagne  d'aucun 
trouble  respiratoire,  digestif  ou  nerveux  ; 

8°  La  toxicité  du  mélange  est  neuf  à  dix  fois  moindre  (jue  celle  de 
la  cocaïne  ; 

9"  La  solution  cocaïne-adrénaline  est  applicable  pour  l'anesthésie 
de  presque  loules  les  collections  suppurées  : 

10°  Son  emploi  est  conlre-indiqué  chez  les  jeunes  enfants,  chez  les 
pusillanimes,  chez  les  angineux  ;  il  doit  être  modéré  chez  les  indi- 
vidus tarés  ; 

11°  Le  mélange  employé  donne  une  analgésie  bien  supérieun;  à 
celle  fournie  par  le  chlorure  d'éthyle  et  la  cocaïne  ;  il  est  préférable, 
dans  certains  cas,  à  la  rachi-cocaïne  et  à  l'anesthésie  générale. 

Voici  comment  Martinet  (1)  indique  la  posologie  de  l'aih-énaline 
dans  la  pratique. 

L'adrénaline,  étant  à  peine  solul)le  dans  l'eau  froide,  très  faci- 
lement altérable  en  solution  alcaline,  1res  soluble  et  relativement 
stable  au  contraire  en  solution  acide,  ne  s'emploie  guère  en  pratique 
que  sous  forme  de  soliilion  clilorhydrique  faible  titrée  au  millième. 

Cette  solution  renferme  4  milligrammes  d'adrénaline  (chlorhydrate 
d'adrénaline)  par  centimètre  cube  et  donne  XX  gouttes  par  centimètre 
cube  au  compte-gouttes  normal. 

Il  sera  facile,  en  diluant  convenablement  cette  solution  dans  un 
sérum  physiologique,  d'obtenir  des  solutions  à  1  p.  "2  000,  1  p.  4000, 
I  p.  100  000. 

D'après  les  règles  sus-rappelées,  on  prescrira  : 

V  à  X  gouttes  (0",25  à  0",5)  de  la  solution  mère  au  millième  pour 
une  dose  initiale  ; 

XX  gouttes  (1  centimètre  cube)  pour  un  jour  chez  un  sujet  neuf. 

En  stomatologie,  la  solution  anesthésique  à  recommander  est  la 
suivante  pour  injections  hypodermiques  : 

Clilorhydrate  de  cocaïne ()"^,(i\ 

Solution  normale  acide  d'adrénaline  au  millième.      III  g:oultes. 
Eau  distillée 1  cent.  cube. 

Pour  une  ampoule. 

Parfois  cependant  la  dose  d'adrénaline  est  réduite  à  I  goutte 
pour  1  centimètre  cube. 

L'adrénaline  s'emploie  encore  sous  forme  de  tablettes  de  tartrate 
d'adrénaline.  Une  tablette  dissoute  dans  16  grammes  de  sérum  phy- 
siologique forme  une  solution  à  1  p.  1  000.  Ces  solutions  aqueuses 
se  conservent  longtemps  et  peuvent  être  plusieurs  fois  stérilisées  par 
l'ébullition  sans  que  leur  efficacité  soit  amoindrie. 

(1)  A.  Martinet,  A  que'les  doses  il  faut  prescrire  l'adrénaline?  {Presse  mécl., 
9  févr.  1910.) 

Traité  de  stomatologie.  VI.  15 


226  NOGUE.  —  ANESTHESIE. 

La  solution  à  1  p.  1  000  est  la  solution  mère,  qui  peut  être  employée 
directement  ou  bien  être  ramenée  à  des  titres  beaucoup  plus  faibles 
de  1  p.  2  000  à  1  p.  10000  par  l'addition  d'une  quantité  proportionnée 
de  chlorure  de  sodium. 

Il  est  bon  de  connaître  les  applications  de  l'adrénaline  en  médecine 
et  en  chirurgie. 

Dans  un  but  thérapeutique,  l'adrénaline  est  indiquée  :  1"  dans  les 
lésions  inflammatoires  des  muqueuses  :  coryza  aigu  ou  chronique, 
laryngite  aiguë  ou  tuberculeuse,  amygdalite  aiguë,  abcès  de  l'amyg- 
dale, quand  il  s'agit  d'obtenir  une  décongestion  rapide  et  un  soula- 
gement des  phénomènes  inflammatoires;  2°  dans  les  étals  congestifs 
par  vaso-dilatation  :  coryza  spasmodique  avec  ou  sans  hydrorrhée, 
qu'elle  soulage  notablement  sans  toutefois  le  guérir  ;  3°  dans  le  but 
de  faciliter  l'introduction  de  certains  instruments,  tels  que  la  sonde 
pour  le  cathétérisme  delà  trompe  dans  les  rétrécissements  lubaires 
et  aussi,  à  l'avenir,  peut-être  dans  l'intubation,  où  une  décongestion 
rapide  de  la  muqueuse  rendra  plus  facile  l'introduction  du  tube  ; 
4"  dans  les  interventions  sur  les  muqueuses  nasale,  laryngée  et  au- 
riculaire, pour  pratiquer  des  opérations  exsangues  et,  par  son  associa- 
tion à  la  cocaïne,  pour  exalter  l'action  de  cette  dernière  et  obtenir  une 
anesthésie  parfaite  :  5°  enfin  pour  arrêter  les  hémorragies  survenant 
au  cours  ou  à  la  suite  d'opérations. 

On  peut  prescrire  l'adrénaline  en  pommade  ou  en  pulvérisations  : 

Chlorhydi-ate  d'adrénaline  à  î  p.  1  000 1  à  5  grammes. 

Lanoiine i   ^    _ 

\  aucune S 

(Moure.  i 

Chlorhydrate  d'adrénaline  à  1  p.  1  000 1/3 

Huile  de  vaseline 2/3 

(Casselbei-g  ) 

TROPACOCAÏXE. 

A  côté  de  la  cocaïne,  qui  fut  le  premier  et  longtemps  le  seul  employé 
des  anesthésiques  locaux,  vinrent  bientôt  se  placer  d'autres  corps 
jouissant  de  propriétés  analogues.  Les  uns,  tels  que  la  tropacocaïne, 
étaient  tirés  des  feuilles  d'une  autre  variété  de  coca;  d'autres  étaient 
de  tous  points  créés  par  la  chimie  (stovaïne,novocaïne,  alypine,etc.)  ; 
d'autres,  enfin,  étaient  des  corps  déjà  connus,  auxquels  l'expérimen- 
tation découvrait  des  propriétés  anesthésiques  (gaïacol,  spartéine, 
quinine,  etc.).  L'élude  de  chacun  de  ces  corps  présente,  pour  le 
stomatologiste,  le  plus  grand  intérêt,  et  la  connaissance  de  leurs 
propriétés  lui  permettra  d'avoir,  selon  les  indications  de  la  clinique, 
recours  aux  uns  ou  aux  autres. 

Giesel  a  extrait  des  feuilles  de  la  coca  de  Java  une  base  nouvelle, 
à  laquelle  il  donna  le  nom  de  tropacocaïne.  Liebermann,  qui  l'obtint 


TROPACOCAÏNE.  227 

synlluHiquemenl,  montra  (lu'il  s'agissait  là  du  benzoïl-cp-tropéine,  se 
rapprochant  de  l'atropine  et  sans  aucun  rapport  chimique  avec  la 
cocaïne. 

La  tropacocaïne  étant  insoluble  dans  l'eau,  on  emploie  le  chlor- 
hydrate, facilement  solubie,  qui  se  présente  sous  la  forme  d'une 
poudre  cristalline  d'un  goût  amer. 

Ses  solutions,  très  stables,  ne  se  décomposent  pas  par  l'ébullition 
et  ont  pu  être  conservées  sans  inconvénient  pendant  plus  d'une 
année. 

L'élude  de  la  tropacocaïne  a  été  faite,  au  point  de  vue  physiolo- 
gique, par  Chadbourne  (de  Boston)  et  Zoltan  Vanossy,  en  189-2 
et  19(K). 

Les  expériences  pratiquées  sur  les  grenouilles  ont  montré  les  diffé- 
rences suivantes  entre  la  tropacocaïne  et  la  cocaïne  :  son  pouvoir 
toxique  est  moitié  moindre  que  celui  de  cette  dernière.  Elle  produit 
une  anesthésie  locale  beaucoup  plus  rapide.  La  susceptibilité  indi- 
viduelle varie  dans  d'étroites  limites.  Il  n'y  a  pas  de  symptômes  d'irri- 
tation, et  l'animal  revient  plus  promptement  à  lui  qu'avec  la  cocaïne. 

En  expérimentant  sur  les  lapins,  on  a  noté  une  susceptibilité  indi- 
viduelle très  faible  à  l'action  toxique.  L'action  sur  le  cœur  serait 
beaucoup  moins  marquée. 

Au  point  de  vue  chirurgical,  les  premières  recherches  furent  faites 
sur  les  yeux.  Schweigger  Silen  observa  que,  en  solution  à  3  p.  100,  le 
chlorhydrate  de  tropacocaïne,  instillé  dans  l'œil,  produisait  une  anes- 
thésie plus  rapide  et  plus  complète  que  la  cocaïne.  Cette  anesthésie 
avait  une  durée  moindre.  D'après  cet  expérimentateur,  la  tropaco- 
caïne présentait  sur  la  cocaïne,  en  thérapeutique  oculaire,  les  avan- 
tages suivants  :  1°  employée  même  en  abondance,  elle  ne  provoquait 
absolument  aucun  trouble  sur  l'épithélium  de  la  cornée  ;  2°  son  action 
légèrement  antiseptique  la  rendait  inolTensive  dans  le  cas  de  lésions 
de  la  cornée  ;  3''  elle  ne  déterminait  ni  accroissement  de  la  pression, 
ni  dilatation  de  la  pupille;  4°  elle  était  très  bénigne  et  ne  détermi- 
nait, à  faible  dose,  aucun  phénomène  d'intoxication.  La  solution 
indiquée  par  Stilbert  pour  la  pratique  ophtalmologique  est  la  sui- 
vante : 

Chlorhydrate  de  tropacocaïne 0"^,5 

Chlorure  de  sodium O'b'',! 

Eau  distillée • lOs^.O 

En  chirurgie  générale,  Custer  a  trouvé  que,  dans  l'anesthésie  par 
infdtration,  elle  donnait  les  mêmes  résultats  que  la  cocaïne  et  que,  en 
outre,  elle  était  trois  fois  moins  toxique  qu'elle.  Braun,  d'une 
étude  très  approfondie,  tire  les  conclusions  suivantes.  La  tropaco- 
caïne n'a  pas  d'action  nuisible  sur  les  tissus.  L'irritation  spécifique 
déterminée  parelle,àpartirde  2  p.  100,  est  plus  forte  qu'avec  la  cocaïne. 


228  NOGUÉ.  —  ANESTHÉSIli:. 

Relativement  à  ses  eflels  toxiques,  elle  semble  devoir  èlre  placée 
entre  la  cocaïne  et  reucaïne  p.  Dans  des  solutions  à  0,1 —  1,0  p.  100, 
rendues  osmoliquement  indiflérentes  par  l'addition  de  chlorure  de 
sodium,  la  tropacocaïne  représente  un  excellent  anesthésique  local 
ayant  sur  la  cocaïne  l'avantage  de  la  stabilité  de  ses  solutions,  mais 
ne  présentant,  à  l'égard  de  l'eucaïne  [i,  que  des  désavantages  (moindre 
puissance  anesthésique  locale,  plus  grande  toxicité,  efTets  irritants 
plus  intenses)  (1). 

Le  D""  Pinet  et  Viau  ont  étudié  la  tropacocaïne  au  point  de  vue 
de  la  chirurgie  dentaire,  après  avoir  répété  les  expériences  deChad- 
bourne.  Leurs  observations,  portant  sur  plus  de  150  malades,  leur 
ont  permis  de  constater  les  faits  suivants  :  des  doses  relativement 
fortes  (4  à  5  centigrammes)  de  tropacocaïne,  administrées  à  des 
nerveux,  des  anémiques,  des  tuberculeux,  n'ont  jamais  déterminé 
aucun  malaise  consécutif.  Contrairement  à  ce  qui  s'observe  avec  la 
cocaïne,  la  circulation  périphérique,  après  linjeclion  de  tropaco- 
caïne, était  surexcitée.  La  face  prenait  une  teinte  rosée  caractéris- 
tique ;  les  extrémités,  chez  l'homme  comme  chez  les  animaux,  étaient 
chaudes  ;  il  s'y  manifestait  une  excitation  vaso-motrice  anormale.  Les 
conclusions  de  leur  travail  sont  les  suivantes  : 

1°  Le  chlorhydrate  de  tropacocaïne  possède  des  propriétés  anes- 
thésiques  locales  indiscutables,  analogues  à  celles  de  la  cocaïne; 

2°  La  dose  nécessaire  à  la  production  de  lanesthésie  locale  varie 
selon  l'étendue  et  la  profondeur  des  tissus  à  anesthésier,  ainsi  que 
selon  la  durée  de  l'opération  ; 

3°  Pour  les  opérations  dentaires,  la  dose  de  3  centigrammes 
dissous  dans  1  gramme  d'eau  distillée  suffit  dans  les  cas  ordinaires. 
Dans  les  cas  d'extractions  difficiles,  on  élèvera  la  dose  à  4  centi- 
grammes :  celle-ci  donne  une  ancsthésie  complète  ; 

4°  Pour  les  animaux  de  petite  taille,  tels  que  les  cobayes,  la  dose 
de  4  à  6  centigrammes  doit  èlre  considérée  comme  mortelle; 

5°  L'anesthésie  produite  par  la  tropacocaïne  a  paru  aussi  intense 
que  celle  déterminée  par  la  cocaïne; 

6°  Les  expériences  sur  les  animaux  permettent  de  conclure  que 
la  toxicité  de  la  tropacocaïne  est  moins  élevée  que  celle  du  chlorhy- 
drate de  cocaïne  ; 

7°  Le  degré  de  concentration  de  la  solution  paraît  avoir  une  impor- 
tance réelle,  ce  qui  tend  à  justifier  les  idées  de  M.  Reclus.  La  dose 
administrée  étant  égale,  l'action  du  médicament  est  d'autant  plus 
rapide,  d'autant  plus  violente  que  la  solution  est  plus  concentrée  : 
au  contraire,  cette  action  sera  bien  plus  lente  à  se  manifester  et  bien 
moins  intense,  lorsque  la  substance  anesthésique  sera  plus  diluée  ; 
cette  action  serait  également  d'une  durée  plus  longue. 

|1)  DuMONT,  loc.  cil. 


ALYPINK.  229 

Le  Dr  Ilugenschinidl  a  employé  en  stomatologie  la  solution  à 
1  p.  100  sans  addition  de  chlorure  de  sodium  et  a  obtenu  d'excel- 
lents résultats  de  l'injection  de  0=%o  à  1  centimètre  cube  de  cette 
solution. 

11  est  bon  cependant  de  signaler  l'opinion  du  D""  Reclus,  contraire 
à  celle  des  précédents  expérimentateurs.  D'après  léminent  chirur- 
gien, la  Iropacocaïne  ne  présenterait  aucune  supériorité  sur  la 
cocaïne,  et  l'anesthésie  qu'elle  dcHermine  serait  même  moins  persis- 
tante et  moins  profonde. 

HOLOCA'iNE. 

Obtenue  par  Taûber  en  combinant  la  phénacétine  et  la  phénéti- 
dine.  Insoluble  dans  l'eau,  elle  doit  être  employée  sous  la  forme  du 
chlorhydrate,  qui  cristallise  en  aiguilles  blanches  et  se  dissout  dans 
la  proportion  de  2.5  p.  100. 

Employée  en  oculistique  en  solution  à  1  p.  100,  Iholocaïne  déter- 
mine une  vive  sensation  de  brûlure,  au  point  que  Lagrange  l'associait 
toujours  à  la  cocaïne  pour  pallier  à  ce  grave  inconvénient. 

Gires,  Legrand,  l'ont  appliquée  en  stomatologie.  Malheureusement, 
la  toxicité  de  l'holocaïne  est  supérieure  à  celle  de  la  cocaïne. 

ALYPINE. 

L'alypine  (x  privatif  et  yJ  Xutttj,  douleur),  obtenue  par  Impens  et 
Hoffmann,  est  un  sel  organique  de  l'éther  benzoïque  d'un  amino- 
alcool,  tétraméthyldiamino-éthyldiméthylcarbinol.  Seiferl,  repre- 
nant son  étude,  en  fait  le  monochlorhydrate  du  benzoyl-l,3-tétra- 
méthyldiamino-"2  éthyl-isopropylalcool  de  formule  : 

I  \CH2 

C2H3  — C  — O  — CO.C6H5       . 

I  /GH3 

CH2  -  \\  HCl 

L'alypine  se  présente  sous  la  forme  d'une  poudre  blanche,  soluble 
dans  l'eau.  Les  solutions  ont  une  réaction  neutre,  ne  sont  pas  préci- 
pitées par  le  bicarbonate  de  soude  et  peuvent  se  stériliser  par  ébul- 
lition  ou  même  à  111°,  sans  altération  ni  diminution  de  leur  pouvoir 
anesthésique.  Les  solutions  à  2  ou  4  p.  100  se  conservent  assez  long- 
temps, mais  les  solutions  plus  étendues  moisissent  vite, 

La  saveur  de  l'alypine  est  légèrement  amère. 

Elle  est  précipitée  par  tous  les  alcaloïdes  et  par  l'iodure  de  po- 
tassium. 


230  >'OGUE.  —  ANESTHESIE. 

L'alypine  est  facilement  absorbée  par  les  muqueuses  et  le  tissu 
cellulaire  sous-cutané.  Linjection  ne  détermine  jamais  de  nécrose 
des  tissus. 

Au  pointde  vue  anesthésique,  le  D'  Abrand,  qui  en  a  fait  une  étude 
très  prolongée,  s'exprime  ainsi  :  «  C'est  un  analgésique;  elle  m'a 
semblé  supprimer,  dans  bien  des  cas,  la  sensibilité  générale  et 
mériter  de  ce  fait  le  nom  d'anesthésique.  C'est  un  analgésique  rapide 
en  tout  cas,  car,  sitôt  imbibée,  la  région  choisie  devient  insensible. 
L'action  se  produit  soit  par  infdtration  à  la  seringue  de  Pravaz,  soit 
par  badigeonnage  sur  les  muqueuses  ou  les  surfaces  cruentées. 
Presque  toujours  il  faut  attendre  quelques  instants  avant  d'opérer. 
Elle  nesl  pas  vaso-constrictive.  Aussi  la  traînée  blanche  qu'on  peut 
observer  en  faisant  linjection  dermique  disparait-elle  dès  que 
l'aiguille  est  retirée.  » 

Son  action,  d'après  le  même  auteur,  se  ferait  même  sentir  sur  les 
tissus  enflammés.  En  plein  tissu  phlegmoneux,  elle  donnerait  une 
anesthésie  supérieure  à  celle  delà  cocaïne,  même  additionnée  d'adré- 
naline. 

On  n'observe,  après  son  administration,  comme  symptôme  général, 
ni  céphalée,  ni  vomissement,  ni  pâleur  de  la  face,  ni  excitation.  Le 
faciès  ne  se  modifie  pas,  le  pouls  reste  le  même. 

La  toxicité  de  lalypine  est  faible.  II  faut,  chez  les  animaux, 
atteindre  les  doses  de  6  à  7  centigrammes  par  kilogramme  pour 
observer  des  accidents  mortels. 

Le  titre  des  solutions  sera  le  même  que  pour  la  cocaïne.  On  pourra 
utiliser  couramment  les  titres  à  1  p.  100,  réserver  les  solutions  à 
2  p.  100  pour  les  phlegmasies  et  les  solutions  à  4  p.  100  pour  le  badi- 
geonnage des  muqueuses.  Il  existe  d'ailleurs  des  comprimés  d'aly- 
pine  à  0gr,02,  O^^OS  et  0g>",20,  qui  permettent  de  préparer  extempo- 
ranément  des  solutions  titrées.  Il  suffira  d'en  faiie  dissoudre  mi 
dans  une  quantité  d'eau  déterminée  et  de  faire  bouillir  la  solution 
pour  la  stériliser.  Après  ébullilion,  en  aspirant  avec  la  seringue, 
s'il  s'agit  dune  petite  quantité,  ou  en  mesurant  à  nouveau,  on  a  le 
titre  exact  ;  si  l'on  juge  à  propos,  on  reviendra  au  titre  primitif  en 
complétant  avec  de  l'eau  bouillie. 

L'alypine  a  été  employée  en  ophtalmologie,  où  elle  présente,  sur  les 
autres  anesthésiques,  l'avantage  de  ne  provoquer  ni  mydriase,  ni 
vaso-constriction,ni  trouble  de  l'accommodation; on  peutl'employer 
sans  crainte  dans  le  glaucome.  Elle  détermine  simplement  une  légère 
irritation  de  la  cornée. 

Elle  a  été  vantée  par  Bùrkner  (de  Gôttingen)  en  olologie.  L'emploi 
d'une  solution  à  o  p.  100  calme  la  douleur,  si  pénible,  des  furoncles 
du  conduit  et  celle  que  provoque  l'otite  moyenne,  au  moins  au  début. 
Lorsqu'il  faut  pratiquer  la  paracentèse,  on  arrive  à  une  insensibilité 
absolue  du   tympan,  alors    que   la  cocaïne    donne  une  anesthésie 


ALYPLXE.  231 

infidèle  et  expose  à  des  elïels  loxiques.  La  tecliiii(iiie  consiste  à  intro- 
vlnire  au  conlacl  du  tynij)au  une  solution  de  5  p.  100  dans  Teau  ou 
l'alcool  sur  un  tampon  d'ouate  et  à  l'y  laisser  dix  à  vingt  minutes. 
Comme  il  ne  se  produit  pas  d'anémie,  comme  avec  la  cocaïne,  on  la 
produit  par  l'addiliond'unpeu  de  suprarénine,  qui  augmente  encore 
le  pouvoir  anestliésiquede  la  solution. 

Elle  a  été  employée  également  en  urologie,  en  injections  dans  le 
canal  de  Turètre  en  solutions  à  1  p.  100,  2  p.  100,  4  p.  100;  en  injec- 
tions dans  la  vessie  à  10  p.  100. 

Elle  a  été  également  utilisée  en  chirurgie  générale  et  pour  Tanes- 
lliésie  lombaire. 

De  cette  expérimentation  clinique  il  ressort  que  Talypine  est  un 
excellent  anesthésique,  moins  toxique  que  la  cocaïne.  Les  accidents, 
assez  rares  d'ailleurs,  qu'on  a  observés  ressemblent  à  ceux  que  déter- 
mine la  cocaïne.  Ils  consistent  en  une  excitation  psychomotrice 
intense  pouvant  aller  jusqu'à  de  forts  accès  convulsifs  cloniques  (1). 

En  chirurgie  dentaire,  l'alypine  a  donné  de  bons  résultats.  La 
solution  de  choix  est  la  suivante  : 

Sérum  isotoniqiK' 100  cent,  cubes. 

Alypine 1^^50 

LeD'"  Stotzer,  qui  la  utilisée  un  des  premiers,  a  noté  ({ue,dans  tous 
les  cas,  l'anesthésie  était  satisfaisante,  l'hémorragie  peu  intense,  le 
pouls  et  la  pupille  sans  modifications. 

Le  D'"  Peckert  id'Heidelberg),  en  ajoutant  à  la  solution  d'alypineun 
peu  d'adrénaline,  a  obtenu  une  anesthésie  beaucoup  plusparfaite. 

Le  D''  A.  Laporta  emploie  1  centimètre  cube  d'une  solution  à 
2  p.  100.  Entre  le  début  de  l'injection  et  l'opération,  il  laisse  s'écouler 
quatre  à  cinq  minutes.  Le  patient,  pendant  ce  temps,  reste  assis  ou 
dans  la  position  demi-couchée.  Il  recommande  d'employer  toujours 
des  solution  fraîches,  exlemporanées.  Sur  115  extractions  simples 
ou  compliquées,  dans  des  cas  favorables  ou  défavorables,  les  résultats 
furent  satisfaisants.  Le  D""  Laporta  ne  craint  pas  d'affirmer  que 
l'action  anesthésique  de  l'alypine  vaut  celle  de  la  cocaïne...  Ce  qui 
est  remarquable  et  très  important,  ajoute-t-il,  ce  qui  place  le  médi- 
cament bien  au-dessus  de  la  cocaïne,  c'est  l'absence  pour  ainsi  dire 
complète  de  toute  action  nocive  ou  même  désagréable. 

Le  Dr  Paul  Sorlat,  qui  a  consacré  à  l'alypine  sa  thèse  inaugurale, 
pense  qu'elle  est  moins  toxique  que  la  cocaïne.  Il  a  répété  et  con- 
trôlé les  expériences  de  Chevalier  et  de  Serini  et  trouvé  les  résultats 
suivants  :  chez  le  cobaye,  la  dose  toxique  varierait  de  Oe^^is  à  0gr,16 
par  kilogramme  d'animal  :  chez  le  chat,  elle  serait  de  0er,085  ;  chez 
le  chien,  de  Ogr.074. 

(1)  D""  A.  Laporta.  Bulletin  de  lu  Société  belge  de  stomaloloqie,  1906,  n»  1. 


232  NOGUE.  —  ANESTHESIE. 

Donc  la  dose  toxique  mortelle  serait,  pour  le  cobaye,  le  chien  et 
le  chat,  le  double  de  celle  de  la  cocaïne  :  elle  serait  égale  ou  quelque 
peu  inférieure  à  celle  de  la  stovaïne. 

En  injection  intraveineuse,  l'alypine  n'est  pas  à  recommander; 
elle  est,  en  ce  cas.  très  toxique,  produit  rapidement  de  la  paralysie 
bulbaire,  et  la  mort  peut  survenir  brusquement. 

La  concentration  des  solutions  d'alypine  exerce  une  influence 
remarquable  sur  leur  toxicité  :  celle-ci  augmente  avec  la  concen- 
tration dans  de  notables  proportions. 

Dans  l'intoxication  expérimentale  par  l'alypine,  on  assiste  à  des 
phénomènes  qui  présentent,  avec  ceux  déterminés  par  la  cocaïne  et 
la  stovaïne,  la  plus  grande  analogie.  Ils  consistent  surtout  en  troubles 
graves  du  côté  du  système  nerveux  central. 

a.  Action  sur  le  système  nerveux  central.  —  A  faible  dose,  il  se 
produit  seulement,  à  la  suite  de  l'injection  intrapérilonéale,  une 
excitation  plus  ou  moins  grande,  avec  augmentation  de  la  sensibi- 
lité. Avec  des  doses  plus  fortes,  l'excilation  psychomotrice  devient 
de  plus  en  plus  intense,  pouvant  aller  jusqu'à  des  accès  convulsifs 
c'.oniques  ;  ces  convulsions  se  manifestent  spontanément  et  n'ont 
pas,  par  conséquent,  le  caractère  réflexe  des  convulsions  causées  par 
la  strychnine.  Il  y  a,  en  même  temps,  de  la  dyspnée  et  des  phéno- 
mènes d'asphyxie. 

Il  est  à  remarquer  cependant  que  les  phénomènes  convulsifs  sont 
beaucoup  moins  intenses  qu'avec  la  stovaïne  et  que  l'hyperesthésie 
fait  le  plus  souvent  défaut.  Par  contre,  on  note  très  rapidement 
de  l'analgésie  généralisée,  très,  accentuée  et  s'accompagnant  de 
paralysie. 

En  augmentant  encore  la  dose  d'alypine,  jusqu'à  atteindre  la  dose 
toxique,  on  voit  les  convulsions  se  succéder  très  rapidement  chez 
l'animal,  avec  de  l'opisthotonos  et  des  contractures  ;  puis  il  se  fait 
une  parésie  des  membres  postérieurs  ;  et  la  scène  se  termine  par  une 
paralysie  complète,  avec  abolition  des  réflexes,  refroidissement, 
angoisse  respiratoire  et  ralentissement  du  cœur.  L'animal  meurt 
par  un  épuisement  total  du  système  nerveux  central,  et  non  par  une 
paralysie  du  cœur  ou  du  centre  respiratoire,  puisqu'il  suffit  d'enrayer 
les  convulsions  par  un  hypnotique  quelconque  pour  que  des  doses 
mortelles  soient  tolérées. 

h.  Action  sur  la  respiration.  —  L'appareil  respiratoire  réagit  lui 
aussi  cependant  au  cours  de  cette  intoxication  :  des  doses,  inca- 
pables encore  de  provoquer  une  forte  excitation  et  des  convulsions, 
ralentissent  légèrement  la  fréquence  de  la  respiration,  mais  en  aug- 
mentent l'amplitude.  Les  mouvements  respiratoires  deviennent  plus 
fréquents  et  plus  profonds,  si  l'on  augmente  la  dose  employée, 
jusqu'à  l'apparition  de  convulsions.  Cet  effet  se  constate  même  pen- 
dant le  sommeil  produit  par  un  hypnotique,  ce   qui  prouve  qu'il  ne 


ALYFINE.  233 

dépi'iul  pasexclusivomenl  (le  rirritalion  couvulsive,  mais  est  provo- 
qué, tout  au  moins  eu  partie,  par  excitation  directe  du  centre  respi- 
ratoire. 

Finalement,  des  doses  toxiques  produisent,  dans  la  dernière  phase 
de  l'intoxicalion,  des  irrégularités  dans  la  fréquence  et  dans  Tampli- 
tude  de  la  respiration  ;  il  se  produit  des  pauses  plus  ou  moins  longues, 
et  des  périodes  de  respiration  rudimentaire  alternent  avec  des 
périodes  d'inspiration  maximale,  jusqu'au  moment  où  survient  la 
mort  par  arrêt  complet  et  détinitif. 

c.  Action  sur  la  circulation.  — •  L'action  de  l'alypine  sur  la  circu- 
lation doit  être  étudiée  avec  des  solutions  très  diluées,  surtout  chez 
les  animaux  à  sang  froid,  comme  la  grenouille.  Avec  des  solutions  à 
1  p.  1  000,  on  observe,  à  doses  moyennes,  simplement  un  abaisse- 
ment passager  de  la  |)ression  sanguine,  sans  changement  de  rythme 
du  cœur.  11  n'y  a  pas,  comme  avec  la  stovaïne,  de  renforcement 
systolique,  pas  d'action  sur  le  cœur  (à  cette  dose  du  moins). 

Avec  des  solutions  à  2  p.  1  000,  les  elTets  sont  déjà  beaucoup  plus 
nets,  et  l'on  voit  survenir  brusquement  une  chute  de  pression  san- 
guine, qui  baisse  de  7,  8  et  même  10  centimètres  de  mercure; 
en  même  temps,  on  voit  se  produire  un  ralentissement  et  une 
diminution  d'énergie  des  contractions  cardiaques.  Mais  ces  modifi- 
cations de  l'activité  fonctionnelle  du  cœur  sont  très  peu  intenses  et 
montrent  que  l'alypine,  aux  faibles  doses  où  elle  est  employée  en 
pratique,  n'exerce  pas  d'influence  nocive  sur  le  cœur.  De  plus  fortes 
doses  abaissent,  au  contraire,  l'activité  cardiaque  :  le  volume  du 
pouls  et  le  travail  du  cœur  diminuent,  mais  sa  force  absolue  reste 
constante.  Si  la  dose  est  mortelle,  après  quelques  grandes  contrac- 
tions arythmiques,  le  cœur  faiblit  à  nouveau  et  s'arrête  bientôt, 
après  s'être  contracté  de  plus  en  plus  faiblement.  Si,  en  revanche, 
la  dose  n'est  pas  mortelle,  on  voit  la  pression  remonter  lentement; 
l'énergie  des  contractions  reprend  progressivement,  mais  celles-ci 
restent  toujours  plus  faibles  que  normalement. 

L'alypine  se  différencie  surtout  très  nettement  de  la  cocaïne  par 
son  action  sur  le  système  vasculaire  :  elle  ]>rovoque,  soit  en  applica- 
tion locale,  soit  par  son  usage  hypodermique,  une  dilatation  vasculaire 
d'origine  périphérique  et  centrale.  11  en  résulte  un  abaissement 
marqué  de  la  pression  sanguine,  avec  forte  élévation  de  la  courbe 
du  pouls  et  ralentissement  de  la  fréquence  cardiaque.  Cet  abaisse- 
ment de  la  tension  doit  être  attribué  beaucoup  plus  à  la  paralysie 
des  vaso-moteurs  qu'au  ralentissement  du  cœur,  car,  au  moment  où 
les  vaisseaux  reprennent  leur  calibre  ordinaire,  la  tension  sanguine 
revient  à  la  normale,  tandis  que  la  fréquence  du  pouls  reste  faible,  et, 
de  plus,  si  l'on  paralyse  au  préalable  la  vaso-motricité  par  de  l'hy- 
drate de  chloral,  par  exemple,  la  tension  ne  s'abaisse  pas  davantage. 
Cette  action  vaso-dilatatrice  de  l'alypine  lui  confère  une  supériorité 


234  NOGUÉ.  —  ANESTHÉblE. 

marquée  sur  la  cocaïne,  surtout  dans  les  cas  où  Ton  veut  obtenir  une 
anesthésie  suffisante  du  côté  de  la  face  ou  du  crâne;  grâce  à  cette 
vaso-dilatation,  le  visage  des  malades  rougit  après  Tinjeclion  ;  le  bulbe 
se  congestionne  légèrement,  ce  qui  met  à  labri  des  syncopes  post- 
opératoires, l'un  des  accidents  que  Ton  a  le  plus  reproché  à  la 
cocaïne. 

En  revanche,  par  suite  de  cette  vaso-dilatation,  Talypine  présente 
quelques  inconvénients,  lorsqu'on  opère  avec  son  concours  sur  des 
territoires  très  vascularisés.  On  remédie  facilement  à  ce  désagrément, 
en  employant,  en  ce  cas,  des  solutions  d'alypine  additionnées  de 
quantités  infinitésimales  d'adrénaline,  qui  abolit  l'action  hyper- 
émiante  de  l'alypine  et  provoque  môme  une  très  légère  vaso-con- 
striction. 

A  côté  des  phénomènes  décrits  ci-dessus,  on  peut  en  relever 
d'autres,  intéressant  le  système  nerveux  périphérique  et  la  tem- 
pérature. 

La  sensibilité  disparaît  rapidement  avec  des  doses  fortes  d'alypine, 
mais  certains  réflexes:  cornéen,  abdominal,  etc.,  persistent.  Appli- 
quée en  concentration  de  4  p.  100  sur  un  tronc  nerveux,  l'alypine 
arrête  la  réceptivité  du  nerf  pour  les  excitants  électriques,  à  l'endroit 
d'application,  mais  ne  supprime  pas  la  conductibilité  nerveuse. 

Quant  à  la  température,  de  nombreuses  prises  effectuées  sur  les 
animaux  en  expérience  montrent  que  l'emploi  de  faibles  doses  d'aly- 
pine la  modifie  à  peine;  à  des  doses  convulsivantes,  elle  produit, 
mais  à  un  degré  peu  sensible,  un  abaissement  thermique  central. 

Les  autres  fonctions  comme  les  échanges  gazeux,  la  sécrétion 
urinaire.  ne  sont  pas  influencées  par  l'alypine.  L'élimination  de  cette 
substance  se  fait  par  les  reins,  et,  peu  après  l'application  d'une  dose 
relativement  faible,  on  peut  la  rechercher  dans  l'urine,  par  l'addition 
de  quelques  gouttes  d'iode  ioduré. 

Le  sang,  enfin,  ne  subit  pas  de  modifications  appréciables  sous 
l'influence  de  l'alypine;  celle-ci,  même  en  solution  à  0,1  p.  100,  ne 
possède  pas  de  propriétés  hémolytiques. 

Telles  sont,  quelque  peu  détaillées,  les  propriétés  physiologiques 
de  ce  nouvel  anesthésique  ;  nous  pouvons,  en  résumé,  conclure 
que,  aux  doses  où  elle  est  employée  dans  la  pratique,  l'alypine  est 
incapable  de  provoquer  des  accidents  sérieux  ou  de  produire  des 
troubles  graves  pour  la  vitalité  des  tissus. 

L'alypine  agit  aux  mêmes  doses  et  dans  les  mêmes  conditions  que 
la  cocaïne  :  il  y  a  donc  identité  de  formulaire  et  de  posologie  entre 
ces  deux  corps;  toutefois,  en  raison  de  son  action  vaso-motrice 
différente  de  celle  de  la  cocaïne,  l'alypine  ne  provoque  pas  d'ivresse 
et  ne  crée  pas  d'accoutumance. 

Voici,  cependant,  à  titre  d'indication,  les  formules  les  plus 
usitées  : 


ELCAÏNE.  "i^o 

Emploi  chirurgical. 

1°  Anesthésie  locale. 

Chirurgie  (jénérale  :     Alypine Os'',50  à  1  gr. 

Eau  distillée,  q.  s.  |) 100  ce. 

(En  injections  hypodermiques.) 

Ophlalmolor/ie  :     l»  Alypine 1  gramme. 

Eau  distillée,  q.  s.  p 100  ce. 

(Conserver  en  ampoules  stérilisées,  pour  injections.) 

2°  Alypine 5  grammes. 

Eau  distillée,   q.  s.  p 100  ce. 

(Pour  instillations.) 

Chirurgie  dentaire  :     Alypine 1  gr.  (0g"',50  chez  enf.) 

Eau  distillée,   q.  s.  p 100  ce. 

(Peut  èlre  également  utilisée  pour  les  petites  opérations.) 

Lart/ngologie:     Alypine 5  à  10  grammes. 

Chlorure  de  sodium  pur .î  à  10         — 

Eau  distillée,  q.  s.  p 100  ce. 

(Pour   badigeonnages.) 
2«  Anesthésie  rachidienne. 

Alypine O^MO 

Eau  distillée 3  ce. 

Adrénaline  boriquée 0si",0003.3 

(En  ampoules  de  0"<=,5  stérilisées  à  lOô».) 

3"  Anesthésie  par  infiltration. 

Solution  de  Schleich  :     Cocaïne Os'',05 

Alypine    0g^05 

Chlorure  de  sodium 0s'',02 

Eau  distillée,  q.  s.  p 100  ce. 


EUCAÏNE, 

L'eucaïne  obtenue  par  voie  synthétique  est,  au  point  de  vue  chi- 
mique, de  Téther  méthylbenzoyltélraméthyl-o(-oxypipéridineméthyl- 
carbonique. 

C'est  une  base  qui  se  dissout  difficilement  dans  l'eau,  facilement 
dans  l'alcool,  i'éther,  le  chloroforme  et  le  benzol. 

Elle  donne,  avec  l'acide  chlorhydrique,  un  sel  le  chlorhydrate 
d'eucaïne  cristallisé  en  prismes  brillants,  d'un  goût  amer,  se  dissol- 
vant lentement  dans  l'eau  froide,  rapidement  dans  l'eau  chaude  et 
donnant  des  solutions  limpides  capables  de  supporter,  sans  se  décom- 
poser, la  température  de  Tébullition. 

C'est  à  Gaetano  Vinci  que  sont  dues  les  premières  recherches  sur 
l'eucaïne.  Elles  montrèrent  l'action  anesthésique  de  ce  corps.  Au 
point  de  vue  physiologique,  l'action  de  l'eucaïne  se  manifeste  par 


236  NOGUÉ.  —  ANESTHÉSIE. 

une  forte  excilalion  du  système  nerveux  avec  paralysie  consécutive. 
A  fortes  doses,  la  mort  survient  par  paralysie  du  centre  respi- 
ratoire. 

Les  eucaïnes  se  classent  en  deux  groupes  bien  distincts  (1)  : 

Eucaïnes  f:  ; 

Eucaïnes  a  : 

Les  eucaïnes  l'i  sont  constituées  sur  le  même  modèle  que  la  tropa- 
cocaïne  :  c'est-à-dire  quelles  ne  possèdent  pas  de  carboxyle  et  qu'elles 
dérivent  d'un  amino-alcool,  dans  l'espèce  le  vinyldiacétonalcamine. 

L'analogie  devient  plus  complète  si  l'on  considère  que  cet  amino- 
alcool  doit  à  la  configuration  spéciale  de  sa  molécule  d'exister  sous 
deux  formes  stéérogéométriques,  dont  l'une,  de  laquelle  dérive  juste- 
ment l'eucaïne,  est  stable  et  correspond  à  la  pseudo-tropine,  et  dont 
1  autre,  instable,  correspond  à  la  tropine  et  donne,  comme  cette 
dernière,  des  dérivés  acidylés  mydriatiques ,  mais  non  anesthé- 
siques. 

L'eucaïne  x,  au  contraire,  renferme  tous  les  groupements  fonc- 
tionnels de  la  cocaïne;  mais,  chose  curieuse  et  qui  montre  combien 
est  compliqué  ce  problème  de  lanesthésie  locale,  elle  est  constituée 
sur  le  type  de  la  cocaïne  a  de  Willstœtter,  c'est-à-dire  que  les  chaînes 
latérales  sont  fixées  sur  le  même  carbone  d'une  molécule  différant  de 
la  vinyldiacétonalcamine.  en  ce  sens  qu'elle  n'existe  que  sous  une 
seule  forme. 

D'autres  anesthésiques  locaux  ont  vu  le  jour  depuis  les  eucaïnes 
et.  en  fait,  la  propriété  analgésique  appartient  à  un  nombre  consi- 
dérable de  corps  très  différents  chimiquement  les  uns  des  autres  et 
ditTérant  essentiellement  des  eucaïnes  et  des  cocaïnes  en  ce  qu'ils 
ne  renferment  pas  un  noyau  azoté  fermé.  Aucun  de  ces  corps  n'a  pu 
acquérir  une  grande  importance  industrielle,  et  cela  tient  surtout 
à  deux  causes.  La  première,  c'est  qu'ils  sont  beaucoup  moins  actifs 
que  la  cocaïne.  La  seconde,  c'est  que  leurs  propriétés  physiques  les 
rendent  généralement  peu  propres  à  l'injection  hypodermique,  soit 
parce  qu'ils  sont  peu  solubles,  soit  parce  qu'ils  sont  trop  irritants. 

Au  point  de  vue  pratique,  l'eucaïne  |3  est  la  seule  employée. 
Elle  se  présente  sous  la  forme  dune  poudre  blanche.  Elle  est  soluble 
dans  trois  fois  et  demie  son  poids  d'eau  froide.  Injectée  dans  les  tissus 
à  la  dose  de  Oe'',10  à  08'",16,  elle  ne  modifie  en  rien  la  pression  san- 
guine. Aux  doses  de  0b'',18  à  Oe'",20,  on  note  un  ralentissement  assez 
marqué  du  pouls.  Schmitt  (de  Nancy)  et  Legrand  ont  pu  l'administrer 
par  la  voie  sous-cutanée  aux  doses  de  Og'",24  à  Og<",26  sans  le  moindre 
accident. 

Administration  de  Feucaïne.  —  Tandis  que  Lohmann  et  Schering 
conseillaient  d'administrer  l'eucaïne  en  solution  à  10  p.  100.  Legrand, 

(1)  EnNEST  Fourneau,  Généralités  sur  les  anesthésiques  locaux  [Bulletin  des 
se.  phurmacologiques). 


STOVAINE.  237 

à  la  suite  de  nombreuses  expériences  dans  le  service  de  I\I.  Reclus, 
adoptait  définitivement  la  solution  à  2  p.  100  et  avancjait  qu'il  était 
possible  d'injectei'  jusqu'à  30  centimètres  cubes  de  cette  solution. 
Nous  ne  saurions  trop  mettre  en  garde  les  stomatologistes  contre  les 
dangers  de  semblables  doses. 

Lanesthésie,  à  la  suite  de  l'injection  d'eucaïne,  se  produit  aussi 
rapidement  qu'après  les  injections  de  cocaïne:  elle  ne  dure  pas  aussi 
longtemps,  mais  persiste  pendant  plus  de  quarante  minutes. 

La  pénétration  du  liquide  dans  les  tissus  détermine  une  sensation 
de  brûlure  superficielle,  qui  est  suivie  d'une  anesthésie  pour  ainsi 
dire  immédiate,  au  point  qu'il  n'est  nullement  nécessaire  d'attendre 
quelques  minutes  pour  intervenir.  D'après  la  grande  majorité  des 
auteurs,  l'anesthésie  serait,  à  doses  égales,  absolument  comparable 
à  celle  qui  détermine  la  cocaïne. 

La  solution  recommandée  par  Braun  pour  l'anesthésie  par  infiltra- 
tion est  la  suivante  : 

Eucaïne  p 1  gramme. 

Chlorure  de  sodium , 8  grammes. 

Eau 100        — 

Pour  s'en  tenir  à  la  solution  préconisée  par  Legrand,  on  pourra 
employer  des  ampoules  de  '2  centimètres  cubes  : 

Eucaïne  [i 0s'',4 

Sérum  physiologique 2  cent,  cubes. 

et  injecter  la  moitié  ou  une  ampoule  entière  selon  les  cas. 

Avantages.  —  Les  avantages  attribués  à  l'eucaïne  [B,  comparée 
la  cocaïne,  sont  les  suivants  :  toxicité  infiniment  moindre  pour  une 
action  anesthésique  égale  aux  mêmes  doses;  durée  de  cette  anes- 
thésie aussi  grande  que  celle  de  la  cocaïne;  conservation  des  solu- 
tions très  prolongée,  puisque  Legrand  a  pu  se  servir  de  solutions 
datant  de  quatre  mois  ;  enfin  toxicité  beaucoup  moindre,  au  point  qu'un 
grand  nombre  d'observateurs  considèrent  l'eucaïne  |3  comme  inolïen- 
sive.  C'est  ainsi  que  Braun  a  osé  deux  fois  employer  jusqu'à  300  centi- 
mètres cubes  d'une  solution  au  centième. 

On  peut  donc,  en  résumé,  —  en  ce  qui  concerne  notre  spécialité, 
sans  aller  aussi  loin  que  Dumont  et  Legrand,  qui  appellent  l'eucaïne  p 
Tanesthésique  de  choix  en  stomatologie,  —  dire  qu'elle  constitue  un 
anesthésique  local  capable  de  nous  rendre  de  très  grands  services 
et  de  remplacer  la  cocaïne  lorsque  la  toxicité  de  celte  dernière  en 
contre-indiquera  l'emploi. 

STOVAÏNE. 

La  stovaïne,  ou  chlorhydrate  d'amyléine  aS,  a  été  découverte  par 
M.  Fourneau  et  étudiée  au  point  de  vue  de  ses  effets  physiologiques 
par  M.  Billon. 


238  NOGUE.  —  ANESTHESIE. 

Il  est  intéressant,  au  sujet  de  cetle  découverte  bien  française,  de 
voir  comment  l'éminent  chimiste  est  arrivé  à  ce  résultat.  Après  avoir 
passé  en  revue  la  cocaïne  et  ses  dérivés,  M.  Fourneau  s'exprime 
ainsi  (1)  :  ■<  La  question  des  anesthésiques  locaux  restait  ouverte  et 
paraissait  difficilement  soluble,  le  noyau  pipéridinique  qui  commu- 
nique auxeucaïneset  aux  cocaïnes  leur  caractère  toxique  étant,  selon 
toute  vraisemblance,  la  condition  de  leur  grande  puissance  anesthé- 
sique,  » 

L'expérience  pouvait  seule  démontrer  si  réellement  ce  noyau  pipé- 
ridinique était  nécessaire  et  si,  fatalement,  la  toxicité  augmentait 
avec  l'action  analgésique. 

Que  sont,  en  somme,  les  eucaïnes  et  les  cocaïnes  ?Des  amino-alcools 
et  des  amino-acides  alcools  éthérifiés,  dans  lesquels,  je  le  répète,  les 
noyaux  primitifs  sont  toxiques. 

J'ai  préparé  et  étudié  un  grand  nombre  d  acides  amino-alcools  et 
d'amino-alcools  nouveaux  inolTensifs  en  soi;  j'ai  éthérifîé  les  pre- 
miers par  l'alcool  méthylique,  puis  par  l'acide  benzoïque,  les  seconds 
par  l'acide  benzoïque,  et  je  suis  arrivé  à  obtenir  les  dérivés  d'amino- 
alcools  doués  d'une  puissance  analgésique  considérable,  au  moins 
égale  à  celle  de  la  cocaïne,  en  même  temps  que  leur  toxicité  était 
relativement  faible,  en  tout  cas  très  inférieure  à  celle  de  la  cocaïne. 

Ces  amino-alcools  sont  tous  construits  sur  le  même  type  et  répon- 
dent à  la  formule  schématique  : 

,CW 


R.COH 


CH2.Az< 


R=méthyl,  éthyl,  propjl,  isobutyl.phényl.  benz}'!,  etc. 
Ils    s'obtiennent   avec   facilité    lorsqu'on   fait   réagir  les   aminés 
secondaires  sur  les  chlorhydrines  du  tyj)e  : 

.CH2CL 

R.COH 

\CH3 

surtout  étudiées  par  Titïeneau,  etdonnent,  lorsqu'on  les  éthérihe  par 
l'acide  benzoïque,  des  dérivés  benzoylésdont  les  chlorhydrates  sont 
solubles  dans  l'eau,  peu  toxiques  et  très  analgésiques  : 
CH3 

R.COCO.C6H5 

^CH2.Az/  HCl(HBr,etc.). 

D'un  de  ces  corps  aux  autres,  cest  le  groupe  R  qui  varie. 
(1)  Loc.  cit. 


SÏOVAINE.  239 

Cependant,  parmi  les  élhers  d'amino-alcools,  nous  en  avons  écarté 
un  certain  nombre  pour  des  raisons  économiques  ou  organolepliques, 
et  nous  avons  fixé  notre  choix  sur  le  clilorhydrate  d'amyléine  Q([i,  que 
nous  avons  appelé  slovaine. 

La  stovaïne  a  pour  formule  : 


CH^.CH-'CO  =  CO.C«Ho  H. Cl. 

/CH3 


^CH-^Az/^"^ 


Elle  cristalllise  en  petites  lamelles  brillantes  fondant  à  175°. 

Elle  est  extrêmement  soluble  dans  Teau.  L'alcool  méthylique  et 
réther  acétique  la  dissolvent  facilement.  L'alcool  absolu  n'en  dissout 
que  le  cinquième  de  son  poids.  Elle  est  légèrement  acide  au  tournesol 
et  neutre  à  Ihéliantlnne. 

Ses  solutions  aqueuses  précipitent  par  tous  les  réactifs  des  alca- 
loïdes. Elles  sont  stérilisables  par  la  chaleur.  Leur  ébullition  pro- 
longée môme  pendant  une  heure  naltère  nullement  la  stovaïne  : 
après  évaporation,  on  la  retrouve  intacte.  Elles supporlentfacilement 
une  chauffe  de  vingt  minutes  à  115°  en  autoclave.  Vers  120°,  elles 
sont  lentement  décomposées.  En  somme,  la  stabilité  de  la  stovaïne 
ne  le  cède  en  rien  à  celle  de  la  cocaïne. 

Outre  son  goût  très  différent  de  celui  de  la  cocaïne  et  son  point 
de  fusion,  il  est  assez  facile  de  la  distinguer  de  cet  alcaloïde  en 
mettant  à  profit  la  facilité  avec  laquelle  elle  est  hydrolysée  à  froid 
par  l'acide  sulfurique  concentré.  On  met  quelques  centigrammes 
(3  à  6  centimètres  cubes)  de  stovaïne  dans  un  tube  à  essai,  et  on  la 
mouille  avec  V  à  X  gouttes  d'acide  sulfurique  concentré,  dans 
lequel  elle  se  dissout  facilement  en  dégageant  de  l'acide  chlorhy- 
drique.  Quand  la  dissolution  est  complète  (et  il  est  bon  de  la  favo- 
riser en  remuant  le  mélange  avec  un  agitateur),  on  laisse  couler  le 
long  des  parois  du  tube  à  essais  2  à  3  centimètres  cubes  d'eau  ;  on 
voit  aussitôt  se  séparer  de  l'acide  benzoïque.  Celte  réaction  est  né- 
gative avec  la  cocaïne. 

Les  indications  et  la  posologie  de  la  stovaïne  sont  les  mêmes 
que  celles  de  la  cocaïne,  avec  cette  unique  différence  que  l'on  peut 
sans  inconvénients  en  donner  des  doses  plus  fortes. 

1°  Anesthésie  locale  : 

Stovaïne 1  jïrammc. 

Eau  distillée 100  cent,  cubes. 

Stériliser  à  l'autoclave  à  105"  pendant  dix  minutes.  Chirurgie 
générale  :  opération  d'hémorroïdes,  hernies,  ongle  incarné,  panaris, 
phlegmons,  loupes,  etc.,  suivant  la  technique  indiquée  par  le 
P""  Reclus. 


240  NOGUÉ.  —  ANESÏHESIE. 

"20  Odontologie  et  petites  opérations  : 

Stovaïne 1  gramme. 

Eau  distillée 100  cent,  cubes. 

Stériliser  et  conserver  en  ampoules. 
3°  Ophtalmologie: 

stovaïne 1  gramme. 

Eau  distillée  (ou  sérum  p!iysiologique) 100  cent,  cubes. 

Stériliser  et  conserver  en  ampoules,  pour  injections  intrader- 
miques : 

Stovaïne 4  grammes. 

Sérum  physiologique 100  cent,  cubes. 

Stériliser  pour  instillations. 

Les  incompatibilités  de  la  stovaïne  sont  les  mêmes  que  celles  de  la 
cocaïne  :  elle  est  beaucoup  plus  sensible  que  cette  dernière  à  Taction 
des  alcalis.  Il  faudra  donc,  si  Ton  s'est  servi  d'eau  boratée  pour 
stériliser  la  seringue  à  injections,  la  laver  plusieurs  fois  avec  de 
l'eau  distillée  bouillie  avant  de  s'en  servir. 

Un  des  avantages  les  plus  précieux  de  la  stovaïne,  c'est  sa  faible 
toxicité  comparée  à  celle  de  la  cocaïne.  Déjà  Reclus  avait  cherché 
par  tous  les  moyens  à  éviter  le  grave  reproche  fait  à  sa  méthode  en 
diminuantle  titre  de  ses  solutions.  Aussi,  quand  la  stovaïne  fit  son 
apparition,  lui  fit-il  le  meilleur  accueil  et,  après  de  nombreuses  expé- 
riences, lui  donna-l-il  nettement  la  préférence.  11  lui  attribua  un 
pouvoir  anesthésique  moindre  ;  mais  ce  défaut  était  largement 
compensé  par  sa  faillie  toxicité,  qui  permettait  d'en  injecter  des 
quantités  beaucoup  plus  considérables.  Il  montra  enfin  que,  con- 
trairement à  l'assertion  de  ses  détracteurs,  la  stovaïne,  bien  que 
vaso-dilatatrice,  ne  déterminait  pas  d'hémorragie  et  ne  déterminait 
jamais  de  gangrène. 

En  chirurgie  générale,  la  stovaïne  fut  employée  par  le 
P""  Reclus,  les  D"  Chaput,  Schiff,  Kendirdjy,  Tuffier,  etc.  Chaput 
s'exprime  ainsi  sur  son  compte  :  «  L'action  analgésique  de  la  sto- 
vaïne locale  à  1  p.  "200  est  identique  à  celle  de  la  cocaïne.  La  stovaïne 
est  moins  toxique  que  la  cocaïne  :  elle  a  une  r.ction  vaso-dilatatrice 
qui,  en  congestionnant  le  bulbe,  supprime  la  syncope  et  permet 
aux  malades  d'être  opérés  assis  et  de  se  lever  aussitôt  après  l'opé- 
ration.» 

Dans  l'anesthésie  lombaire,  la  stovaïne  a  joué  un  rôle  des  plus 
important,  puisque  c'est  grâce  à  elle  que  cette  méthode  a  pu  prendre 
tout  son  essor.  «  Il  me  parait,  dit  le  P'  Sonnenburg,  que, 
grâce  à  la  stovaïne,  l'anesthésie  lombaire  est  entrée  dans  une  nou- 
velle période  de  grand  développement,  et  que  la  question  de  la 
narcose  est  appelée,  à  dater  de  ce  fait,  àunbouleversementprofond.  >> 


STOVAIXE.  241 

Le  P'  (le  Lapersoiine  en  ophtalmologie,  Dubar  en  otorhinologie, 
<Je  Beurniann  en  dermalologie,  Doléris  en  obstétrique,  ont  montré 
les  avantages  de  la  stovaïne  et  en  ont  précisé  les  applications. 

En  stomatologie,  la  stovaïne  ne  devait  pas  tarder  à  prendre  une 
place  prépondérante  en  raison  de  ses  précieuses  qualités.  Dès  1894,  le 
D'  A.  Pont  s'exprimait  ainsi,  en  comparant  les  avantages  et  les 
inconvénients  de  la  cocaïne  et  de  la  stovaïne  :  «  Il  est  certain  qu'avec 
les  solutions  cocaïniques  à  1  p.  100  on  a  rarement  des  alertes, 
surtout  si  Ton  oljserve  les  règles  prescrites  par  le  P""  Reclus  ;  mais  il 
n'en  est  pas  moins  vrai  que  ces  règles  constituent,  en  art  dentaire, 
lorsqu'il  s'agit  d'une  pelite  opération,  comme  l'extraction  d'une  dent, 
de  véritables  inconvénients.  Il  n'en  est  pas  moins  vrai  aussi  que 
beaucoup  de  patients,  chez  lesquels  pour  des  extractions  den- 
taires on  s'était  conformé  aux  instructions  de  Reclus,  ont  con- 
servé pendant  plusieurs  heures  après  l'opération  des  malaises  allant 
parfois  jusqu'à  l'état  lipothymique.  Ces  petits  accidents  sont  négli- 
geables lorsqu'il  s'agit  de  grande  chirurgie  ;  mais,  pour  les  opé- 
rations de  petite  chirurgie,  et  surtout  pour  les  opérations  dentaires, 
le  malade  ne  les  oublie  pas  et  ne  les  pardonne  pas. 

«  C'est  pourquoi  j'estime  que  la  stovaïne  sera  très  utile  et  rempla- 
cera avantageusement  la  cocaïne  si  les  essais  continuent  à  être 
aussi  encourageants.  )> 

Nous-méme,  dans  de  nombreux  essais,  nous  n'avons  jamais 
observé  (1),  ni  pendant  l'injection,  qui  est  d'ailleurs  bien  peu  doulou- 
reuse, ni  postérieurement  à  l'opération,  aucun  malaise  chez  nos 
patients.  Nous  n'avons  jamais  opéré  les  malades  dans  d'autre 
position  que  la  position  assise,  et  nous  n'avons  jamais  eu  à  les  faire 
coucher.  A  la  suite  de  l'opération,  les  patients  n'éprouvaient  de 
douleur  d'aucune  sorte. 

Il  était  important,  en  stomatologie,  de  pouvoir  associer  à  la  stovaïne 
le  médicament  vaso-constricteur  par  excellence,  l'adrénaline.  Braun 
avait  affirmé  que  l'association  de  ces  deux  substances  pouvait  pro- 
voquer la  gangrène  des  tissus.  Heureusement  l'expérience  a  fait 
justice  d'une  pareille  affirmation  et,  aux  doses  habituelles,  stovaïne  et 
adrénaline  sont  sans  aucun  inconvénient. 

Si  l'on  veut  résumer  dans  une  vue  d'ensemble  les  qualités  de  la 
stovaïne,  on  peut  adopter  l'opinion  de  Kendirdjy,  basée  sur 
625  rachi-stovaïnisations.  La  stovaïne,  dit  cet  auteur,  possède  à  nos 
yeux  trois  avantages  principaux  :  sa  faible  toxicité,  son  action  toni- 
cardiaque et  sa  puissance  anesthésique  ;  et  c'est  la  réunion  de  ces  trois 
qualités  maîtresses  qui  constitue  sa  supériorité  sur  les  autres  sub- 
stances analgésiques  actuellement  connues.  Sa  toxicité  faible  est 
démontrée  par  l'expérimentation  sur  les  animaux  et  par  l'observation 

(1)  Archives  de  stomatologie,  avril  et  mai  1904. 

Traité  de  stomatologie.  VI.    —    16 


242  NOGUÉ.  —  ANESTHESIE. 

clinique.  Les  chirurgiens  ne  manquent  pas,  en  effet,  qui  injectent 
10,  12  et  même,  pour  certaines  laparotomies,  15  centigrammes  de 
stovaïne  (Kronig,  Cavazzani)  sans  accident.  Nous  ne  saurions  approu- 
ver, en  principe,  lusage  des  doses  aussi  élevées,  parce  que  nous  les 
considérons  comme  inutiles  et  parce  que,  çà  et  là,  des  susceptibi- 
lités individuelles  se  renconlreront  qui  pourraient  réserver  au  chi- 
rurgien des  surprises  désagréables.  Mais  ce  ne  sont  là  que  des 
objections  théoriques,  et  les  statistiques  imposantes  de  Cavazzani 
et  de  Kronig  prouvent  que  la  toxicité  de  la  stovaïne  est  très  faible 
et  que,  à  pouvoir  anesthésique  égal,  aucune  substance  ne  saurait 
lui  être  comparée  (1). 

L'action  loni-cardiaque  est  remarquable.  Le  })ouls,  rapide  au 
début  par  suite  de  Fémotion  que  ressent  le  malade,  se  régularise 
bientôt  et  reste  excellent  jusqu'à  la  fin  de  l'acte  opératoire.  Le  fait  a 
été  remarqué  par  la  plupart  des  chirurgiens  qui  ont  usé  de  la  stovaïne, 
et  quelques-uns  de  ceux  qui  ont  expérimenté  d'autres  substances, 
tel  que  Busse,  ont  eu  l'impression  que  le  pouls  était  meilleur  avec 
la  stovaïne. 

Enfin  sa  puissance  anesthésique  est  égale  à  celle  de  la  cocaïne,  et 
tout  le  monde  est  d'accord  pour  dire  qu'avec  les  perfectionnements 
de  la  technique  la  proportion  des  échecs  diminue  jusqu'à  devenir 
négligeable. 

Il  s'en  faut  cependant  ([ue  l'accord  soit  unanime  sur  les  qualités 
de  la  stovaïne,  et  les  notes  discordantes  nous  viennent  surtout 
d'Allemagne,  où  presque  tous  les  chirurgiens  partisans  de  l'anes- 
thésie  lombaire  ont  comparé  la  stovaïne  avec  d'autres  substances  ; 
les  uns  sont  revenus  à  la  stovaïne,  qu'ils  trouvent  la  meilleure  et  de 
beaucoup;  d'autres  lui  reconnaissent  des  qualités  égales  et  emploient 
indifféremmentla stovaïne,  la  novocaïne  ou  la  tropacocaïne;  d'autres 
enfin,  et  c'est  le  petit  nombre,  considèrent  la  stovaïne  comme  infé- 
rieure et  lui  reprochent:  1-  d'être  plus  toxique  et  d'exercer  une  action 
paralysante  sur  les  muscles  respiratoires  ;  i»  de  provoquer  quelque- 
fois des  paralysies  uni  ou  bilatérales  du  muscle  abducteur  de  l'œil. 

Voyons  ce  qu'il  y  a  de  vrai  dans  ces  accusations.  Mais,  auparavant, 
il  nous  faut  insister  sur  ce  fait  qu'à  l'étranger  on  semble  totalement 
ignorer  les  ti^avaux  qui  ont  paru  en  France  sur  les  accidents  ménin- 
gitiques  dus  au  défaut  d'isotonie.  En  matière  de  rachianesthésie,  il 
est  de  toute  nécessité  de  faire  le  départ  entre  les  accidents  immé- 
diats de  la  période  anesthésique  et  les  accidents  consécutifs  de  la 
période  post-anesthésique.  Les  premiers  sont  seuls  imputables  à  la 
substance  injectée  ;  les  autres  relèvent  de  l'irritation  des  méninges, 
elle-même  provoquée  soit  par  le  défaut  d'isotonie  entre  le  liquide 

(,1)  Deux  de  nus  malades,  atteints  de  fistules  tuberculeuses  du  périnée,  en  sont 
l'un  à  s-a  sixième,  l'autre  à  sa  septième  rachi-stuvaïnisation.  Ils  n'ont  eu  de  la 
céphalée  qu'après  la  première  injection. 


STOVAÏNE.  243 

céphalo-rachidien  et  le  liquide  qu'on  injecte,  soit  par  rinfection  du 
milieu  sous-arachnoïdien,  soit  par  ces  deux  éléments  à  la  fois.  Ces 
accidents  sont  indépendants  de  Tanesthésique  dont  on  s'est  servi, 
puisque,  aussi  bien,  on  peut  les  observera  la  suite  d'une  simple  ponc- 
tion lombaire  exploratrice.  Et  c'est  pour  ne  pas  vouloir  tenir  compte 
de  cette  distinction,  à  nos  yeux  capitale,  que  l'on  attribue  à  la  stovaïne 
des  méfaits  dont,  en  bonne  justice,  elle  ne  saurait  être  tenue  pour 
responsable;  et  pour cilerun exemple,  —  quirépondd'ailleursàun  fait 
publié  et  répandu  avec  un  certain  fracas,  le  fait  de  Kronig,  —  il  est  inad- 
missible qu'une  injection  de  stovaïne  puisse  par  elle-même,  les  lois 
de  l'isotonie  et  de  l'asepsie  étant  observées,  occasionner  des  lésions 
de  méningomyélite  avec  leur  cortège  habituel  de  paraplégie,  d'acci- 
dents sphinctériens  et  de  troubles  trophiques,  se  terminant,  à 
échéance  plus  ou  moins  longue,  par  la  mort  du  malade  (1).  Ceci  dit, 
examinons  les  griefs  qui  sont  formulés  à  sa  charge. 

1°  La  stovaïne  donnerait  lieu  fréquemment  à  des  accidents  d'intoxi- 
cation grave,  pouvant  même  aboutir  à  la  mor^.  Or  ces  accidents 
sont  à  peu  près  inconnus  en  France  et,  pour  notre  part,  dans  l'espace 
de  deux  ans  et  demi  et  sur  un  total  de  625  ra-hi-stovaïnisations,  sans 
compter  les  nombreux  cas  auxquels  il  nous  a  été  donné  d'assister 
dans  les  divers  services,  nous  n'avons  pas  eu  l'occasion  de  les  obser- 
ver. Nous  croyons  que  l'explication  doit  en  être  cherchée  dans  les 
détails  de  la  technique,  parmi  lesquels  il  en  est  deux  que  nous  tien- 
drons volontiers  pour  responsables  :  c'est,  d'une  part,  le  plan  incliné. 
Nous  repoussons  plus  que  jamais  le  mélange  des  diverses  variétés 
d'adrénaline  (suprarénine,  épirénine,  etc.)  pour  les  raisons  que  nous 
avons  données  ailleurs  :  «  L'adrénaline  n'est  là,  disons-nous,  que 
pour  ajouter  à  l'action  de  la  stovaïne  ses  propriétés  vaso-constrictives. 
Or,  précisément,  ce  qui  nous  fait  préférer  la  stovaïne  à  la  cocaïne, 
c'est,  en  partie,  son  action  neutre,  sinon  dilatatrice  sur  les 
vaisseaux.  D'autre  part,  la  composition  de  l'adrénaline  n'est  pas 
fixe  (2),  et  son  emploi  n'est  pas  exempt  de  danger.  Nous  ne 
croyons  pas  que  son  adjonction  donne  une  anesthésie  meilleure, 
puisque  l'anesthésie,  avec  la  stovaïne  pure,  est  parfaite  et  que  les 
phénomènes  morbides  sont  nuls  ou  insignifiants.  De  plus,  la  prépa- 
ration de  ces  mélanges  offre  quelques  difficultés  et  vient  compliquer 
une  'technique  que  nous  voudrions  le  plus  simple  possible  (3).  Nous 

(1)  H.  ^^\^  Lier  (d'Amsterdam),  dans  un  mémoire  récent  et  très  intéressant 
(Beitrag  ziir  klin.  Chir.,  1904,  Bd.  LUI,  Heft  2),  vient  d'étudier  les  altérations  que 
produit  l'injection  de  slovaïne  au  niveau  de  la  moelle.  Ces  altérations,  peu  accusées 
d'ailleurs,  sont  constantes,  mais  heureusement  de  très  courte  durée.  Nous  regret- 
tons que  l'auteur  se  soit  servi  de  la  formule  de  Bier,  qui  contient,  comme  on  le 
sait,  de  l'épirénine.  11  eût  été  préférable  de  n'injecter  qu'une  solution  pure  de  sto- 
va'ine. 

(2)  L'adrénaline  se  décompose  facilement  aux  hautes  températures  et  ne  peut 
êtrestérilisée  que  par  tyndallisation. 

(3)  Quelques  chirurgiens  allemands,  frappés  des  inconvénients  que  semble  pré- 


244  XOGUE.  —  AXESTHESIE. 

repoussons  donc  le  mélange  de  stovaïne-adrénaline  comme  étant 
pour  le  moins  inutile  et,  en  cela,  nous  sommes  d'accord  avec 
Tilmann  (de  Cologne).  Dautre  part,  Sikemeier,  ayant  étudié  les 
effets  du  mélange  dadrénaline-cocaïne  au  point  de  vue  expérimental 
et  clinique,  a  conclu  que  l'adrénaline,  bien  que  resserrant  incontes- 
tablement les  vaisseaux  et  retardant  sans  doute  l'absorption  de  la 
cocaïne,  ne  semble  pas  diminuer  les  effets  toxiques  de  cette  dernière 
substance,  ni  en  augmenter  le  pouvoir  anesthésique.  »  Ce  qui  est  vrai 
pour  la  cocaïne  s'applique  évidemment  à  la  stovaïne. 

Quant  au  plan  incliné,  qui  permet,  dit-on,  d'obtenir  une  anesthésie 
plus  étendue,  il  est  condamné  en  Allemagne  même  par  Kûmmel. 
\'eit  et  d'autres.  Veit  (de  Halle)  dit  expressément  que  les  paralysies 
respiratoires  sont  évitables  si  Ion  ne  se  sert  pas  du  plan  renversé. 
Dans  plusieurs  observations,  c'est  au  moment  précis  où  le  malade 
était  basculé  que  les  accidents  ont  éclaté.  Faut-il  voir  là  une  action 
de  l'anesthésique  sur  le  bulbe  et  les  centres  respiratoires,  ou  bien 
une  simple  questioji  de  brusque  déséquilibre  que  l'on  pourrait  éviter 
en  elTecluant  le  renversement  avec  une  sage  lenteur?  Aucune  des 
hypothèses  formulées  ne  satisfait  l'esprit,  mais  le  fait  est  là  et  suffît 
à  condamner  une  manœuvre  dont  l'utilité  est  contestable,  car  il  n'est 
pas  prouvé  que  le  champ  de  l'anesthésie  soit  notablement  plus  vaste 
après  le  renversement  (1). 

2''  La  stovaïne  est  accusée  de  provoquer  des  paralysies  du  muscle 
droit  externe  de  Toeil.  Le  fait  est  exact  et  difficile  à  expliquer,  mais 
il  doit  être  très  rare  e(,  pour  notre  part,  nous  ne  l'avons  pas  observé. 
Adam  (de  Munich),  en  relatant  son  cas  personnel  de  paralysie  des 
deux  abducteurs  de  l'œil,  dit  que,  après  avoir  dépouillé  1  700  rachi- 
stovaïnisations,  il  n'a  pas  trouvéd'observation  semblable.  Par  contre, 
on  la  noté  aussi  bien  avec  la  tropacocaïne  qu'avec  la  novocaïne. 
11  ny  a  donc  pas,  de  ce  chef,  une  infériorité  de  la  stovaïne.  et  voilà 
réfutées  deux  des  grandes  objections  que,  dans  les  pays  d'oulre- 
Rhin,  on  adresse  à  l'anesthésique  français. 

Pour  ce  qui  est  de  la  paralysie  motrice  des  membres  inférieurs, 
que  Hermès,  assistant  de  Sonnenburg,  reproche  à  la  stovaïne,  nous 
avons  montré  jadis  qu'elle  faisait  parlie  intégrante  du  syndrome 
rachi-stovaïnique  et  que,  loin  d'être  un  point  faible  de  la  méthode, 
elle  constituait,  particulièrement  dans  la  réduction  des  fractures,  un 
avantage   appréciable,   contrastant  avec  les  mouvements  violents  el 

senler  la  stérilisation  du  mélanjre  de  stovaïne  ou  de  novocaïne-adrénaline,  ont  eu 
1  idée  de  stériliser  d'abord  la  solution  anesthésique  et  d'ajouter  Tadrénaliue  au 
moment  de  l'opération.  On  comprend  que  cette  manière  de  faire  ne  soit  pas  exempte 
d'inconvénients. 

1)  Nous  devons  à  la  vérité  de  dire  que  Chaput  met  ses  malades  en  position 
inversée  dans  ses  laparotomies  après  injection  de  scopolamine  et  de  stovacoca'ine, 
et  qu'il  s'en  déclare  très  satisfait.  —  Chaput.  Rachi-stova'ine  et  scopolamine  dans 
les  laparotomies  (Presse  méd.,  23  févr.  1907). 


NOVOCAÏNE.  245 

désordomu's  du  déhnl  de  la  narcose  chloroformique  et  avec  le  trem- 
blement exaj^éré  de  la  rachi-cocaïnisalion. 

Oven  accuse,  à  son  tour,  la  stovaine  :  1°  d'être  d'une  stérilisation 
difficile  ;  '2°  de  ne  se  dissoudre  (ju'en  milieu  acide  et,  par  conséquent, 
dirriterles  tissus  qu'elle  doit  imprégner.  Le  premier  chef  d'accusa- 
tion n'a  pas  de  portée  :  la  stovaine  se  stérilise  dans  des  conditions 
parfaites  et  résiste  même  plus  que  la  cocaïne  aux  températures  éle- 
vées (Ribaul  et  Dufour).  l^our  ce  qui  est  de  l'acidité  des  solutions 
de  stovaine  (1),  on  oublie  que  cette  acidité  est  immédiatement  su[)- 
primée  par  le  mélange  avec  le  liquide  céphalo-rachidien  dans  lequel 
elle  se  perd  et  qui  est  alcalin.  D'ailleurs,  ce  que  l'on  injectedansl'es- 
pace  sous-arachnoïdien,  ce  n'est  pas  la  solution  très  faiblement 
acide  de  stovaine,  mais  le  mélange  alcalin  et  opalescent  formé  dans 
le  corps  de  pompe  de  la  seringue,  avec  la  dose  préalablement  puisée 
de  stovaine  et  une  certaine  quantité  de  liquide  céphalo-rachidien 
refluant  par  loritice  libre  de  l'aiguille. 

\0V0CAL\E. 

La  novocaïne,  découverte  en  1904  par  Einhorn,  est  le  chlorhy- 
drate de  para-amino-benzoy-diéthyl-amino-éthanol.  Elle  se  présente 
sous  la  forme  de  fines  aiguilles  blanches,  d'une  saveur  amère, 
solubles  dans  leur  poids  d'eau  et  dans  30  parties  d'alcool. 

Les  solutions  de  novocaïne,  de  réaction  neutre  au  tournesol,  sup- 
portent sans  aucune  décomposition  lébullilion  et  une  température 
de  i'20°  avec  ou  sans  pression.  Elles  sont  donc  parfaitement  stérili- 
sables  et  se  conservent  pendant  plusieurs  mois  dans  des  flacons 
bien  bouchés.  Au  contact  de  l'air,  elles  prennent  une  coloration 
légèrement  jaunâtre  et  s'acidifient,  sans  cependant  que  leurs  pro- 
priétés anesthésiques  se  ressentent  de  ce  changement. 

La  novocaïne  présente  les  réactions  générales  de  tous  les  alca- 
loïdes. Les  alcalins,  en  particulier,  déterminent  dans  les  solutions 
de  novocaïne  un  précipité  blanc,  soluble  dans  l'alcool  et  l'élher. 

Un  centigramme  de  novocaïne  calciné  sur  une  lame  de  platine  ne 
doit  laisser  aucun  résidu.  La  solution  aqueuse  à  1  p.  10  doit  rester 
incolore  et  claire  :  elle  ne  doit  pas  rougir  le  papier  bleu  de  tourne- 
sol. Un  centigramme  de  novocaïne  doit  se  dissoudre  dans  un 
mélange  de  1  centimètre  cube  d'acide  sulfurique  et  1  centimètre 
cube  d'acide  azotique. 

Les  corps  incompatibles  avec  la  novocaïne  sont  le  chlorure  de 
zinc,  les  alcalins,  le  tanin,  le  calomel,  le  bichromate  de  potasse,  le 
permanganate  de  potasse,  les  sels  d'argent,  l'arrhéal. 

Action   de  la  novocaïne.    —    L'application  sur  la    muqueuse 

(1)  Rappelons  que  la  stovaïne  nest  pas  une  base  comme  la  cocaïne,  mais  que 
c'est  le  sel  clilorhydrique  d'une  base  qui  est  Tamyléine. 


246  NOGUE.  —  ANESTHESIE. 

d'un  tampon  imbibé  de  novocaïne  détermine  une  anesthésie  rapide 
sans  aucune  irritation.  En  instillation  dans  l'œil,  elle  ne  provoque 
ni  douleur  ni  inflammation  :  si  Ton  met  un  peu  de  novocaïne  en 
poudre  dans  la  conjonctive  d'un  lapin,  l'épithélium  conjonctival 
subit,  il  est  vrai,  une  légère  altération,  mais  l'œil  reprend  son  aspect 
normal  au  bout  de  quelques  heures,  tandis  que,  si  l'on  fait  la  même 
expérience  avec  de  la  cocaïne,  l'œil  présente  des  troubles  profonds 
de  la  cornée  qui  aboutissent  à  un  leucome  (A.  Chambian  . 

Son  action,  quand  elle  est  additionnée  d'adrénaline,  n'est  pas  plus 
irritante.  Les  injections  dans  les  tissus  des  solutions  à  2,5  p.  100  ne 
déterminent  aucune  douleur  et  ne  sont  suivies  d'aucun  accident 
consécutif.  Il  faut,  pour  observer  de  l'irritation  des  tissus,  aller 
jusqu'à  la  concentration  à   10  p.  100. 

Pouvoir  anesthésique.  —  En  application  sur  le  nerf  sciatique 
dune  grenouille,  en  instillation  dans  l'œil  d'un  lapin  ou  en  injections 
intradermiques  chez  le  même  animal,  on  a  pu  observer  que  la  novo- 
caïne détermine,  au  bout  d'un  temps  variable  dune  à  cinq  minutes, 
une  anesthésie  parfaite  qui  dure  environ  quinze  à  vingt  minutes. 
En  injections  surtout  l'aneslhésie  se  produit  rapidement. 

Tous  les  auteurs  sont  d'accord  pour  affirmer  que  l'addition  d'adré- 
naline augmente  d'une  façon  très  marquée  le  pouvoir  anesthésique 
de  l'adrénaline.  C'est  là  un  fait  d'expérience  et  d'observation  qu'on 
ne  saurait  plus  aujourd'hui  mettre  en  doute.  Le  P''  Reclus  conseille 
la  formule  suivante  : 

Sérum  physiologique 100  grammes. 

Novocaïne 0s'',50 

Adrénaljne  à  1.  p.  1  000 XXV  gouttes. 

Avec  cette  solution,  l'injection  n'est  pas  douloureuse;  l'anesthésie 
est  obtenue  immédiatement  dune  façon  complète  et  dure  en  général 
plus  d'une  heure. 

Toxicité.  —  Il  a  été  fait  avec  la  novocaïne  les  mêmes  expériences 
qu'avec  la  cocaïne  sur  la  toxicité,  eu  égard  au  titre  de  la  solution 
employée  et  à  la  vitesse  avec  laquelle  cette  injection  est  faite.  L'im- 
portance du  titre  de  la  solution  a  été  démontrée  par  les  recherches 
du  P'  Pouchet  et  les  observations  répétées  du  P''  Reclus.  Le  premier 
prend  deux  cobayes  qui  pèsent  le  même  poids,  qui  viennent  de 
lu  même  nichée,  qui  ont  suivi  le  même  régime,  qui  sont  aussi  exac- 
tement que  possible  dans  les  mêmes  conditions.  A  l'un,  il  fait 
une  injection  inlrapéritonéale  de  4  centigrammes  de  cocaïne  dis- 
sous dans  1  centimètre  cube  d'eau  distillée,  et  à  l'autre  une  injec- 
tion de  10  centigrammes  de  cocaïne  dissous  dans  15  centimètres 
cubes.  Le  cobaye  qui  a  reçu  la  plus  faible  dose  meurt  ;  celui  qui  a 
reçu  la  plus  forte  dose  en  solution  diluée  manifeste  des  accidents  de 
cocaïnisme,  mais  résiste. 

La  vitesse  de  l'injection  présente  aussi  une  très  grande  importance. 


NOVOCAINl'.  2'i7 

MM.  Piquand  et  Dreyfus  l'onl  parfaitement  démontre  par  les  expé- 
riences suivantes  : 

1°  Ils  injectent  dans  la  veine  de  l'oreille  d'un  lapin  du  poids  de 
2''*^,3'^0  une  solution  de  novocaïne  à  1  p.  200,  en  se  servant  de 
Tappareil  de  Roger,  réglé  de  façon  à  ce  que  Tinjeclion  se  fasse 
uniformément  à  la  vitesse  de  5  centimètres  cubes  à  la  minute.  Us 
constatent  que  l'animal  meurt  quand  il  a  reçu  15  centigrammes 
d'alcaloïde,  soit  6  centigrammes  par  kilogramme.  Ils  recommencent 
l'expérience  dans  les  mêmes  conditions,  mais  en  doublant  la  vitesse 
de  l'injection,  c'est-à-dire  en  faisant  couler  10  centimètres  cubes  à  la 
minute,  et  ils  constatent  qu'un  lapin  pesant  2''^,  130  meurt  lorsqu'il  a 
reçu  9  centigrammes  d'alcaloïde,  soit4«^,2  par  kilogramme,  c'est-à- 
dire  une  dose  notablement  inférieure  à  celle  delà  première  expérience. 

Ils  recommencent  une  troisième  fois  l'expérience,  mais  cette  fois 
en  ralentissant  de  moitié  la  vitesse  d'injection  employée  pour  la  pre- 
mière expérience,  c'est-à-dire  en  faisant  couler  5  centimètres  cubes 
en  deux  minutes  :  ils  constatent  qu'un  lapin  de  3''s,20  meurt  seule- 
ment lorsqu'il  a  reçu  20  centigrammes  d'alcaloïde,  soit  9  centi- 
grammes par  kilogramme.  , 

Ces  expériences  montrent  que,  en  faisant  uniquement  varier  les 
vitesses  de  l'injection,  on  modifie  à  ce  point  la  toxicité  qu'une  dose 
de  4'==', 2  par  kilogramme,  mortelle  lorsque  l'injection  est  faite  à  une 
vitesse  de  10  centimètres  cubes  à  la  minute,  devient  inoffensive 
lorsque  linjection  est  faite  plus  lentement  et  que,enraisantrinjection 
quatre  fois  moins  vite,  il  faut  9  centigrammes  par  kilogramme  pour 
tuer  l'animal  (A.  Chambian). 

On  voit  donc  ici  démontrée  la  loi  du  P'^  Reclus  que  l'intoxication 
est  essentiellement  fonction  de  la  quantité  du  poison  qui,  introduite 
au  même  moment  dans  le  torrent  circulatoire,  vient  impressionner 
le  système  nerveux  central. 

La  dose  toxique  de  novocaïne  a  été  étudiée  par  Chevalier  et 
fixée  à  Os'",45  pour  le  chien,  Osr,45  pour  le  chat.  Chez  l'homme, 
en  injection  sous-cutanée,  cette  dose  est  au-dessus  de  O-^SO. 

D'après  les  expériences  de  Reynier  faites  dans  le  laboratoire 
du  P""  Dastre,  chez  le  lapin,  la  dose  mortelle  minima  est  voisine 
de  73  centigrammes  par  kilogramme  d'animal;  chez  le  cobaye,  cette 
dose  mortelle  serait  de  40  à  50  centigrammes.  En  outre,  si  avec 
75  centigrammes  par  kilogramme  d'animal  de  novocaïne,  la  mort 
arrive  après  dix-neuf  minutes,  en  ajoutant  de  l'adrénaline,  les  phé- 
nomènes d'intoxication  apparaissent  trois  minutes  plus  tard,  et  la 
mort  n'arrive  qu'après  trente-quatre  minutes.  L'adrénaline  semble- 
rait donc  retarder  les  phénomènes  d'intoxication  et  diminuer  légè- 
rement la  toxicité  de  la  novocaïne. 

Les  phénomènes  observés  dans  l'intoxication  par  la  novocaïne  sont 
caractérisés  par  une  période  passagère  d'excitation  suivie  de  trem- 


248  NOGUE.  —  ANESTHESIE. 

blements,  dincoordinalion  motrice  et  de  paralysie.  Viennent  ensuite 
des  convulsions  avec  dyspnée,  opisthotonos  et  mouvements  ambu- 
latoires. Les  convulsions  deviennent  subintrantes  si  la  dose 
employée  a  été  considérable,  et  finalement  Tanimal  meurt  brusque- 
ment dans  lintervalle  de  deux  périodes  convulsives.  par  arrêt  de  la 
respiration  et  du  cœur. 

Il  semblerait,  d'à  près  des  expériences  nombreuses,  que  lanovocaïne 
n'ait  aucune  action  sur  le  cœur  et  qu'elle  agit  surtout  sur  la  respi- 
ration. 

A  la  suite  de  l'injection  intraveineuse  de  doses  moyennes  de 
novocaïne  en  solution  à  2  p.  100,  on  constate  une  chute  de  pression 
assez  brusque  avec  léger  ralentissement  et  diminution  de  l'énergie 
cardiaque;  puis  la  pression  remonte  légèrement  au-dessus  de  la 
normale. 

Sur  le  système  nerveux,  lanovocaïne  agit  comme  excitant  à  fortes 
doses,  puis  comme  paralysant  du  centre  bulbo-médullaire.  Elle 
insensibilise  les  nerfs  périphériques  ainsi  que  les  gros  troncs 
nerveux. 

Titre  et  dosesdessolulions.  —  Le  P'  Reclus,  non  s  l'a  vous  dit,  conseille 
une  solution  à  0.."i  p.  100  de  novocaïne  contenant  par  centimètre 
cube  0,5  de  novocaïne  et  un  quart  de  goutte  d'adrénaline.  Dans  un 
cas  d'hydrocèle,  le  P""  Reclus,  en  se  servant  d'une  seringue  de  2  cen- 
timètres cubes,  a  pu  injecter  trente-huit  seringues  de  cette  solution, 
soit  38  centigrammes  de  novocaïne.  et  XXXVIII  gouttes  d'adréna- 
line à  1  p.  1  000. 

Les  solutions  de  novocaïne-adrénaline  ne  se  conservent  (jue  très 
peu  de  temps  et  doivent  être  préparées  au  moment  de  s'en  servir. 
Les  solutions  de  novocaïne  sans  adrénaline  à  1  p.  200  ainsi  que  la 
solution  d'adrénaline  à  1  p.  1  000  se  conservent  facilement  pendant 
plusieurs  mois  sans  altérations. 

Les  solutions  de  novocaïne  peuvent  être  stérilisées  par  rébullition; 
mais,  si  les  solutions  de  novocaïne  contiennent  de  l'adrénaline,  elles 
ne  pourront  plus  être  bouillies,  ou  seulement  pendant  un  temps  très 
court,  car  la  substance  active  des  capsules  surrénales  perd  de  son 
activité  sous  l'influence  d'une  ébuUition  prolongée.  Ceci  est  dû  à  ce 
que  la  plupart  des  verres  du  commerce  contiennent  de  l'alcali  qui 
vient  modifier  l'état  de  l'adrénaline. 

D'une  étude  de  405  cas  d'anesthésie  lombaire  à  la  novocaïne, 
le  D""  Chaput  conclut  (  1  )  :  la  mortalité  a  été  nulle  :  la  novocaïne  ne  pré- 
sente pour  ainsi  dire  pas  de  contre-indications  ;  elle  est  peu  avanta- 
geuse pour  les  suppurations  aiguës,  pour  les  sujets  craintifs,  pour 
les  opérations  au-dessus  de  l'épigastre. 

Les  accidents  immédiats  n'existent  pas;   il  n'y  a  pas  eu  de  syn- 

(1)  Chaput,  Une  année  d'anesthésie  lombaire  à  la  novocaïne  {Gaz.  des  hôp., 
83'  année,  p.  677). 


NOVOCAINE.  249 

cope;  la  pâleur  et  le  ralentissement  du  pouls  ont  été  rarem(;nt 
observés  et  ont  cédé  à  la  caféine.  Les  céphalées  post-opératoire& 
ont  été  observées  une  ou  deux  fois  sur  100  cas.  On  n'a  observé  ni 
rétention  d'urine,  ni  vomissements,  ni  paralysies  consécutives. 

Solution  pour  applications  superficielles  : 

Novocaïne 15  grammes. 

Kaii  ciistillce (|.  s.  p.  faire     90  ce. 

Solution  pour  inlervention  chirurgicale  : 

Novocaïne O^^^b 

Solution  d'adrénaline    à   1  p.  1  UUO I  goutte. 

Solution  saline  physiologique 10  ce. 

Pour  10  ampoules  de  Osi^^Oûâ  chacune. 

Solution  pour  anealhésie  oculaire  (collyre)  : 

Novocaïne Ogi'iOO 

Eau  distillée 10  ce. 

Solution  pour  injections  inlrarachidiennes  : 

Novocaïne Os^^lO 

Eau  distillée 10  ce. 

Pour  10  ampoules  de  O^'^.OIO  chacune. 

Solution  pour  injections  ijitragingivales  : 

Novocaïne 0='^,15 

Solution  d'adrénaline  à  1  p.  1  000 I  goutte. 

Eau  distillée 10  ce. 

Pour  10  ampoules  de  Osr.Olâ  chacune. 

(H.  Botter.) 

Au  point  de  vue  stomatologique,  de  nombreuses  expériences  cli- 
niques ont  permis  d'établir  la  valeur  de  la  novoca'ine  comme  anes- 
thésique  local.  Récemment  Monod  et  Beck,  dans  le  service  du 
Val-de-Grace,  l'ont  systématiquement  employée  avec  le  plus  grand 
succès  dans  les  diverses  opérations  dentaires.  La  novocaïne  était 
utilisée  sous  deux  formes  :  en  solution  stérilisée,  en  comprimés 
titrés  avec  association  d'adrénaline.  Les  tableaux  suivants  feront 
clairement  voir  les  résultats  obtenus  dans  154  opérations  : 

Tableau  I. 


QUANTITÉ 

sérum. 

QUANTITÉ 

iliédicainents. 

NOMBRE 

d'injections. 

Tissus    Eiv 
avec  succès. 

FLAMMÉS, 
sans  succès. 

TISSUS 
avec  succès. 

SAINS 

sans  succès. 

1  ce 

Oê'-.Ol 

1 

1 

1<:%5 

og^o2 

1 

1 

1  ce 

ogf.oa 

26 

7 

1 

17 

2  — 

06^o2 

13 

3 

7 

3 

2  

og^o4 

16 

4 

12 

1 

3  — 

0?r,04 

1 

1 

1  — 

Ogr,05 

8 

8 

2  — 

08r,05 

12 

2 

8 

2 

3  — 

Ogr,05 

1 

. 

1 

3  — 

osi-joe 

2 

2 

81 

17 

1 

57 

6 

250 


NOGUE.  —  ANESTHESIE. 


Tableau  II. 


EXl 

RA 

CTI 

3>S 

DÉ  VI 

TAI 

res. 

ISATIONS. 

Grosses  molaires. 

.\utres 

dents. 

Grosses  roola 

.ktres  doDls. 

Haut. 

Bas. 

Haut. 

Bas. 

Haut. 

tissus  sains. 

Bas. 

tis.sain: 

Haut. 

Bas. 

sains. 

nim. 

sains. 

enSaiD. 

sains. 

enfiini. 

sains. 

enflani. 

tis.sains 

tis.sains 

1 

avec 
suc. 

sans 
suc. 

a 
s 

4 

s 
s 

a 

s 

13 

s 
•2 

a 

s 

9 

S 

s 

a 

s 

36 

s 
s 

7 

a 
s 

12 

s 

a 
s 

7 

s 
s 

a 
s 

1 

s 
s 

1 

avec 
suc. 

sans 
suc. 

a 
s 

5 

S 
S 

1 

U 

s 
2 

a 
1 

s 
1 

29 

3 

Tadle.a.u  III. 


INTERVENTIONS     DIVERSES  : 


QU.YNTITE 

sérum. 


Trépanation  alvéolaire  avec  résection  apicale^ 
pour  grosses  molaires  inférieures j 

Pose  de  couronne   i 

Curettage  alvéolaire  avec  résection  de  la  por-^ 
tion  alvéolaire / 


1  ce. 
3  — 
3  — 
1  — 


QUANTITE 

médicaments. 


0,05 
0,06 
0,06 
0,02 
0,02 
0,05 


OBSER- 
VATIONS. 


Succès. 


Tabi 


I\' 


DOSE    MOYENNE    PAR    DENT    EN  : 

Tissus 
sains. 

Tissus 

enflammés. 

Extractions  en  série.      .    . 

0gr,0086 
0g'-,023 
Ogf,04 
OR^OiSS 

0"^0175 

8?'-,0247 
» 

Extractions  isolées 

Dévilalisations  en  série 

Dévitalisations  isolées.    . . 

Les  closes  optima  oscillent,  comme  on  le  voit,  entre  Or', 01  el0g'",02 
pour  les  extractions  en  tissus  sains,  suivant  qu'on  opère  sur  des  dents 
antérieures  ou  sur  des  molaires,  sur  des  tissus  sains  ou  enflammés, 
et  qu'on  pratique  ou  non  plusieurs  extractions  voisines.  L'extrac- 
tion en  série  de  plusieurs  dents  voisines  permet  de  diminuer  beau- 
coup le  titre  de  la  dose  injectée.  C'est  ainsi  qu'on  a  pu  extraire  au 
maxillaire  supérieur  dix  dents  avec  une  dose  de  3  centimètres  cubes 
d'une  solution  à  •>  p.  100,  soit  0gr,06. 

Pour  les  dévitalisations  et  traitements  de  cavités  sensibles,  on  peut 
faire  des  observations  analogues  :  nécessité  d'une  dose  moindre 
pour  les  dents  antérieures,  alors  qu'une  molaire  demande  environ 
O'^Oj.  Diminution  de  la  dose  si  l'on  opère  sur  deux  dents  voisines. 


NOYOCAINE.  251 

Oiiel(]ue  opération  que  l'on  prati<|ue,  Télaldes  tissus  a  une  gran :!e 
importance,  et  la  dose  à  employer  en  tissu  enflammé  est  toujours 
supérieure  à  celle  quexig^ent  des  tissus  sains. 

Un  temps  d'attente  assez  prolongé  est  nécessaire,  et  quelques 
insuccès  peuvent  être  imputés  à  une  trop  grande  hâte  d'opérer  après 
l'injection. 

Temps  moyen  d'attente  pour  extraction  en  : 

Tissus  sains 12  minutes. 

Tissus  enflammés , 13         — 

Pour  dévitalisalions  en  tissu  sain 1j         — 

Temps  minimum  pour  commencer  l'opération  : 

Extraction 5  minutes. 

Dé  vi  talisation 10         — 

Temps  maximum  : 

Extraction  ou  dovitalisation 20  minutes. 

A  ces  résultats  si  précieux,  Monod  et  Beck  ajoutent  les  indications 
suivantes  : 

lo  Pour  l'anesthésie  de  la  pulpe  et  de  la  dentine,  on  se  trouvera 
bien  de  faire  une  injection  du  côté  palatin; 

2°  Pour  les  molaires,  dans  le  même  cas,  injecter  5  centigrammes 
de  novocaïne  dans  "2  centimètres  cubes  de  sérum  et  faire  deux  injections 
vestibulaires,  dont  une  un  peu  en  arrière  de  la  dent.  Sans  abaisser 
trop  le  titre  de  la  solution,  mieux  vaut  augmenter  la  quantité  du 
liquide  injecté  ; 

3°  Pour  l'extraction  des  molaires  inférieures,  doubler  également 
la  quantité  du  liquide  injecté  (en  abaissant  le  titre  de  la  solution)  et 
faire  deux  piqûres  de  chaque  côté  à  des  hauteurs  différentes,  l'une 
au  ras  du  collet  de  la  dent,  l'autre  à  moitié  chemin  entre  le  collet 
et  la  pointe  de  la  racine; 

4»  Toutes  les  injections  doivent  être  faites  en  tissus  aussi  serrés 
que  possible  et  en  rasant  l'os  : 

5°  P.our  anesthésier  les  dents  voisines  en  série,  augmenter  encore 
la  quantité  du  liquide  injecté,  en  abaissant  le  titre  de  la  solution. 
Après  les  injections  précédentes,  en  faire  encore  deux  ou  trois  (sui- 
vant l'étendue  de  la  région  à  insensibiliser)  et  les  pousser  le  long 
du  maxillaire,  tout  au  fond  du  sillon  veslibulaire. 

Prendre  des  précautions  antiseptiques  minutieuses.  Après  les 
injections,  on  note  généralement  une  sensation  de  lourdeur  et  de 
congestion  delà  région,  qui  persiste  pendant  un  ou  deux  jours  sans 
aucun  inconvénient  ultérieur  (1). 

(1)  D""  Jean  Monoo  et  Em.  Beck,  E.vpérimentation  méthodique  de  la  novocaïne 
dans  une  clinique  de  stomatologie  (Arch.  de  stomatoL,  févr.  1911). 


252  NOGUÉ.  —  ANESTHÉSIE. 

ACOÏXE. 

L'acoïne  C  est  le  chlorhydrale  île  dipai-aanisylmonophénétylguani- 
dine.  C'est  une  poudre  blanche  se  dissolvant  dans  la  proportion 
de  6  p.  100  dans  Feau.  Les  solutions,  nettement  antiseptiques,  peuvent 
être  conservées  pendant  plusieurs  années  dans  l'obscurité.  Elles  sup- 
portent sans  se  décomposer  l'ébullition  même  prolongée. 

C'est  le  D'  Trolldenier  qui  a  fait  une  élude  complète  de  ces  corps 
au  point  de  vue  physiologique.  Ses  expériences  sur  les  animaux  et 
sur  l'homme  ont  démontré  que  l'acoïne  en  solution  étendue  à 
]  p.  100  pouvait,  sans  aucun  inconvénient,  être  injectée  dans  les 
tissus  et  qu'elle  déterminait  une  anesthésie  locale  comparable  à  celle 
de  la  cocaïne.  Les  solutions  plus  concentrées  sont  dangereuses  parce- 
qu'elles  possèdent  une  causticité  suffisante  pour  produire  le  sphacèle. 
Les  formules  préconisées  par  Trolldenier  sont  les  suivantes  : 

Pour  une  anesthésie  prolongée  : 

Acoïue O'^^OI 

Chlorure  de  sodium Osi^.OS 

Eau  distillée J  00  grammes. 

Pour  une  anesthésie  plus  courte  : 

Acoïne Og'',05 

Chlorure  de  sodium 0?^,H 

Eau  distillée 100  grammes. 

Lanesthésie  produite  par  l'acoïne  se  prolongerait  trois  ou  quatre 
fois  plus  longtemps  que  celle  de  la  cocaïne.  L'acoïne  aurait  en  outre 
une  toxicité  infiniment  moindre. 

L'acoïne  a  été  employée  en  oculistique  par  Darier,  qui  en  a  obtenu 
de  bons  résultats. 

En  art  dentaire.  Senn  (de  Zurich  et  Thiesing  (de  Leipzig;  l'ont 
employée  en  solution  à  1  ou  2  p.  100.  Ce  dernier  en  a  obtenu  des 
elTets  anesthésiques  suffisants  pour  les  avulsions  dentaires  et  Tin- 
sensibilisation  de  la  dentine.  Il  n'a  observé,  à  la  suite  de  ces  injec- 
tions, ni  douleurs  consécutives,  ni  œdème. 

Malgré  tout, l'acoïne  n'est  pas  restée  dans  la  pratique  stomatologique. 

DIONIAE. 

Encore  appelée  élhylmorphine.  elle  est  en  réalité  un  dérivé  de  la 
morphine.  Elle  a  été  signalée  d'abord  par  Grimaux,  qui  la  désignait 
sous  le  nom  de  codélhydine,  et  elle  a  été  étudiée  par  Darier. 

La  dionine  se  présente  sous  la  forme  d'une  poudre  cristalline, 
d'une  saveur  légèrement  amère,  très  facilement  soluble  dans  l'alcool 
ou  dans  l'eau. 

Sur  l'œil,  à  l'état  normal,  la  poudre  de  dionine,  introduite  dans  le 
cul-de-sacconjonctivalinférieur,  produit  très  rapidement  une  injection 


DIONINE.  253 

i\c  la  coiijonclive  avec  cuisson,  douleurs  vives  et  larmoiement  abon- 
dant :  unt'hcmosisplusoumoinsprononcéapparaîtauboutdefiuelques 
minutes;  puis,  après  un  temps,  variable  suivant  les  individus,  en 
général  (piinze  minutes,  survient  une  période  de  calme  :  les  phéno- 
mènes d'irritation  disparaissent,  et  l'œil  revient  à  son  état  normal. 

D'après  Darier,  la  dionine  serait  un  médicament  activant  les 
échanges  nutritifs  en  excitant  la  résorption  des  infdtrations  patho- 
logiques de  toute  nature.  Elle  agit  comme  anesthésique  en  pénétrant 
dans  la  profondeur  des  espaces  lymphatiques,  où  elle  vient  en  con- 
tact avec  les  extrémités  nerveuses,  et  petit  à  petit  avec  les  centres 
eux-mêmes. 

Si  on  introduit  dans  le  cul-de-sac  conjonctival  inférieur  (Darier) 
d'un  œil  atteint  d'ecchymose  sous-conjonctivale  un  peu  de  dionine 
en  poudre,  le  chémosis  se  produit,  et,  surtout  si  cette  ecchymose 
est  de  date  récente,  ce  chémosis  prend  une  teinte  rosée,  et  l'épan- 
chement  sanguin  disparait  plus  rapidement;  il  y  a  imbibition  de 
l'exsudat  sanguin  par  la  sérosité  infiltrée  dans  les  espaces  lympha- 
tiques. Ce  liquide,  en  se  résorbant,  entraînera  avec  lui  les  matières 
colorantes  du  sang  et  dissoudra  peut-être  les  corpuscules  rouges 
altérés,  ranimera  les  leucocytes,  et  bientôt  toute  trace  d'hémorragie 
aura  disparu. 

Pour  produire  son  action  analgésiante,  pour  produire  la  résorption 
des  exsudats,  pour  aider  à  la  dilatation  pupillaire,  l'apparition  du  ché- 
mosis, de  ce  qu'on  a  appelé  la  réaction  dionique,  est  nécessaire.  Il 
semble  que  plus  cette  réaction  est  prononcée,  plus  prononcée  est 
l'action  lymphagogue  du  médicament,  et  c'est  cette  action  lympha- 
gogue  qui  expliquerait  l'action  de  la  dionine,  si  surprenante,  si 
rapide  parfois  dans  les  infiltrations  cornéennes  et  dans  les  dilï'érentes 
variétés  de  conjonctivite. 

Cependant  la  production  de  ce  chémosis  n'est  pas  fatalement 
nécessaire  pour  obtenir  l'analgésie,  et  souvent,  en  employant  des 
collyres  faibles,  on  l'obtient  sans  production  de  chémosis  (Chevalier). 

La  dionine  n'a  guère  été  employée  qu'en  thérapeutique  oculaire. 

Les  injections  sous-cutanées  pratiquées  à  la  tempe  ont  donné  au 
D'' Chevalier  (du  Mans)  de  bons  résultats  dans  plusieurs  aiFections 
douloureuses  de  l'œil  et  notamment  dans  un  cas  de  sclérite  et  dans 
un  cas  de  zona  ophtalmique  s'accompagnant  de  vives  douleurs  ;  ces 
injections  étaient  employées  à  la  dose  de  Ogr,.'!,  puis  de  1,  puis  de 
2  centigrammes;  elles  furent  bien  supportées  et  ne  produisirent  ni 
malaises,  ni  nausées.  On  peut  se  servir  de  la  solution  suivante  : 

Dionine 0s^05 

Eau  distillée 10  grammes. 

Mais  c'est  surtout  sous  la  forme  de  collyre,  associée  ou  non  à  la 
cocaïne  ou  à  l'atropine,  qu'elle  est  utilisée. 


254  NOGUE.    -  ANESTHESIE. 


CHLORÉTOXE. 

Le  chlorétone.  ou  alcool  trichlorure  butilique,  est  obtenu  par  l'ad- 
dition graduelle  de  la  potasse  caustique  aux  poids  égaux  de  chloro- 
forme et  d'acétone  et  peut  être  isolé  de  ce  mélange  après  que  tout 
excès  d'acétone  ou  de  chloroforme  a  élé  éliminé  à  Taide  de  la  distil- 
lation par  la  vapeur. 

Sa  formule  est  : 

CiH-CC30. 

Il  se  présente  sous  la  forme  d'une  poudre  cristalline  blanche,  bril- 
lante, dune  odeur  pénétrante,  tenant  à  la  fois  de  celle  du  camphre 
et  de  celle  du  chloroforme,  dune  saveur  forte  rappelant  celle  du 
chloral,  du  camphre  ou  du  menthol. 

Très  peu  soluble  dans  l'eau  froide,  il  est  très  soluble  dans  l'alcool 
ou  l'éther. 

C'est  un  produit  très  volatil. 

Les  propriétés  intéressantes  du  chlorétone  sont  :  1°  sa  propriété 
hypnotique  générale,  qui  permet  de  le  ranger  à  côté  du  chloral  ; 
2°  sa  propriété  anesthésique  locale,  qui.  jointe  à  ses  propriétés  anti- 
septiques, lui  confère  certaines  des  indications  de  la  cocaïne  et  du 
chloral. 

Comme  anesthésique  local,  il  a  été  recommandé  en  badigeonnages 
selon  la  formule  suivante  : 

Chlorétone ....  2  grammes. 

Camphre 2        — 

Essence  de  cannelle. 0°'',50 

Huile  de  cajepul 5  grammes. 

Dans  les  affections  aiguës  du  rhino-pharynx  et  du  larynx,  les 
auteurs  américains  préconisent  beaucoup  comme  sédatif,  vaso-con- 
stricteur et  décongestionnant  en  mélange  suivant  les  pulvérisa- 
tions : 

Chlorétone 1  gramme. 

Camphre 2?'',50 

Menthol 2",r0 

Essence  de  cannelle Os^^âO 

Paraffine  liquide gSgi-.DO 

MM.  Lubet-Barbon  et  Fiocre  en  ont  recommandé  l'usage  comme 
anesthésique  local,  dans  les  affections  douloureuses  du  larynx,  en 
particulier  pour  combattre  la  dysphagie  rebelle  des  sujets  porteurs 
de  grosses  lésions  tuberculeuses  de  cette  région,  ou  pour  calmer  les 
douleurs  consécutives  à  la  galvano-cautérisation.  L'analgésie  dure 
environ  deux  à  trois  heures. 


NIRVANINE.  255 

ANÉSON,  ANÉSINE. 

Lanéson  ou  anésine  est  la  solution  aqueuse  de  racéton-chloro- 
forme  ou  chlorétone  à  10  p.  100.  C'est  un  liquide  limpide,  d'une  odeur 
camphrée. 

Braun,  qui  a  fait  l'élude  de  ce  produit,'  lui  attribue  une  toxicité 
supérieure  à  celle  de  la  cocaïne.  Quant  à  son  action  anesthésique, 
elle  correspondrait  à  celle  d'une  solution  de  cocaïne  à  Oe^OS  à  0gr^05 
p.  100. 

ORTHOFORME. 

L'orthoforme  fut  découvert  par  Einhorn  et  Heinz  (de  Munich). 
C'est  une  poudre  cristalline  blanche,  inodore,  insipide,  peu  soluble 
dans  Teau.  On  Fobtient  en  combinant  l'alcool  méthylique  à  lacide 
amidoxybenzoïque,  de  façon  à  avoir  Téther  méthylique  de  cet  acide. 

Il  est  difficile  de  l'utiliser  en  injections  sous-cutanées,  car  la  solu- 
tion à  Oe^i  p.  100  dans  l'eau  froide  ou  àO^^o  p.  100  dansTeau chaude 
détermine  une  douleur  très  vive  au  niveau  de  Tinjectiori. 

Aussi  son  usage  est-il  limitée  l'emploi  de  la  poudre  ou  de  pommades. 
En  appliquant  la  poudre  sur  la  langue,  l'anesthésie  ne  tarde  pas  à  se 
produire.  Cette  action  anesthésique  se  manifeste  également  sur 
les  plaies  et  les  ulcères  douloureux,  mais  elle  ne  se  produit  pas  à 
travers  la  peau  ou  une  muqueuse  épaissie  et  indurée. 

Aussi  peut-on  lutiliser  avec  succès  dans  les  bridures  au  troisième 
degré,  dans  toutes  les  plaies  douloureuses,  les  fissures  des  lèvres, 
du  sein  et  de  l'anus,  les  excoriations,  les  ulcérations  de  la  langue,  etc. 

En  art  dentaire,  on  l'a  souvent  employé  avec  succès  pour  calmer 
les  douleurs  consécutives  à  l'extraction  des  dents,  contre  les  douleurs 
pulpaires,  l'hyperesthésie  de  la  dentine,  etc. 

NIRVA?^INE. 

La  nirvanine  est  Téther  méthylique  de  l'acide  diéthylglycocolle- 
amidooxybenzoïque,  qui  est  une  variété  d'orthoforme. 

Elle  se  présente  sous  forme  de  prismes  blancs,  fusibles  à  185°, 
solublesdans  Teau. 

L'étude  expérimentale  de  la  nirvanine  a  été  faite  par  le  D""  Joanier 
sur  les  animaux.  Il  a  démontré  que  le  pouvoir  toxique  de  la  cocaïne 
étant  08r,08  par  kilogramme  d'animal,  celui  de  la  nirvanine  pouvait 
être  figuré  par  06'\7Q.  L'équivalent  de  toxicité  de  la  cocaïne  étant  1, 
celui  de  la  nirvanine  est  8,75. 

L'étude  clinique  de  la  nirvanine  est  due  au  D''  Luxenburger.  Expé- 
rimentant sur  lui-même,  il  constata  que  l'injection  cutanée  n'était 
jamais  douloureuse,  à  la  condition  qu'elle  fût  faite  lentement.  Au 


256  NOGUÉ.  —  ANESTHESIE. 

poinl  de  vue  anesthésique,  on  voit  croître  ce  pouvoir  avec  le  degré 
de  concenlration,  comme  le  montre  le  tableau  suivant  : 

A  1  p.  10  l'analgésie  dure 5  minutes. 

A  1  p.  n  —         — 12        — 

A  1  p.  3  —         —         16        — 

A  1  l'analgésie  dure 20         — 

A  2         —         —  .  .' 23         — 

Luxenburger  put,  avec  des  solutions  variant  du  quart  à  la  moitié. 
Taire  de  petites  opérations  sans  douleur  et  obtenir  une  analgésie 
complète  de  dix  à  trente  minutes.  Il  essaya  alors  d'obtenir  lanal- 
gésie  régionale  parla  méthode  d'Oberst-Braun.  Il  dut,  pour  obtenir 
une  anesthésie  satisfaisante,  recourir  dans  ce  cas  à  la  solution  à 
'2  p.  100.  Il  put  ainsi  pratiquer  avec  succès  des  opérations  diverses 
dans  les  cas  d'écrasement,  de  corps  étrangers,  d'ongles  incarnés, 
de  panaris,  de  blessures  des  tendons.  Il  put  même  arriver  aux  doses 
de  Oe^Al. 

En  stomatologie,  Luxenburger  a  reconnu  qu'il  fallait  recourir  aux 
solutions  à  5  p.  100.  Rotenberger,  sur  164  extractions,  a  obtenu 
155  succès  et  9  demi-succès  dus  à  des  circonstances  défavorables. 
Pour  obtenir  l'analgésie,  il  faut  injecter  jusqu'au  périoste  du  côté 
externe  la  moitié  de  la  seringue;  puis  l'autre  moitié  est  injectée  du 
côté  lingual.  Au  bout  de  trois  à  cinq  minutes,  on  peut  procéder  à 
l'extraction,  qui  est  complètement  indolore.  Il  arrive  même  souvent 
qu'avec  une  seule  intervention  on  anesthésie  suffisamment  la 
région  pour  poiivoir  extraire  plusieurs  dents  voisines  :  dans  un  cas, 
on  put  ainsi  extraire  quatre  dents.  Dans  un  autre  cas,  Rotenberger 
injecta  sept  seringues  en  une  seule  séance  et  procéda  à  l'avulsion  de 
vingt-deux  racines,  sans  qu'il  survienne  aucun  accident  consécutif. 

On  a  essayé  aussi  d'appliquer  la  nirvanine  à  l'insensibilisation  de 
la  dentine  par  contact  direct  d'une  solution  à  10  p.  100. 

Einhorn  et  Heinz  ont  montré  que  la  nirvanine  jouissait  de 
propriétés  antiseptiques  très  nettes. 

Au  point  de  vue  de  la  toxicité,  la  dosemaxima  de  nirvanine  serait 
deO^r,  50,  tandis  que  celle  de  la  coca'ine  est  de  Og'",05.  j-^lle  serait 
donc  dix  fois  moins  toxique  que  cette  dernière.  Les  expériences  de 
Luxenberger  sur  des  lapins  lui  ont  démontré  que  la  dose  toxique 
de  nirvanine  est  deO»'',  22par  kilogramme  d'animal,  ce  qui  donnerait 
1 1  grammes  pour  un  homme  de  50  kilogrammes,  dont  le  vingtième, 
soit  la  dose  maxima,  est  O^^.ob. 

Cependant  tous  les  auteurs  ne  sont  pas  aussi  optimistes  quant  à 
la  toxicité  de  la  nirvanine. 

Rud.  Dorn  (de  Saarlouis)  a  vu  une  injection  de  trois  quarts  de 
seringue  d'une  solution  à  5  p.  100  donner  lieu,  chez  une  patiente, 
à  un  collapsus  très  grave.  Dans  40  cas,  il  a  observé  des  douleurs 
post-opératoires  et  des  hémorragies  assez  abondantes. 


ANESTHESINE.  257 

Diimont  et  Lefçrand  conseillent  d'user  de  beaucoup  de  prudence 
dans  l'emploi  de  ce  médicament. 

ANESTHESINE. 

Obtenue  en  1890  par  le  D'"  Ritsert,  l'anesthésine  a  été  étudiée  par 
Dunbar,  Kossel,  Lengermann,  Ramnsthedt  et  Spiess  en  Allemagne 
et  par  Chevalier,  Gourtade  et  Duplan  en  France. 

C'est  l'éther    éthylique    de   l'acide   para-amido-benzoïque.   Elle 

répond  à  la  formule  : 

/AzH-i 

\C02C-iH3 

Poudre  blanche,  insipide  et  inodore,  difficilement  soluble  dans 
l'eau,  mais  facilement  soluble  dans  l'alcool,  l'éther,  le  chloroforme, 
l'acétone,  les  graisses  et  les  huiles. 

Elle  n'est  décomposée  ni  par  les  acides,  ni  par  les  alcalis.  Elle  se 
conserve  dans  tous  les  dissolvants. 

Elle  se  différencie  de  l'orthoforme  en  ce  que,  chauffée  sur  une 
lame  de  platine,  elle  se  volatilise  totalement  et  ne  donne  pas  de 
résidus  charbonneux. 

Sa  solution  dans  l'huile  d'amandes  est  d'environ  2  p.  100;  dans 
l'huile  d'olive,  3  p.  100.  Ces  solutions  huileuses  peuvent  être  stéri- 
lisées sans  aucun  inconvénient  et  être  employées  en  injections  sous- 
cutanées. 

Duplan,  qui  a  fait  une  excellente  étude  de  l'anesthésine,  s'est  servi 
pour  cela  soit  de  solutions  alcooliques  faibles,  soit  de  glycérine 
étendue, soitd'huiled'amandesdouces.  Il  résulte  de  ses  recherches 
que  la  dose  toxique  en  injections  intrapéritonéales  peut  être  fixée  à 
Ogr,  85  ou  Ogr^oo  par  kilogramme  chez  le  cobaye. 

L'animal  présente  d'abord  de  la  paralysie  des  membres  postérieurs 
et  réagit  difficilement,  puis  la  sensibilité  disparaît,  l'animal  se 
refroidit,  la  dyspnée  s'établit,  et  il  meurt  en  présentant  parfois  des 
tremblements  et  quelques  secousses  convulsives.  A  l'autopsie,  on 
constate  des  lésions  asphyxiques. 

L'auteur  pense  que  ces  phénomènes  sont  dus  à  une  action  propre 
de  l'anesthésine  et  non  à  une  accumulation  d'acide  carbonique  dans 
le  sang-,  par  suite  de  la  difficulté  des  mouvements  respiratoires  et  de 
la  mauvaise  hématose. 

En  ingestion  chez  le  lapin,  il  a  obtenu  la  mort  avec  des  doses 
correspondant  en  moyenne  à  Os',  85  par  kilogramme.  Les  symptômes 
d'intoxication  sont  les  mêmes  que  chez  le  cobaye. 

Chez  le  chien,  la  dose  mortelle  en  injection  intraveineuse  est  de 
C^'',75  environ. 

La  température  centrale  est  peu  modifiée  lorsqu'on  emploie  des 

Traité  de  stomatologie.  VI     — -    17 


358  NOGUÉ.  —  ANESTHÉSIE. 

doses  non  mortelles.  Dans  le  cas  contraire,  on  observe  une  hypo- 
tension progressive  jusqu'à  la  mort. 

Le  nombre  desbaltements  cardiaquesaugmente  considérablement, 
maisleurrégularitén'est  pas  troublée.  La  pression  sanguine  augmente 
légèrement. 

Le  sang  subit,  au  contraire,  des  modifications  importantes  et,  au 
bout  de  peu  de  temps,  se  colore  en  rouge-brique,  ce  qui  indique  la 
formation  de  méthémoglobine.  La  méthémoglobine  apparaît  trois 
heures  environ  après  Tingestion  et  persiste  les  jours  suivants. 

La  respiration  s'accélère  fortement  et  devient  courte  et  saccadée. 

A  haute  dose,  son  action  se  traduit  par  des  tremblements  et  des 
phénomènes  convulsifs.  Elle  semble  inactive  sur  les  vaso-moteurs, 
car  on  n'observe  ni  vaso-dilatation,  ni  vaso-constriction  à  l'endroit 
des  injections,  ce  qui  la  différencie  de  la  cocaïne. 

L'action  aneslhésique  de  l'anesthésine  se  fait  presque  uniquement 
sentir  sur  les  extrémités  nerveuses  périphériques. 

L'application  de  solution  concentrée  ou  de  poudre  d'anesthésine  sur 
la  conjonctive  amène  en  une  ou  deux  minutes  une  anésthésie  qui 
dure  une  demi-heure  environ  sans  vascularisation,  ni  exfoliation,  ni 
augmentation  de  la  tension  globulaire. 

Dunbar  s'est  servi  pour  Tanesthésiepar  infiltration  du  chlorhydrate 
d'anesthésine  d'après  la  formule  suivante  : 

Chlorhydrate  d'anesthésine 0s'',25 

Chlorure  de  sodium Os'",15 

Chlorhydrate  de  morphine O^^OIS 

Eau  distillée 100  grammes. 

Immédiatement  après  l'injection,  l'anesthésie  se  montre  dans 
loute  l'étendue  du  tissu  infiltré.  Suivant  l'importance  de  l'opération, 
on  injecte  1  à  40  centimètres  cubes  et  plus,  sans  jamais  aucun 
accident  :  il  n'y  a  jamais  eu  ni  nausées,  ni  céphalalgie,  ni  vertiges. 
L'anesthésie  persistait  longtemps  après  l'opération.  Celte  anésthésie 
se  manifestait  également  dans  les  tissus  enflammés.  Ramnsthedt,  qui 
a  contrôlé  ce  résultat,  se  servait  de  la  solution  suivante  : 

Chlorhydrate  d'anesthésine 0s'-,25 

Chlorure  de  sodium 0='',15 

Eau  distillée 1 00  grammes. 

11  a  pu  ainsi  opérer  des  panaris,  des  phlegmons,  des  anthrax,  etc. 

On  a  employé  l'anesthésine  dans  les  affections  du  rhino-pharynx 
en  attouchements  ou  en  inhalations,  d'après  la  formule  suivante  de 
Kossel  : 

Aneslhésine "-  grammes. 

Menthol 10  à  1:0  grammes. 

Huile  d'olive JCO  grammes. 

Ou  encore,  dans  le  cas  d'ulcérations  douloureuses,  en  application 
sous  la  forme  d'une  pommade  ainsi  prescrite  par  Duplan  : 


SUBCUTINE,  259 

Ancstlu'sine i  —    ,  , 

,,.,,.,,  l  a,i  10  f;rainnies. 

Miiilo  d  amandes  douces ) 

Oxyde  de  zinc 


Vaseline. 

D'après  llamnsthedt,  Tanesthésine  aurait  rénorme  avantage  de 
nètre  pas  toxique  et  de  déterminer  une  anesthésie  très  marquée, 
d'être  facilement  et  efficacement  stérilisable  et  de  se  conserver  très 
longtemps.  Enfin  le  chlorhydrate  d'aneslhésine  est  un  sel  soluble 
<.lans  l'eau. 

NEBVOCIDINE. 

Elle  est  extraite  du  Gasu-Basu  des  Indes,  et  elle  a  été  isolée 
par  Dalma.  Poudre  amorphe,  jaune,  hygroscopique,  soluble  dans 
l'alcool   et   léther.   Étudiée  par  Fenyvessy. 

Deux  gouttes  d'une  solution  à  0,2  p.  100  portées  sur  la  conjonctive 
<le  l'homme  produisent  une  sensation  de  brûlure  accompagnée  de 
larmoiement.  Au  bout  de  vingt  minutes,  l'anestliésie  est  complète, 
luette  anesthésie  dure  environ  cinq  minutes. 

L'injection  de  nervocidine  chez  les  animaux  provoque  des  troubles 
graves  pouvant  entraîner  la  mort  par  paralysie  des  centres  moteurs 
■et  des  nerfs  périphériques, 

La  nervocidine  a  été  employée  comme  calmant  dans  le  traitement 
•des  pulpites. 

Elle  n'est  cependant  pas  entrée  dans  la  pratique  courante. 

STÉi^OCARPINE. 

Elle  est  extraite  par  Clairborne  des  feuilles  deVAcacia  sfenocarpo. 
Elle  est  utilisée  surtout  en  oculisti(pie.  En  instillations  dans  l'œil 
à  la  dose  de  II  à  IV  gouttes  d'une  solution  à  2  p.  100,  elle  détermine 
l'anesthésie  de  la  cornée  et  de  la  conjonctive  pendant  vingt  minutes  : 
c'est  un  mydriatique  puissant  et  peu  toxique. 

SUBCUTINE. 

La  subculine  se  présente  sous  la  forme  d'une  corps  cristallisé 
soluble  dans  l'eau  froide  dans  la  proportion  de  1  p.  100  et  dans 
l'eau  chaude  dans  la  proportion  de  2,5  p.  100.  C'est  le  paraphénol- 
sulfonate  d'anesthésine,  encore  appelée  siibciilol. 

Sa  formule  est  la  suivante  : 

/AzH2.S03H.C6H^.OH 

La  solution  de  subcutine  supporte  très  bien  l'ébullition. 

Au  point  de  vue  anesthésique,  la  subcutine,  placée  sur  la  langue, 


260  NOGUE,  —  ANESTHÉSIE. 

détermine  une  sensation  d'engourdissement.  L'injection  hypo- 
dermique de  1  centimètre  cube  d'une  solution  de  1  p.  100  provoque 
Tanesthésie  de  la  région.  Sa  puissance  anesthésique  serait  égale  à 
celle  de  la  cocaïne. 

Elle  est  en  outre  nettement  antiseptique. 

Sa  toxicité  est  très  faible.  D'après  Becker  et  von  Noorden,  elle  ne 
détermine  d'accidents  qu'à  la  dose  de  l-^G  pour  1  kilogramme 
d'animal:  on  observe  alors  de  l'agitation  avec  mouvements  convulsifs 
du  train  postérieur.  Ces  phénomènes  ne  durent  qu'une  heure  et  se 
dissipent  ensuite  sans  laisser  aucune  trace. 

D'après  G.  Fontan,  la  dose  moyenne  de  subcutine  chez  l'homme 
serait  de  Qe--,  15  (1). 

La  solution  à  employer  pour  les  injections  hypodermiques  est  la 
suivante  : 

Subcutine 1  gr.  ou  Qi^,'iO 

Chlorure  de  sodium Ogr.TO 

Eau  distillée 100  grammes. 

MÉSONAL. 

Produit  organique  dérivé  du  propanétriol,  découvert  par  Ch.  Ni- 
coud.  C'est  le  chlorhydrate  de  l'alcool  benzoïl-2-5-triéthyldiamido-4- 
mélhylisobutylique.  Il  se  présente  sous  la  forme  d'une  poudre  blan- 
che cristallisée,  très  soluble  dans  l'eau,  l'alcool,  la  glycérine. 

Les  solutions  aqueuses  peuvent  être  stérilisées  par  l'ébullition 
sans  aucun  inconvénient. 

L'expérimentation  chez  les  animaux  a  démontré  que  son  pouvoir 
toxique  était  cinq  fois  moindre  que  celui  de  la  cocaïne.  Il  est  légè- 
rement vaso-dilatateur. 

Appliqué  à  l'extraction  des  dents,  le  mésonal,  d'après  Brissac, 
Carajat  et  Ravion  aurait  procuré  une  anesthésie  satisfaisante  sans 
aucun  accident  consécutif. 

GAÏACOL. 

La  gaïacol,  d'abord  retiré  'de  la  résine  de  gaïac,  forme  l'élément  le 
plus  abondant  parmi  ceux  qui  constituent  la  créosote. 

Au  point  de  vue  clinique,  il  est  à  la  fois  phénol  et  éther  oxyde 
(Ch.  Moureu;. 

On  l'obtient  aujourd'hui  par  synthèse  directe,  en  éthylisant  la 
pyrocatéchine,  par  l'action  de  liodurede  méthyle  surlapyrocatéchine 
sodée. 

C'est  un  corps  blanc,  très   bien  cristallisé  en  fragments    de   5  à 

(1)  G.  Fontan,  Les  dangers  de  rinjcction  sous-cutanée  de  cocaïne  et  l'innocuité 
ci'un  ancslliéi-ique  nouveau,  la  subcutine.  Thèse  de  Lyon,  1004. 


GAIACOL.  261 

6  grammes,  fusible  à  "28°  et  bouillant  à  205".  11  est  insoluble  dans 
l'eau,  soluble  dans  l'alcool,  l'éther  et  le  chloroforme,  l'huile,  la 
glycérine  anhydre. 

Ce  fut  en  1895  que  J.-Lucas-Championnière  fit  connaître  les 
propriétés  anesthésiques  locales  du  gaïacol,  André,  l'un  de  ses 
anciens  élèves,  lui  ayant  fait  part  de  l'observation  faite  par  lui  que 
ce  corps  en  injections  sous-cutanées  et  intradermiques  était  un 
anesthésique  local  d'une  grande  puissance,  dune  longue  durée  et  très 
probablement  d'une  parfaite  innocuité. 

Des  expériences  nombreuses  furent  faites  alors.  Le  D'  Colin 
publia  ses  observations  sur  l'action  anesthésique  du  gaïacol  sur  la 
vessie  en  recommandant  particulièrement  l'usage  du  carbonate  de 
gaïacol. 

Le  D'"  Colleville,  médecin  des  hôpitaux  de  Reims,  préconisa 
l'emploi  des  injections  sous-cutanées  de  gaïacol  chloroformé  comme 
un  puissant  sédatif  de  la  douleur  (1). 

Le  gaïacol  utilisé  pour  l'anesthésie  doit  être  absolument  pur. 
Pour  arriver  à  ce  résultat,  il  faut  soumettre  le  gaïacol  liquéfié  par 
la  chaleur  à  la  cristallisation  lente,  à  une  température  moyenne  de 
21  à  22°.  Il  se  forme  alors  des  cristaux  volumineux,  incolores, 
très  durs,  qui  sont  du  gaïacol  pur.  Une  partie  du  liquide  refuse  de 
cristalliser  ;  c'est  le  liquide  interposé  aux  petits  cristaux  du  gaïacol 
primitif.  On  sépare  le  liquide  des  cristaux  obtenus.  En  effectuant 
deux  ou  trois  fois  la  cristallisation  lente  du  gaïacol,  on  obtient  le 
gaïacol  anesthésique  (André). 

Le  gaïacol  n'a  guère  été  employé  que  dissous  dans  l'huile.  L'huile 
d'amandes  douces,  d'abord  choisie  comme  excipient,  fut  abandonnée 
et  remplacée  par  l'huile  d'olive  démargarinée.  Cette  huile  est  traitée 
par  le  vingtième  de  son  poids  de  chlorure  de  zinc  desséché,  préala- 
blement amené  à  l'état  de  liquide  sirupeux  au  moyen  de  son  poids 
d'eau.  On  agite  fortement  le  mélange  d'huile  et  de  chloi'ure  de  zinc 
sirupeux.  Après  vingt-quatre  heures  de  contact,  on  porte  le  mélange  à 
une  douce  température  à  l'étuve  ouau  bain-marie.  Il  se  forme  aubout 
de  peu  de  temps,  à  la  partie  inférieure  du  récipient,  une  couche 
aqueuse  brunâtre  de  chlorure  de  zinc,  chargée  des  principes  parti- 
culiers en  solution  dans  l'huile  d'olive  naturelle.  On  sépare,  avec 
la  plus  grande  facilité,  de  l'huile  surnageante,  cette  couche  aqueuse 
de  chlorure  de  zinc  et  d'impuretés. 

L'huile  ainsi  déféquée  est  désacidifiée,  selon  le  procédé  connu, 
par  lavages  successifs  à  l'alcool  bouillant  :  puis  elle  est  maintenue 
quelque  temps  à  100°  pour  éliminer  les  dernières  traces  d'alcool; 
enfin  elle  est  stérilisée  à  120°  (0'  Followell). 

La  solution  employée  est  la  suivante  : 

(I)  Malot,  Des  injeclions  sous-cutanées  de  gaïacol  chloroformé.  Thèse  de  Paris, 
1S07. 


262  NOGUE.  —  ANESTHESIE. 

Gaïacol  anesthésiquc 0"'',0j 

Huile  hypodermique 1  cent.  cube. 

L'injeclion  produit  ranesthésie  au  bout  de  dix  minutes  environ^ 
ainsi  qu'en  témoignent  de  nombreuses  observations  cliniques  et 
l'expérience  suivante  rapportée  par  le  D^Contaut  (1):  «Le  31  octobre,, 
nous  prions  le  D''  Meneau  de  nous  faire  au  bras  gauche  une  injec- 
tion de  gaïacol.  Après  asepsie  de  la  région  et  de  l'aiguille,  il  en 
injecte  la  valeur  d'un  quart  de  seringue  sur  la  ligne  médiane,  à  2  ou 
3  centimètres  au-dessus  du  pli  du  coude.  Au  moment  où  l'injection 
est  poussée,  nous  ressentons  une  sensation  de  brûlure  sur  le  trajet  de 
l'aiguille,  sensation  qui  disparaît  d'ailleurs  assez  rapidement.  Au  bout 
de  deux  minutes,  nous  cherchons  à  nous  rendre  compte  du  degré 
d'anesthésie  :  nous  obtenons  les  résultats  suivants  : 

Au  bout  de  2  minutes rien. 

—  â       —        rien. 

7       —        léger  degré  d'insensibilisation. 

—  10      —        anesthésie  complète. 

L'anesthésie  dure  environ  vingt  minutes  et  disparaît  graduelle- 
ment, la  .sensation  de  contact  reprenant  toute  sa  force  bien  avant 
qu'on  ne  sente  la  piqûre. 

Cette  expérience  est  répétée  par  Gontaut  sur  lui-même,  et  cette 
fois  encore  il  constate  une  insensibilisation  complète  de  la  région  où 
a  été  poussée  l'injection. 

,  Quant  à  la  toxicité  du  gaïacol,  Gilbert  et  Maurat  ont  fait,  pour 
la  déterminer,  de  nombreuses  expériences,  dont  ils  ont  présenté  les 
résultats  à  la  Société  de  biologie. 

Ils  ont  constaté  que  la  dose  de  gaïacol,  introduite  par  injection 
sous-cutanée,  nécessaire  pour  tuer  1  kilogramme  de  cobaye,  est 
comprise  entre  O^^Sô  et  08^90.  Pour  obtenir  un  pareil  résultat  par 
Tinlroduction  du  gaïacol  par  les  voies  digeslives,  il  faut  en  porter  la 
dose  au  delà  de  1*^',50. 

Les  animaux  intoxiqués  par  l'une  ou  par  l'autre  voie,  après  une 
courte  période  d'excitation,  s'affaiblissent,  se  traînent  difficilement 
et  ne  tardent  pas  à  tomber  sur  le  côté,  en  proie  à  de  violentes  trépi- 
dations des  pattes  ;  leur  sensibilité  s'émousse,  leurs  pupilles  se 
contractent.  Leur  cœur  bat  avec  plus  de  lenteur  et  leur  température 
s'abaisse  progressivement.  Leur  respiration  devient  plus  ample,  plus- 
rare,  l'inspiration  étant  brusque,  l'expiration  prolongée.  On  peut 
constater  chez  eux  une  augmentation  des  principales  sécrétions  : 
lacrymale,  bronchique,  salivaire,  urinaire,  intestinale.  Le  flux  lacry- 
mal est  particulièrement  accentué.  La  mort  survient  dans  un  coma 
profond,  accompagné  d'une  hypothermie  telle  que  le  thermomètre 
descend  au  voisinage  de  21°. 

(1)  Gontaut,  Contribution  à  létude  des  ancstliésiqucs  locaux,  Thèse  de  Bor- 
deaux, 1895. 


CARBONATE  DE  GAÏACOL.  263 

Le  gaïacol,  à  dose  modérée,  n'exerce,  d'après  Marl'ori,  presque 
aucune  intluence  sur  le  système  circulatoire  :  il  n'agirait  qu'à  doses 
très  élevées. 

Les  propriétés  anesthésiques  du  gaïacol  ont  été  utilisées  contre  les 
angines  avec  le  plus  grand  succès.  Pour  cela,  un  tampon  d'ouate 
hydrophile  est  trempé  dans  le  gaïacol  pur  et  appliqué  pendant 
quelques  instants  sur  la  surface  malade,  en  ayant  soin  que  le  médica- 
ment ne  dégoutte  pas  et  ne  tombe  pas  dans  le  larynx.  Cette  applica- 
tion, qui  est  désagréable,  parfois  très  pénible,  est  suivie  d'une  sédation 
complète  de  la  douleur. 

Dans  les  laryngites  tuberculeuses,  les  badigeonnages  de  gaïacol  ont 
procuré  une  amélioration  rapide  des  symptômes  si  douloureux  de  la 
dysphagie. 

Contre  les  brûlures,  les  crevasses  du  sein,  les  applications  de 
gaïacol  ont  été  essayées  avec  le  même  succès  ;  de  même  contre 
l'uréthrite  blennorragique,  les  cystites,  etc. 

Au  ]>oint  de  vue  de  Tanesthésie  dentaire,  les  D''  Rollancj  et 
Contaut  (de  Bordeaux)  ont  fait  de  multiples  opérations  dont  les  con- 
clusions peuvent  être  ainsi  résumées  :  le  gaïacol  pur  dans  de  l'huile 
stérilisée  est  tout  à  fait  inoflensif  au  point  de  vue  des  accidents 
locaux  comme  au  point  de  vue  des  accidents  généraux,  car,  si  quel- 
ques auteurs  ont  constaté  sur  les  gencives  de  petites  escarres  au 
point  de  pénétration  de  l'aiguille,  celles-ci  doivent  être  expliquées 
par  la  présence  d'impuretés  sur  l'aiguille  de  la  seringue  ou  dans 
l'huile  qui  avait  servi  à  dissoudre  le  gaïacol.  Le  P**  Picot,  qui  a  fait  des 
milliers  d'injections  huileuses  de  gaïacol,  n'a  jamais  signalé  la  pro- 
duction d'escarres. 

Le  gaïacol  a  produit  l'anesthésie  dans  les  cas  où  il  y  avait  inflam- 
mation, abcès,  périostite,  pulpite. 

Cette  aneslhésie  procurée  par  le  gaïacol  esl  lente  à  se  produire, 
mais  avant  qu'elle  soit  assez  complète  pour  une  extraction,  elle  est 
rapidement  suffisante  pour  calmer  la  douleur  de  la  percussion  sur 
une  dent  malade. 

CABBOXATE  DE  GAÏACOL. 

On  a  proposé  de  remplacer  le  gaïacol  par  une  combinaison  de  car- 
bonate de  gaïacol,  obtenu  en  faisant  réagir  l'acide  chloro-carbonique, 
sur  une  solution  alcaline  de  gaïacol,  jusqu'à  ce  que,  par  l'addition 
d'acide  chlorhydrique,  la  solution  ne  précipite  plus.  Le  produit  qui 
se  dépose  pendant  le  passage  du  gaz  est  recristallisé  dans  l'alcooL 
C'est  le  carbonate  de  gaïacol,  sel  bien  défini,  inodore,  insipide, 
insoluble  dans  l'eau,  soluble  dans  l'alcool  à  95°,  l'éther,  la  benzine. 
11  n'a  pas  d'action  irritante  sur  les  muqueuses;  il  n'est  pas  toxique. 

Le  carbonate  de  gaïacol  aurait  une  action  anesthésique  peu  supé- 


26'i  NOGUE.  —  ANESTHESIE. 

rieure  à  celle  du  gaïacol.  Malheureusement  son  insolubilité  dans 
l'eau  et  sa  solubilité  très  faible  dans  l'huile  le  rendent  d'un  usage 
difficile.  La  solution  suivante  : 

Carbonate  de  gaïacol 1  gramme. 

Huile  dolive  stérilisée 100  grammes. 

laisse  encore  un  dépôt  très  appréciable. 

GAÏACYL. 

Le  gaïacyl  est  le  sel  calcique  du  dérivé  sulfoconjugué  du  gaïacol. 
Sa  formule  est  : 

(CH'02.S03)2Ca. 

F^our  le  préparer  on  mélange  des  poids  égaux  de  gaïacol  fondu  et 
d'acide  sulfurique  monohydraté.  On  fait  le  mélange  quelque  temps 
au  bain-marie  pour  faciliter  la  combinaison.  On  reconnaît  que  le 
terme  de  la  réaction  est  atteint  à  ce  qu'une  petite  portion  du  mélange 
portée  dans  l'eau  et  agitée  se  dissout  immédiatement.  Tout  le  gaïacol 
employé  s'est  transformé  en  acide  gaïacyl-sulfureux,  qui  reste  mélangé 
à  l'excès  d'acide  sulfurique.  On  dilue  le  mélange  gaïacol-sulfurique 
dans  quatre  à  cinq  fois  son  poidsdeau,  et  on  porte  à  une  douce  chaleur, 
au  bain-marie.  On  projette  par  petites  portions  dans  ce  liquide  du  car- 
bonate de  chaux  précipité  en  quantité  suffisante  pour  amener  la 
sursaturation.  L'acide  gaïacyl-sulfureux  transformé  en  gaïacyl-siilfîte 
de  chaux  reste  en  solution,  tandis  que  l'acide  sulfurique  est  précipité 
à  l'état  de  sulfate  de  chaux  ;  on  sépare  par  filtration  le  liquide  du 
précipité,  et  on  fait  évaporer  la  liqueur  à  siccité.  Le  produit  qui 
résulte  de  cette  évaporation  est  redissous  dans  l'alcool,  qui  sépare 
une  petite  quantité  de  substances  insolubles  et  est  évaporé  de  nou- 
veau à  siccité. 

Le  produit  pulvérisé  au  mortier  constitue  le  gaïacyl-sulfîte  de 
chaux,  qui  se  présente  sous  la  forme  d'une  poudre  de  nuance  à  la 
fois  grise  et  mauve  (O'Followell). 

C'est  à  cette  poudre  que  le  D'"  O'Followell  a  donné  le  nom  de 
gaïacyl. 

Soluble  dans  l'alcool,  insoluble  dans  l'huile,  le  gaïacyl  est  éga- 
lement soluble  dans  l'eau.  La  solution  aqueuse  au  vingtième  con- 
stitue un  liquide  rouge  violet  très  pâle  ;  elle  est  très  stable  ;  la  solu- 
tion aqueuse  au  dixième  semble  de  l'eau  à  peine  rougie  par  quelques 
gouttes  de  vin.  Au  bout  de  quelques  heures,  cette  dernière  solution 
forme  au  fond  du  récipient  un  dépôt  très  minime.  Il  suffit  d'ailleurs 
de  retourner  le  flacon  pour  voir  ce  précipité  disparaître. 

Ces  solutions  aqueuses,  de  saveur  d'abord  astringente,  puis 
légèrement  suciée,  ne  sont  ni  toxiques,  ni  caustiques,  ni 
irritantes. 


GAlACYL.  265 

O'Followcll  a  éludié  le  gaïacyl  au  point  de  vue  de  sa  loxicilé 
et  de  ses  propriétés  anesthésiques. 

Ayant  fait  une  solution  aqueuse  de  gaïacyl  au  dixième,  il  en  ins- 
tille V  gouttes  dans  Tœil  d'un  cobaye  :  au  bout  de  dix  minutes, 
Tanesthésie  est  à  peu  près  complète.  On  peut,  avec  la  tête  d'une 
épingle,  exciter  la  corn('e  sans  provoquer  de  réflexe. 

Cinquante  centigrammes  de  la  même  solution  placés  sur  l'œil 
d'un  chien  de  taille  moyenne  amènent,  au  bout  de  cinq  minutes,  une 
anesthésie  incomplète  mais  très  nette  ;  au  bout  de  dix  minutes, 
l'anesthésie,  sans  être  absolue,  est  plus  complète  encore. 

A  un  cobaye  du  poids  de  740  grammes,  on  injecte,  partie  sous  la 
peau  de  l'abdomen,  partie  sous  la  peau  et  dans  l'épaisseur  des 
muscles  de  la  cuisse  gauche,  1  gramme  de  gaïacyl  en  solution 
aqueuse. 

Dix  minutes  après  les  piqiires,  on  traverse  la  cuisse  droite  de 
l'animal  avec  une  aiguille,  ce  qui  provoque  un  violent  mouvement 
de  défense  de  l'animal  ;  la  même  expérience,  répétée  sur  la  cuisse 
gauche,  ne  semble  pas  provoquer  de  douleur. 

Quatre  heures  après  l'injection  de  cette  dose  massive  de  gaïacyl, 
l'animal  présente  de  l'anesthésie  complète  à  la  région  abdominale 
gauche  inférieure,  qui  a  reçu  la  moitié  de  la  totalité  de  l'injection. 
Un  peu  plus  tard,  l'animal  observé  paraît  moins  vif,  et  il  succombe 
deux  heures  environ  après  l'administration  du  médicament. 

Un  deuxième  cobaye  de  800  grammes  supporte  sans  inconvénient 
une  injection  de  10  centigrammes  de  gaïacyl  en  solution  au  dixième. 
Vingt-quatre  heures  après,  deuxième  injection  de  25  centigrammes 
de  gaïacyl.  Quelques  heures  après,  l'animal  met  bas  cinq  petits 
morts  et  succombe  dans  la  nuit  qui  suit  l'avortement. 

Chez  l'homme,  on  obtient  des  résultats  anesthésiques  avec  les 
solutions  suivantes  : 

Gaïacyl 5  grammes. 

Eau  distillée 100        — 


OU 


Gaïacyl •. 10  grammes. 

Eau  distillée 100         — 


Le  gaïacyl  a  été  employé  en  solution  aqueuse  à  la  dose  de  Ob'",05 
à  OB'",  15  en  petite  chirurgie,  pour  l'extirpation  de  loupes  du  cuir 
chevelu,  de  ganglions  lymphatiques,  l'ouverture  d'abcès,  d'an- 
thrax, etc.  11  a  été  utilisé  avec  succès  dans  la  chirurgie  des  voies 
urinaires. 

En  art  dentaire,  le  D'"  O'Followell  a  obtenu  les  résultats  suivants 
sur  32  observations  :  22  fois  l'anesthésie  a  été  suffisante  ;  7  fois 
elle  a  été  incomplète,  2  fois  elle  a  été  nulle  et,  dans  un  cas,  il  a  été 
impossible  de  se  faire  une  opinion.  Les  solutions  employées  ont  été 
les  solutions  au  vingtième  et  au  dixième.  De  la  solution  au  ving- 


266  NOGUE.  —  ANESTHESIE. 

tième,  on  injectait  suivant  les  cas  50  centigrammes,  1  gramme  et 
18'", 50,  soit  en  réalité  2'%5,  5  centigrammes  et  7",  5  de  gaïacyl.  De 
la  solution  au  dixième  on  injectait  1  gramme,  soit  en  réalité  10  centi- 
grammes de  gaïacyl. 

La  solution  au  vingtième  est  suffisante  pour  obtenir  Tanestliésie. 
En  attendant  huit  à  dix  minutes  après  l'injection,  l'anesthésie 
est  parfaite. 

SULFATE  DE  SPARTÉINE. 

C'est  à  Geley  et  Guinard  qu'est  due  la  découverte  du  pouvoir 
anesthésiquedu  sulfate  de  spartéine  (1).  Dans  une  série  d'expériences 
faites  en  vue  de  rechercher  l'action  antithermique  de  certains  médi- 
caments, ces  auteurs  constatèrent  que  la  spartéine  était  un  anes- 
thésique  local  comparable  à  la  cocaïne,  plus  lent  à  agir,  mais  dont 
l'action  était  plus  durable  et  l'emploi  tout  à  fait  inofïensif. 

Nous  eûmes  à  celte  époque  l'occasion  de  vérifier  cette  assertion,  et, 
pour  l'ouverture  d'un  abcès  chaud  du  mamelon  chez  un  enfant  de 
neuf  ans  et  demi,  nous  obtînmes,  avec  une  injection  de  1  centimè- 
tre cube  d'une  solution  au  quarantième,  soit  un  peu  plus  de  1  centi- 
gramme, une  anesthésie  parfaite. 

Pour  l'extraction  des  dents,  les  résultats  furent  moins  constants,  et, 
tandis  que  dans  certains  cas  l'anesthésie  était  parfaite,  dans  d'autres 
elle  était  insuffisante. 

Ces  expériences  cliniques  nous  permirent  de  vérifier  que  le 
sulfate  de  spartéine  jouissait  d'un  pouvoir  anesthésique  certain. 

CHLORHYDRATE  DOUBLE  DE  QUININE  ET  D'URÉE. 

Les  propriétés  anesthésiques  du  chlorhydrate  double  de  quinine 
et  d'urée  ont  été  découvertes  par  le  D'  Thibault.  Ce  sel  lui-même 
avait  été  préparé  pour  la  première  fois  en  1878  par  Kutais. 

Théoriquement  ce  corps  est  composé  de  la  façon  suivante  : 

Quinine  anhydre 50,24  p.  100 

Urée 10,98 

Acide  chlorhyJritiuo 13,32     — 

Eau ' 16,46     — 

100,00 

Le  sel  cristallisé  contient  ordinairement  "2  à  3  p.  100  d'eau 
de  cristallisation.  A  la  température  ordinaire,  le  sel  se  dissout  dans 
son  propre  poids  deau,  et  il  a  une  réaction  nettement  acide.  Il  est 
assez  soluble  dans  l'alcool,  mais  peu  dans  le  chloroforme. 

Les  solutions  de  chlorhydrate  double  de  quinine  et  durée  peuvent, 
sans  aucun  inconvénient,    être   portées  à  l'ébullilion.   Elles   sont 

(1)  Geley,  Thèse  de  Lyon,  1894. 


CHLORIlYDliATE  DOUBLE   DE  QUININE  ET  D'URÉE.  267 

lci<('reinenl  antiseptiques  et  peuvent   èlre  associées  à  ladrénaline. 

L'action  anesthésique  de  la  quinine  dépend  de  facteurs  mulliples. 
Elle  n'aurait,  d'après  certains,  aucune  action  spécifique  sur  les  termi- 
naisons nerveuses  motrices  ou  sensorielles.  Introduite  dans  le  torrent 
circulatoire,  la  quinine  arrête  complètement  les  mouvements  ami- 
boïdes  des  leucocytes.  D'après  Campbell,  la  quinine  produirait 
une  paralysie  par  coagulation  du  protoplasma  des  nerfs  périphé- 
riques. 

Le  chlorhydrate  d'urée,  ajouté  au  chlorhydrate  de  quinine  dans  le 
sel  double,  n'a  probablement  aucun  eflet  physiologique  sur  les  tissus 
aux  doses  faibles  auxquelles  il  est  employé.  Sa  seule  action  est 
probablement  de  rendre  le  sel  plus  soluble.  L'uréthane,  Vanli- 
pijrine  et  d'autres  corps  exercent  une  action  semblable. 

L'expérimentation  sur  les  animaux,  faite  à  l'aide  de  solutions 
variant  de  0,5  à  2  p.  100,  a  prouvé  d'abord,  contrairement  aux 
vues  de  Hertzler,  que  la  solution  dans  l'eau  stérilisée  seule  était 
toujours  douloureuse,  tandis  que  la  solution  dans  le  sérum  physio- 
logique était  beaucoup  moins  pénible.  Comparée  à  une  solution 
similaire  de  novocaïne,  l'injection  de  chlorhydrate  double  est  toujours 
plus  douloureuse.  On  peut  expliquer  cette  différence  par  le  fait  que 
la  solution  de  chlorhydrate  double  est  un  acide  irritant,  dont  l'in- 
jection détermine  une  inflammation  séro-fibrineuse  plus  ou  moins 
intense.  Après  avoir  pratiqué  un  grand  nombre  d'injections  dans  les 
tissus  gingivaux  ou  dans  la  peau,  le  D'  Hermann  Prinz  trouva 
qu'une  solution  à  2  p.  100  avait  un  pouvoir  anesthésique  égal  à  celui 
d'une  solution  à  1,5  p.  100  de  novocaïne  ou  de  cocaïne  à  1  p.  100. 
L'addition  d'adrénaline  étant  possible  avec  le  sel  double,  on  observa 
que  les  solutions  contenant  une  faible  quantité  d'adrénaline  déter- 
minaient une  anémie  typique  dans  la  zone  injectée,  mais  n'aug- 
mentaient pas  le  pouvoir  anesthésique  de  la  quinine.  Pour  mieux 
pouvoir  comparer,  on  se  servit  delà  solution  de  Fischer,  qui  ne  détei- 
mine  dans  les  tissus  aucune  sorte  de  réaction.  Celte  solution  est 
ainsi  composée  : 

Novocaïne 1 8r,5 

Chlorure  de  sodium 0s^92 

Thymol 0g'',02 

Eau  distillée Q.  S.  p.  faire  100  grammes. 

Cette  solution  est  portée  à  l'ébuUition  et,  dans  chaque  centimètre 
cube,  est  ajoutée  une  goutte  de  la  solution  normale  d'adrénaline. 

Cinq  injections  de  1  centimètre  cube  chacune  de  la  solution  à 
2  p.  100  de  chlorhydrate  double  furent  faites  dans  le  tissu  sous-cutané 
du  bras  gauche  chez  des  sujets  en  bonne  santé.  Comme  contrôle,  on 
fit  au  bras  droit  une  injection  semblable  de  la  solution  normale. 
Les  réactions  observées  furent  les  mêmes  des  deux  côtés. 
.   Les  injections  de  quinine  furent  faites  à  deux  heures  vingt-cinq. 


268  NOGUE.  —  ANESTHESIE. 

Douloureuse  au  début,  la  pénétration  du  liquide  devient  ensuite  très 
supportable.  A  deux  heures  quarante,  lazone  injectée  devint  blanche. 
Le  centre  de  cette  zone,  dans  une  étendue  de  1  centimètre  de  dia- 
mètre, estanesthésié.  Tandis  queles  tissus  périphériques  sont  pares- 
thésiés,  la  solution  n'est  pas  complètement  absorbée.  A  trois  heures, 
pareslhésie  plus  marquée;  absorption  incomplète.  A  quatre  heures 
trente,  œdème  encore  persistant.  La  zone  injectée  est  sensible  au 
toucher;  Tanesthésie  a  plus  ou  moins  complètement  disparu.  Le 
lendemain  matin,  la  zone  injectée  est  encore  œdématiée  et  sensible. 
Le  liquide  n'est  pas  complètement  résorbé. 

Les  injections  comparatives  faites  avec  la  novocaïne  montrèrent 
une  anesthésie  plus  rapide,  une  absorption   complète  du  liquide. 

L'expérimentation  clinique,  faite  par  le  D'  Hermann  Prinz,  se  limita 
à  l'extraction  des  dents.  Il  se  servit  pour  cela  de  la  solution  à  2  p.  100 
dans  le  sérum  physiologique  additionné  d'adrénaline.  Le  temps 
écoulé  depuis  la  fin  de  l'injection  jusqu'à  l'extraction  fut  de  neuf 
minutes,  et,  sur  les  200  observations,  90  fois  on  nota  que  l'injection 
avait  été  douloureuse,  et  dans  80  p.  ÎOO  il  y  eut  de  la  douleur 
pendant  l'extraction. 

Des  expériences  auxquelles  il  s'est  livré,  le  D'"  Hermann  Prinz 
conclut  :  1"  le  chlorhydrate  double  de  quinine  et  d'urée  n'est  pas 
toxique  aux  doses  habituelles  où  il  est  utilisé  pour  l'anesthésie 
locale;  2"  la  solution  est  fortement  acide  et  irrite  les  tissus.  L'indu- 
ration et  l'œdème  se  manifestent  après  l'injection,  qui  est  plus  ou 
moins  douloureuse;  3°  les  solutions  solubles  dans  leau  peuvent  être 
portées  à  l'ébullition,  mais  se  décomposent  ensuite;  4°  elles  peuvent 
être  additionnées  d'adrénaline;  5°  appliquées  sur  la  muqueuse 
buccale,  elles  sont  difficilement  absorbées  et  ne  déterminent  qu'une 
anesthésie  légère. 

Au  point  de  vue  dentaire,  Prinz  pense  que  le  chlorhydrate  double 
ne  présente  aucun  avantage  sur  les  autres  anesthésiques. 

Nous  avons  fait  nous-même  de  nombreuses  expériences  cliniques 
de  ces  solutions  en  stomatologie.  Bien  que  l'injection  soit 
un  peu  douloureuse,  l'anesthésie  obtenue  est  très  nette.  Nous  n'a- 
vons, sur  une  cinquantaine  de  cas,  observé  aucun  effet  consé- 
cutif. 

Lechlorhyrdate  neutrede  quinine  et  d'urée  a  été  employéégaleraent 
en  laryngologie,  et  les  conclusions  auxquelles  sont  arrivés  les  expé- 
rimentateurs ne  diffèrent  guère  de  cette  dernière. 

Le  D'  Compaired  (de  Madrid)  l'a  appliqué  en  solutions  aqueuses  à 
10  p.  100  sur  la  muqueuse  du  nez  et  du  pharynx  pendant  cinq  à  quinze 
minutes.  Ilapufaireainsi  des  cautérisations  galvaniques,  des  turbinec- 
tomies  et  des  éperotomies,  des  extirpations  de  polypes  muqueux. 
Lamertume  de  la  solution  de  quinine  est  des  plus  désagréable,  et 
l'anesthésie  met  plus. longtemps  à  se  manifester  qu'avec  la  cocaïne. 


CHLORHYDRATE  DOUBLE  DE  QUININE  ET  D'URÉE.  269 

Pour  les  turbincftomies,  il  l'aut  employer  des  solulionsù  15  et  môme  20 
p.  100  et  renouveler  les  applications  des  tampons  toutes  les  cinq  à  six 
minutes  pendant  un  ((u;ut  d'heure  ou  une  demi-heure.  Dans  ce 
dernier  cas,  Tanesthésie  quinicjue  a  le  grand  avantage,  sur  la 
cocaïne  et  autres  médicaments  similaires,  de  maintenir  le  pouvoir 
anesthési(jue  pendant  trois  quarts  d'heure,  absolument  sans  aucun 
danger  pour  le  malade. 

AupoinldevuedeTinjection,  le  D'"Gompaired  a  pu, avec  une  solution 
à  1  p.  1 00  injectée  autou  r  d'un  kyste  sébacé  de  la  région  cervicale,  l'extir- 
per sans  aucune  douleur.  L'anesthésie  se  prolongea  quatre  heures 
dans  la  région.  Il  put  faire  avec  le  même  succès  une  trachéotomie. 

Les  dernières  expériences  faites  avec  le  sel  double  ont  donné  à 
Gaudierles  résultats  suivants  : 

Comme  quantité  de  liquide  injectée,  elle  a  varié  de  1  à  5  centimèlres 
cubes.  L'injection  a  été  faite  dans  le  tissu  cellulaire  sous-cutané,  ou 
sous-muqueux,  rarement  intradermique.  Les  solutions  étaient  à 
1  ou  3  p.  100.  Ces  solutions  présentent  l'avantage,  en  raison  de 
l'exsudat  fibrineux  qui  se  produit  après  leur  emploi,  d'exercer  un 
effet  hémostatique  réel,  le  coagulum  étant  non  pas  dans  les  vaisseaux, 
mais  en  dehors  et  agissant  comme  un  tampon;  celte  hémostase, 
qui  peut  durer  vingt  à  vingt-cinq  jours,  est  bien  différente  de  celle 
produite  par  la  cocaïne  ou  l'adrénaline,  dont  l'effet  est  éphémère, 
n'étant  dfi  qu'à  une  action  sur  la  musculature  des  vaisseaux. 

Les  opérations  pratiquées  ont  élé  :  ablation  de  tumeurs  superfi- 
cielles, ouvertures  d'abcès,  ablation  de  cornets  hypertrophiés, 
opérations  sur  la  cloison  nasale. 

Quand  on  emploie  le  sel  double  sans  aucune  addition  d'adrénaline, 
il  ne  se  produit  pas  de  modification  dans  la  coloration  des  tissus, 
qui  conservent  leur  aspect  normal.  11  ne  se  produit  pas  de  vaso-con- 
striction,  ce  qui  est  d'ailleurs  bien  connu,  les  sels  de  quinine 
produisant  plutôt  de  la  vaso-dilatation. 

L'anesthésie  qui  se  manifeste  cinq  à  dix  minutes  après  l'injection 
est  plus  locale  qu'avec  la  cocaïne.  Elle  ditfuse  moins.  L'anesthésie 
dure  plusieurs  heures. 

On  a  pu  également  employer  le  sel  double  ou  la  quinine  seule  pour 
l'anesthésie  des  muqueuses  en  attouchements,  en  l'associant  au 
menthol  et  au  phénol.  Le  D"'  Chavanne  (de  Lyon),  ayant  voulu,  après 
un  badigeonnage  avec  une  solution  forte  (50  p.  100)  de  chlorhydrate 
de  quinine  et  d'urée,  cautériser  au  couteau  galvanique  un  cornet 
inférieur  hypertrophié,  suscita  une  vive  réaction  douloureuse.  li  pensa 
alorsàutiliser  simultanément  les  propriétés  aneslhésiques  du  phénol 
et  du  menthol,  comme  il  est  fait  dans  le  mélange  de  Bonain,  en 
ajoutant  en  outre  de  l'adrénaline  comme  hémostatique.  Malheureu- 
sement, ce  mélange,  qui  doit  être  fait  à  chaud,  se  solidifie  au  refroi- 
dissement. Chavanne  essaya  alors  de  supprimer  l'urée,  car  c'était 


270  NOGUÉ.  —  ANESïHÉSIE. 

elle  qui  amenait  la  soliditicalion  du  mélange.  Après  divers  essais,  il 
s'arrêta  à  la  formule  suivante  : 

Phénol 2  grammes. 

Menthol 2         — 

Chlorhydrate  de  quinine 1  "'■jSO 

Adrénaline  pure 5  milligrammes. 

Le  liquide  ainsi  obtenu  est  sirupeux  ;  on  en  dépose  quelques  gouttes 
sur  un  porte-coton  avec  lequel  on  touche  les  parties  à  insensibiliser. 
Le  résultat  est  immédiat  ;  la  muqueuse  blanchit  légèrement,  se 
rétracte  et  devient  insensible  (1  ). 

PRÉPABATIOXS   SPÉCIALISÉES  DE   COCAÏNE, 
STOVAÏNE,    NOVOCAÏNE,  ETC. 

On  trouve  dans  le  commerce  un  certain  nombre  de  préparations 
constituées  par  l'association  d'anesthésiques  déjà  connus.  Quelques- 
unes  d'entre  elles,  dont  les  constituants  sont  bien  indiqués,  ofîrent 
toutes  les  garanties  désirables  au  médecin. 

Vodralgine  est  une  solution  de  sulfothymolate  de  coca'ine  associé 
à  l'adrénaline.  D'après  le  D'"  Bloch.  la  cocaïne,  sous  la  forme  de 
sel  sulfothymique,  perdrait  sa  toxicité.  En  outre  l'adrénaline  ne  se 
décomposerait  pas  dansces  ampoules  stérilisées.  L'adralgine,  destinée 
aux  usages  dentaires, est  dosée  à  O^^OOd  de  Ihymol-coca'ine  par  centi- 
mètre cube. 

La  codrénine  est  une  solution  de  chlorhydrate  de  coca'ine  et 
d'adrénaline.  Chaque  centimètre  cube  contient0gr,02de  chlorhydrate 
de  cocaïne  et  0^^,00006  de  chlorhydrate  d'adrénaline, 

L'eiidrénine  est  une  solution  de  chlorhydrate  d'eucaïne  et  d'adré- 
naline dans  du  sérum  physiologique,  qui  contient  Ogr,01  de  chlorhy- 
drate d'eucaïne  'i  et  Ogr^OOOOS  de  chlorhydrate  d'adrénaline  pour 
1  centimètres  cube. 

Ueiisémine  est  une  association  de  cocaïne  et  d'adrénaline.  Elle 
contient  par  centimètre  cube  les  plus  faibles  doses  encore  actives 
de  ces  deux  éléments,  c'est-à-dire  Oe'",0075  de  chlorhydrate  de  cocaïne 
et  Og^jOGOOS  d'adrénaline.  La  stérilisation  de  cette  solution,  au  lieu 
d'être  faite  par  l'ébuUition,  est  faite  par  pasteurisation  à  l'autoclave. 

D'autres  préparations,  telles  que  l'anesthésique  de  Waite,  l'anes- 
thésique  de  Wilson,  etc. ,  sont  des  associations  de  cocaïne  ou  d'eucaïne 
avec  diverses  essences. 

(l)THinAULT,yourn.  am.  med .  A ssoc,  sept.  1907.  — BBoyyy,  Jour n.  am.  med.  Assoc, 
août  1908. — M.  CAMPDELL,yoHrn.  am.  med.  Assoc,  16  mars  1907.  —  Heiitzleb,  Bre- 
wsTER  aad  RoGERS,  Joiirn.  am.  med.  rlssoc,  23  oct.  1909.  —  Thibault,  Jnurn. 
am.  med.  .Assoc,  23  avril  1909.  —  Hoy,  .lourn.  am.  med.  .Assoc,  14  mai  1910,  — 
Wyeth,  A'eio  York.  Polyclinic  Journil,  janv.  1908. — Griswohl,  ./ourn.  am.  med. 
Assoc  ,  22  avril  1910.  —  Green,  Journ.  am.  med.  Assoc,  11  juin  1910.  —  Hertzler, 
Am.  journ.  of  Surgery,  iiûl.-nov.  1910.  —  Compairep,  Congrès  d'olo-rhinologie 
de  Séville,  1910.  —  Gaudier  (de  Lille),  Un  nouvel  anesthésique  local  {Echo  méd. 
du  Nord,  mai  1910).  —  Delpi.age  (de  Bruxelles},  Journ.  dent.  Belge,  1910, 


KTUDE  COMPARÉE  DES  DIVERS  ANESTHÉSIQL  ES  LOCAUX.     271 

ÉTUDE  COMPARÉE  DES  DIVERS  ANESTHÉSIQUES 
LOCAUX.  —  CHOIX  D'UN  ANESTHÉSIQUE. 

La  connaissance  des  propriétés  physiologiques  des  divers  anesllié- 
siques  locaux  est,  pour  le  stomatologiste,  d'une  importance  capitale 
s'il  veut  être  capable,  dans  la  pratique  et  suivant  les  indications 
cliniques,  de  faire  parmi  eux  un  choix  judicieux.  Il  ne  saurait  être 
mdilTérent,  en  effet,  d'injecter  telle  substance  ou  telle  autre  chez  un 
adulte  normal  et  bien  constitué,  chez  un  convalescent,  chez  un 
albuminurique  ou  un  cardiaque,  chez  un  enfant  ou  un  vieillard.  La 
susceptibilité  individuelle  aux  médicaments  peut  d'autres  fois  déter- 
miner le  choix  d'un  anesthésique.  C'est  évidemment,  dans  ce  cas,  aux 
produits  les  moins  toxiques  qu'il  faudra  recourir,  etle  résultat  anal- 
gésique devra  être  sacrifié  à  l'innocuité.  De  là  la  nécessité  de  con- 
naître la  série  des  corps  que  la  chimie  met  à  notre  disposition,  de 
les  comparer  entre  eux  et  de  savoir  peser  les  avantages  et  les  incon- 
vénients de  chacun  d'eux. 

De  nombreuses  études  comparatives  ont  été  faites  par  divers 
auteurs.  Les  conclusions  n'en  sont  malheureusement  pas  toujours 
identiques.  Cela  provient  des  difficultés  même  d'un  tel  sujet,  des 
facteurs  multiples  qui  entrent  un  jeu  et  dont  il  est  malaisé  de  tenir 
Miï  juste  compte.  Cependant  il  ressort  de  ces  recherches  compara- 
tives, malgré  qu'elles  n'aient  pas  embrassé  la  totalité  des  anesthé- 
siques  connus,  des  données  très  précises  pouvant,  dans  la  pratique, 
guider  efficacement  le  chirurgien. 

II  y  a  lieu  d'envisager,  quand  on  met  en  balance  lesanesthésiques, 
divers  points  :  d'abord,  et  en  premier  lieu,  leur  puissance  analgé- 
siante  réelle,  considérée  tant  dans  son  intensité  que  dans  sa  durée; 
en  second  lieu,  leur  toxicité,  —  et  l'on  conçoit  aisément  de  quelle 
importance  peuvent  être  les  notions  précises  fournies  sur  ce  point 
par  l'expérimentation  de  laboratoire  et  l'observation  clinique; 
enfin  l'action  des  diverses  solutions  actives  sur  les  tissus. 

C'est  dans  ce  sens  qu'ont  été  dirigées  les  importantes  recherches 
de  MM.  Picquand  et  Dreyfus,  faites  dans  le  service  du  P'  Reclus. 
Elles  n'ont  porté  que  sur  la  cocaïne,  la  stovaïne,  la  novocaïne  et 
la  novocaïne  associée  à  l'adrénaline.  Mais  les  soins  apportés  à  ces 
expériences,  l'intérêt  pratique  qu'elles  présentent  et  les  applica- 
tions qui  en  découlent  nous  autorisent  à  les  résumer  avec  quelques 
détails. 

Puissance  anesthésique  des  divers  anesthésiques  locaux 
(expériences  de  MUI.  Picquand  et  Dreyfus  sur  les  ani- 
maux) (1).  —  a.  Action  sur  le  nerf  sciatique  ci  une  grenouille.  —  Les 

(])  G.  PicQUANu  et  Luc.  Dreyfus,  Recherches  siii*  quelques  anesthésiques 
locaux  [Journ.  de  phijs.  et  de  pathol,  gén.,  15  Icvr.   1910). 


272 


NOGUE.  —  ANESTHESIE. 


deux  nerfs  sciatiques  étant  découverts,  on  dépose  sur  le  nerf 
du  côté  droit  X  gouttes  d'une  solution  de  cocaïne  à  1  p.  100,  tandis 
que  Ton  dépose  sur  le  nerf  du  côté  gauche  X  gouttes  de  la  solution 
anesthésique  à  étudier;  puis  on  excite  les  pattes  de  l'animal  par  un 
courant  faible. 

On  remarque  au  bout  de  : 


Novocaïne- 

Cocaïne . 

Stovaïne. 

Novocaïne. 

adrénaline, 

5 

minutes. . .  . 

\         Pas  de 
1*     réaction. 

Légère 
réaction. 

Pas  de 
réaction. 

Légère 
réaction. 

minutes. . .. 

s        Pas  de 

Pas  de 

Pas  de 

Pas  de 

10 

'      réaction. 

réaction. 

réaction. 

réaction 

20 

minutes. . . . 

^        Pas  de 

1      réaction. 

Légère 
réaction. 

Légère 
réaction. 

Pas  de 
réaction, 

25 

minutes. . . . 

i        Légère 
/     réaction. 

Réaction. 

Réaction. 

Pas  de 
Réaction, 

b.  Action  sur  la  cornée  du  lapin.  —  On  instille  dans  l'oeil  droit 
d'un  lapin  IV  gouttes  de  cocaïne  à  1  p.  100  et  dans  l'œil  gauche 
IV  gouttes  de  la  solution  à  étudier;  l'anesthésie,  qui  se  traduit 
par  la  perte  du  réflexe  cornéen,  est  obtenue  de  la  façon  suivante  : 

Apparition  Durée 

de  l'anesthésie.  de  l'anesthésie. 

Cocaïne 1  minute.  20  minutes. 

Stovaïne 3  minutes.  12  à  13  minutes. 

Tropacocaïne 3        —  15        — 

Alypine 4à5         —  20         —    (larmoiement, 

rougeurdel'œil). 

Novocaïne 1  minute .  12  à  15         — 

Novocaïne-adrénaline .  .  4  minutes.  25         — 

c.  Action  sur  la  peau  du  lapin.  —  On  injecte  dans  le  derme  de  la 
peau  d'un  lapin  4  centimètres  cubes  de  solution  à  1  p.  100,  de  façon 
à  circonscrire  un  petit  cercle  d'environ  5  centimètres.  On  observe  : 

Apparition  Durée 

de  l'anesthésie.  de  l'anesthésie. 

Cocaïne Immédiatement.  23  minutes. 

Stovaïne 2  minutes.  20        —  (injection 

douloureuse). 

Tropacocaïne Presque  immédiate.  20        — 

Alypine 2  à  3  minutes.  20  à  22         —  (injection 

douloureuse). 
Novocaïne  à  1  p.  100..         Immédiatement.  20        — 

Novocaïne  à  1/200 Immédiatement.  15        — 

Novocaïnc-adrcnaline  .         Immédiatement.  1  heure. 

Observations  cliniques.  —  La  comparaison  a  été  possible 
en  employant  chez  un  même  sujet  et  sur  la  môme  région  deux  anes- 
thésiques  diflerenls. 


ÉTUDE  COMPARÉE  DES  DIVERS  ANESTHÉSIQUES  LOCAUX.     273 

Al)liaiition  de  raiiesthésie.         Duri'e  do  rancsthésic. 
Cocaïne  à  1  p.  100...         Immédiatement.  SO  à  90  minutes. 

Cocaïne  à  1  p.  200...  2  à  3  minutes.  50  à  60        — 

Cocaïne  à   1  p.  400...  6  à  7         —  20  à  30         — 

Stovaïne Quelques  minutes.  35  à  40         —  (Injection 

douloureuse.) 
Cocaïne  et  stovaïne..  —  —  50         — 

Eucaïne    ^ —  -  40         —  (Injection 

douloureuse.  ) 

Tropacocaïne —  —  40        — 

Alypine —  —  20        —  (Injection 

douloureuse. 

Novocaïne Presque  immédiatement.  25         — 

Novocaïue- adrénaline  \ 
I    goutte    d'adréna-  / 

line    1        1000    par  ^  Presque  immédiatement.  1  heure. 

4  c.  c.  de  solution  à  V 
1  p.  200 ) 

On  peut  donc  ranger  comme  suit  les  anestliésiques  locau.x;  par 
puissance  décroissante  : 

1°  Cocaïne  : 

•2"  Novocaïne-adrénaline  (dont  le  pouvoir  analgésique  est  très 
voisin  de  celui  de  la  cocaïne  et  est  plus  durable)  ; 

3"  Novocaïne,  alypine,  coca-stovaïne  à  parties  égales  (ces  trois 
anestliésiques  paraissant  avoir  un  pouvoir  analgésique  sensiblement 
égal,  mais  moins  durable  que  la  novocaïne)  ; 

4°  Stovaïne,  tropacocaïne,  eucaïne  p  (ces  trois  solutions  ayant  un 
pouvoir  analgésique  sensiblement  égal). 

Le  D' Maurice  Pôlet  (de  Bruxelles)  (l)a  étudié  comparativement 
l'action  de  la  cocaïne,  de  l'alypine,  de  la  stovaïne,  de  la  novo- 
caïne, de  la  tropacocaïne,  de  Teucaïne  ),  de  Tacoïne,  de  Tanesthé- 
sine,  de  la  nirvanine  et  de  l'adrénaline  en  injections  dans  le  diploé, 
la  pulpe,  le  périoste  ou  la  gencive. 

Ses  recherches  ont  surtout  visé  la  détermination  du  pouvoir  anes- 
thésique. 

Voici  comment  s'exprime  cet  expérimentateur  : 

Je  prépare  ordinairement  mon  injection  avec  une  goutte  d'adré- 
naline au  millième,  2  centigrammes  d'aneslhésique  et  2  grammes 
d'eau;  je  fais  une  injection  de  chaque  côté  de  la  dent  dans 
la  gencive  et  deux  injections  entre  la  dent  à  extraire  et  les  deux 
voisines,  aussi  profondément  que  possible,  ces  deux  dernières 
injections  étant  plutôt  des  injections  intrapériostiques  que  intra- 
gingivales.  Je  note  le  sexe,  l'âge,  le  nom  de  la  dent,  le  diagnostic, 
la  quantité  d'anesthésique,  d'adrénaline  et  d'eau  injectée,  le  temps 
qui  s'écoule  entre  la  fin  de  l'injection  et  l'extraction,  la  douleur, 
riiémorragie,   si   l'injection    est   faite  chaude  ou  froide  et  enfin  les 

(1)  D''  Maurice  Pôlet,  Au  sujet  de  625  injections  d'anesthésique  {Comm.  faile 
à  la  Soc.  belge  de  stomatologie,  17  janv.   1909). 

Tn.VlTÉ   DE    STOM.VTOLOGIE.  VI.     18 


274  NOGUE.  —  ANESÏHESIE. 

observations.  Dans  Tappréciation  de  la  douleur  et  de  l'hémorragie^ 
je  me  sim-s  des  termes  :  nulle,  très  légère,  légère,  assez  iorte  et 
forte. 

Afin  de  me  placer  dans  l'appréciation  des  résultats  dans  des  condi- 
tions plus  ou  moins  égales  et  de  trouver  peut-être  une  indication 
pour  tel  ou  tel  médicament,  j'ai  divisé  les  extractions  en  quatre 
groupes  :  V  les  racines  ;  2°  les  dents  pyorrhéiques  ;  3"  les  périosli- 
tes  ;  enfin  les  deuxième,  troisième  et  quatrième  degrés  de  carie. 

315  injections  d'alypine  m'ont  procuré  177  anesthésies  totales^ 
c'est-à-dire  58  p.  100. 

En  y  ajoutant  79  cas  où  la  douleur  fut  très  légère,  j'ai  obtenu 
82  p.  100. 

134  injections  de  cocaïne  m'ont  procuré  G7  anesthésies  totales^ 
c'est-à-dire  50  p.  100  et  en  y  ajoutant  35  cas  où  la  douleur  fut  très 
légère,  j'obtiens  77  p.  100. 

26  injections  de  stovaïne  m'ont  donné  respectivement  du  33  p.  100 
et  du  50  p.  100. 

50  injections  du  mélange  cocaïne-alypine-stovaïne  m'oni  donné 
respectivement  du  61  p.  100  et  du  vS8  p.  100. 

11  injections  de  novocaïne  donnent  20  p.  100  et  35  p.  100. 

9  injections  de  tropacocaïne  donnent  0  p.  100  et  33  p.  100. 

6  injections  d'eucaïne  ,3  donnèrent  à  peu  près  les  mêmes  résultats. 
L'acoine  vaut  encore  moins;  quant  à  la  nirvanine  et  à  l'anesthésine» 
leur  injection  est  douloureuse  et  l'effet  nul. 

5  injections  d'une  solution  salée  d'adrénaline  ont  donné  les  cinq 
fois  une  douleur  faible. 

1  injection  d'eau,  faite  par  distraction  chez  une  personne  où  une 
injection  de  cocaïne  pour  une  dent  homologue  avait  donné  une 
anesthésie  totale,  produisit  le  même  effet,  à  part  que  l'injection  fut 
un  peu  douloureuse. 

6  injections  intradiploïques  mont  permis  de  faire  4  extractions 
avec  douleur  nulle  et  2  où  elle  fut  très  légère.  5  de  ces  injections 
ont  été  faites  avec  la  cocaïne,  la  sixième  avec  l'alypine;  la  douleur 
fut  très  légère. 

Ainsi  la  cocaïne  semble  donner  les  meilleurs  résultats  dans  les 
deuxième,  troisième,  quatrième  degrés  de  carie  dentaire,  l'alypine 
pour  les  racines,  et  le  mélange  cocaïne-alypine-stovaïne  réussit 
excellemment  en  cas  de  périostite  ;  il  est  évident  que,  pour  pouvoir 
étudier  tous  ces  détails  et  pouvoir  affirmer,  il  faudrait  avoir  devant 
soi  des  milliers  d'injections. 

Une  question  très  intéressante  est  celle  de  l'adjonction  d'adréna- 
line; au  début,  j'en  ajoutais  une  goutte  par  centimètre  cube  et  dans 
la  suite  la  moitié  seulement. 

En  réunissant  les  cas  où  la  douleur  fut  nulle  ou  très  légère,  voici 
la  comparaison  des  injections  faites  avec  ou  sans  adrénaline  : 


ETUDE  COMPAREE  DES  DIVERS  ANESTHESIQUES  LOCAUX.     27S 

Alypine  sans  adrénaline  70  p.  10l\av(>c91  p.  10(»,  tliflérence  15  p.  100 
Cocaïne  sans  adrénaline 58  p.  100,  avec  81  [).  100,  dilïérence'JSp.  100 
Slovaïne  sans  adrénaline  40  p.  100,  avec  52  p.  100,  différence  12  p.  100 
iNovocaïne,  tropacocaïne  el  eucaïne  sans  adrénaline  27  p.  100,  avec 
:V2  p.  100,  différence  5  p.  100. 

L'adjonction  d'adrénaline  renforcerait  donc  le  pouvoir  de  Tanes- 
tliésie  pour  la  cocaïne  et  Talypine  en  moyenne  de  19  p.  100,  c'est-à- 
dire  de  67  p.    100  à  86  p.  100,  donc  presque  un  tiers. 

L'adrénaline  diminue  l'hémorragie  :  elle  est  nulle  ou  très  légère 
dans  70  p.  100  dis  cas  avec  l'alypine,  80  p.  100  avec  la  cocaïne, 
qui  est  déjà  vaso-constrictive,  83  p.  100  avec  le  mélange  cocaïne- 
alypine-slovaïne  et  66  p.  100  avec  la  stovaïne. 

L'adrénaline  aurait  une  influence  sur  lespériostites  :  elle  diminue 
le  calibre  des  artérioles  et  empêche  l'entraînement  de  l'anesthésique 
dans  le  courant  sanguin.  Les  cas  de  périostite  traités  sans  adréna- 
line donnent  50  p.  100  de  douleur  nulle  ou  très  légère  et  avec 
l'adrénaline  63  p.  100;  en  détail,  f68  p.  100  avec  la  cocaïne, 82  p.  100 
avec  le  mélange  cocaïne  stovaïne-alypine,  et  60  p.  100  avec  l'alypine. 

L'injection  chaude  et  surtout  l'injection  d'eau  renfermant 
7  p.  1000  de  sel  sont  des  adjuvants  utiles. 

Le  temps  à  attendre  semble  être  de  cinq  minutes  après  la  dernière 
injection. 

J'ai  noté  2  syncopes  et  13  menaces  de  syncope.  La  cocaïne  a 
causé  4  menaces  de  syncope  et  2  syncopes,  dont  une  trois  heures 
après  l'injection  de  1  centig.  5. 

L'alypine  a  causé  une  menace,  le  mélange  une,  Teucaïne  une, 
la  novocaïne  deux. 

Les  deux  autres  menaces  étaient  l'effet  des  piqûres. 

La  quantité  d'anesthésique  à  injecter  varie  selon  la  dent  à  extraire- 
Un  demi-centigramme  d'alypine  m'a  donné  une  anesthésie  totale. 
La  dose  moyenne  est  de  1  à  1  centig.  5.  L'adjonction  d'adrénaline 
permet  de  diminuer  la  quantité  du  toxique.  Le  rapport  entre 
la  douleur  et  l'hémorragie  est  constant,  ce  qui  prouve  que  là  où 
l'adrénaline  exerce  le  mieux  son  action  sur  les  artérioles  et,  par 
suite,  sur  les  cylindraxes,  là  aussi  l'anesthésie  serait  renforcée. 

L'adrénaline  retardant  l'entrée  du  toxique  dans  le  sang  rendra 
plus  rare  les  menaces  syncopales  ;  enfin  l'injection  d'une  solution 
d'adrénaline  procure  une  anesthésie  assez  forte. 

Je  termine  en  vous  donnant  les  résultats  obtenus  par  50  injections 
intrapulpaires  faites  soit  par  compression,  soit  par  injection  de 
cocaïne-adrénaline. 

Ces  50  pulpectomies  ont  été  complètement  indolores. 

Deux  pulpes  se  sont  montrées  rebelles  à  ce  moyen. 

Dans  4  cas,  il  y  a  eu  douleur  consécutive  durant  deux  à  douze 
heures. 


276  NOGUE.  —  ANESTHÉSIE. 

Dans  6  cas,  la  dévilalisation  et  Tobturation  ont  été  faites  en  une 
séance  :  dans  Tun  de  ces  cas,  la  dent  a  été  douloureuse  à  la  pression 
pendant  deux  jours. 

J'ai  essayé  une  fois  Talypine  en  injection  intrapulpaire,  mais 
l'hémorragie  consécutive  a  été  telle  que  je  l'ai  abandonnée. 

Il  semble  en  tout  cas  que  l'alypine  soit  moins  dangereuse  et  un 
peu  plus  active  que  la  cocaïne,  et  il  est  certain  que  l'adrénaline  est 
un  adjuvant  utile  et  nécessaire. 

Bilasko,  qui  a  étudié  consciencieusement  l'action  d'un  certain 
nombre  d'anesthésiques  en  éliminant  le  plus  possible  les  facteurs 
moraux,  a  trouvé  avec  ces  produits  les  proportions  suivantes 
d'anesthésie  absolue  (1)  : 


Anacsine 25,12  p.  100. 

Cocaïne 56  — 

Gocaïne-adrénaUne . .  r)8  — 

Paraésine 13,50  — 

Tropacocaïne 52  — 

Eucaïne  p 42  — 

lienesol 32  —      j      Méta-cclhyl 25,45 

Tonocaïne 35  — 


Alypine 44  p.  100. 

Anœmorénine 44,6  — 

Alypine-adrcnalinc. .  .  72  — 

Painless 87,5  — 

Dentalicum 14,18  — 

Alvatunder 45,6  — 


Mais  rien  ne  saurait  mieux  montrer  la  difficulté  de  ces  recherches 
que  ce  fait  :  le  même  auteur  ayant  effectué  200  extractions  avec 
anesthésie  nota  que  195  patients  n'avaient  éprouvé  aucune  douleur. 
Dans  100  cas,  s'étant  borné  à  faire  des  injections  d'eau  distillée,  il 
obtint  49  fois  une  insensibilisation  parfaite. 

Toxicité  des  aiiesthésiciues.  —  Nous  possédons  aujourd'hui 
des  données  très  précises  sur  les  conditions  qui,  en  dehors  de  l'action 
propre  à  tout  corps  chimique,  peuvent  faire  varier  leur  toxicité. 
C'est  aux  efforts  patients  du  P'  Reclus  que  nous  sommes  en 
majeure  partie  redevables  de  ces  connaissances.  C'est  lui,  en  effet, 
qui  a  formulé  cette  loi  :  l'intoxication  est  essentiellement  fonction 
de  la  quantité  du  poison  qui,  introduite  au  même  moment  dans  le 
torrent  circulatoire,  vient  impressionner  le  système  nerveux  central. 
Si,  en  effet,  on  injecte  à  ,un  animal  des  doses  voisines  de  la  dose 
mortelle,  qu'on  interrompe  l'injection  pour  la  reprendre  ensuite,  on 
arrivera  ainsi  à  injecter  trois  ou  quatre  fois  plus  que  la  dose 
toxique  normale.  La  toxicité  des  anesthésiques  varie  avec  : 

fo-Le  titre  de  la  solution  employée  :  la  toxicité  diminuant  avec  le 
degré  de  dilution  de  l'anesthésique  ; 

2o  La  vitesse  avec  laquelle  est  faite  l'injection.  Si  l'on  injecte  dans 
la  veine  de  l'oreille  d'un  lapin  une  solution  de  novocaïne  à  1  p.  200 
avec  une  vitesse  de  : 

Par  kilo. 
■5  ce.  à  la  minute,  l'animal  meurt  quand  il   a  reçu....     08'', 064 

10  —  —  —  0s'\012 

5  c.  c.  en  2  minutes     —  —  0i'',09 

(1)  Slomulolofjiui  Koezloenij,  Jahrg.  1907,  n"  1. 


ÉTUDE  GOMl'AUÉE  Di:S  DIVERS  ANESTHÉSIQUES  LOCAUX.     277 

'i°  L'espèce  animale,  les  herbivores  étant  en  généra  moins 
sensibles  à  Tinloxication  ; 

i**  Le  poids  de  l'animal,  les  petits  animaux  étant  proportionnelle- 
ment moins  résistants  ; 

50  Les  tissus  où  Ton  fait  l'injection. 

En  se  plaçant  dans  des  conditions  identiques,  MM.  Piquand  et 
Dreyfus  ont  établi  les  tableaux  suivants  : 

A.  —  Toxicité  intraveineuse  chez  le  lapin  (veine  de  l'oreille  avec  vitesse  de 
5  cent,  cubes  h  la  minute). 

Dose  toxique. 

Alypine Off%017  par  kilo  d'animal. 

Cocaïne Osf,18  —  — 

Eucaïne   fJ 0s^019  _  _               . 

Tropacocaïne 0g^02  —  — 

Stovaïne 0S^03  —  — 

Novocaïne-adicaa'iti.- o^'">0^6  —  — 

Novocaïne 08^,063  —  — 

B.  —  Toxicité  intrapérilonéale  chez  le  cobaye. 

Dose  toxique. 

Cocaïne 0&'",0815  par  kilo  d'animal. 

Stovaïne Oe^lO  —  — 

Novocaïne 0ë'",50  —  — 

Novoca'i'ne-adrénaline Osi',50  +  XV  gonltes  par  kilo  d'animal. 

Il  faut  remarquer  que,  en  injections  intraveineuses,  la  novocaïne  et 
l'adrénaline  passent  simultanément  dans  le  sang  et  arrivent  en 
même  temps  au  contact  des  centres  nerveux,  de  sorte  que  leurs 
toxicités  respectives  s'ajoutent  :  au  contraire,  en  injections  intra- 
péritonéales  ou  en  injections  sous-cutanées,  l'adrénaline  exerçant 
une  vaso-constriction  intense  diminue  la  rapidité  de  l'absorption 
de  la  novocaïne    et  diminue   ainsi    sa  toxicité. 

L'opinion  du  D''  Vanmosuenck,  chargé  du  cours  de  clinique 
dentaire  à  l'Université  de  Louvain,  n'est  guère  favorable  à  l'alypine, 
contrairement  à  celle  du  D'"  Laporta.  Ayant  observé  plusieurs 
syncopes  graves  aprèsdes  injections  de  1  à  2  centigrammes  d'alypine, 
il  conclut  qu'elle  constitue  un  produit  autrement  dangereux  que  la 
cocaïne.  Ceci  n'était-ce  pointa  prévoir,  dit-il,  après  l'étude  physio- 
logique du  Dr  Camus?  D'après  cet  auteur,  en  effet,  une  injection  de 
5  milligrammes,  puis  de  1  centigramme  par  kilogramme  d'animal, 
amène  un  abaissement  immédiat  de  la  pression  sanguine  et  des 
réactions  corticales  intenses,  avecattaques  épileptiformes  exactement 
semblables  à  celles  qu'on  observe  dans  l'intoxication  cocaïnique. 
L'animal  périt  avec  35  milligrammes  par  kilogramme,  alors  que  la 
cocaïne  en  exige  40.  D'autre  part,  en  comparant  les  faits  cliniques 
aux  données  physiologiques,  on  y  trouve  une  preuve  de  plus  de  la 
toxicité  de  l'alypine  :  la  diminution  de  la  pression  sanguine  et  du 
rythme  cardiaque  d'un  côté  et  les  phénomènes  corticaux  de  l'autre, 


278  NOGUÉ.  —  ANESTHÉSIE, 

et  cela  avec  des  doses  de  1  et  2  centigrammes,  une  crise  épilepli- 
forme  chez  un  jeune  homme  et  une  intoxication  presque  mortelle 
<lii  cœur  chez  une  jeune  fille.  D'autre  part,  5  alertes,  dont 
2  graves,  sur  un  total  de  19  anesthésies,  sont  une  proportion  que  la 
cocaïne  n'a  jamais  atteinte,  même  au  temps  où  des  injections  de. 
5  et  10  centigrammes  étaient  d'usage  courant. 

Enfin,  pour  quelques-uns  des  anesthésiques  locaux  les  plus 
répandus,  l'étude  de  l'action  qu'ils  exercent  sur  les  leucocytes  a  été 
faite  par  le  D'  François,  qui  a  examiné  l'action  de  la  cocaïne,  de  la 
slovaïne  et  de  la  novocaïne. 

a.  In  vitro.  —  Ces  anesthésiques,  dissous  dans  la  solution  saline 
ciiratée,  diminuent  la  leuco-activité;  avec  la  solution  à  1  p.  200.  l'acti- 
irilé  est  nulle,  mais  le  leucocyte  reste  vivant  : 

Cocaïne.  Stovaïne.  Novocaïne. 

Titre I/IOOO                0,60  0,95  0-96 

—      1/500                   0,59  0,55  0,70 

—     1/400                    0,38  —  0.36 

—     1  /200                      0  0  0 

b.  In  vivo.  —  Ils  ont  une  action  de  même  ordre,  parallèle  aux 
anesthésiques  généraux,  mais  la  descente  est  plus  faible  et  la 
réaction  plus  précoce  et  plus  rapide.  La  cocaïne  en  solution  à 
1  p.  100  fait  décroître  l'activité  pendant  plusieurs  heures  ;  la 
rachistovaïnisation  n'a  rien  donné  ;  la  novocaïne-adrénaline, 
employée  suivant  la  formule  du  P"^  Reclus,  agit  peu  et  peu 
longtemps,  quand  on  l'injecte  dans  du  tissu  sain.  Elle  provoque 
BDe  baisse  plus  considérable  et  plus  durable  quand  on  l'emploie 
dans  du  tissu  enflammé.  Le  globule  blanc,  après  l'étonnement  du 
début,  se  ressaisit  de  bonne  heure  si  l'absorption  a  été  plus  lente  et 
plus  tard  si  l'absorption  a  été  plus  forte. 

Cocaïne  à  1  p.  100. 

Avant 1 

Pendant  5  minutes 0,96 

—  10         —       0,43 

Après     2  heures 0,50 

—  12       —     • 1,06 

Xovocaïne  à  1/200. 
.Vdrénaline. 

Avant 1 

Pendant     5  minutes 0,82 

—  7         — 0,95  à  0,96 

—  10  —       0,92 

—  15  —       0,71-0,82-1 

—  20  —       0,72-0,91 

—  23  —       0,75 

—  30  —       0,50-0,68-0,82-1 

—  40  —       0,87-0,93 

Après  30  minutes 1 

—  2  heures 0,80 

—  3       —      0.73-1 

—  4       —      1 


INSTRUMENTATION.  279 

La  cocaïne  à  1  p.  100  a  une  action  de  quehjues  heures. 
La  novocaïne-aclrénaline  à  1  p.  200  est  peu  dépressive,  si  elle  est 
injectée  en  tissu  sain;  son  action  ne  dépasse  pas  vingt  à  soixante 
minutes.  En  lissu  on  flammé  ou  riche  en  vaisseaux,  il  y  a  une 
dépression  plus  marquée,  qui  peut  durer  deux  à  cinq  heures  et  se 
rapproche  de  celle  de  la  cocaïne  à  1  p.  100. 

L'anesthésie  met,  avec  les  divers  anesthésiques,  un  certain  temps  à 
se  manifester.  Dans  la  région  gingivale,  il  est  reconnu  de  tous  que 
la  cocaïne  ne  détermine  Tanesthésie  complète  qu'au  bout  de  quelques 
minutes,  en  général  cinq  à  dix  minutes. 

Avec  la  stovaïne  et  Talypine,  il  faut  compter  le  même  temps 
d  attente. 

Avec  la  novocaïne,  Tanesthésie  se  produit  encore  plus  lentement, 
C'est  seulement  au  bout  de  dix  à  quinze  minutes  que  Finsensibilisa- 
tion  se  produit. 

Cependant  si,  au  lieu  de  faire  l'injection  gingivale,  on  fait  une 
injection  diploïque,  on  note  la  production  immédiate  de  l'anesthésie 
avec  la  cocaïne  comme  avec  les  produits  similaires. 

Nous  ne  saurions  examiner  comparativement  tous  les  autres  anes- 
thésiques locaux  suceptibles  d'être  employés  en  stomatologie.  Mais 
il  suffit  de  connaître  les  qualités  et  les  défauts  les  plus  usuels  pour 
fixer  son  choix  selon  les  indications  cliniques.  C'est  entre  la  cocaïne, 
la  novocaïne,  la  stovaïne,  l'eucaïneque  ce  choix  oscillera  en  général. 
C'est  à  l'une  d'elles  que  le  stomatologiste  aura  le  plus  souvent  recours. 
La  novocaïne,  au  point  de  vue  toxique,  lui  donnera  le  maximum  de 
sécurité  ;  mais  la  cocaïne  restera,  quant  à  l'action  anesthésique, 
toujours  la  première.  Dans  certains  cas  spéciaux,  il  ne  faudra  pas 
hésiter  à  recourir  à  des  produits  d'un  pouvoir  anesthésique 
médiocre,  mais  d'une  toxicité  à  peu  près  nulle. 

INSTRUMENTATION, 

Les  premières  injections  hypodermiques  étaient  faites  avec  la 
seringue  de  Pravaz.  Cet  instrument  qui,  au  moment  de  son  appari- 
tion, constituait  un  vé- 


ritable  progrès,  présen- 
tait   un     inconvénient 
-considérable,  celui  de 
ne    pouvoir    être  sou- 
mis à   l'ébullition.    Son         Fi-.  63.  —  Seringue  de  Pravaz  à  piston  de  cuir, 
piston  en  cuir  s'accom- 
modait mal  d'une  température  aussi  élevée.  Aussi  fut-elle  remplacée 
par  des  seringues  de  modèles  différents,  dans  lesquelles  les  inven- 
teurs s'étaient  efforcés  de  ne  faire  entrer  que  des  substances  facile- 
ment stérilisables. 


280 


>'OGUE. 


ANESTHESIE. 


64.  —  Scrinffue  en  verre. 


Fig.  65.  —  Scrin^rue  stcrilisable  de  Liier. 


Telles  furent  les  seringues  du  P'  Debove,  les  seringues  de  Liier, 
tout  en  verre,  etc. 

Mais,  si  ces  dernières  remplissent  toutes  les  conditions  requises 

pour  faire  une  injection  sous- 
cutanée  aseptique,  elles  ne 
sauraient  satisfaire  les  sto- 
matologistes. La  pénétration 
d'une  solution  dans  le  tissu 
cellulaire  sous-cutané  ne 
nécessite,  en  effet,  aucun 
elfort.  Le  derme  traversé,  le 
iquide  rencontre  un  tissu  à  larges  mailles,  dans  lequel  il  s'épand 
avec  la  plus  grande  facilité.  11  n'en  est  pas  de  même  dans  la  région 

gingivo- dentaire. 
Ici,  c'est  un  tissu 
très  dense  auquel 
nous    avons    af- 
faire.  Il    faudra, 
pour  y  faire  pé- 
nétrer une   solu- 
tion anestlîésique 
quelconque,  un  elfort  considérable.  La  forme  usuelle  des  seringues 
à  injection  hypodermique  ne  se  prête  nullement  à  cet  eflort.  De  là 
leur  abandon  complet  dans  notre  spécialité. 

Il  faudra  au  stomatologiste  des  seringues  possédant  un  certain 
nombre  de  qualités  et  remplissant  les  conditions  suivantes  : 
1"  Être  stérilisables  dans  toutes  leurs  parties; 
2°  Être  absolument  étanches  ; 
3°  Être  bien  en  main. 

Les  seringues   tout   en    verre,    telles   que  les  seringues  de  Liier, 

remplissent  parfaite- 
ment   les    deux   pre- 
mières      conditions. 
Quant  à  la  dernière, 
on  peut  dire  qu'elles 
ne  la  remplissent  en 
rien.    De    telle  sorte 
que,    pour    les    ma- 
nœuvres    dans    la 
bouche,     elles     sont 
d  un  maniement  très  malaisé.  Il  est  en  outre  très  difficile,  avec  ces 
instruments,  de  faire  sur  le  piston  la  pression  nécessaire.  Enfin  elles 
sont  très  fragiles. 

Les  sermgues  complètement  métalliques  remplissent  également 
dune  façon  satisfaisante   les   deux  premières   conditions.  Malheu- 


Sering-ue  slérilisable  à  ailelt 


INSTRUMENTATION. 


281 


rjmrmTpTjjjirTTfz 
rU  -^    =  !2   = 


reusement  leur  centre  de  gravité,  quand  la  seringue  est  pleine,  est 
placé  de  telle  sorte  que  Tinstrument  tend  à  s'échapper  d'entre  les 
doigts  de  l'opérateur.  En  outre,  le  fait  qu'il  est  impossible  de  voir  le 
liquide,  sans  constituer  un  défaut  réel,  leur  aliène  bien  des  méde- 
cins. Malgré  cela,  un 
grand  nombre  de  celles 
qu'on  trouve  dans  le  com- 
merce sont  recomman- 
dables. 

Pour  vaincre  la  résis- 
tance des  tissus  gingi- 
vaux sans  être  obligé  de 
faire  sur  le  piston  un 
effort  trop  considérable, 
il  était  naturel  de  songer 

à  faire  progresser  ce  piston  d'un  mouvement  hélicoïdal.  Les  se- 
ringues construites  dans  ce  but  ne  dilTèrent  des  modèles  habituels 
qu'en  ce  que  la  tige  du  piston  est  munie  d'un  pas  de  vis  passant 
dans  un  raccord  spécial,  lequel  peut  à  volonté  se  fixer  ou  se  détacher 
du  cylindre  de  la  seringue.  C'est  ainsi  que,  pour  aspirer  le  liquide, 
on  détache  le  raccord,  ce  qui  permet  au  piston  de  se  comporter 
comme  dans  les  seringues  ordinaires.  Le  liquide  aspiré,  on  fixe  le 
raccord,  et  le  piston  ne  peut  plus  fonctionner  que  par  le  mouvement 


Fig.  G7.  —  Seringue  tout  en  verre,  aiguilles 
en  acier. 


Fig.  68.  —  Seringue  à  instillation  du  P^  Guyon  (mod.  Collin). 

hélicoïdal  de  sa  tige.  C'est  en  somme  la  seringue  à  instillation  du 
P""  Guyon. 

Nous  avons  fait  nous-même  construire  une  seringue  sur  ce  même 
modèle,  avec  piston  d'amiante. 

La  seringue  du  D''  J.  Ferrier,  en  argent,  est  construite  d'après  le 
même  principe.  Cependant,  dans  ce  modèle,  le  piston  est  obligé,  pour 
avancer  dans  un  sens  ou  dans  l'autre,  de  toujours  suivre  le  mouve- 
ment hélicoïdal  de  la  tige. 

Le  reproche  qu'on  peut  faire  à  ces  seringues,  c'est  de  nécessiter 
l'usage  des  deux  mains.  Cette  réserve  faite,  elles  permettent  l'injec- 
tion lente,  sûre  et  généralement  indolore. 

Les  aiguilles  employées  dans  les  seringues  sont  en  acier,  en 
platine  ou  en  platine  iridié.  Ces  dernières  sont  de  beaucoup  préfé- 
rables aux  aiguilles  en  acier.  Elles  peuvent  être  rougies  à  la  flamme 
ou  soumises  à  l'ébullition  sans  aucun  inconvénient.  Malheureusement 


282  NOGUE.  —  ANESTHESIE. 

leur  prix  est  plus  élevé.  Mais  elles  font  un  service  beaucoup  plus  long 
que  les  premières,  qui  ne  peuvent  guère  servir  qu'une  ou  deux  fois 
sans  s'émousser  ou  se  casser. 

Les  aiguilles  destinées  à  faire  des  injections  dans  la  cavité  buccale 
devraient  toujours  être  fixées  d'une  façon  1res  solide  sur  la  seringue. 
On  conçoit  en  effet  que.  sous  Tinfluence  de  la  pression  du  liquide  ou 
d'un  brusque  mouvement  du  patient,  Taiguille,  fixée  par  simple  frot- 
tement, puisse  se  dégager  de  sa  tubulure  et  tomber  dans  les  voies 
digestives  on  respiratoires.  La  fixation  de  laiguille  à  frottement 
devrait  donc  être  complètement  abandonnée,  d'autant  plus  qu'elle 
ne  donne  presque  jamais  une  étanchéité  parfaite.  Elle  devrait  être 
remplacée  par  la  fixation  à  vis.  Celle-ci,  au  point  de  vue  du  main- 
tien de  l'aiguille,  donne  une  sécurité  absolue  :  l'étanchéilé  peut  être 
très  facilement  obtenue,  soit  à  l'aide  d'une  rondelle  d'amiante,  soit 
en  donnant  à  l'extrémité  de  la  tubulure  pénétrant  dans  l'aiguille  la 
forme  conique. 

Un  progrès  considérable  a  été  récemment  apporté  au  mode  de 
fixation  des  aiguilles.  On  a  pour  cela  fabriqué  des  aiguilles  soit  en 
acier,  soit  en  platine,  munies  à  leur  extrémité  d'une  sorte  de  talon 
en  plomb.  A  l'extrémité  de  la  seringue  est  une  tubulure  munie  d'un 
pas  de  vis.  Sur  ce  pas  de  vis  vient  s'adapter  un  embout  perforé  dans 
lequel  se  place  l'aiguille.  Le  talon  en  plomb  de  celte  aiguille  se 
trouve  coincé  entre  la  partie  de  l'embout  qui  s'adapte  sur  la  tubu- 
luee  et  l'extrémité  même  de  cette  tubulure.  Le  pas  de  vis  permet 
d'obtenir  sur  le  talon  de  plomb  une  pression  suffisante  pour  que 
toute  fuite  de  liquide  devienne  pratiquement  impossible. 

Un  grand  nombre  de  seringues  dentaires  sont  munies  de  raccords 
de  formes  variées,  à  l'extrémité  desquels  vient  se  visser  l'embout 
armé  de  son  aiguille,  pour  permettre  d'atteindre  les  diverses  régions 
de  la  gencive.  Mais,  dans  la  pratique,  la  forme  droite  et  la  forme  légè- 
rement incurvée  répondent  à  tous  les  besoins. 

L'étanchéité  obtenue  du  côté  de  l'aiguille  par  le  procédé  précé- 
dent est  obtenue  au  niveau  du  piston  par  l'usage  du  piston  métal- 
lique ajusté  sur  un  corps  de  seringue  en  métal  ou  sur  un  corps  de 
seringue  en  verre.  Nous  avons  signalé  le  petit  inconvénient  que 
présente  le  premier,  celui  de  ne  pas  permettre  à  l'opérateur  de  voir 
le  liquide.  Il  en  présente  un  autre  plus  grave,  c'est  qu'au  moindre 
choc  un  peu  violent  le  cylindre  peut  se  déformer  suffisamment  pour 
rendre  l'instrument  inutilisable. 

Le  cylindre  de  verre,  plus  élégant,  plus  propre  et  plus  commode, 
donne,  avec  un  piston  métallique  bien  ajusté,  toute  satisfaction. 
L'étanchéité  est  parfaite;  quelle  que  soit  la  pression,  le  corps  de  la 
seringue  éclaterait  plut(M  que  de  laisser  passer  une  goutte  de  liquide. 

Le  défaut  du  cylindre  de  verre  est  sa  fragilité.  Récemment  encore, 
si  le  cylindre  venait  à  se  casser,  l'instrument  était  hors  d'usage,  lais- 


INSTRUMENTATION. 


283 


sanl  Topérateur  désemparé.  In  nouveau  progrès  a  été  fait  depuis 
peu.  Il  est  possible  de  remplacer  extemporanément  le  cylindre  cassé 
par  un    nouveau   cylindre   muni   de   son    piston   mélallique.   Ainsi 


Fig.  69.  —  Seringue  Imperia  (Raymond  frères  et  C''^). 

l'opérateur  peut  posséder  un  cylindre  de  rechange  muni  de  son  piston 
qui  lui  permet,  en  cas  d'accident,  de  n'être  pas  embarrassé  pour 
continuer  ses  opérations. 

Enfin,  au  point  de  vue  de  la  manipulation  de  Tinstrument,  il  existe 


12  3  4  5 

Fig,  70.  —  Seringue /m/jer/a,  pièces  détachées  (Reymond  frères  et  C'«). 

aujourd'hui   des    seringues  munies  d'une  double  ailette  circulaire 
qui  donne  toute  la  sécurité  et  toute  l'aisance  nécessaires. 

En  réunissant  sur  un  même  instrument  les  divers  perfection- 
nements réalisés  dans  ces  dernières  années,  on  peut  concevoir  une 
seringue  idéale  répondant  à  tous  les  desiderata  de  notre   spécialité 


284 


NOGUE. 


ANESTHESIE. 


Il  existe  aussi  des  seringues  métalliques  basées  sur  le  principe 
de  la  presse  hydraulique.  Le  piston  n'épouse  pas  ici,  d'une  façon 
absolue,  la  forme  du  cylindre.  Il  se  meut  librement  dans  Fintéiieur 
de  ce  cylindre:  et,  quand  ce  cylindre  est  rempli  de  liquide,  sa  péné- 


Fig-.  71.  —  Seringue  du  D^  Thésée  (Ash). 

tration  dans  la  masse  chasse  un  volume  de  la  solution  équivalent 
au  volume  du  piston  lui-même.  II  est  nécessaire,  pour  cela,  que 
Tétanchéité  soit  assurée  au  niveau  de  l'orifice  de  pénétration  du 
piston  dans  le  cylindre.  Pour  cela,  l'instrument  est  muni  à  ce  niveau 


Fig.  72.  —  Seringue  du  D""  Thésée  démontée  (Ash). 

d'un  raccord,  dans  lequel  le  piston  glisse  à  frottement,  raccord 
qui,  par  l'intermédiaire  d'un  puissant  pas  de  vis,  vient  se  fixer  sur 
le  cylindre  et  empêcher  toute  fuite  de  liquide.  Grâce  à  une  clef  spé- 
ciale, il  est  facile  de  régler  le  serrage  du  raccord  en  cas  de  fuite, 
même    pendant  l'injection.    Ces  instruments,   très  robustes,  fonc- 


INSTRUMENTATION.  285 

lionnent  d'une  façon  Irôs  satisfaisante  ;  ils  sont  malheureusement 
mal  équilibrés. 

C'est  sur  ce  dcrniermodèle  qu'est  construite  la  seringue //wperm. 

Entièrement  métallique  est  également  la  seringue  du  D*"  Thésée  : 
mais  elle  est  basée  sur  le  principe  du  piston  parfaitement  ajusté  dans 
l'axe  du  cylindre.  Cette  seringue,  malgré  la  longueur  de  l'ajutage  à 
lexlrémité  duquel  est  fixée  l'aiguille,  est  très  pratique. 

Nous  avons  dit  que  les  ailettes  circulaires  assuraient  le  maniement 
parfait  des  seringues  destinées  aux  injections  gingivales.  La  seringue 
que  nous  avons  fait  construire  pour  l'anesthésie  diploïque  permet 
de  se  rendre  compte  des  avantages  considérables  d'un  tel  dispositif. 
Bien  qu'étudié  surtout  à  propos  de  l'anesthésie  intra-osseuse,  cet 


Fig.  73.  —  Seringue  du  D>'  Nogué  pour  l'anesthésie  dijjloïque. 

instrument  pouvait  recevoir  les  aiguilles  ordinaires  à  frottement  et, 
grâce  à  un  embout  spécial,  les  aiguilles  à  talon  de  plomb. 

Cette  seringue  était  malheureusement  à  piston  d'amiante.  Aussi 
avons-nous  récemment  résolu,  tout  en  lui  conservant  sa  forme  géné- 
rale et  ses  ailettes  circulaires,  de  la  modifier  en  la  munissant  de  tous 
les  perfectionnements.  C'est  ainsi  que  le  piston  d'amiante  est 
remplacé  par  le  piston  métallique  exactement  rodé  sur  le  cylindre 
de  verre,  ce  qui  assure  Tétanchéité  absolue,  tout  en  permettant  à 
l'opérateur  de  voir  le  licpiide.  En  cas  d'accident  au  cylindre  de  verre, 
il  est  facile  exteraporanément  de  le  remplacer  par  un  second  cylindre 
de  secours  muni  de  son  piston.  Ce  dernier,  grâce  à  un  pas  de  vis,  se 
fixe  immédiatement  sur  la  tige. 

L'embout  de  la  seringue  est  disposé  pour  recevoir  les  aiguilles  de 
Pravaz  ordinaires  à  frottement,  les  aiguilles  à  talon  de  plomb, 
grâce  à  un  ajutage  ad  hoc,  et  les  canules  à  injection  diploïque. 

L'instrumentation,  en  outre  des  seringues,  comprend  les  aiguilles. 
Il  est  bon  d'en  être  muni  en  quantité  suffisante  afin  de  n'être  jamais 
pris  au  dépourvu.  Il  est  bon  d'avoir  toujours  à  sa  disposition  des 


286  MOGUÉ.  —  AXESTHESIE. 

aiguilles  de  diflerentes  sortes,  telles  que  aiguilles  en  acier  el  en  pla- 
tine à  talon  de  plomb,  utilisables  avec  le  raccord  spécial,  aiguilles 
simples  de  Pravaz  à  frottement  ou  à  vis.  Ainsi,  en  cas  daccident,  il 
est  toujours  possible  d'intervenir.  Ces  aiguilles,  qu'elles  soient  en 
acier  ou  en  platine,  seront  toujours  lavées  à  l'alcool  après  usage,  et  on 
aura  soin  de  ne  jamais  omettre  de  placer  dans  leur  lumière  un  til 
pour  empêcher  toute  obstruction. 

Quant  aux  aneslhésiques,  nous  donnons  la  préférence  aux 
ampoules.  Seules,  elles  assurent  une  asepsie  complète  et  un  dosage 
rigoureux.  Elles  ne  nécessitent  aucun  préparatif  au  moment  de 
l'opération.  Il  existe  des  ampoules  de  formes  très  diverses.  Robert 
et  Leseurre  ont  construit  un  modèle  de  tubes  qui  peuvent  s'adapter 
par  une  de  leurs  extrémités  au  pavillon  d'une  aiguille  ordinaire  et 
qui  renferment  une  boule  de  verre  qu  un  mandrin  fait  progresser  et 
qui  chasse  le  liquide.  On  conçoit  que  ce  modèle  remplaçant  toute 
seringue  ne  convienne  que  pour  les  injections  dans  des  tissus  très 
lâches. 

Les  ampoules  ordinaires,  fabriquées  aujourd'hui  couramment, 
sont  suffisantes.  Au  moment  de  s'en  servir,  on  marque  d'un  trait  de 
lime  la  partie  amincie  et  on  la  casse  dun  léger  effort.  On  renverse 
alors  l'ampoule,  la  partie  ouverte  tournée  vers  le  sol,  et  on  y  introduit 
l'aiguille  préalablement  flambée  ou  bouillie.  Il  suffit  alors  de  tirer 
lentement  la  tige  du  piston  pour  voir  la  seringue  se  remplir. 

TECHNIQUE. 

\Sn  certain  nombre  de  méthodes,  souvent  fort  différentes  les  unes 
des  autres  quant  à  leur  technique,  sont  employées  en  stomatologie 
pour  obtenir  l'insensibilisation  de  la  dent  ou  des  tissus  qui  la  fixent 
au  maxillaire.  On  peut  les  classer  ainsi  : 

Injection  sous-gingivale  ; 

Injection  intragingivale;  ' 

Injection  sous-périostée  ; 

Injection  intraligamenteuse  ; 

Injection  intra-osseuse  ou  diploïque  ; 

Injection  distale. 

On  peut  également  recourir  à  l'anesthésie  du  tronc  nerveux 
innervant  certains  groupes  de  dents  lanesthésie  sectionnelle),  telles 
l'anesthésie  du  nerf  dentaire  inférieur,  lanesthésie  du  nerf  maxillaire 
supérieur,  lanesthésie  du  nerf  dentaire  antérieur,  etc. 

Anesthésjie  de  la  muqueuse.  —  Quel  que  soit  leprocédéchoisi, 
il  peut  être  utile,  avant  de  faire  l'injection  dans  les  tissus,  d'obtenir 
l'insensibilisation  de  la  muqueuse.  Cette  anesthésie  superficielle 
peut  rendre  encore  de  grands  services  quand  il  s'agit  de  petites 


ANESTHÉSIE  DE  LA  MUQUEUSE. 


287 


opérations  praliquées  sur  les  gencives,  incision  d'abcès  iluctuants, 
pointes  de  feu,  scarifications,  etc.  Elle  s'obtient  par  un  simple  badi- 
geonnage  d'une  solution  concentrée. 

De    nombreuses    formules    ont    été    préconisées    pour    cela,    et 


^^f^ 


F'ig.  74.  —  Tube  et  Fi^-.  "5.  —  Section  du         Fig.  76.  — Tube  muni  de  l'aiguille 

mandrin.  tube.  et  du  mandrin. 

(Robert  et  Carrière.)  (Robert  et  Carrière.)  (Robert  et  Carrière. 

la    plupart    empruntent    à    la    cocaïne    son    action    anesthésique 
Poinsot  conseillait  la  suivante    : 

Éther  sulfurique j 

Alcool  à  95» ,  aa  10  grammes . 

Glycérine  à  30»  chimiquement  pure ) 


288  NOGUE.  —  ANESTHESIE. 

Acide  phéaique  synthétique j 

Clilorhydrate  de  cocaïne  ou  holocaïnc '  Sa     1   gramme. 

Salol.."^ ^ 

Chloroforme 5  grammes . 

En  1898,  le  D''  Bonain  (de  Brest)  préconisa  une  formule  spéciale 
pour  Tanesthésie  du  tympan,  qui  fut  adoptée  par  tous  les  rhinolo- 
gistes  et  dénommée  par  eux  mixture  de  Bonain.  Elle  était  ainsi 
composée  : 

Chlorhydrate  de  cocaïne \ 

Menthol  cristallisé âa  P.  E. 

Acide  phénique  neigeux ^ 

On  mélange  ces  trois  substances,  qui  se  liquéfient  lentement  par 
simple  contact  si  Ton  se  contente  de  les  mettre  en  présence,  rapi- 
dement si  Ton  place  le  mélange  au  bain-marie,  ou  si  on  le  triture 
dans  un  mortier.  Bonain  recommandait  d'imbiber  de  ce  liquide  une 
boulette  de  coton  hydrophile  de  la  grosseur  d'un  pois  et  de  la  porter 
à  l'aide  d'une  pince  au  contact  du  tympan.  Au  bout  de  cinq  minutes, 
ce  tampon  était  enlevé.  Si  Ion  examinait  alors  le  tympan,  on  cons- 
tatait qu'il  présentait  un  aspect  blanchâtre  dû  à  la  formation  d'une 
escarre  superficielle.  Voici  comment  on  explique  l'action  de  la 
mixture  de  Bonain.  Le  tympan,  formé  de  trois  couches  super- 
posées, présente  une  couche  externe,  superficielle,  cutanée, 
inaccessible  comme  lépiderrae  à  Tanesthésie  par  simple  contact 
ifune  solution  de  cocaïne.  Dans  la  mixture  de  Bonain,  l'acide  phé- 
nique neigeux,  caustique  puissant,  attaque  cette  couche  cutanée  du 
tympan,  la  ramollit  et  permet  à  la  cocaïne  d'agir  ;  quant  au 
menthol,  il  atténue  la  sensation  de  brûlure  produite  par  l'acide 
phénique. 

Plus  tard  Bonain  modifia  sa  formule  de  la  façon  suivante  : 

Phénol  absolu  ou  synthétique   1   gramme. 

Menthol 1         — 

Chlorhydrate  de  cocaïne 1         — 

Chlorhydrate  d'adrénaline Os'.Ol 

Pour  utiliser  ces  préparations  en  stomatologie,  on  badigeonne 
soigneusement  la  muqueuse,  préalablement  débarrassée  de  salive, 
à  l'aide  d'un  coton  imbibé  de  mixture.  En  quelques  secondes,  la 
muqueuse  blanchit  et  prend  la  teinte  nacrée  des  tissus  touchés 
par  de  l'acide  phénique,  par  de  l'acide  trichloracétique.  Dès  que 
cette  coloration  est  obtenue,  l'anesthésie  de  la  muqueuse  est  à  son 
maximum.  Cette  insensibilisation  dure  peu,  aussi  faut-il  intervenir 
de  suite. 

Il  est  prudent  de  ne  pas  répéter  les  badigeonnages  plusieurs  fois 
sur  les  mêmes  points  en  une  même  séance,  sous  peine  de  déter- 
miner un  sphacèle  superficiel. 


INJECTION    GINGIVALE. 


289 


L' Al  D 
M 


Tnioctîoii  g-iiigivalc.  —  L'injeclion  dans  la  gencive  peut  se 
îaire  de  deux  manières.  Ou  bien  le  liquide  est  poussé  dans  le  tissu 
cellulaire  [sous-muqueux,  ou  bien  il  est  poussé  dans  la  trame  môme 
<le  la  muqueuse.  Dans  le  premier  cas,  on  voit  immédiatement  se 
produire  une  bour- 
souflure à  l'extrémité 
•de  Taiguille.  Ce  pro- 
cédé, longtemps  em- 
ployé, est  défectueux 
•et  ne  donne  que  des 
résultats  infidèles. 
Quand  il  s'agit  d'in- 
tervenir dans  la  ré- 
gion gingivale,  sur- 
tout pour  l'extraction 
<les  dents,  l'injection 
•doit  être  faite  dans 
la  Irame  de  la  mu- 
queuse. Les  règles  que 
j\I.  Reclus  a  fixées  pour 
la  technique  de  l'anes- 
thésie  cutanée  pour- 
ront servir  d'introduc- 
tion et  de  ffuide. 


Fù 


—  Coupe  frontale   passant  par  la  deuxième 
prémolaire  supérieure  (schématique). 


L'aiguille  de  la  se- 


Cp,  Cavité  pulpaire,  FMP,  fibro-muqueuse  palatine; 
L'AID,  ligament  alvéolo-dentaire  ;  L'-  ex.  art.  alv.  d., 
ligament  externe  de  l'articulation  alvéolo-dentaire  ; 
ringue  de  Pravaz  doit  M,  maxillaire;  M^r,  muqueuse  gingivale;  P,  Per.,  pé- 
ptvpintrndiiifppnnlein    "°^^®  =   ^■^'  tissu  cellulaire  (Fargin-Fayolle). 

etiemtroauiteenpiem  ^  injection  intra-muqueuse  ;  2,  injection  sous- 
derme;  on  exerce  une  muqueuse  para-apicale  ;  3,  injection  diploïque. 
pression  légère  et  con- 
tinue sur  le  piston,  de  fa«:on  à  ce  que,  après  la  première  piqûre,  les 
tissus  soient  déjà  sous  l'influence  de  la  cocaïne:  l'aiguille  va  che- 
miner ensuite  toujours  dans  l'épaisseur  du  derme,  et,  au  fur  et  à 
mesure  de  sa  pénétration,  la  cocaïne  va  être  déposée  dans  les  mailles 
du  tissu.  Il  faut  faire  une  injection  traçante  et  continue,  et  non 
pas  une  injection  par  à-coups  successifs;  cette  pression  continue  a 
pour  but  précisément  d'éviter  l'introduction  dans  une  veine  et 
l'impression  rapide  des  centres  nerveux  sous  l'influence  de  la  co- 
caïne. Il  est  évident  que,  sous  l'eflet  de  cette  pression  continue 
exercée  sur  le  pistou  de  la  seringue,  une  très  petite  quantité  de 
cocaïne  peut  seule  être  introduite  dans  une  veine,  si  l'aiguille 
vient  à  en  traverser  une.  Cette  quantité  sera,  par  conséquent, 
absolument  négligeable  et  très  ditférenle  de  celle  qui  aurait  pu  y 
pénétrer,  si  cette  aiguille  était  restée  en  place. 

Enfin,  dans  les  tissus  mous,  M.   Reclus  conseille  de   faire  une 
injection  rétrograde,   c'est-à-dire  d'enfoncer  tout  d'abord  l'aiguille 

Traité  de  stomatologie.  VI.  19 


290  NOGUE.  —  ANESTHESIE. 

jusqu'à  son  extrémité,  puis  de  presser  doucement  et  régulièrement 
sur  le  piston  en  retirant  lentement  l'aiguille  des  tissus  ;  il  donne 
ce  conseil  notamment  pour  faire  des  injections  de  cocaïne  dans  les 
lèvres,  dans  la  langue,  dans  le  col  utérin,  dans  la  région  anale,  dans 
les  régions  où  se  sont  développés  des  angiomes.  Par  la  mise  en 
œuvre  de  ce  procédé,  on  voit  se  former,  après  linjection  de  cocaïne, 
une  ligne  blanchâtre  proéminente  qui  est  précisément  la  limite  de  la 
région  analgésiée  sous  l'influence  de  la  solution  de  cocaïne.  Cette 
ligne  de  démarcation  occupe  une  largeur  de  1  centimètre  au  plus, 
et  c'est  dans  cette  zone  que  devra  agir  l'instrument  tranchant.  Elle 
peut  être  étendue  dans  une  petite  proportion  en  pratiquant  un  massage 
léger  après  l'introduction  de  la  cocaïne;  on  facilite  ainsi  la  diffusion 
de  la  solution  dans  un  espace  de  l'=™,5  à  2  centimètres  au 
maximum. 

Les  injections  d'alcaloïde  doivent  être  «  traçantes  »  et  continues  : 
il  y  aura  autant  de  traînées  analgésiantes  que  de  couches  anato- 
miques  à  diviser  par  le  bistouri  ;  si  donc  lincision  doit  aller  jusqu'à 
l'os,  on  insensibilisera,  successivement  et  séparément  :  la  peau, 
l'aponévrose,  les  muscles,  les  gros  troncs  nerveux  et  le  périoste.  Il 
ne  faut  pas  oublier  d'ailleurs  que  lalcaloïde  ne  diffuse  guère  que 
de  Oc^jS  en  tous  sens  ;  au  delà  de  cette  zone,  la  sensibilité  persiste 
à  peu  près  intacte. 

La  rapidité  plus  ou  moins  grande  des  injections  influence  aussi 
l'empoisonnement,  et  toutes  choses  égales  d'ailleurs,  en  fait  de  dose 
et  de  titre  des  solutions,  linjection  deviendra  indifférente  ou  nocive 
^elon  que  la  substance  toxique  aura  pénétré  dans  les  tissus  lentement 
ou  vite.  Et  voilà  pourquoi  nombre  d'opérations  compliquées,  cure 
radicale  de  hernie,  dilatations  anales  avec  extirpation  de  paquets 
hémorroïdaires  nombreux,  se  font  sans  accidents  malgré  les  doses 
importantes  de  substances  analgésiques  injectées,  parce  que  les 
injections  en  ont  été  successives,  échelonnées  et  pratiquées  par 
intervalle,  à  chaque  étape  de  l'intervention. 

Il  est  bonde  toujours  se  souvenir,  quand  on  va  pratiquer  l'injection, 
des  formes  anatomiques  des  dents.  A  ce  point  de  vue,  les  dents  du 
maxillaire  supérieur  comme  celles  du  maxillaire  inférieur  peuvent 
être  divisées  en  groupes  distincts. 

MvcHomE  SUPÉRIEURE.  —  Au  maxillaire  supérieur,  nous  réuni- 
rons ensemble  les  incisives  et  les  canines,  dont  la  forme  générale 
affecte  celle  d'un  pivot  dans  le  sens  longitudinal  et  qui,  dans  une 
coupe  transversale  au  niveau  du  collet,  ont  une  section  circulaire. 
Nous  aurons  làun  premier  groupe  composé  desix dents.  Au  point  de 
vue  de  lextraction  comme  au  point  de  vue  de  l'anesthésie,  la  technique 
serala  même  pour  chacune  d'elles. 

L'injection  sera  faiteauniveau  dubourrelet  gingival,  de  préférence 
^ur  son  bord  libre  et  dans  la  région  qui  avoisine  l'espace  interdentaire. 


INJECTIOX    GINGIVALE.  291 

On  fera  pénétrer  la  pointe  de  Taiguille  d'un  petit  coup  sec  à  la  pro- 
fondeur de  l  ou  "2  millimètres.  L'injection  est  alors  poussée  très  len- 
tement, et  lamuqueuse  blanchit  aussitôt.  On  enfonce  ensuite  l'aiguille 
plus  profondément,  ce  qui  estalors  d'autant  plus  aisé  qu'elle  chemine 
dans  un  tissu  déjà  insensible.  Quand  la  zone  blanche  dépasse  la 
hauteur  présumée  de  l'apex,  il  est  temps  de  s'arrêter.  On  renou- 
velle alors  la  même  manœuvre  du  côté  de  l'autre  espace  interdentaire. 
Cela  fait,  on  pratique  sur  la  muqueuse  palatine  une  ou  deux  injections 
semblables.  On  attend  quelques  minutes  avant  d'intervenir. 

Les  prémolaires  forment  le  deuxième  groupe.  Nous  aurons  là  des 
dents  de  forme  sensiblement  similaire.  Sur  une  coupe  transversale, 
elles  donnent  une  section  aplatie  dans  le  sens  mésio-distal.  Leur 
racine  également  aplatie  se  sépare  en  deux  pointes  vers  l'apex. 
Pour  ce  groupe,  une  injection  vestibulaire  et  une  injection  palatine, 
faites  au  niveau  même  de  la  dent  sur  le  feston  gingival,  suffisent  pour 
obtenir  l'anesthésie. 

Nous  trouvons  ensuite  les  grosses  molaires.  Dans  celles-ci,  il  en  est 
une,  la  dent  de  sagesse,  qui  se  distingue  des  autres.  Nous  en  ferons 
un  groupe  à  part.  Il  nous  restera  donc  réunies  en  un  seul  groupe  les 
dents  de  six  ans  et  les  dents  de  douze  ans. 

Ces  dents  se  composent  d'une  forte  couronne  et  de  trois  racines, 
une  palatine  et  deuxvestibulaires,  toutesdivergenles,  formant  trépied 
implanté  dans  le  maxillaire.  Il  faudra,  pour  ce  troisième  groupe, 
formé  de  quatre  dents,  faire  quatre  piqûres,  deux  du  côté  du  vesti- 
bule et  deux  du  côté  du  palais,  dans  le  feston  gingival,  au  niveau  des 
espaces  interdentaires.  Celte  forme  divergente  des  racines  et  la  pro- 
fondeur de  leur  pénétration  dans  l'os  rendront  parfois  deux  piqûres 
supplémentaires  nécessaires.  L'une  sera  faite  entre  les  deux  racines 
divergentes,  aussi  haut  que  possible  vers  l'apex,  l'autre  de  môme  sur 
la  racine  palatine. 

Enfin  les  dents  de  sagesse  forment  le  quatrième  groupe.  Leur 
forme  est  celle  d'un  gros  pivot.  Ici  deux  piqûres,  l'une  vestibulaire 
et  l'autre  palatine,  seront  faites  d'après  les  mêmes  règles.  On  en  fera 
une  troisième  sur  le  feston  gingival  de  la  tubérosité  du  maxillaire, 
du  côté  distal  de  la  dent. 

MACHomE  INFÉRIEURE.  — A  la  mâchoirc  inférieure,  au  lieu  de  quatre 
groupes,  nous  n'en  trouverons  que  trois,  les  deux  premiers  étant 
réunis  en  un  seul. 

Incisives,  canines  et  prémolaires  formeront  en  elTet  le  premier 
groupe,  composé  de  dents  aplaties  dans  le  sens  mésio  distal  et  n'ayant 
qu'une  seule  racine  de  même  forme  générale.  L^ne piqûre  vestibulaire 
et  une  piqûre  linguale  suffiront  ici.  L'injection  sera  faite  d'après  les 
mêmes  principes. 

Le  deuxième  groupe  comprend  les  dents  de  six  ans  et  de  douze  ans. 
Celles-ci    ont   une    couronne    généralement    très     volumineuse  et 


292  rs'OGUE.  —  ANESTHESIE. 

deux  racines  aplaties  dans  le  même  sens  que  les  précédentes,  Tune 
mésiale  et  l'autre  distale.  Ici  quatre  piqûres  seront  nécessaires;  cha- 
cune sera  faite  au  niveau  des  interstices  dentaires  du  côté  vestibu- 
laire  et  lingual.  Il  sera  bon  parfois  de  pratiquer  deux  injections  sup- 
plémentaires, unede  chaque  côté,  dansTespaceinterradicuIaire,  aussi 
près  que  possible  de  Tapex. 

Enfin  le  troisième  groupe  est  composé  des  dents  de  sagesse. 
Celles-ci  n'ont  généralement  qu'une  seule  racine,  parfois  deux 
accolées,  mais  la  forme  de  cette  racine  incurvée  en  arrière  et  en 
haut,  profondément  implantée  dans  le  maxillaire,  rend  l'anesthésie 
très  difficile.  On  fera  ici  une  injection  vestibulaire,  une  injection 
linguale  et  une  injection  distale. 

Injection  sous-pérîostée. —  Cette  méthode  consiste  à  porterie 
liquide  anesthésique  sous  le  périoste  même  du  maxillaire,  tant  du 
côté  vestibulaire  que  du  côté  lingual.  L'aiguille  étant  enfoncée  direc- 
tement jusqu'à  la  rencontre  de  l'os,  on  essaie  alors  de  faire  pénétrer  la 
pointe  sous  le  périoste  même.  On  conçoit  combien,  dans  la  pratique, 
il  est  difficile  de  réussir  cette  manœuvre  d'une  façon  certaine.  Quoi 
qu'il  en  soit,  une  partie  du  liquide  atteintréellementle  périostemême, 
tandis  que  la  majeure  partie  se  répand  vraisemblablement  sur  la 
surface  de  l'os,  dans  le  tissu  sous-muqueux.  L'anesthésie  obtenue  est 
souvent  très  satisfaisante,  surtout  si  l'on  a  eu  recours  à  lanovocaïne. 
Pour  le  choix  despoints  d'injection,  on  peut  se  guider  sur  les  indica- 
tions précédentes. 

Injection  intraligamenteuse.  —  L'injection  d'un  liquide 
anesthésique  dans  le  ligament  qui  fixe  la  dent  au  maxillaire  devait 
tenter  fortement  les  dentistes.  Aussi  de  nombreuses  tentatives  furent- 
elles  faites  pour  atteindre  ce  but.  Des  instruments  spéciaux  furent 
imaginés,  permettant  une  pression  considérable,  capable  de  vaincre 
l'énorme  résistance  du  ligament.  Ces  tentatives,  très  intéressantes  en 
elles-mêmes,  n'ont  pas  donné  de  résultat  pratique.  Sans  doute,  dans 
nombre  de  cas,  l'anesthésie  était  obtenue,  mais  au  prix  d'un  effort 
considérable  de  l'opérateur,  d'une  douleur  vive  chez  le  patient  pen- 
dant l'injection.  Dans  ce  cas  môme,  l'opération  déterminait  une 
arthrite  très  marquée.  Mais,  dans  l'immense  majorité  des  cas,  ce 
procédé  ne  donnait  que  des  insuccès,  tantôt  le  liquide  ne  pouvant 
pénétrer  dans  le  ligament  par  suite  de  sa  trop  grande  densité  ou  par 
suite  de  la  résistance  des  tissus,  tantôt  du  fait  de  leur  état  patholo- 
gique ou  de  leur  destruction  partielle. 

Injection  diploïque.  —  L'anesthésie  diploïque  est  obtenue  par 
la  pénétration  du  liquide  actif  dans  les  mailles  du  tissu  spongieux  des 
maxillaires,  dans  le  diploé,  où  il  vient  au  contact  des  filets  nerveux 
innervant  la  dent  et  son  ligament  de  maintien.  Pour  arriver  à  ce 
résultat,  il  est  nécessaire  de  franchir  la  table  de  tissu  compact  qui 
forme  autour  du  tissu  spongieux  une  barrière  solide. 


INJECTION    DIPLOÏQUE.  293 

Un  c^rand  nombre  d'expériences  entreprises  par  nous  sur  des  os 
frais  nous  donnèrent  la  certitude  que  la  table  de  tissu  compacte  qui, 
dans  les  deux  mâchoires,  protégeait  de  tous  côtésle  tissu  spongieux, 
était  en  tous  points  aisément  franchissable.  Il  suffisait  pour  cela  de 
se  servir  d'un  petit  foret  monté  sur  le  tour  à  pédale  ou  sur  le  tour 
électrique  etanimé  d'unmouvementde  rotation  rapide.  L'application 
de  ce  foret  perpendiculairementsurl'os  permettait, avec  une  pression 
légère,  de  perforer  avec  la  plus  grande  facilité  celte  table  de  tissu  dur. 
Parle  pertuis  artificiel  ainsi  créé,  le  tissu  spongieux  devenait  accec- 
sible.  Aussi  bien  du  côté  palatin  ou  lingual  que  du  côté  jugo-labial, 
au  maxillaire  supérieur  aussi  bien  qu'au  maxillaire  inférieur,  cette 
perforation  était  facile. 

Restait  maintenant  à  savoir  s'il  était  possible,  et  dans  quelles  pro- 
portions, de  faire  pénétrer  par  ce  canal  dans  le  tissu  spongieux  une 
solution  quelconque.  Nous  eûmes  recours  pour  cela  à  une  solution 
aqueuse  de  bleu  de  méthylène.  A  l'aide  d'une  seringue  de  2  centi- 
mètres cubes,  armée  d'une  canule  tronconique  calibrée  sur  le  foret, 
nous  injectâmes  le  liquide  coloré  dans  l'os.  Nous  constatâmes  d'abord 
que,  quel  quefùt  lepoint  choisi,  il  n'était  nécessaire  d'exercer  aucune 
pression  pour  faire  pénétrer  la  solution  dans  le  tissu  spongieux  :  elle 
entrait  dans  les  maxillaires  avec  autant  de  facilité  que  dans  une  cavité 
réelle. 

Cette  deuxième  constatation  effectuée,  il  nous  fut  aisé,  grâce  à  la 
coloration  intense  du  bleu  de  méthylène,  de  chercher  quel  était  le 
degré  de  perméabilité  de  ces  tissus.  Au  maxillaire  supérieur  comme  au 
maxillaire  inférieur,  on  pouvait  voir  le  liquide  coloré  sourdre  en  plu- 
sieurs points  à  travers  la  table  de  tissu  compact.  Il  en  était 
ainsi  même  quand  l'os  était  recouvert  de  son  périoste.  Le  revêtement 
périoste  enlevé,  cette  perméabilité  du  tissu  dur  apparaissait  encore 
plus  nettement.  C'était  évidemment  par  les  petits  orifices  livrant 
passage  aux  faisceaux  vasculo-nerveux  que  venait  sourdre  à  l'exté- 
rieur le  liquide  injecté.  Surdes  coupes  de  l'os  faites  dans  divers  sens, 
il  fut  aisé  de  constater  que  les  mailles  du  tissu  spongieux  avaient 
été  imprégnées  complètement.  Chaque  injection  de  0'™,5  ou  de 
1  centimètre  cube  formait  autour  de  la  dent  une  zone  colorée  l'en- 
veloppant complètement  et  se  propageant  parfois  à  une  assez  grande 
distance. 

Pour  donner  une  idée  de  cette  perméabilité  du  tissu  spongieux, 
citons  une  de  nos  expériences  portant  sur  le  maxillaire  inférieur. 
Ayant  perforé  avec  le  foret  monté  sur  le  tour  la  table  externe  de  l'os 
entre  les  deux  prémolaires,  à  1  centimètre  du  collet,  nous  injectâmes 
par  le  pertuis  I  centimètre  cube  de  la  solution  bleue.  Nous  consta- 
tâmes aussitôt  par  simple  transparence,  devant  une  lampe  électrique, 
la  présence  d'une  zone  sombre  s'étendant  jusque  dans  la  branche 
montante,  zone  qui  évidemment  n'existait  pas  avant  l'injection. 


29^ 


NOGUÉ.  —  ANESTHÉSIE. 


Eu  effet,  parties  coupesétagées  de  los,  il  nousfutpossible  de  suivre 
noire  solution  colorée  et  de  la  poursuivre  jusque  dans  l'épaisseur  du 
condyle  et  le  sommet  même  de  1  apophyse  coronoïde.  Il  est  vrai  de 
dire  que,  dans  ce  maxillaire,  toutes  les  grosses  molaires  manquaient, 
ce  qui  évidemment  ne  pouvait  que  favoriser  la  diffusion  du  liquide. 
Mais  cet  exemple  montre  cependant  dune  façon  péremptoire  l'extrême 
perméabilité  du  tissu  spongieux. 

N'était-il  pas  légitime  de  penser  que  cette  imprégnation  osseuse, 
si  aisément  obtenue  surle  cadavre  avec  une  solution  colorée,  s'obtien- 
drait de  même  sur  le  vivant  avec  une  solution  anesthésique  ? 

S'il  était  démontré,  d'autre  part,  que  c'est  bien  dans  le  tissu  spon- 
gieux que  passent  les  filets  nerveux  innervant  les  dents  et  leur  liga- 


'  '^-^l^'^'^'-^'csi^ 


^le-   '8.  —  Maxillaire  supérieur.   Innervation  des  dents  (Beaunis  et  Bouchard), 

ment,  ne  devait-on  pas  obtenir  par  cette  imprégnation  une  anesthésie 
absolue  ? 


Que  les  filets  nerveux,  filaments  sensitifs  venant  de  la  pulpe,  tra- 
versent le  tissu  spongieux,  la  chose  est  hors  de  doute.  Il  serait  diffi- 
ciledeconcevoir  une  voiedifférente,  l'apex  radiculaire  étant  implanté 
dans  l'os  au  fond  de  la  cavité  alvéolaire.  Le  ligament  lui-même  doit 
sa  sensibilité  aux  filaments  venus  du  faisceau  apical  et  des  parois 
alvéolaires.  Tomes  dit  en  effet  que  ces  nerfs  viennent  en  grande 
partie  de  ceux  qui  se  rendent  à  la  pulpe  dentaire  :  quelques  filets 
nerveux  viennent  des  canaux  interalvéolaires,  et  ces  canaux  qui  con- 
tiennent des  vaisseaux  et  des  nerfs  sont  situés  dans  les  cloisons 
verticales  qui  séparent  les  alvéoles  des  dents  contiguës. 

Nos  recherches  entreprises  dès  le  premiers  mois  de  l'année  1906  et 
poursuivies  sans  interruption  tant  dans  le  service  dentaire  de  l'Hôtel- 
Dieu  de  Paris  que  dans  notre  clinique  privée,  nous  ont  permis  defixer 
les  règles  d'une  technii  ne  simple  permettant  au  praticien  d'ob- 
tenir, avec  des  doses  minimes  d'alcaloïde,  cette    imprégnation  du 


INJECTION   DIPLOiQUE. 


295 


tissu  sponp^icux  et  par  suite  une  anesthésie  locaJe  absolue.  C'est 
cette  méthode  que  nous  avons  proposé  d'appeler  anesthésie 
diploïque  (1). 

Considérations  anatomiques.  —  Mais,  pour  se  guider  dans 
l'application  de  la  méthode,  il  est  absolument  nécessaire  d'entrer 
dans  quelques  considérations  anatomiques. 

Examinons  d'abord  le  maxillaire  supérieur. 

L'apophyse  alvéolaire  du  maxillaire  supérieur,  dit  Tomes,  peut 
être  décrite  comme  formée  de  deux  lames  osseuses  aplaties,  l'une 
interne,  l'autre  externe,  réunies  par  de  nombreuses  cloisons  transver- 


ci. 


Pr  Orb . 


■R.d 


Fijj.  79.  —  Coupe  verticale  et  antcro-postérieure  passant    par  le  bord  alvéolaire 
(segment  interne  de  la  coupe). 

Crêtes  verticales  et  à  direction  transversale  divisant  le  plancher  en  compar- 
timents ou  fosses.  —  RD,  racines  dentaires  ;  O.G,  orifice  de  Giraldès  (Sieur  et 
Jacob). 

sales.  Les  alvéoles  dentaires  ne  sont  autre  chose  que  les  espaces 
compris  entre  les  cloisons. 

Si  Ton  examine  l'intérieur  d'un  alvéole,  on  voit  que  de  tous  côtés 
l'os  est  très  poreux,  criblé  de  trous  à  large  ouverture,  et  que  tout  au 
fond  existe  un  trou  plus  large  qui  livre  passage  aux  vaisseaux  et  nerfs 
de  la  dent. 

L'alvéole  de  chaque  dent  en  particulier  est  formé  d  une  mince 

(1)  D'après  le  D"-  Allaeys  (d'Anvers),  M.  Oré,  dentiste  à  Groningue,  aurait,  en  1896, 
publié  une  communication  sur  l'injection  intra-osseuse  de  cocaïne  «  Maljrré  mes 
instances  auprès  de  l'auteur  etde  son  éditeur,  ce  travail  est  resté  introuvable  pour 
moi  comme  pour  le  confrère  Wiersema  lui-même  »  (Allaeys,  Communication, 
21  avril  1907,  Société  belge  de  slomatoloffie). 

Le  Dr  "Wiersema,  qui  poursuivait  les  mêmes  recherches,  fit  connaître  les  ré- 
sultats de  ses  expériences  en  décembre  1906. 


296  NOGUÉ.  —  ANESTHÉSIE. 

coque  osseuse  d'un  tissu  relativement  compact,  entouré  d'une  masse 
de  tissu  spongieux  :  la  coque  de  tissu  compact  vient  se  confondre 
avec  les  lames  corticales  également  compactes  du  maxillaire,  au 
niveau  du  bord  libre  des  alvéoles,  près  du  collet  de  la  dent. 

Sur  la  face  zyg'omatique,  on  remarque  de  nombreux  orifices  qui 
livrent  passage  aux  vaisseaux  et  nerfs  dentaires  postérieurs. 

Les  nerfs  dentaires  postérieurs,  au  nombre  de  deux,  descendent 
sur  la  tubcrosité  de  l'os  et  entrent  dans  les  canaux  dentaires  posté- 
rieurs pour  se   distribuer  aux  dents  bicuspides  et  molaires  :  une 


Fig.  80.  —  Maxillaire  inférieur.  Vaisseaux  et  nerf  des  dents 
(Preiswerk  et  Chompret). 

branche  pénètre  dans  le  sinus  et  en  longe  la  partie  inférieure^ 
s'anastomosant  avec  les  nerfs  dentaires  inférieurs,  tandis  qu'une 
autre,  longeant  le  bord  alvéolaire,  se  rend  aux  gencives. 

Le  nerf  dentaire  antérieur  part  du  maxillaire  supérieur  un  peu 
avant  sa  sortie  du  trou  sous-orbitaire.  Il  s'anastomose  avec  les  nerfs^ 
dentaires  postérieurs  et  envoie  des  fdelsaux  dents  incisives,  cuspidées 
et  première  bicuspidée,  et  d'autres  à  la  muqueuse  du  méat  inférieur. 
Ce  nerf  émerge  du  trou  sous-orbitaire  entre  le  muscle  élévateur  de 
la  lèvre  supérieure  et  de  l'aile  du  nez  et  le  muscle  canin  pour  se 
diviser  en  plusieurs  branches  :  quelques-unes  vont  en  haut  vers  le 
nez  et  les  paupières,  d'autres  en  bas  et  en  dehors  à  la  lèvre  et  à  la 
joue,  s'anastomosant  avec  la  branche  nasale  de  l'ophtalmique  et  la 
branche  faciale  de  la  portion  dure  de  la  cinquième  paire. 

L'existence  du  sinus  maxillaire  dans  le  voisinage  des  grosses  mo- 
laires oblige  à  certaines  précautions.  Nous  emprunterons  aux  remar- 
quables recherches  de  Sieur  et  Jacob  (1)  les  documents  anatomiques 
suivants,  qui  nous  seront  de  la  plus  grande  utilité. 

Le  plancher  du  sinus  maxillaire  présente  de  grandes  variétés  de 
lormes  et  de  dimensions.  Suivant  l'épaisseur  du  rebord  alvéolaire  et 
l'étendue  de  la  cavité  sinusale,  il  est  plat  ou  excavé,  large  ou  étroit^ 

(1)  Sieur  et  Jacob,  Recherches  anatomiques.  cliniques  et  opératoires  sur  les. 
fosses  nasales  et  leurs  sinus    Paris,    1906. 


INJECTION   DIPLOIQUE. 


297 


et  fréquemment  paiiag^é  en  plusieurs  compartiments  par  des  crêtes 
transversales  qui  limitent  ainsi  de  véritables  fosses. 

Son  étendue  n'est  pas  en  rapport  avec  celle  du  rebord  alvéolaire 
et  se  trouve  ordinairement  comprise  entre  les  premières  prémolaires 


Fig.  81. — Coupe  transversale  du  maxillaire       Vi^.    S2.  —    Le  plancher    du    sinus 
supérieur  passant  en  arrière  delà  première  e-t   au-dessus   delà    voûte   pala- 


prémolaire.  Le  plancher  du  sinus  descend 
au-dessous  de  la  voûte  palatine. 


t  ne. 


et  la  tubérosité  postérieure  du  maxillaire.  Parfois  même,  la  coupe 
sagittale  du  sinus  ayant  la  forme  d'un  cercle  plus  ou  moins  irrégulier, 
le  plancher  répond  à  peine  aux  trois  dernières  grosses  molaires. 

Comparé  à  la  voûte  palatine,  le  plancher  du  sinus  descend  ordinai- 
rement au-dessous  de  cette 
dernière,  à  une  profondeur 
qui  varie  suivant  la  forme  de 
la  voûte  et  le  degré  de  résor- 
ption du  tissu  spongieux  qui 
recouvre  ordinairement  les 
racines  dentaires.  D'après  nos 
mensurations,  cette  profon- 
deur peut  être  évaluée  en 
moyenne  à  9  millimètres  et  pj, 
peut  dépasser  10  à  12  milli- 
mètres. Par  contre,  le  plancher 

se  trouve  assez  souvent  correspondre  à  la  voûte  palatine  :  très  rare- 
ment il  ne  descend  pas  jusqu'à  son  niveau. 

La  distance  qui  sépare  le  fond  du  sinus  du  collet  des  dents  est 
naturellement  subordonnée  à  la  disposition  plus  ou  moins  plane  du 
plancher  du  sinus  et  à  l'épaisseur  de  la  couche  de  tissu  spongieux 
séparant  le  plancher  des  voûtes  alvéolaires. 

La  distance  la  plus  grande  s'observe  au  niveau  des  prémolaires. 
Chez  certains  sujets,  cette  distance  atteint  15  et  18  millimètres  et 
descend  rarement  au-dessous  de  9  à  7  millimètres.  Au  niveau  des 
grosses  molaires,  particulièrement  au  niveau  des  deux  premières,  la 
hauteur  qui  sépare  le  plancher  du  collet  de  la  dent  est  au  maximum 


83.  —  Le  plancher  du  sinus  est  au  niveau 
de  la  voûte  palatine. 


298 


NOGUE. 


ANESTHESIE. 


Fig.  84. 


Rapports  du  canal  dentaire  avec  les  racines 
lies  molaires  et  des  prémolaires. 


de  12  à  13  millimètres  et  descend  parfois  à  3  millimètres;  elle  est  en 
moyenne  de  7  millimètres. 

Entre  les  coupoles  alvéolaires  et  le  plancher  se  trouvent  des  conduits 
osseux  quelquefois  réunis  sous  forme  de  vacuoles  qui  logent  les 
vaisseaux  et  les  nerfs  chargés  d'irriguer  et  d'innerver  la  dent.  En  ce 

qui  concerne  les 
vaisseaux,  ils  sont 
en  communica- 
tion avec  ceux  de 
la  fosse  canine  et 
du  rebord  orbi- 
taire,  ce  qui  nous 
explique  la  pro- 
pagation à  ces  ré- 
gions de  proces- 
sus infectieux  à 
point  de  départ 
alvéolaire.  Les 
mêmes  communi- 
cations existant 
souvent  entre  les  vaisseaux  de  la  muqueuse  sinusale  et  ceux  des 
alvéoles,  le  pus  gagne  fréquemment  le  sinus  par  leur  intermédiaire, 
aidé  dans   sa    marche  par  la  minceur  du  plancher  sinusal. 

La  mâchoire  inférieure  peut  être  considérée  comme  formée  de 
deux  lames  de  tissu  compact  entourant  de  toutes  parts  une  masse 
de  tissu  spongieux,  dont  les  travées  circonscrivent  le  canal  dentaire 
qui  chemine  au  milieu  d'elles.  La  cavité  médullaire  s'étend  jusqu'au 
voisinage  des  racines,  d'après  Preiswerk,  et  les  entoure  même  du 
côté  de  la  langue  et  de  la  joue,  ce  qui  explique  la  propagation 
rapide  des  affection  du  périoste  dentaire  à  l'os  maxillaire.  Testut 
considère  le  tissu  central  lui-même  comme  très  dense  et  comme 
méritant  seulement  au  niveau  du  canal  dentaire  le  nom  de  tissu 
spongieux.  Nous  avons  vu  cependant  combien  ce  tissu  est  perméable 
au  liquide,  et  nous  verrons  plus  tard  que,  sur  le  vivant,  il  en  est  de 
même. 

Au  milieu  de  ce  tissu  spongieux,  dans  un  canal  propre,  chemine 
le  nerf  dentaire  inférieur.  Pour  bien  concevoir  comment  sont 
innervésle  maxillaireinférieuretlesdentsauxquellesil  sertde  support, 
et  pour  bien  comprendre  la  richesse  nerveuse  de  la  partie  centrale 
de  cet  os,  il  faut  se  reporter  à  la  description  que  nous  en  a  donnée 
Daniel  Mollière  : 

A  l'instant  où  il  pénètre  dans  le  canal  dentaire  inférieur,  le  nerf 
se  partage  en  deux  branches,  l'une  supérieure  plus  petite  {nerviis 
c/en/a//s),rautreinférieureplus  grande  (ram«sme«/a//s),  qui  marchent 
à  côté  l'une  de  l'autre  et  qui  communiquent  par  un  grand  nombre 


INJECTION    DIPLOÏQUE. 


299 


Fis.  8 


Maxillaire  infcrieur  dont  on  a  enlevé  la 
partie  buccale  pour  montrer  la  disposition  de  la 
couche  spongieuse  et  le  parcours  du  canal  dentaire 
(Preiswerk  et  Chompret). 


de  filets  anaslomotiques.  Le  menlonnier  est  un  nerf  mixte;  le  nerf 
dentaire  proprement  dit  est  avant  tout  un  nerf  sensitif,  mais  contient 
des  filets  sympathiques  en  très  grand  nombre.  Chez  la  plupart  des 
sujets,  le  canal  qui  traverse  l'os  se  bifurque  au-dessous  des  grosses 
molaires  pour  former 
une  sorte  de  canal  col- 
latéral qui  va  rejoindre 
le  canal  principal  un 
peu  plus  loin.  Le  nerf 
dentaire  s'engage  dans 
le  collatéral  ou  entre 
les  racines  de  la  pre- 
mière grosse  molaire 
quand  ce  canal  n'existe 
pas. Avant  d'y  pénétrer, 
il  envoie  sur  l'artère  un 
filet  nerveux,  dépen- 
dance du  plexus  de  la 
maxillaire  interne  ;  les  rameaux  s'anastomosent  par  un  filet  gros  et 
court  au  tronc  commun  dentaire  et  mentonnier,  puis  ils  forment  un 
plexus  assez  riche  autour  des  molaires,  envoient  un  filet  dans  chaque 
racine,  puis,  s'insinuant  entre  elles  et  les  alvéoles,  ressortent  par  les 
gencives. 

C'est  à  ce  niveau-là  qu'ils  s'anastomosent  avec  le  lingual.  11  y  a  là 
vraisemblablement  de  petits  filets  du  lingual  qui  traversent  la  table 
interne  de  l'os  pour  aller  s'anastomoser  avec  les  ramuscules  du 
plexus  dentaire  inférieur  (Valentin).  Les  branches  qui  vont  se  perdre 
dans  les  cellules  osseuses  sont  excessivement  petites.  Le  nerf  dentaire 
recevant  une  deuxième,  puis  une  troisième  anastomose  du  mentonnier, 
se  divise  en  longs  plexus  qui  entourent  les  racines  des  dents  ou  plutôt 
qui  se  divisent  dans  les  alvéoles,  fournissent  une  branche  à  chaque 
racine  dentaire  et  enfin  envoient  entre  les  alvéoles  et  les  dents  des 
filets  gingivaux  analogues  à  ceux  des  molaires.  Impossible  de  donner 
une  description  plus  détaillée  de  ces  plexus,  d'où  parlent  cependant 
des  filets  assez  volumineux  qui  vont  se  rendre  dans  les  cellules 
osseuses.  Mais  ce  qui  frappe  l'attention,  c'est  la  facilité  avec  laquelle 
on  reconnaît  les  points  où  la  branche  mentonnière  donne  des 
filets  aux  plexus.  Elle  reste  donc  parfaitement  distincte  dans  son 
trajet. 

Valentin  dit  :  à  la  mâchoire  inférieure  il  y  a  un  plexus  très  com- 
pliqué qu'on  appelle  le  plexus  maxillaire  inférieur.  Il  part  de  tous 
côtés  des  filets  extrêmement  nombreux  qui,  dans  les  petits  canaux 
médullaires,  forment  à  toutes  les  hauteurs  et  dans  toutes  les  directions 
un  plexus  nerveux  des  plus  serré. 

Hyrlt  admet  un  plexus  entourant  l'artère  et  fournissant  des  filets 


300 


NOGUÉ.  —  ANESTHÉSIE. 


nerveux  à  la  pulpe  des  dents,  aux  cellules  du  tissu  spongieux  et  aux 
gencives  à  travers  les  alvéoles. 

Arrivée  au  trou  mentonnier,  la  branche  mentonnière  sort  de  l'os, 
mais  le  plexus  dentaire  continue  dans  des  vacuoles  plus  ou  moins 
irrégulières  et  non  dans  un  canal  distinct  à  parois  définies,  comme 
on  le  dit  ordinairement. 

Le  canal  dentaire  régulier  n'était  destiné  qu'aux  nerfs  mentonniers  ; 
les  plexus  dentaires  sont  en  dehors  de  lui,  perdus  pour  ainsi  dire  dans 


A 

70 s  Ycrà'co  -/j-cz, 


LoLtpes  TCf/ïca  -//-a/cs-i-ersa/es    du  j?2sxi//âLre    i/?/'c'/Leur 
(j?ïot.tie  c^roil^  ^se^j?ze/zi: jooste/zcur  de  /c2  cou/je)  jonssa/iL  : 
A, en  c-iuâinè  de  Ici  5'''"''7;7û/aIra~B.e/z  aua/iâ  d&  /â.  2''"'):>rèmo/^irc.. 


\  .côte  uiterae  —  2  .cote  externe  5., 


^.U 


Fig;.  86.  —  Coupes   vertico-transversales  du  maxillaire   inférieur. 


les  cellules  osseuses.  Cette  disposition  persiste  seule  dans  la  région 
incisive.  Mais,  au  niveau  du  trou  incisif,  dans  ses  vacuoles,  à  3  milli- 
mètres environ  en  avant,  on  trouve  une  intrication  extrême  des  filets 
nerveux  qui  enlacent  l'artère  dans  un  réseau  très  serré.  J'ai  plusieurs 
fois  trouvé  dans  ce  point  des  grains  ganglionnaires  contenant  des 
cellules  nerveuses.  Il  existe  donc  un  véritable  ganglion  incisif. 

Le  nerf  vient  ressortir  immédiatement  en  arrière  des  incisives  par 
le  trou  constant,  auquel  jai  proposé  de  donner  le  nom  de  trou  incisif. 
11  se  perd  alors  dans  la  muqueuse.  Avant  sa  sortie,  il  se  distribue  en 
plexus  autourdes  racines  des  incisives,  auxquelles  il  fournit  des  filets. 
Je  ferai  remarquer,  en  terminant,  que  d'ordinaire  on  peut  séparer 
complètement  le  nerf  mentonnier  et  que  la  partie  du  mentonnier  qui 
donne  les  anastomoses  au  plexus  est  distincte  avant  même  l'entrée  du 
tronc  commun  dans  la  mâchoire.  Chemin  faisant,  le  tronc  commun 
envoie  des  branches  plus  ou  moins  volumineuses  dans  les  cellules 
osseuses  situées  au-dessous  du  canal.  On  en  rencontre  en  général 
une  plus  volumineuse  que  les  autres,  dont  la  direction  est  ordinaire- 
ment récurrente. 

Pour  les  filets  mentonniers,  on  a  vu  qu'une  grande  partie  de  ces 


INJECTION  DIPLOÏQUE  301 

nei'fs  sortaient  par  les  orifices  alvéolaires  el  les  petits  trous  périos- 
tiques  pour  s'aller  distribuer  à  la  muqueuse  gingivale.  A  sa  sortie 
de  lamûchoire,  le  nerf  mentonnier  présente  en  général  trois  faisceaux 
de  volumes  inégaux.  Presque  immédiatement  à  sa  sortie  naissent  des 
filets  qui  se  portent  aux  glandules  buccales,  à  la  muqueuse  labiale, 
à  la  peau  de  la  lèvre. 

Un  point  digne  d'intérêt  est  de  savoir  exactement  l'emplace- 
ment du  trou  mentonnier  afin  d'éviter  de  pratiquer  notre  perforation 
à  son  niveau.  C'est  encore  aux  recherches  de  Daniel  Mollière  que 
nous  aurons  recours  pour  être  fixé  sur  ce  point. 

Le  trou  mentonnier,  d'après  cet  auteur,  n'est  pas  situé  entre  la 
prémolaire  et  la  canine.  Sur  58  mâchoires,  Paulet  et  Sarrazin  {Atlas 
cVanalomie  lopographique)  l'ont  toujours  trouvé  au  niveau  de  la 
deuxième  prémolaire.  Mollière,  surses38piècessèches,ainsiquedans 
toutes  ses  dissections,  l'a  toujours  vu  en  ce  point.  «  Seulement,  je 
crois  que  l'on  a  eu  tort  en  cherchant  à  évaluer  la  distance  qui  sépare 
ce  trou  du  bord  inférieur  de  l'os,  car  elle  est  très  variable,  tandis 
que  du  collet  de  la  canine  au  trou  mentonnier  on  trouve  ordinaire- 
ment 20  millimètres,  28  fois  sur  38.  Quelquefois  on  rencontre  deux 
orifices  au  lieu  d'un  seul,  deux  orifices  à  peu  près  égaux.  Je  n'ai 
trouvé  que  deux  fois  cette  disposition  sur  mes  pièces  sèches,  mais 
mes  dissections  me  permettent  d'affirmer  quelle  est  beaucoup  plus 
fréquente. 

<<  Dans  la  région  mentonnière  de  l'os,  on  rencontre  en  général  un 
nombre  considérable  d'orificesdits  vasculaires  :  très  souvent  on  trouve 
l'un  d'entre  eux  plus  développé  et  dans  ce  cas  plus  ou  moins 
rapproché  du  rebord  alvéolaire  ou  plutôt  de  la  région  gingivale  de 
l'os.  Ils  ne  sont  plus  alors  destinés  à  donner  passage  à  des  vaisseaux, 
mais  bien  aux  ramuscules  terminaux  de  nerfs  de  la  mâchoire.  J'ai 
rencontré  10  fois  sur  38  cette  disposition.  Je  proposerai  de  donner 
à  cet  orifice  le  nom  de  trou  incisif  antérieur.   » 

Le  Dr  Ch.  Gavaroz  (1),  qui  a  fait  sur  ce  sujet  un  travail  des  plus 
intéressant,  a  constaté  sur  des  coupes  sériées  de  maxillaires  supé- 
rieurs, que  la  trame  du  tissu  spongieux  qui  unit  les  alvéoles  aux 
lames  corticales  acquiert  son  maximum  de  densité  au  voisinage 
immédiat  de  l'alvéole  et  de  la  lame  corticale,  tandis  que  la  portion 
centrale  de  l'espace  diploïque  est  composée  d'aréoles  plus  larges, 
limitées  par  des  travées  de  tissu  compact  à  direction  verticale  et 
parallèle  aux  deux  lames  corticales. 

Cette  disposition  se  rencontre  surtout  au  niveau  des  grosses 
molaires.  A  mesure  qu'on  se  rapproche  de  la  ligne  médiane,  les 
aréoles  du  tissu  spongieux  se  rétrécissent  de  telle  sorte  qu'au  niveau 
de    l'os  incisif  une  injection  poussée  à  droite  de  la  ligne  médiane 

(1)  Ch.  Gavaroz,  Contribution  à  l'étude  de  lanesthcsie  diploïque.  Thèse  de 
Paris,  1909. 


302  ^OGUE.  —  AXESTHESIE. 

passe  difficilement  du  côté  opposé.  Pour  s'assurer  du  fait,  il  eut 
recours  à  la  radiographie.  Ainsi  qu'on  peut  le  constater  sur  le  radio- 
gramme 4  (Voy.  fig.  87),  une  injection  d  acétate  de  plomb  faite 
entre  Tincisive  latérale  et  la  canine  droite  n'a  passé  qu'en  faible  par- 
tie du  côté  gauche.  Un  simple  coup  d'œil  jeté  sur  le  radiogramme  8 
nous  montre  que  la  symphyse  mentonnière  offre  une  résistance 
infiniment  moindre  aux  injections  fluides. 

La  méthode  radiographique  lui  permit  en  outre  de  mesurer  approxi- 
mativement la  capacité  de  l'espace  diploïque  du  maxillaire.  En 
suivant  sur  l'écran  la  réplétion  progressive  de  cet  espace  par  une 
injection  d'acétate  de  plomb,  et  en  arrêtant  l'injection  au  moment 
où  était  atteinte  l'opacité  complète,  il  obtint  les  chilîres  de  4,  5  et 
6  centimètres  cubes,  suivant  la  taille  des  maxillaires  injectés. 

Le  radiogramme  1  représente  un  maxillaire  supérieur  vu  de 
profil  avant  toute  injection:  le  radiogramme  2  est  la  reproduction 
du  même  maxillaire,  mais  après  injection  à  l'acétate  de  plomb  de 
tout  l'espace  diploïque.  On  voit  que  cet  espace  a  sensiblement  la 
même  hauteur  d'une  de  ses  extrémités  à  l'autre.  Seule  sa  largeur 
varie  en  même  temps  que  l'épaisseur  du  bord  alvéolaire. 

Sur  une  coupe  parallèle  aux  faces,  le  tissu  spongieux  apparaît 
comme  formé  de  larges  mailles  orientées  dans  le  sens  horizontal. 
Cette  disposition,  visible  sur  les  radiogrammes  5  et  6,  7  et  8,  facilite 
la  dilïusion  des  solutions  anesthésiques  dans  la  totalité  des  maxillaires 
et  leur  permet  notamment  de  franchir  la  symphyse  mentonnière.  Le 
canal  dentaire,  criblé  de  petits  orifices,  est  perméable  aux  solutions 
injectées  en  un  point  quelconque  du  maxillaire,  ainsi  qu'on  peut  s'en 
rendre  compte  sur  l'os  sec  en  voyant  sourdre  abondamment  au  niveau 
de  l'épine  de  Spix  et  au  niveau  du  trou  mentonnierle  liquide  injecté 
dans  le  diploé. 

La  capacité  de  l'espace  diploïque  du  maxillaire  inférieur  mesurée 
par  le  procédé  radioscopique  est  d'environ  10  centimètres  cubes. 

Technique.  —  Le  lieu  d'élection  variera  pour  la  mâchoire  supé- 
rieure et  la  mâchoire  inférieure.  Examinons  successivement  les 
deux  arcades  dentaires. 

A  la  mâchoire  supérieure,  la  perforation  peut  en  principe  être 
pratiquée  soit  du  côté  palatin,  soit  du  côté  vestibulaire.  Mais  l'expé- 
rience nous  a  prouvé  qu'il  était  infiniment  préférable,  autant  que  la 
chose  était  possible,  d'opérer  du  côté  palatin.  La  fibro-muqueuse  est 
en  eifet,  sur  la  voûte  palatine,  épaisse  et  adhérente  à  l'os.  Elle  se 
laisse  très  aisément  perforer  et,  cette  perforation  faite,  ne  glisse  pas 
sur  les  tissus  sous-jacents.  C'est  dire  qu'ici  le  pertuis  fibro-muqueux 
correspondra  toujours  au  pertuis  osseux.  Aussi  la  canule  trouve-t-elle 
sans  tâtonnement  l'orifice  foré  sur  le  tissu  compact.  Du  côté  vesti- 
bulaire, au  contraire,  lamuqueuse  est  pour  ainsi  dire  un  peu  flottante. 
A  peine  la  perforation  est-elle  faite  que  les  plans  se  déplacent  et  qu'il 


INJECTION  DIPLOIQUE 


303 


A 


j^j^Ê 


f<i  I  t 


Fig.  S7.  —  Radiographies_du  maxillaire  supérieur. 


304  NOGUE.  —  ANESTHESIE. 

est  parfois  nécessaire  de  tâtonner  pour  mettre  la  pointe  de  la  canule 
dans  Torifice  osseux. 

Par  conséquent,  pour  la  mâchoire  supérieure,  nous  diviserons  les 
dents  en  deux  groupes  :  Tun  composé  des  grosses  molaires  et 
prémolaires,  pour  lesquelles  la  perforation  palatine  est  facile,  et 
l'autre  des  incisives  et  canines,  pour  lesquelles,  à  moins  de  faire 
renverser  exagérément  la  tète  en  arrière  ou  de  se  servir  de  l'angle 
droit,  il  faudra  pratiquer  la  perforation  dans  le  vestibule,  sur  la 
table  vestibulaire  de  Tos. 

Pour  la  mâchoire  inférieure,  à  moins  de  se  servir  du  foret  monté 
sur  Tangle  droit,  la  perforation  se  fera  toujours  dans  la  région  vesti- 
bulaire. 

Quoi  qu'il  en  soit,  aussi  bien  pour  l'une  ou  pour  l'autre  mâchoire,  la 
perforation  se  fera  dans  l'interstice  de  deux  dents,  à  environ  1  centi- 
mètre du  collet.  Il  faudra  tenir  compte  de  la  direction  probable 
des  racines  afin  de  ne  pas  aller  porter  le  foret  contre  cet  oiîstacle. 
La  pénétration  du  liquide  ne  pouvant  en  effet  avoir  lieu  dans  ce  cas, 
le  résultat  serait  douteux.  Si  la  chose  se  produisait  par  erreur,  il 
faudrait  refaire  une  nouvelle  perforation.  La  perforation  se  fera  de 
préférence  entre  la  dent  à  extraire  et  celle  qui  lui  fait  suite,  mais 
elle  peut  aussi  se  faire  entre  elle  et  la  dent  qui  précède,  ou  même  des 
deux  côtés. 

Mieux  vaut  que  le  liquide  soit  injecté  entre  la  dent  à  extraire  et 
les  gros  troncs  nerveux.  Mais  on  conçoit  que  la  chose  ne  soit  pas 
toujours  aisée,  spécialement  quand  il  s'agira  d'extraire  la  dent  de 
douze  ans  inférieure  ou  la  dent  de  sagesse.  On  sera  bien  obligé,  dans 
ce  cas,  de  faire  la  perforation  entre  la  dent  à  extraire  et  celle  qui 
la  précède.  Le  résultat  n'en  est  pas  moins  concluant. 

Avant  d'opérer,  faire  laver  la  bouche  du  malade  avec  une  solution 
antiseptique  légère  et  passer  sur  le  lieu  d'élection  un  tampon  imbibé 
dune  solution  plus  forte.  Passer  dans  la  seringue  de  l'eau  bouil- 
lante et  soumettre  le  foret  et  la  canule  à  une  ébullition  de  quelques 
minutes. 

Le  tube  de  l'ampoule  est  alors  brisé,  et  la  seringue  est  remplie  de 
solution  anesthésique  stérilisée  et  tiédie. 

Ces  précautions  antiseptiques  prises,  on  repère  de  l'index  gauche 
le  point  délection  sur  la  muqueuse,  et  on  applique  aussitôt  et  délibé- 
rément sur  ce  point  le  foret  en  rotation  rapide.  Il  est  bon  de  main-j 
tenir  autant  que  possible  le  foret  dans  une  position  perpendiculaire 
à  la  surface  de  l'os.  Le  tissu  compact  offre  une  résistance  plus  ou 
moins  grande  selon  la  région,  mais  qu'une  pression  légère  suffit  pour 
vaincre,  et  le  foret  entre  brusquement  dans  un  tissu  mou. 

Le  foret  est  retiré.  La  seringue  est  alors  maintenue  entre  l'index 
et  le  médius  et  la  pointe  de  la  canule  introduite  dans  la  muqueuse  à 
la  recherche  de  l'orifice  osseux.  Du  côté  palatin,  cet  orifice  est  immé- 


INJECTION    DIPI.OiQUE. 


305 


(liatement  trouvé.  La  canuley  est  alors  placée  et  fortement  enfoncée. 
On  sent  qu'elle  vient  ainsi  obturer  le  pertuis  osseux. 

Du  côté  vestibulaire,  nous  l'avons  dit,  la  mobilité  de  la  muqueuse 


Fig.   88.  —  Seringue  et  canules  du  D'  Nogué. 

peut  rendre  la  recherche  de  cet  orifice  un  peu  laborieuse  parfois.  Le 
mieux,  dans  ce  cas,  c'est  de  reprendre  le  foret  et  de  le  faire  repasser 
par  les  mêmes  voies.  L'orifice  osseux  est  ensuite  immmédiatement 
trouvé. 

Quand  Texlrémitéde  la  canule  ferme  bien  l'orifice  osseux,  le  piston 
est   poussé  doucement  avec 
la  paume  de   la   main  ou  le 
pouce. 

Si  la  perforation  est  par- 
faite, le  liquide  pénètre  alors 
dans  le  tissu  spongieux  de 
l'os,  dans  le  diploé,  comme 
il  pénétrerait  dans  une  cavité 
réelle. 

La  canule  est  alors  retirée. 

Instantanément,  pour  ainsi 
dire,  l'anesthésieestabsolue. 
Aussi  tôt  après  cetteinjection, 

une  grosse  molaire  des  plus  solidement  implantée,  dont  la  luxation 
nécessitera  les  plus  grands  efforts,  peutêtre  extraite  sans  la  moindre 
douleur. 

Mieux  vaut  cependant  attendre  deux  à  trois  minutes  avant  d'opérer. 

Nous  avons  employé  comme  substance  anesthésique  les  sels  de 
cocaïne  (phénate,  chlorhydrate,  thymolate),  la  stovaine,  l'eucaïne, 
avec  ou  sans  adjonction  d'adrénaline. 


Fig,  89.  —  Maxillaire  supérieur  injecté  de  2 
cent,  cubes  de  liquide.  Le  sommet  des 
racines  émerge  (Ch.  Cavaroz). 


Traité  de  stomatologie. 


VI.    —   20 


306 


NOGUÉ.  —  ANESTHÉSIE. 


Les  doses  maxima  ont  été  de  1    centigramme  pour  la  cocaïne  et 
reucaïne  et  de  2  centigrammes  pour  la  stovaïne.    Nous    nous    en 


Fig.  90.  —  Maxillaire  inférieur  injecté 
de  2  cent,  cubes  de  liquide.  Le  niveau 
supérieur  de  la  solution  n'atteint  pas 
le  sommet  des  racines  ^Ch.  Cavaroz). 


Fij;.  91.  —  Maxillaire  inférieur  injecté  de- 
5  cent,  cubes  de  liquide.  Le  sommet 
des  racines  baijjne  dans  la  solution 
(Ch.  Cavaroz). 


sommes  généralement  tenu  à  des  doses  moitié  moindres  :  5  milli- 
grammes de  cocaïne  ou  1  centigramme  de  stovaïne,  dilués  dans  2  cen- 
timètres cubes  de  véhicule. 

L'emploi  d'une  quantité  assez   considérable   (5  ou  6  centimètres 

cubes)  de  solution  faiblement 
titrée  est  une  condition  favo- 
rable au  succès  de  l'injection 
diploïque,  ainsi  que  nous  l'ont 
prouvé  à  la  fois  l'observation 
clinique  et  l'examen  aux  rayons 
de  Rœntgen  de  pièces  anato- 
miques  injectées. 

Cliniquement  Cavaroz  avait 
observé  ce  fait  qu'une  injection 
de  1  centimètre  cube  de  solu- 
tion était  parfois  insuffisante 
pour  produire  l'analgésie,  tan- 
dis qu'avec  une  quantité  de  4  centimètres  cubes  cette  dernière  appa- 
raissait à  coup  sûr. 

En  cas  d'insuccès,  on  pouvait  incriminer  ou  la  trop  faible  dose  de 
sel  anesthésique  injecté,  ou  la  quantité  insuffisante  de  liquide 
employé.  C'est  la  seconde  hypothèse  qui  est  la  vraie. 

Une  explication  de  ce  fait  a  été  donnée  par  l'examen  radio- 
scopique  de  maxillaires  injectés  à  l'acétate  de  plomb  (1).  Le  liquide  a 
tendance  à  se  diffuser  dans  la  totalité  du  maxillaire,  quelle  que  soit 
la  quantité  injectée,  et  à  s'accumuler  dans  les  parties  les  plus  déclives. 
11  s'ensuit  que,  dans  la  plupart  des  cas,  une  quantité  de  1   ou  2  cen- 


Fig^.  92.  —  Maxillaire  supérieur  injecté  de 
3  cent,  cubes  de  liquide.  La  solution  bai- 
gne le  sommet  des  racines  (Ch.  Cavaroz), 


(1)  Ch.  Cavaroz,  loc.  cit. 


INJECTION   DIl'LOÏQUE.  307 

limèlres  cubes  de  solulion  n'arrive  pas  à  baigner  l'apex  des 
racines  et,  par  conséquent,  à  produire  Tanesthésie,  malgré  un  titre 
élevé  de  cette  solution,  tandis  que  1  ou  5  centimètres  cubes  d'ime 
solution  à  1  p.  200  ou  1  p.  300  atteignent  ou  dépassent  Textrémité 
radiculaire  des  dents  et  réalisent  toujours  une  analgésie  parfaite. 

Le  grand  reproche  qu'on  a  fait  à  cette  méthode,  c'est  d'exposer  le 
maxillaire  à  l'infection.  Bien  que  ce  reproche  paraisse  parfaitement 
légitime,  force  est  de  se  rendre  compte  que,  dans  la  pratique,  il  ne  se 
trouve  pas  justifié.  Sans  en  donner  la  raison,  nous  avons  déjà  insisté 
sur  ce  phénomène  en  apparence  si  paradoxal.  Nous  ne  sommes  pas 
seul  d'ailleurs  à  affirmer  celte  sorte  d'immunilé  dont  jouit  le  maxil- 
laire. Le  D'  Cavaroz,  dans  sa  thèse,  la  signale  excellemment  :  «  Une 
fois  de  plus,  dit-il,  l'expérience  praliqvie  vient  mettre  en  défaut  la 
théorie,  et  nous  ne  pouvons  mieux  répondre  à  cette  objection  qu'en 
lui  opposant  notre  statistique  de  1  200  cas,  dans  lesquels  nous  n'avons 
pu  noter  l'apparition  du  moindre  trouble  infectieux.  Il  y  a  là  autre 
chose  qu'une  suite  de  coïncidences  heureuses;  mais  si  nous  voulons 
chercher  la  raison  de  cette  immunité,  les  difficultés  commencent. 
Il  parait  peu  probable  que  les  précautions  antiseptiques  prises  avant 
la  perforation  du  maxillaire  soient  suffisantes  pour  supprimer  toute 
inoculation  de  germe  pathogène;  au  maxillaire  inférieur,  nolammenl, 
où  il  est  impossible  d'éviter  le  contact  de  la  salive,  ces  précautions 
pré-opératoires  sont  vraisemblablement  illusoires.  Quelquefois 
même,  nous  avons  vu  exécuter  l'injection  diploïque  dans  des  condi- 
tions d'asepsie  tout  au  moins  douteuses,  sans  qu'il  en  soit  résulté  le 
moindre  accident;  enfin,  dans  un  but  expérimental,  nous  avons 
pratiqué  sur  nous-mème  une  injection  diploïque  pendant  la  conva- 
lescence d'une  angine,  c'est-à-dire  dans  de  mauvaises  conditions 
opératoires  et  une  muqueuse  fatalement  septique.  Dans  ce  cas, 
comme  dans  les  autres,  nous  n'avons  remarqué  aucun  symptôme 
d'infection.   « 

Il  nous  faut  donc  admettre,  faute  d'une  hypothèse  plus  satisfai- 
sante, que  les  deux  maxillaires  participent  aux  qualités  bien  connues 
de  la  muqueuse  qui  les  recouvre,  et  qui  sont  :  une  résistance 
supérieure  à  l'envahissement  microbien  et  une  activité  remarquable 
des  processus  de  cicatrisation. 

Une  observation  qui  nous  avait  beaucoup  frappé,  c'est  l'absence 
pour  ainsi  dire  complète  d'accidents  syncopaux  pendant  l'anesthésie 
diploïque,  malgré  qu'elle  nécessite  une  intervention  plus  importante 
que  les  simples  piqûres  de  l'anesthésie  gingivale.  Nous  avions  émis 
l'hypothèse  que,  dans  le  tissu  spongieux  de  l'os,  l'absorptionétait  plus 
lente  que  dans  les  autres  tissus.  Le  D''  Cavaroz,  frappé  des  mêmes 
faits,  a  eu  le  mérite  de  démontrer  par  des  expériences  que  l'absorption 
des  médicaments  était  en  effet  dans  le  diploé  beaucoup  plus  lente.  11 
eut  pour  cela  recours  à  des  injections  de  bleu  de  méthylène.  Chez  un 


308  NOGUÉ.  —  ANESTHÉSIE. 

sujet  de  bonne  volonté,  il  pratiqua  une  injection  intramusculaire  de 
1  centimètre  cube  d'une  solution  de  bleu  à  2  p.  100,  et  il  nota  le  mo- 
ment du  début  de  Télimination  par  les  reins,  ainsi  que  la  durée  de  cette 
élimination. Quelques  joursaprès,  il  injecta  la  même  dose  de  bleu  dans 
lediploédu  maxillaire  supérieur,  et  il  observa  un  retard  dans  l'appari- 
tion du  bleu  dans  les  urines  et  une  durée  plus  longue  de  l'élimina- 
tion. Celte  expérience  répétée  sur  lui-même  donna  les  mêmes  résul- 
tats. De  ces  deux  observations  il  ressort  que  l'apparition  du  bleu  de 
méthylène  dans  les  urines  des  sujets  en  expérience  s'est  faite,  dans  les 
cas  d'injection  diploïque,  environ  trois  quarts  d'heure  plus  tard  que 
dans  le  cas  d'injection  intramusculaire.  De  même  la  durée  d'élimi- 
nation de  l'injection  diploïque  dépasse,  dans  la  première  observation 
de  treize  heures,  dans  la  deuxième  de  neuf  heures,  le  temps  d'élimi- 
nation de  l'injection  intramusculaire. 

Injection  distale.  —  L'injection  distale,  préconisée  par  le 
D''  Pôlet,  consiste  à  faire  pénétrer  le  liquide  en  même  temps  dans  le 
ligament  et  dans  le  diploé,  en  enfonçant  laiguille  dans  la  cloison 
osseuse  interalvéolaire.  Elle  est  basée  sur  les  considérations  anato- 
miques  suivantes  :  a.  le  fdet  dentaire  entre  distalement  dans  la  racine, 
sauf  peut-être  pour  la  canine  supérieure  et  parfois  pour  la  première 
prémolaire  supérieure  ;  b.  il  y  a  entre  la  racine  et  l'alvéole  un  liga- 
ment plus  ou  moins  facile  à  pénétrer  et  à  saturer  de  liquide,  lequel 
ne  peut  alors  fuser  que  d'un  côté,  vers  l'apex  ;  c.  la  surface  des 
maxillaires  présente  des  canaux,  des  pores,  des  fissures,  des  lamelles 
osseuses  fines,  faciles  à  percer  :  par  là  le  liquide  peut  être  poussé 
soit  vers  le  filet  dentaire,  soit  vers  la  moelle  osseuse,  et  par  cette 
dernière  voie  anesthésier  tout  le  maxillaire  ;  d.  l'interstice  qui  se 
trouve  entre  les  molaires,  surtout  inférieures,  n'est  constitué  que  par 
très  peu  de  substance  osseuse. 

Il  est  nécessaire  d'employer  une  seringue  très  forte  et  des  canules 
extrêmement  minces.  L'injection  est  faite  du  côté  distal.  Cependant 
^L  Pôlet  ne  fait  pas  de  ceci  une  règle  absolue  ;  parfois,  dit-il,  on 
réussit  mieux  en  faisant  l'injection  mésiale  :  par  exemple,  si  la  dent 
antérieure  a  été  extraite  ou  s'il  y  a  un  plus  grand  espace  entre  les 
dents.  Pour  les  troisièmes  molaires,  on  la  fera  mésiale  ainsi  que 
pour  la  canine  supérieure.  Donc  l'injection  se  fait  distalement,  c'est 
la  règle,  d'où  le  nom  de  la  méthode,  et  mésialeraent  par  exception. 
L'endroitoù  doit  se  faire  l'injection  étant  choisi,  on  pousse  un  peu 
Je  liquide  dans  la  gencive  contre  le  collet  de  la  dent,  entre  celle-ci 
et  sa  voisine.  On  retire  la  seringue,  et,  la  saisissant  à  pleine  main, 
sans  injecter,  on  cherche  dans  l'espace  proximal  l'endroit  par  où  la 
canule  entrera  le  plus  profondément,  et  la  seringue  étant  parallèle  à 
à  l'axe  de  la  dent,  on  injectera  lentement  une  quantité  de  liquide 
variant  suivant  le  degré  et  la  durée  de  l'anesthésie  recherchés. 
La  canule  entrera  d'unelongueur  variantenlreO'='",5et  1  centimètre, 


AKESTHESIE  SECTIONNELLE  OU  REGIONALE.  309 

parfois  12  millimètres  ;  elle  pénètre  ainsi  soit  dans  le  ligament,  soil 
dans  le  tissu  conjonclif,  là  où  une  extraction  a  été  antérieurement 
pratiquée,  soit  dans  un  des  nombreux  pertuis  osseux  de  cette 
région. 

Dans  le  cas  très  rare  d'un  sujet  hypercalcifié,  la  canule  rencontre 
une  résistance  telle  qu'elle  ne  peut  pénétrer.  M.  Pôlet  conseille  alors 
de  la  faire  passer  sous  la  gencive  et  de  la  pousser  très  haut  entre  la 
gencive  et  l'alvéole,  en  pressant  énergiquement  la  muqueuseet  en  la 
massant  avec  l'index  droit, 

L'anesthésie  est  obtenue  1res  rapidement.  D'après  le  D'  Pôlet,  dans 
50  ou  60  p.  100  des  cas,  relï'et  serait  foudroyant.  La  durée  moyenne 
de  l'insensibilisation  est  de  trente  à  quarante  minutes. 

La  zone  anesthésiée  intéresse  rarement  une  seule  dent  :  ordinai- 
rement deux,  trois  ou  quatre  dents  sont  insensibilisées,  parfois 
même  six.  Dans  des  cas  tout  à  fait  exceptionnels,  on  obtient  une 
anesthésie  se  propageant  à  tout  le  maxillaire. 

Le  D'  Pôlet  formule  ainsi  les  indications  de  sa  méthode  :  1°  pour 
les  opérations  chirurgicales  portant  sur  une  partie  limitée  des  maxil- 
laires, il  faut,  outre  l'injection  distale,  faire  des  injections  dans  la 
gencive>  On  peut  opérer  ainsi  des  kystes  paradentaires,  des  tumeurs 
bénignes,  des  nécroses  étendues,  faire  des  résections  de  l'apex  ; 
2"  le  traitement  des  fractures  du  maxillaire;  3°  l'hyperesthésie  denti- 
naire  ;  4"  l'écartement  des  dents  ;  5"  le  redressement  chirurgical  ; 
dans  ce  cas  cependant,  il  faut  ajouter  à  l'anesthésie  distale  l'injection 
gingivale  ;  Q"  la  pulpectomie  ;  1"  la  désobturation  des  dents  ; 
8"  l'extraction. 

ANESTHÉSIE    SECTIONNELLE    OU     RÉGIONALE. 

L'anesthésie  sectionnelle,  encore  appelée  anesthésie  régionale, 
consiste  à  porter  le  liquide  anesthésique  non  plus  au  contact  des 
filets  terminaux  du  nerf,  mais  bien  sur  un  point  de  son  trajet,  de 
telle  sorte  qu'en  ce  point  se  produise  une  véritable  section  physio- 
logique de  ce  nerf.  Cette  anesthésie  régionale  avait  déjà  été  notée 
par  van  Aurep,  Laborde  et  Charpentier  en  1880.  Mosso  avait  obtenu 
également  la  paralysie  du  diaphragme,  en  appliquant  une  solution 
de  cocaïne  à  1  p.  10  sur  le  trajet  des  nerfs  phréniques. 

Des  observations  faites  déjà  en  1886  par  Feinberg,  en  1887  par 
Corning,  et  à  peu  près  vers  la  même  époque  par  François-Franck, 
avaient  permis  de  remarquer  que  le  contact  direct  d'une  solution  de 
chlorhydrate  de  cocaïne  avec  un  tronc  nerveux  déterminait  l'abolition 
des  propriétés  fonctionnelles  du  nerf  dans  un  espace  de  temps  assez 
restreint  :  au  bout  d'environ  huità  dix  minutes,  l'excitabilité  du  nerf 

(1)  M.  Pôlet,  Comm.  faite  à  la  Société  belge  de  stomatologie,  18  juillet  1909. 


310  NOGUE.  —  ANESTHESIE. 

était  complètement  annulée,  la  sensibilité  disparaissant  avant  la 
motilité  quand  il  s'agit  d'un  nerf  mixte.  L'effet  s'étend  environ  dans 
une  zone  de  1  à  2  centimètres  au  plus,  à  partir  du  point  de 
contact  de  la  solution  de  cocaïne  avec  le  nerf  et,  au  bout  d'un  certain 
temps,  en  général  une  demi-heure  à  trois  quarts  d'heure,  le  retour 
complet  à  l'état  primitif,  ]a  reslitiitio  ad  inlegrum,  se  fait  dune  façon 
absolument  parfaite.  La  durée  de  celte  abolition  de  la  conductibilité 
<lu  tissu  nerveux  est  donc,  en  somme,  assez  courte;  c'est  seulement 
pendant  une  vingtaine  de  minutes  qu'elle  est  suffisante  pour  qu'on 
puisse  compter  sur  elle  et  pratiquer  une  opération. 

Cette  méthode  a  surtout  été  étudiée,  en  France,  par  François-, 
Franck,  qui  a  publié,  en  1892,  dans  les  Archives  de  physiologie,  une 
étude  extrêmement  intéressante  et  remarquable  dans  laquelle  il  a 
montré  qu'on  pouvait  se  servir  de  ce  procédé  comme  moyen  équi- 
valent à  une  section  temporaire  du  nerf  pour  l'étude  physiolo- 
gique. Nous  en  avons  parlé,  d'ailleurs,  quand  nous  avons  exposé 
en  vertu  de  quel  mécanisme  l'anesthésie,  l'insensibilisation  par  la 
cocaïne,  peut  être  obtenue  par  l'intermédiaire  de  son  action  sur  le 
tissu  nerveux. 

Ces  observations  de  Feinberg  et  de  Corning  ont  été  reprises  par 
des  chirurgiens  divers,  entre  autres  par  Oberst  (de  Halle),  qui,  le 
premier,  a  fait  usage  de  cette  méthode  ;  puis  ensuite  par  Krogius 
(deHelsingfors),  enfin  par  Braun  (de  Leipzig),  qui,  dans  ces  dernières 
années,  a  publié  une  très  intéressante  série  d'observations  relatives 
à  des  opérations  pratiquées  à  l'aide  de  ce  procédé. 

La  solution  qui  sert  dans  ce  cas  est  une  solution  faible  dont  le  titre 
ne  dépasse  pas  1  p.  100.  Il  est  important  défaire  cette  injection  après 
qu'on  a  pratiqué  une  ligature  de  la  partie  qu'on  veut  arrivera  anes- 
thésier,  et  cette  injection  se  fait,  naturellement,  en  aval  de  la  liga- 
ture. On  injecte  alors  d'un  quart  à  une  demi-seringue,  à  quatre 
reprises  et  en  quatre  points  opposés  du  membre  qu'on  veut  anes- 
thésier,  de  manière  à  éliminer  les  anastomoses  nerveuses  périphé- 
riques. Dans  ces  cas  il  s'agissait,  en  général,  au  moins  au  début, 
d'obtenir  l'anesthésie  d'un  membre  de  petit  volume,  d'un  doigt,  d'un 
orteil,  de  la  verge,  par  exemple  :  on  circonscrivait,  en  quelque  sorte, 
le  membre  sur  lequel  devait  porter  l'opération  par  une  zone  d'anes- 
thésie  ainsi  délimitée,  et,  au  bout  de  quelques  minutes,  l'anesthésie 
était  suffisante  pour  qu'on  pût  pratiquer  une  opération,  l'amputation 
d'un  doigt,  d'un  orteil,  une  opération  d'ongle  incarné,  par  exemple, 
ou  une  opération  sur  la  verge.  Dans  ces  conditions,  l'anesthésie  ne 
dure  qu'autant  que  l'afflux  du  sang  est  arrêté  par  la  ligature. 

L'avantage  de  cette  méthode,  c'est  que,  grâce  à  l'ischémie  préalable 
«léterminée  par  la  ligature  (ligature  qui,  dans  l'espèce,  peut  être 
pratiquée,  soit  à  l'aide  d'une  sonde  de  caoutchouc  roulée  une  fois 
ou  deux  autour  du  membre,  soit  avec  un  simple  anneau  de  caoutchouc 


ANESTIIESIE    REGIONALE.  :5I1 

iruinliamolre  un  peu  moins  considérable  que  celui  du  membre  sur 
lequel  on  veut  pratiquer  ropérationi,  on  obtient  une  anesthésie 
absolue  de  toute  la  région  innervée  par  le  nerf  au  voisinage  duquel 
on  a  pratiqué  l'injection,  et  on  arrive,  précisément  à  cause  de  Taction 
t^xercéepar  la  solution  de  cocaïne  sur  des  troncs  nerveux  relativement 
un  peu  considérables,  à  éliminer  en  quelque  sorte  les  réflexes  péri- 
phériques sensitifs  et  à  pouvoir  pratiquer  une  opération  qui,  au 
premier  abord,  aurait  pu  paraître  impraticable  avec  la  seule  solution 
de  cocaïne. 

j\Iais  cette  méthode,  qui  jusqu'alors  était  réservée  en  quelque  sorte 
pour  des  opérations  relativement  de  petite  importance,  fut  étendue 
par  Manz.  Ce  dernier,  en  effet,  montra  que,  lorsqu'on  avait  la  chance 
de  rencontrer  des  troncs  nerveux  situés  d'une  façon  relativement 
superficielle  à  la  périphérie  d'un  membre,  on  pouvait  arriver  très 
bien  à  pratiquer  des  opérations  assez  importantes,  à  l'aide  de  ce 
procédé  d'aneslhésie  régionale.  Il  montra,  par  exemple,  qu'on  pouvait 
anesthésier  la  main  en  pratiquant  au  voisinage  de  l'articulation  du 
poignet  des  injections  de  cocaïne,  et  qu'on  pouvait  aussi  arriver  à 
une  insensibilisation  complète  du  périoste,  ce  que  Reclus  avait  déjà 
signalé  d'ailleurs  en  pratiquant  l'injection  de  cocaïne  entre  le 
périoste  et  l'os. 

Manz  put  obtenir  1  anesthésie  régionale  du  pied  :  il  pratiqua  pour 
cela  une  ligature  élastique  immédiatement  au-dessus  de  la  plaie  et 
fit  des  injections  de  la  solution  à  1  p.  100  par  quart  de  seringue  et  par 
demi-seringue  au  voisinage  du  nerf  péronier  profond,  du  nerf 
péronier  superficiel,  du  nerftibial,  qui  lui,  en  raison  de  son  volume 
•et  de  son  importance,  nécessita  plusieurs  injections.  Ouarante-cinq 
minutes  après  la  première  injection  pratiquée,  opération  qui  dura 
une  heure  sans  la  moindre  douleur  :  la  quantité  de  cocaïne  injectée 
ne  dépassa  pas  2*^^,5.  La  sensibilité  revint  dans  les  orteils  du  pied 
opéré  environ  deux  à  trois  minutes  après  l'enlèvement  de  la  ligature, 
et  c'est  pour  cela  qu'il  est  nécessaire  que  la  ligature  soit  assez  serrée 
pour  déterminer  une  ischémie  considérable. 

Cette  anesthésie  régionale,  déjà  indiquée  par  les  physiologistes, 
basée  sur  l'effet  paralysant  de  la  cocaïne  portée  au  contact  du 
tronc  nerveux,  devait  être  de  plus  en  plus  utilisée  par  les  chirur- 
giens. 

Feinberg  et  Corning  avaient  appliqué,  comme  nous  l'avons  dit, 
■ces  notions  à  la  clinique  et  obtenu,  par  l'injection  d'une  solution  de 
cocaïne  à  1  p.  25,  autour  d'un  nerf  sensitif,  l'anesthésie  de  toute  la 
région  innervée.  En  1893,  Rossbach  tente  l'anesthésie  laryngée  en 
injectant  une  solution  de  morphine  au  point  de  pénétration  du 
laryngé  supérieur  dans  le  larynx. 

Cushing  peut  pratiquer  la  cure  radicale  des  hernies  en  anesthé- 
siantlesnerfsqui  passent  dans  le  canal  inguinal,  dans  l'aponévrose  du 


312  NOGUÉ.  —  ANESÏHÉSIE. 

grand  oblique.  Jaboulay,  en  1901,  après  une  injection  de  cocaïne 
dans  les  deux  branches  principales  du  plexus  brachial,  fait  une 
désarticulation  de  Tépaule.  Reclus  intervient  ainsi  sur  Tépididyme 
et  le  testicule.  Il  tente  en  1903,  avec  Chevassu  et  Sauvez,  l'anesthésie 
du  dentaire  inférieur.  Hall  et  Halstedt,  en  1905,  agissent  de  même 
pour  le  nerf  sus-orbitaire  et  le  dentaire  inférieur.  En  1906,  Nogué 
précise  la  technique  de  l'anesthésie  du  dentaire  inférieur  au  niveau 
deTépine  de  Spix.  Pageix  fait  sa  thèse  inaugurale  sur  le  même  sujet 
et  rapporte  de  nombreuses  observations  personnelles  et  d'intéres- 
santes expériences.  Viereck  et  Braun  cherchent  à  obtenir  l'anesthé- 
sie laryngée  en  injectant  la  cocaïne  vers  le  laryngé  supérieur,  anes- 
thésie  réalisée  par  Frey  (de  Berne)  Chevrier  et  Cauzard  (1). 

Anesthésie  par  injection  intratronculaire  du  nerf.  —  L'in- 
jection dans  le  tronc  nerveux  lui-même  détermine  plus  nettement 
que  l'injection  périneurale  l'analgésie  du  territoire  innervé,  la  sec- 
tion physiologique  du  nerf.  Le  D""  G.-W  Grile  (de  Cleveland)  la 
pratique  à  l'aide  d'une  seringue  de  Pravaz,  chargée  d'une  solution 
de  cocaïne  à  1  p.  100.  Jaboulay  a  utilisé  la  même  méthode  en  1901. 
Si  Ton  veut  obtenir  un  eflet  immédiat  sur  un  gros  tronc,  il  faut  faire 
plusieurs  piqûres  voisines  l'une  de  l'autre  dans  l'épaisseur  du  nerf. 
En  général,  cependant,  une  pareille  précaution  n'est  pas  nécessaire, 
la  cocaïne  diffusant  très  rapidement  dans  la  substance  nerveuse.  Le 
plus  souvent  même  il  suftit  de  faire  pénétrer  la  cocaïne  sous  la  gaine 
conjonctive  du  tronc. 

Sur  le  membre  inférieur,  on  obtient  l'anesthésie  en  «  bloquant  » 
ainsi  les  trois  principaux  troncs  nerveux  qui  l'innervent  :  le  fémoro- 
cutané  externe,  que  sa  situation  superficielle  rend  aisément  acces- 
sible ;  le  crural,  que  l'on  trouve  près  de  l'artère  fémorale,  et  le 
sciatique,  que  l'on  pique  au  niveau  du  pli  fessier. 

Quand  l'opération  doit  porter  sur  la  région  innervée  parle  cubital, 
on  peut  aisément  bloquer  ce  nerf  à  son  passage  dans  la  gouttière 
épiti'ochléo-olécranienne.  Pour  ce  faire,  il  suffit  de  pratiquer  deux 
injections  :  la  première  sous-cutanée  qui  prépare  la  voie,  et  la  se- 
conde profonde,  poussée  dans  l'intimité  même  du  tronc  nerveux.  Au 
bout  d'une  dizaine  de  minutes,  on  peut  constater  l'existence,  dans  le 
domaine  du  cubital,  d'une  anesthésie  complète  permettant  d'exécuter 
une  opération  quelconque  sans  éveiller  la  moindre  douleur. 

L'anesthésie  régionale  présente  sur  l'anesthésie  locale  un  certain 
nombre  d'avantages  très  marqués.  Elle  permet,  en  premier  lieu, 
avec  des  doses  médicamenteuses  faibles,  d'obtenir  un  champ  anes- 
thésique  très  étendu;  elle  évite  les  piqûres  de  la  région  opératoire, 
piqûres  qui  s'accompagnent  souvent  d'une  hémorragie  gênante  et 
déterminent  par  le  liquide  injecté  un  œdème  plus  ou  moins  considé- 

(1)  D'"  FnANcis  MuNcn,  Lettres  d'Amérique  {Semaine  méd.,  29  avril  1903), 


ANESTHESIE    REGIONALE.  313 

rable.  Enfin  elle  permet  d'éviler  toute  injection  dans  les  tissus 
enflammés  et,  par  suite,  épargne  de  ce  fait  au  patient  une  douleur 
toujours  vive  et  trop  souvent  sans  utilité. 

Anesthésie  régionale  en  stomatologie.  —  L'anesthésie  régio- 
nale, applicable  en  stomatologie,  est  susceptible  de  rendre  les  plus 
grands  services.  Chacun  des  troncs  nerveux  innervant  un  groupe 
de  dents  peut  être  anesthésie  et,  pour  chacun  d'eux,  la  technique 
sera  difïérente.  Quelques  considérations  anatomiques  permeltronl 
de  comprendre  la  raison  des  diverses  méthodes  préconisées.  M.  Guido 
Fischer  nous  a  récemment  donné  du  trajet  de  quelques-uns  de  ces 
troncs  une  description  excellente,  à  laquelle  nous  ne  saurions  rien 
ajouter  (1). 

Considérons  d'abord  la  partie  extérieure  et  postérieure  dans 
l'échafaudage  osseux  de  la  mâchoire  supérieure  ;  bien  au-dessus  des 
racines  des  molaires,  on  remarque  certaines  ouvertures  [foramina)k 
travers  lesquelles  pénètrent  les  gros  nerfs  et  les  vaisseaux.  Derrière 
la  fosse  ptérygoïde,  le  nerf  maxillaire  envoie  une  quantité  de  petits 
nerfs,  les  nerfs  alvéolaires  supérieurs  postérieurs,  dans  la  portion 
alvéolaire  du  maxillaire  supérieur,  pour  s'étendre  sur  la  mince  paroi 
intérieure  de  la  tubérosité  et  de  l'antre,  jusqu'aux  molaires  et  en 
partie  aussi  jusqu'aux  prémolaires. 

Comme  pendant  de  celte  innervation  de  la  portion  alvéolaire 
postéro-externe,  on  trouve  à  l'intérieur,  du  côté  du  palais,  à  la  hau- 
teur de  la  dernière  molaire  (cela  varie  suivant  l'âge  du  sujet),  en 
l'absence  de  toute  dent,  c'est-à-dire  à  peu  près  à  0'^'",5  devant  la 
tubérosité  de  la  portion  alvéolaire  du  palatin,  on  trouve  une  vaste 
ouverture,  le  canal  palatin  postérieur,  par  lequel  le  nerf  palatin 
arrive  sur  la  surface  intérieure  de  la  partie  dure  du  palais,  pour 
s'étendre  là  jusqu'à  la  région  des  dents  antérieures. 

Nous  avons  ainsi,  dans  la  partie  postérieure  de  l'os  alvéolaire,  deux 
plexus  nerveux  caractéristiques,  l'un  extérieur  buccal,  l'autre  inté- 
rieur palatin,  dont  les  attaches  sont  facilement  accessibles  et  d'une 
importance  capitale  poui-  l'anesthésie  des  molaires  supérieures. 

La  partie  antérieure  du  maxillaire  supérieur  est  dominée  de  même 
par  un  plexus  nerveux  intérieur  et  extérieur,  facilement  accessible  : 
le  plexus  sous-orbitaire  avec  les  nerfs  alvéolaires  supérieurs  anté- 
rieurs dans  la  région  du  trou  sous-orbitaire,  sur  la  surface  antérieure 
de  l'os  alvéolaire  et,  du  côté  palatin,  le  canal  palatin  antérieur  avec 
le  nerf  naso-palatin.  Celui-ci  se  démêle  dans  la  région  des  prémo- 
laires, s'anastomosant  souvent  avec  le  nerf  palatin  antérieur.  Cet 
ensemble  de  nerfs  innerve  les  dents  supérieures  antérieures  jusqu'à 
la  région  des  prémolaires.  Ces  dernières  ont  des  relations  des  deux 
côtés,  car  elles  sont  situées  au  milieu  du  plexus  qui  unit  le  secteur 

(1)  Guino  Fischer,  L'anesthésie  locale  en  odontologie  (Odontologie,  30  nov.  1910). 


314  NOGUE.  —  ANESTHESIE. 

poslérieur  de  la  cavité  palatine  au  secteur  antérieur  et  au  naso- 
palatin. 

Pour  anesthésier  les  molaires,  M.  Guido  Fischer  injecte  dans  la 
muqueuse,  au-dessus  de  la  seconde  molaire,  un  peu  au-dessous  du  pli 
de  la  joue  ;  peu  à  peu,  on  pénètre  jusqu'au  périoste,  on  parvient 
jusqu'à  la  région  la  plus  haute  de  la  tubérosité  maxillaire  (à  l'aide  de 
la  partie  de  la  seringue  recourbée  en  forme  de  baïonnette),  et  seule- 
ment lorsque  l'aiguille,  longue  de  42  millimètres,  a  disparu  dans  la 
profondeur  du  maxillaire  supérieur,  on  injecte  1  à  2  centimètres 
cubes  de  solution. 

Du  côté  palatin,  à  environ  (>"\5  devant  la  tubérosité,  au-dessus 
de  la  molaire  qui  se  trouve  être  la  dernière,  la  muqueuse  forme  une 
légère  dépression;  dans  ses  profondeurs,  sur  le  toit  du  palais,  se 
trouve  le  canal  du  palatin  postérieur  déjà  nommé.  De  cette  cavité  de 
la  muqueuse,  on  fait  disparaître  dans  la  profondeur  la  courte 
aiguille,  inclinée  légèrement  vers  l'os  alvéolaire,  et  là  on  injecte 
seulement  environ  0",25  de  la  solution.  Il  ne  faut  pas  employer 
de  plus  grandes  quantités  en  raison  de  la  rapidité  de  l'absorp- 
tion et  de  la  diffusion  dans  la  muqueuse  du  pharynx,  car  on  pour- 
rait alors  déterminer  de  la  difficulté  de  déglutition.  Jusqu'à  la 
première  molaire,  au  bout  de  huit  à  dix  minutes,  l'anesthésie  de  la 
partie  alvéolaire  postérieure  est  complète. 

Dans  les  périostites  et  dans  les  opérations  plus  difficiles  (résec- 
tions de  racines  par  exemple),  l'anesthésie  d'interruption  {Leitungs- 
ameslhesie)  est  également  indiquée  ;  elle  se  fait  dans  la  fosse  canine 
pour  insensibiliser  les  nerfs  alvéolaires  supérieurs  antérieurs  et  en 
partant  du  canal  palatin  antérieur  pour  supprimer  le  nerf  naso-pala- 
lin.  Dans  la  fosse  canine,  l'enveloppe  alvéolaire  est  très  tendre  et 
reçoit  avec  intensité  la  diffusion  de  la  solution. 

L'injection  dans  la  fosse  canine  ne  va  pas  au  début  sans  difficultés, 
et  il  est  bon  de  lâter  le  bord  infra-orbitaire  sur  lequel  débouche  le 
canal  sous-orbilaire,  de  comprimer  avec  le  troisième  doigt  de  la  main 
gauche;  en  même  temps,  avec  le  pouce  de  la  même  main,  on  sépare 
la  lèvre  du  maxillaire;  puis,  à  peu  près  à  la  hauteur  de  l'extrémité  de 
la  racine  de  la  canine,  on  injecte  dans  le  pli  de  la  joue,  tout  près  de 
la  musculature  de  la  lèvre,  et  on  avance  obliquement  vers  le  haut  et 
en  arrière.  Lorsque  la  canule  (longue  de  42  millimètres),  dirigée  vers 
le  bord  infra-orbitaire,  est  arrivée  sous  le  bout  du  doigt  qui  la  com- 
prime, on  déverse  1  à  1",5  de  solution.  Du  côté  palatin,  on  incline 
la  canule  parallèlement  à  l'étendue  des  racines  à  extraire  en  pro- 
fondeur, pour  en  déverser  partout  quelques  gouttes. 

Les  prémolaires,  qui  sont  innervées  par  les  ramifications  des  deux 
})lexus  nerveux,  méritent  une  attention  spéciale. 

Dans  le  cas  où  elles  doivent  être  seules  anesthésiées,  il  est  bon 
d'enfoncer  l'aiguille  à  l'extrémité  de  la  racine;  on  injecte  0", 5. 


ANESTHÉSIE  DU  NERF  MAXILLAIRE  SUPERIEUR.  315 

Pour  les  dents  et  les  racines  isolées  du  maxillaire  supérieur,  on 
peut  éviter  la  mélhode  de  Tanesthésie  de  ditïusion  ou  d'interruption 
{diffusion  ariiet/iesie,  Leitungsanœsthesié) .  On  injecte  au-dessus  de 
l'apex  de  la  dentà  insensibiliser  tlansla  sous-muqueuse  [Sitbiisukosa) 
o[  en  même  temps  on  pénètre  avec  une  courte  canule  jusqu'au  pé- 
riosle. 

La  seringue  est  toujours  orientée  de  telle  sorte  que  Ton  parvienne 
.^autant  que  possible  en  avançant  jusqu'à  la  région  de  l'extrémité  de  la 
racine  de  la  dent  à  insensibiliser.  Du  côté  palatin,  on  injecte,  en 
iivançant  avec   précaution  le  long  de  la  racine,  jusqu'à  son  extré- 
mité,  environ    la    moitié  de    la  quantité  employée  du   côté  vesti- 
bulaire.  Dans  Tanesthésie  terminale  (anesthésie  de  la  muqueuse),  la 
seringue   est  munie  d'un  ajutage  spécial    et    d'une  longue  canule, 
s'il  faut  aller  plus  avant  dans  le  périoste  et   insensibiliser  plusieurs 
dents,  ou  de  l'ajutage  plus  court  et  d'une  canule  courte  si  l'aiguille 
ne   doit  être  plongée   qu'un  peu  en   profondeur.  Au   bout  de   huit 
il  dix  minutes  environ,  on  peut    espérer  l'anesthésie  complète.  La 
place  où  se  fait  l'injection  est  choisie  de  telle  sorte  qu'on  approche  la 
«anule  du  triangle  de  la  muqueuse  à  la  hauteur  du  plan  de  trituration 
des  molaires;  pour  les  enfants  et  les  adolescents,  on  la  pousse  en 
arrière  ;  en  même  temps,  on  incline  légèrement  l'aiguille;  pour  les 
vieillards,  on  redresse  un  peu  la  canule,  longue  de  42  millimètres. 
En  outre,  dans  la  muqueuse  buccale,  dans  le  voisinage  des  papilles 
des  dents  à  insensibiliser,  on  met  un  dépôt  d'injection  d'environ  0", 5, 
•combinant  ainsi  l'anesthésie  d'interruption  et  l'anesthésie  terminale. 
Anesthésie  du  nerf  maxillaire  supérieur.  —  Pour  atteindre 
le  tronc   même  du  nerf,    (^hevrier  conseille    d'emprunter    la  fenle 
■sphéno-maxillairc.  Elle  est  à  la  limite  supérieure  de  l'arrière-fond 
•de  la  fosse  ptérygo-maxillaire  et  laisse  apercevoir  à  son  extrémité 
postéro-interne  le  trou  grand  rond  par  lequel  le  nerf  sort  du  crâne. 
Sous   la  membrane  fibreuse   qui  forme   cette  fente  sur  le  vivant, 
séparant  complètement  l'orbite  de  l'arrière-fond  de  la  fente  ptérygo- 
maxillaire,   le  nerf  maxillaire  supérieur  donne   la  plupart   de   ses 
branches  collatérales,  dont  les  nerfs  palatins,  les  rameaux  dentaires 
postérieurs  et  le  filet  orbito-lacrymal,  avant  d'entrer  dans  la  gout- 
tière sous-orbitaire  ;  il    s'offre   pour  ainsi  dire  à  nu  tout  entier  à 
un  instrument  qui  perforerait  la  membrane  en  passant  par  l'orbite. 
L'artère  maxillaire  interne  est  au-dessous  de  lui,  à  petite  distance 
•de  la  membrane  sphéno-maxillaire. 

Si  laiguille  pénètre  par  la  partie  externe  la  plus  large,  elle  est 
assez  éloignée  du  nerf;  elle  doit  de  préférence  perforer  la  membrane 
sphéno-maxillaire  près  de  la  gouttière  sous-orbitaire.  Arriver  à  ce 
point  précis,  à  1  ou  2  millimètres  près,  en  passant  par  l'orbite,  est 
chose  aisée  et  sans  danger. 

Après  avoir  exploré    le  pourtour  osseux  inférieur  et  externe  de 


316 


IS'OGUE.  —  ANESTHÉSIE. 


l'orbite,  très  facile  à  sentir,  faire  pénélrer  laiguilie  dans  la  peau, 
à  10  ou  12  millimètres  en  dedans  de  l'angle  inféro-externe  arrondi, 
suivant  qu'on  voudra  atteindre  la  région  des  nerfs  dentaires  posté- 
rieurs ou  le  tronc  du  maxillaire  supérieur  lui-même.  L'aiguille  doit 
évoluer  constamment  dans  un  plan  anléro-poslérieur  :  on  est  fixé 
exactement  sur  sa  direction  par  V orifice  de  son  pavillon,  qui  doit  tou- 
jours regarder  directement  en  avant.  L  aiguille  suivra  exactement 
de  la  pointe  le  plancher  osseux  de  l'orbite.  Comme  celui-ci  est  des- 
cendant près  du  pourtour  antérieur,  elle  sera  d'abord  oblique  en  bas 
et  en  arrière  :  à  mesure  qu'elle  s'enfonce  au  contact  du  plancher 
osseux,  elle  devient  plus  horizontale.  A  un  moment  donné,  quand 
elle  est  entrée  d'une  certaine  longueur,  le  sol  osseux  semble  lui 
manquer,  et  le  doigt  qui  la  pousse  sent  qu'elle  pénètre  en  tissus  mous  ; 
elle  vient  de  traverser  la  membrane  sphéno-maxillaire.  Il  suffit  de 
pousser  le  liquide;  il  ira  fatalement  entourer  le  nerf. 

Techmoue   du   D'-   Mlnch.  —  Le   lieu    d'élection  indiqué  par  le 

V)  Munch  se  trouve  sur  le 
bord  inférieur  de  l'arcade 
zygomatique,  à  l'intersec- 
tion de  ce  bord  avec  la  ver- 
ticale qui  prolonge  inté- 
rieurement le  bord  posté- 
rieur toujours  nettement 
perceptible  de  l'apophyse 
orbilaire  externe  de  l'os 
malaire.  Après  désinfection 
du  territoire  cutané,  on  in- 
sensibilise la  peau  superfi- 
ciellement. On  enfonce  en- 
suite l'aiguille  montée  sur 
la  seringue  perpendiculai- 
rement à  la  région  ;  puis 
aussitôt  qu'on  a  traversé 
les  téguments,  on  incline, 
la  pointe,  en  haut  et  en 
dedans,  en  visant  le  plan  qu'affleure  l'extrémité  inférieure  des  os 
propres  du  nez.  A  5  centimètres  de  profondeur,  on  rencontre  le  nerf 
maxillaire  supérieur  à  son  émergence  du  trou  grand  rond,  au  pla- 
fond de  l'arrière-fond  de  la  fosse  ptérygo-maxiîlaire. 

Après  le  retrait  de  l'aiguille,  il  s'écoule  parfois  quelques  gouttes 
de  sang.  La  piqûre  ne  laisse  pas  de  cicatrice. 

En  principe,  on  cocaïnisc  au  fur  et  à  mesure  le  trajet  que  suit  l'ai- 
guille. Mais,  en  réalité,  lorsque  la  peau  a  été  préalablement  insensibi- 
lisée, on  peut  avancer  assez  rapidement  jusqu'à  4 centimètres  de  pro- 
fondeur. Les  organes  que  traverse  l'instrument  jusqu'à  ce  point  ont  en 


Fig.  93.  —  Point  délectionpour  linjection. 


AM-STIlÉSIli;  PAR  LA  VOIE  NASALE.  317 

effetune  scnsibilitt';  très  allrnurc  :  ce  sont  les  muscles  raasséleret 
temporal  ainsi  ({iie  la  bonlo  graisseuse  de  Bichat.  D'aulre  part  il  y  a 
avantage  à  restreindre  autant  quepossible  la  quantité  de  liquide  que 
Ton  injecte:  ce  faisant,  on  évite  Tœdème  de  la  face  et  la  contrac- 
tion de  la  mâchoire  qui  s'observent  parfois  à  la  suite  de  l'opération 
et  qui  peuvent  persister  pendant  deux  ou  trois  jours  lorsqu'on  a  été 
prodigue  de  la  solution  anesthésique.  Dans  le  cinquième  et  dernier 
centimèlre  de  trajet,  il  ne  faut  progresser  que  très  lentement,  à  ce 
niveau  la  région  devenant  très  sensible  en  raison  des  nombreux 
filets  nerveux  qui  la  parcourent. 

En  général,  il  suffit  de  2  ou  3  centimètres  cubes  de  solution  pour 
obtenir  Tanesthésie  :  rarement  on  en  injectera  plus  de  4.  Lorsqu'on 
est  certain  que  la  pointe  de  l'aiguille  se  trouve  au  bon  endroit  et  que 
néanmoins  l'anesthésietardeà  se  produire,  il  estinutiledepousserde 
nouvelles  quantités  de  liquide  dans  les  tissus  :  il  faut  savoir  attendre. 
Habituellement,  au  boutd'untempsvariant  de  dix  à  vingt  minutes,  elle 
est  suffisante  pour  que  l'on  puisse  commencer  l'opération.  Souvent 
elle  s'annonce  par  des  fourmillements  et  une  sensation  d'enflure  ou 
d'engourdissement  au  niveau  de  l'aile  du  nez  ou  de  l'arcade  dentaire 
supérieure.  Elle  persiste  environ  une  heure  et  demie,  après  quoi  la 
fonction  nerveuse  se  rétablit  progressivement. 

Les  écueils  que  l'on  peut  rencontrer  au  cours  de  l'injection  s'évi- 
tent aisément  si  l'on  donne  une  bonne  orientation  à  l'aiguille.  Lors- 
qu'on bute  sur  un  plan  osseux  à  2  centimètres  de  profondeur,  c'est 
l'apophyse  coronoïde  du  maxillaire  inférieur  que  l'on  rencontre  ;  un 
peu  plus  loin,  c'est  l'apophyse  ptérygoïde.  En  pareille  occasion,  il 
suffit  d'incliner  l'aiguille  en  avant  pour  rectifier  sa  direction.  Même 
très  développée,  la  tubérosité  maxillaire  est  peu  gênante,  parce  que 
l'aiguille  côtoie  son  bord  supérieur. 

Lorsqu'on  se  dirige  trop  en  avant,  on  pénètre  sous  l'orbite  par  la 
fente  sphéno-maxillaire  ;  on  s'en  aperçoit  à  ce  que  l'aiguille  chemine 
jusqu'à  6  centimètres  de  profondeur  avant  d'être  arrêtée  par  un  plan 
osseux. 

Du  côté  des  vaisseaux,  on  n'a  guère  d'accidents  à  redouter.  L'artère 
maxillaire  interne  occupe  dans  l'arrière-fond  de  la  fosse  plérygo- 
maxillaire  un  plan  très  inférieur  à  celui  du  nerf  maxillaire  supérieur; 
il  ne  semble  pas   que  l'aiguille  puisse  jamais  toucher  cette  artère. 

Anesthésie  des  incisives  et  des  canines  par  la  voie  nasale.  — 
Un  procédé  nouveau  a  été  préconisé  par  Escat  (de  Toulouse), 
basé  sur  les  recherches  anatomiques  du  D""  G.  Clermont  (1).  Ces 
recherches  ainsi  que  les  résultats  obtenus  méritent  d'être  cités  en 
détail. 

(1)  D.  Clermont,  Rapport  du  nerf  dentaire  antérieur  avec  le  plancher  nasal  et  la 
pituitaire.  —  Escat,  Anesthésie  des  incisives  et  des  canines  supérieures  par  voie 
nasale  (Bull,  de  laryngol.,  rhinol.^  etc.). 


318 


NOGUÉ.  —  ANESTIIÉSIE. 


Tous  les  auteurs  sont  d'accord  pour  admettre  que  les  incisives 
et  les  canines  supérieures  sont  innervées  par  les  filets  fournis  par  le 
rameau  dentaire  antérieur,  nervus  naso-dentalis.  C'est  le 
seul  rameau  qui  naisse  du  maxillaire  supérieur  dans  le  canal  sous- 
orbitaire.  Parfois  assez  volumineux,  il  part  du  nerf  maxillaire  supé- 
rieur à  5  ou  6  millimètres  (Sappey),  à  10  ou  12  millimètres  (Cruvei- 
lliier  dutrou  sous-orbitaire,  et  il  s'engage  aussitôt  dans  un  canal  par- 
ticulier, creusé  dans  le  maxillaire.  Ce  canal  a  d'abord  un  trajet 
horizontal,  dirigé  de  dehors  en  dedans;  puis  brusquement  il  devient 
vertical  ;  dans  cette  seconde  portion,  le  canal  présente  des  rapports 
intimes  avec  le  sinus  maxillaire.  11  n'est  pas  rare  de  voir,  en  efl'et,  ce 
canal  se  transformer  en  sillon  et  le  nerf  dentaire  être  au  contact 
delà  muqueuse  du  sinus.  Enfin,  parvenu  un  peu  au-dessus  du  plancher 
des  fosses  nasales,  le  canal  change  de  nouveau  de  direction  ;  il  décrit 
une  courbe  dont  la  concavité  regarde  en  haut  et  en  dedans,  et  là 

le  nerf  s'épanouit  en  un 
grand  nombre  de  filets, 
dont  les  uns  sont  ascen- 
dants, les  autres  des- 
cendants (fig.  94). 

Les  filets  ascendants 
se  réfléchissent  de  bas 
en  haut  et  vont  se  perdre 
sur  la  muqueuse  des 
fosses  nasales,  près  de 
l'orifice  inférieur  du 
canal  nasal.  Les  filets 
descendants  sont  au  nom- 

Fig.  94.   —  Rapports  du  nerf  dentaire  antérieur  ^  "        ." 

avec  le  plancher  nasal,  mis  en    évidence  par      se    détache  au  niveau  de 
lablation    de  la  table   externe    du     maxillaire      }q    DOrtion     verticale    et 
supérieur.  i  ,      •         , 

décrivant     une    anse     a 

SO,  nerf  sous-orbitaire  :  D.  nerf  dentaire  anté-  convexité  inférieure,  il  va 
neur;  A,   anastomose   du  nerf  dentaire  antérieur        , 

avec  le  nerf  dentaire  postérieur.  S  anastomoser      aveC      le 

nerf  dentaire  supérieur  et 
postérieur  ;  un  second  rameau  se  détache  au  niveau  du  point  de 
jonction  de  la  deuxième  et  de  la  troisième  portion  du  canal  et, 
continuant  la  direction  verticale  du  nerf  dentaire  antérieur,  il  va  à 
la  canine  et  quelquefois  envoie  aussi  un  filet  à  la  première  prémolaire  ; 
mais  on  voit  plus  souvent  le  filet  destiné  à  la  première  prémolaire 
naître  de  l'anse  précédemment  décrite  ;  Cruveilhier,  Sappey  font 
innerver  la  première  molaire  par  le  nerf  dentaire  antérieur.  Nous 
avons  consulté  à  ce  sujet  lesatlas  d'Arnold,  de Valenlin,d'Hirschfeld, 
de  Bourgery  ;  ces  auteurs  font  naître  le  filet  de  la  première  prémo- 
laire de  l'anse  anastomotique.    11   faut  cependant   faire  remarquer 


ANESTHESIE  PAR  LA  VOIE  NASALE.  319 

que,  pour  constituer  le  plexus  dentaire,  ces  divers  filets  nerveux: 
h^'envoient  des  anastomoses,  et  certaines  des  fibres  qui  viennent  de 
la  première  molaire  doivent  se  jeter  dans  le  filet  de  la  canine. 

Enfin  les  deux  autres  filets  se  séparent  au  niveau  du  plancher  de 
la  canine  et,  par  un  trajet  légèrement  oblique  de  dehors  en  dedans, 
se  rendent  aux  deux  incisives.  Ces  quatre  filets  ne  sont  pas  indé- 
pendants, car  dans  l'épaisseur  de  Tos  ils  s'envoient  réciproquement 
des  filets  anastomotiques  et  constituent  ainsi  une  partie  du  plexus 
dentaire.  En  outre  on  sait  que  du  plexus  dentaire  se  détachent  trois, 
ordres  de  filets  : 

1°  Des  filets  qui  pénètrent  dans  les  racines  des  dents  ; 

2°  Des  filets  osseux  qui  se  perdent  dans  le  maxillaire  ; 

3"  Des  filets  muqueux  qui  vont  aux  gencives. 

Si,  pour  être  complet,  nous  ajoutons  que  la  muqueuse  de  la  voûte 
palatine  correspondant  aux  incisives  et  canine  supérieures  est  inner- 
vée par  des  rameaux  venant  du  nerf  naso-palatin  à  sa  sortie  du 
canal  palatin  antérieur,  nous  connaîtrons  tous  les  filets  nerveux  qui 
intéressent  celte  région. 

Nous  avons  nous-même  cherché  à  vérifier  ces  divers  points  four- 
nis par  les  auteurs.  Sur  des  pièces  fraîches,  décalcifiées  par  l'acide 
formique,  après  ablation  de  la  table  externe,  sur  la  face  antérieure 
du  maxillaire,  nous  avons  pu  étudier  le  trajet  et  les  rapports  du  nerf 
dentaire  dans  son  canal,  le  point  d'émergence  et  la  direction  des 
différents  rameaux  et  préciser  un  certain  nombre  de  détails,  qui^ 
ainsi  que  nous  le  verrons  plus  loin,  sont  passés  inaperçus. 

Mais  si,  utilisant  ces  données  anatomiques,  nous  voulons  expliquer 
l'action  de  la  cocaïne,  nous  sommes  vite  arrêtés.  Nous  n'avons,  en 
etîet,  jusqu'à  présent  trouvé,  au  contact  de  la  muqueuse  des  fosses 
nasales,  que  les  filets  ascendants  du  nerf  dentaire  antérieur  ;  or  ces 
deux  ou  trois  ramuscules  n'ont  évidemment  aucun  rapport  avec  les 
incisives  et  la  canine.  Comment  la  cocaïne  atteint-elle  le  nerf 
dentaire  ?  Et  nous  avons  été  ainsi  amené  à  étudier  le  rapport  du 
canal  dentaire  avec  la  muqueuse  du  plancher  des  fosses  nasales  ; 
les  auteurs  ne  donnent  à  leur  sujet  aucun  détail.  Pour  cela  l'auteur  a 
fait  des  coupes  des  fosses  nasales  sur  des  pièces  décalcifiées.  J'ai 
pratiqué,  dit-il,  presque  uniquement  des  coupes  sagittales,  et  j'ai 
pu  ainsi  constater,  non  sans  surprise,  que  sur  toutes  les  pièces  le 
nerf  dentaire  antérieur  n'était  pas  dans  l'épaisseur  de  l'os,  mais  au 
contraire  très  superficiellement  placé.  Sur  la  plupart  des  coupes,  le 
nerf  était  séparé  de  la  pituitaire  par  une  simple  couche  osseuse, 
mais  souventaussi  le  nerf  était  complètement  à  nu  sous  la  muqueuse  ; 
il  n'y  avait  donc  pas,  dans  ce  cas,  un  canal,  mais  un  sillon. 

Poussant  plus  loin  ces  recherches,  nous  avons  examiné  une  série  de 
55  crânes  (pris  dans  tous  les  âges). 

Sur  ces  55crânes,  nous  avons  trouvé  29  fois  (53  p.  100)  le  canal  den- 


320  NOGUE.  —  ANESTHÉSIE. 

taire  bien  constitué,  mais  sa  paroi  supérieure  était  très  mince,  sou- 
vent transparente,  et  se  laissait  facilement  effondrer  avec  la  pointe 
d'un  stylet  ;  26  fois  (47  p.  100),  le  canal  était  transformé  en  sillon  ;  il 
est  vrai  qu'il  reste  parfois  des  ponts  de  substance  osseuse  qui  réta- 
blissent par  endroits  un  canal.  Nous  avons  trouvé  d'ailleurs  une 
confirmation  de  ces  divers  points  dans  le  savant  ouvrage  de 
yi.  Ledouble  (1).  «  En  arrière  de  la  crête  intermaxillaire,  sur  le 
plancher  osseux  des  fosses  nasales,  entre  Fépine  nasale  antérieure  et 
inférieure  et  le  canal  incisif,  on  trouve  assez  souvent  une  crête 
osseuse  transversale,  qui  se  perd  en  dehors,  vers  l'extrémité  anté- 
rieure du  cornet  inférieur,  après  avoir  décrit  une  courbe  dont  la  con- 
cavité regarde  en  haut  et  un  peu  en  dedans.  Cette  crête  n'est  rien 
autre  que  la  paroi  supérieure  d'un  canal  qui  s'ouvre  en  dedans  au 
niveau  des  fosses  nasales,  en  dehors  dans  le  canal  sous-orbitaire  et 
qui  contient  le  rameau  nasal  du  nerf  dentaire  et  les  vaisseaux  qui 
l'accompagnent.  Quelquefois  cette  crête  est  percée  d'un  ou  plusieurs 
pertuis  ou  fendue  dans  toute  sa  longueur  et,  dans  ce  dernier  cas, 
représentée  conséquemment  par  un  sillon.  » 

Ces  rapports  étant  parfaitement  établis,  l'explication  des  faits 
cliniques  exposés  par  Escat  parait  devenir  très  facile.  En  effet 
nous  savons  maintenant  que  le  tampon  de  cocaïne  est  47  fois 
p.  100  au  contact  presque  immédiat  du  nerf  dentaire.  Sans 
doute  il  faut  tenir  compte  de  la  muqueuse  épaisse,  molle,  très  vascu- 
larisée,  très  abondante.  Dans  53  cas  p.  100,  il  est  séparé  de  lui  par 
une  coque  osseuse  mince,  et  cette  lame  osseuse  est  sûrement 
traversée  par  la  cocaïne  :  la  pratique  courante  enseigne  en  effet 
qu'une  injection  de  cocaïne  poussée  seulement  sous  la  gencive 
anesthésie  la  dent  correspondante,  et  pour  cela  il  faut  que  la  cocaïne 
traverse  la  table  externe  de  la  paroi  alvéolaire.  Et  si  encore  on  ajoute 
que  le  nerf  dentaire  antérieur,  dans  son  canal,  est  accompagné  d'une 
petite  artère,  branche  de  la  sous-orbitaire  et  deux  petites  veinules 
qui  entrent  en  communication  avec  le  réseau  veineux  profond  de  la 
muqueuse,  on  admettra  plus  facilement  que,  par  ces  petits  orifices 
vasculaires,  la  cocaïne  puisse  atteindre  le  nerf. 

11  se  produit  donc  une  véritable  imprégnation  du  nerf  dentaire 
par  la  cocaïne,  et  cette  imprégnation  s'étend  de  l'émergence  du  fdet 
de  la  canine  sur  le  trajet  de  la  troisième  portion  du  nerf.  Mais  les 
résultats  obtenus  par  Escat  nous  montrent  que,  dans  80  p.  100 
des  cas,  on  constate  non  seulement  l'anesthésie  complète  des  inci- 
sives et  de  la  canine,  mais  encore  une  anesthésie  incomplète  de  la 
première  molaire  et  de  la  première  incisive  du  côté  opposé.  L'anes- 
thésie légère  de  la  première  molaire  se  comprend  aisément.  Nous 
avons  vu  en  effet  un  filet  nerveux  de  la  prémolaire  venir  se  jeter  dans 
celui   de    la   canine.  L'anesthésie   de   ce   nerf  explique  l'anesthésie 

(1)  Traite  des  variations  des  os  de  la  face  de  l'homme,  1906,  p.  271. 


ANESTIIESIE  PAR  LA  VOIE  NASALE.  321 

incomplèle  tle  la  prémolaire.  Il  en  est  de  môme  de  la  première 
incisive  du  cùlé  opposé  ;  les  auteurs  admettent  qu'il  y  a  échani^e  de 
fibres  entre  les  plexus  dentaires  des  deux  côtés.  En  même  temps 
que  l'aneslliésie  de  ces  dents,  on  obtient  celle  de  l'alvéole  qui  les 
contient  ;  cela  est  dû  aux  filets  nerveux  et  muqueux  fournis  par 
le  nerf  dentaire  antérieur.  Cependant  la  muqueuse  de  la  partie 
postérieure  des  alvéoles  correspondant  aux  incisives  et  canines 
reçoit  des  filets  du  naso-palatin  ;  mais  ce  nerf  est  lui-même  imprégné 
par  la  cocaïne  avant  son  entrée  dans  le   canal  palatin  antérieur. 

Dans  20  p.  100  des  cas,  le  champ  d'anesthésie  complète  s'étendait 
aux  quatre  incisives  et  à  la  canine  sous-jacente  au  tampon,  l'anes- 
thésie  incomplète  à  la  première  molaire  sous-jacente  et  à  la  canine 
du  côté  opposé. 

Dans  ces  cas,  l'anesthésie  porte  sur  presque  tout  le  territoire  des 
deux  nerfs  dentaires  antérieurs  :  or  le  tampon  de  cocaïne  étant 
séparé  par  la  cloison  du  nerf  dentaire  antérieur  du  côté  opposé,  on 
ne  peut  pas  parler  d'imprégnation  des  deux  nerfs  par  contact  direct 
comme  dans  les  cas  précédents.  Il  ne  faut  pas  penser  évidemment 
à  une  anomalie  dans  la  distribution  des  filets  nerveux,  car  vraiment 
elle  serait  trop  fréquente,  et  elle  n'est  rien  moins  que  démontrée. 

Si, sur  un  certain  nombre  de  crânes,  on  pratique  des  coupes  sagit- 
tales à  travers  le  plancher  des  fosses  nasales  et  la  voûte  palatine, 
assez  près  de  la  ligne  médiane,  on  est  frappé  de  la  différence  que 
présentent  ces  diverses  coupes  dans  leur  structure;  on  peut  rencon- 
trer les  trois  dispositions  suivantes  :  l"  une  mince  couche  de  tissu 
spongieux  entre  deux  lames  épaisses  de  tissu  compact  (type  sclé- 
reux)  ;  2**  une  couche  épaisse  de  tissu  spongieux  à  mailles  larges 
constituées  par  des  travées  osseuses  très  fines,  recouverte  sur  ses 
faces  supérieure  et  inférieure  par  une  lame  très  mince  de  tissu 
compact  (type  spongieux);  3°  on  peut  décrire  un  troisième  type  mixte, 
servant  de  transition. 

En  somme,  cette  classification  est  analogue  à  celle  de  Zuckerkandl 
pour  l'apophyse  mastoïde  ;  et  d'ailleurs  n'est-il  pas  logique  de 
penser  qu'une  forme  architecturale  spéciale  ne  saurait  se  localiser 
à  une  seule  région  du  crâne  ou  de  la  face.  Le  type  spongieux  est  le 
moins  fréquent  :  sur  55  crânes,  il  s'est  rencontré  14  fois  (26  p.  100). 
Je  crois  que  ce  chiffre  est  à  rapprocher  du  nombre  des  cas  (20  p.  100) 
où  le  champ  d'anesthésie  s'étend  aux  incisives  et  canines  du  côté 
opposé  :  dans  le  cas  de  maxillaire  déstructure  spongieuse,  la  cocaïne 
atteindrait  le  nerf  dentaire  sous-jacent,  comme  dans  les  cas  précé- 
dents, d'où  l'anesthésie  des  incisives  et  canine  du  même  côté.  Mais 
son  action  ne  s'arrête  pas  là  :  grâce  à  la  présence  de  minces  travées 
osseuses,  de  larges  mailles,  la  cocaïne  va  diffuser  à  travers  l'épaisseur 
de  l'os  et  atteindre  ainsi  non  seulement  le  plexus  dentaire  sous- 
jacent  (ce  qui  est  inutile,  car  le  tronc  nerveux  lui-même  est  déjà 
Traité  de  stomatologie.  VL    —  21 


322  NOGUE.  —  AISESTHESIE. 

anesthésié),  mais  encore  la  portion  la  plus  rapprochée  du  plexus 
dentaire  du  côté  opposé  :  d"où  l'anesthésie  complète  des  incisives 
et  l'anesthésie  légère  de  la  canine. 

En  résumé,  nous  pensons  que  lanesthésie  des  incisives  et  de  la 
canine  sous-jacentes  à  la  fosse  nasale  garnie  d'un  tampon  cocaïnisé 
est  due  à  l'imprégnation  directe  du  nerf  dentaire  antérieur  par  la 
cocaïne,  imprégnation  facile  par  suite  de  la  situation  très  superfi- 
cielle du  nerf.  Lanesthésie  exceptionnellement  constatée  des 
incisives  et  de  la  canine  du  côté  opposé  doit  s'expliquer  par  la 
(litTusion  de  la  cocaïne  dans  l'épaisseur  de  l'os,  diffusion  rendue 
possible  par  la  structure  spongieuse  du  tissu  osseux,  observée  dans 
26  p.   100  des  cas. 

Voici  comment  s'exprime  le  D''  Escat  en  exposant  sa  méthode 
danesthésie  (1)  : 

«  Je  ne  saurais  avancer  que  la  méthode  dont  je  vais  parler  n"a 
jamais  été  exploitée  en  thérapeutique  ou  en  chirurgie  dentaire  ; 
mais  je  crois  pouvoir  affirmer,  sans  enquête  préalable,  que  l'anes- 
thésie de  la  région  antérieure  des  fosses  nasales  n'est  ignorée  d'au- 
cun rhinologiste. 

«  Il  est,  en  effet,  d'observation  courante  que  les  sujets  soumis  à 
l'application  d'un  tampon  d'ouate  imbibé  de  solution  forte  de 
cocaïne,  en  vue  d'une  opération  endonasale  (résection  d'un  éperon 
duseptum,conchectomie antérieure,  cautérisation  galvano-caustique 
de  la  tète  du  cornet,  etc.),  accusent  une  anesthésié  des  incisives  et 
de  la  canine  sous-jacente  à  la  fosse  nasale  anesthésiée. 

«  Comme  la  plupartde  mes  confrères  en  rhinologie,  sans  nul  doute, 
j'avais  maintes  fois  observé  ce  phénomène  sans  m'y  arrêter,  ne  soup- 
çonnant pas  le  moins  du  monde  le  parti  qu'on  pourrait  en  tirer  en 
deniilion,  et  sans  rechercher,  bien  entendu,  les  conditions  physiolo- 
giques de  cette  anesthésié,  lorsqu'un  fait  des  plus  caractéristique 
vint  m'en  révéler  tout  l'intérêt. 

«  Une  jeune  fille  atteinte  de  rhinite  hypertrophique  se  rend  un  jour 
dans  mon  cabinet  pour  subir  une  galvano-cautérisation  du  cornet 
inférieur. 

w  Ayant  appliqué,  suivant  mon  habitude,  pour  obtenir  l'anesthésie 
de  la  muqueuse  piluitaire,  une  lame  d'ouate  imbibée  de  solution  de 
cocaïne  à  l  p.  20  sur  la  surface  du  cornet  inférieur,  entre  ce  cornet  et 
la  cloison,  je  prie  la  malade  de  vouloir  bien  patienter  dans  ma  salle 
d'attente  pendant  dix  minutes  environ,  temps  indispensable  pour 
obtenir  l'anesthésie  locale. 

ce  Elle  me  demande  alors  de  ne  point  la  faire  atten  dre  trop  longtemps, 
car  elle  a  hâte,  me  dit-elle,  d'aller  chez  son  dentiste  faire  soigner  une 
dent  dont  elle  souffre  horriblement. 

«'  Or,  l'ayant  fait  attendre,  contre  mon  intention,  bien  plus  de  dix 

(1)  Bull,  de  laryngologie,  olologie  el  rhinologie,  pr  janv.  1907. 


ANESTIIESIE  l'AR  LA  VOIE  NASALE.  323 

minute»,  plus  de  quinze  minutes  assurément,  je  m'apprêtais  à 
m'excuser,  lorsqu'elle  me  déclara,  pleine  de  satislaction,  que  sa  dou- 
leur dentaire  avait  complètement  disparu;  ma  cliente  n'hésita  pas 
d'ailleurs  à  attribuer  ce  résultat  à  l'influence  du  tampon  cocaïne  que 
j'avais  placé  dans  le  nez,  car  elle  sentait  toute  la  région  périphérique 
à  la  dent  malade  complètement  anesthésiée. 

«  Avant  de  pratiquer  la  cautérisation  du  cornet,  je  voulus  reconnaî- 
tre la  dent  malade  :  c'était  la  deuxième  incisive  gauche,  qui  présen- 
tait près  du  collet,  sur  son  bord  externe  et  sous  forme  d'échan- 
crure,  une  lésion  banale  de   carie. 

«  Je  parvins  l'acilement  à  limiter  le  champ  de  l'anesthésie,  et  je  pus 
constater  qu'il  s'étendait  aux  deux  incisives  et  à  la  canine  gauche, 
ainsi  qu'à  toute  la  région  gingivale  correspondante. 

«  Dès  ce  jour,  je  pris  soin,  chez  les  sujets  soumis  à  l'anesthésie 
locale  pour  opération  endonasale  antérieure,  de  relever  méthodique- 
ment la  topographie  du  territoire  gingival  anesthésié. 

<<  Voici  les  résultats  de  mes  constatations  : 

«  1°  L'anesthésie  de  la  région  gingivale  sous-jacente  à  la  fosse  nasale 
dont  la  région  antérieure  était  garnie  d'un  tampon  d'ouate,  soit  à 
1  p.  10,  soit  à  1  p.  20,  a  été  observée  dans  plus  de  500  cas  (1); 

u  2°  L'anesthésie  n'a  jamais  été  constatée  avant  un  quart  d'heure, 
il  partir  du  moment  où  le  tampon  de  cocaïne  était  appliqué  dans  la 
fosse  nasale. 

<'  Le  plus  souvent,  l'anesthésie  n'apparaît  qu'au  bout  de  vingt  mi- 
nutes ; 

"  3°  L'anesthésie  atteint  son  maximum  au  bout  de  trente  minutes, 
c'est  là  une  règle  absolue  ; 

«  4"  Si,  au  bout  de  trente  minutes,  le  tampon  est  enlevé,  l'anesthé- 
sie persiste  complète  pendant  un  quart  d'heure,  puis  elle  va  décrois- 
sant, pour  disparaître  au  bout  d'une  demi-heure  ; 

u  5  "  Sur  les  500  cas  observés,  les  limites  précises  du  champ  anes- 
thésié n'ont  été  relevées  que  46  fois  : 

«  a.  37  fois,  j'ai  obtenu  une  anesthésié  complète,  comprenant  les 
deux  incisives  et  la  canine  correspondante  du  côté  anesthésié, 
et  une  anesthésié  incomplète  de  la  première  prémolaire  du  même 
côté  et  de  la  première  incisive  du  côté  opposé  (fig.  95). 

u  6.  Dans  8  cas,  l'anesthésie  complète  s'étendait  jusqu'aux  deuxinci- 

sives  opposées,  et  l'anesthésie  incomplète  à  la  canine  opposée  (fig.  95)  ; 

Il  c.  Dans  un  cas  seulement,  l'anesthésie  fut  nettement  croisée  ;  en 

effet,   l'anesthésie  des  deux    incisives  et  de    la  canine   opposée  au 

tampon  fut  complète. 

('  Inversement,  celle  des  trois  dents  symétriques  sous-jacentes  à  la 
fosse  nasale  anesthésiée  fut  incomplète  (fig.  95). 

(1)  J'emploie  la  solution  à  1  p.  20  pour  les  cautérisations  du  cornet  inférieur  et  la 
solution  à  1  p.  10  pour  la  résection  de  la  cloison  et  des  cornets. 


324 


NOGUE. 


ANESTHESIE. 


«  iNTEitpnÉT.vTiON.  —  Abstraclion  faite  du  dernier  type  observé^ 
plusieurs  hypothèses  pouvaient  expliquer  le  phénomène. 

«  10  La  plus  simple  était  celle  de  Tinhibilion  de  proche  en  proche 
par  Tanesthésique,  qui  atteindrait  les  nerfs  dentaires  après  avoir 
franchi  successivement  la  pituilaire,  le  périoste,  la  trame  osseuse 
du  maxillaire  supérieur  et  enfin  les  gaines  lymphatiques  qui  enve- 
loppent les  filets  nerveux.  A  cette  hypothèse  par  trop  simpliste,  je 
m'arrêterai  peu. 

«  2"  La  deuxième  était  celle  de  linhibition  directe  par  la  cocaïne 
du  tronc  nerveux,  dont  les  rameaux  donnent  la  sensibilité  aux  inci- 
sives et  aux  canines. 

«  Malheureusement  les  notions  d'analomie  classique  étaient  loin 
de  cadrer  avec  cette  interprétation  ;  en  effet  : 

«  1°  D'une  part,  l'anatomie  enseigne  que  l'innervation  des  incisives 


Fig-.  95.  — T,  Tampon  cocaïne  placé  dans  la  fosse  nasale  gauche  ;  A,  dents  com- 
plètement anesthésiées  ;  a,  dents  incomplètement  anesthésiées. 

et  de  la  canine  supérieures  est  assurée  par  le  rameau  dentaire  anté- 
rieur que  tous  les  Atlas  d'anatomie  descriptive  représentent  inclus 
dans  la  trame  du  maxillaire  et  par  suite  sans  rapport  immédiat 
avec  la  cavité  nasale. 

«  2°  D'autre  part,  le  seul  nerf  en  rapport  avec  notre  tampon,  le 
sphéno-palatin,  qui  rampe  sous  la  muqueuse  de  la  cloison,  avant 
de  s'engager  dans  le  canal  palatin  antérieur,  ne  fournit  aucun 
rameau  dentaire  et  innerve  simplement  la  face  postérieure  du  rebord 
rétro-alvéolaire. 

«  Avec  ces  seules  données  classiques,  il  était  vraiment  bien  diffi- 
cile d'expliquer  l'anesthésie  observée. 

«  Une  troisièmehypolhèse,  dont  je  ne  me  dissimulai  pas  la  témérité, 
mais  justifiée  dans  une  certaine  mesure  par  les  enseignements  de  la 
tératologie,  se  présenta,  à  mon  esprit:  dans  le  bec-de-lièvre  bilatéral 
et  complet,  livré  à  sa  libre  évolution,  les  incisives  supérieures, 
supportées  par  l'os  incisif,  sont  susceptibles  de  se  développer.  Ces 
dents  mêmes  ne  sont  pas  constamment  débiles;  comme  les  autres 
dents,  elles  possèdent  forcément  des  filets  nerveux  et  trophiques. 

«  Or  ces  filets,  d'où  tirent-ils  leur  origine?  Ils  ne  sauraient  dépendre 
du  nerf  sous-orbitaire,  puisque  l'os  incisif  est,  dans  le  bec-de-lièvre 


ANESTHÉSIE   PAR  LA  VOIE  NASALE.  325 

complet,  strictement  isole  de  chaque  côté  des  bourgeons  maxillaires  : 
ils  ne  peuvent  donc  venir  dans  ce  cas  que  du  nerf  sphéno-polatin,  qui 
innerve  seul  le  bourgeon  nasal. 

«  Hélait  donc  rationnel  de  se  demander  si  Tanesthésie  des  incisi- 
ves, consécutive  à  l'application  d'un  tampon  cocaïne  dans  la  région 
antérieure  de  la  fosse  nasale,  ne  s'expliquerait  pas  par  une  ingé- 
rence inconnue  du  nerf  sphéno-palalin  dans  la  constitution  du 
plexus  dentaire. 

«  Le  P'  Cbarpy,  à  qui  je  fis  part  de  cette  hypothèse,  estima 
qu'elle  commandait  de  nouvelles  recherches  anatomiques  sur  Fin- 
nervation  des  incisives  et  de  la  canine  supérieures  et  voulut  bien 
charger  de  ce  soin  M.  Clermont,  aide  d'anatomie. 

«  Or,  comme  on  va  le  voir,  si  les  recherches  très  consciencieuses 
de  notre  collaborateur  n'ont  point  donné  confirmation  à  notre  dernière 
hypothèse,  elles  ont  abouti  à  nous  donner  du  phénomène  une  expli- 
cation non  moins  satisfaisante  et  tout  aussi  intéressante. 

«  M.  Clermont,  en  elTet,  a  reconnu  que  le  rameau  dentaire  antérieur 
qui  commande  seul  l'innervation  des  incisives  et  de  la  canine  supé- 
rieures, loin  d'être  inclus  dans  la  profondeur  du  maxillaire,  rampe 
au  contraire  à  la  surface  du  plancher  nasal,  en  arrière  du  bord 
saillant  qui  limite  en  bas  l'orifice  de  la  fosse  nasale,  dans  un  canal 
à  paroi  supérieure  extrêmement  mince,  et  même  pourvue  de 
déhiscences  assez  étendues  sur  une  partie  de  son  trajet  chez  cer- 
tains sujets. 

«  Ce  rapport  intime  du  nerf  dentaire  antérieur  avec  la  muqueuse 
du  plancher  explique  surabondamment  l'anesthésie  des  dents  inci- 
sives et  canines  supérieures  consécutive  à  celle  de  la  pituitaire. 

«  Indications  de  la  méthode.  —  La  dentisterie  peut  tirer  parti  de 
l'utilisation  de  la  voie  nasale  pour  l'anesthésie  des  incisives  et  des 
canines  supérieures. 

«  Cette  méthode,  en  effet,  semble  appelée  à  rendre  service  : 

«  Comme  procédé  d'analgésie  contre  les  douleurs  de  la  pulpite 
et  contre  celles  de  la  gingivite  ; 

«  Comme  procédé  d'anesthésie  chirurgicale  pour  l'avulsion,  les 
opérations  diverses  de  dentisterie  et  la  résection  partielle  du  rebord 
incisif. 

«  D'autre  part,  le  rapport  anatomique  mis  en  lumière  par  les  re- 
cherches de  M.  Clermont  et  par  mes  observations  cliniques,  indique 
une  voie  d'accès  chirurgicale  pour  la  section  du  nerf  dentaire 
antérieur  en  cas  de  névralgie  rebelle  ou  symptomatique  de  tumeur 
limitée  à  ce  groupe  dentaire.  Comme  on  le  conçoit  facilement,  la 
section  ou  la  résection  du  nerf  par  cette  voie  serait  un  véritable  jeu. 

u  Technique,  (fig.96).  —  La  technique  de  l'anesthésie  des  incisives 
el  de  la  canine  supérieures  est  fort  simple  :  elle  se  réduit  à  l'applica- 
tion dans  la  région  antérieure  de  la  fosse  nasale  d'un  tampon  d'ouate 


326 


^OGUE. 


AXESÏHÉSIE. 


hydrophile  de  la  dimension  et  de  la  forme  dune  amande,  imbibé  de 
cocaïne  à  1  p.  20  et  mieux  de  cocaïne  à  1  p.  10.  associée  ou  non  à 
ladrénaline  à  1  p.  1000. 

«  On  peut  évidemment,  dans  le  même  but,  employer  la  stovaïne  et 
les  divers  succédanés  de  la  cocaïne. 

<^  Les  dentistes .  qui  ont  l'habitude  de  nutiliser  que  la  cocaïne  à 
1  p.  100  en  injection  hypodermique,  pourront  trouver  exagérées  les 
doses  a  1  p.  20  et  1  p.  10  que  j'indique. 

<t  Qu'ils  ne  s'en  effraient  pas  :  c'est  là  la  dose  courante  en  rhinolo- 
gie.  La  cocaïne  absorbée  même  à  1  p.  5,  même  en  nature,  par  lapitui- 
taire,  ne  donne  lieu  à  aucune  intoxication. 

Il  sera  bon  toutefois,  pendant  l'application  du  tampon,  afin  d'éviter 


Fig.  Od.  —  Coupe  sagittale  des  fosses  nasales  montrant  la  position  adonner 
au  tampon  cocaïne. 

T,  Tampon  imbibé  de  cocaïne  à  1,10:  X,  coupe  du  nerf  dentaire  antéricur.-^ 
V.  vestibule  des  narines;  C,  cornet  inférieur;  L,  limite  du  vestibule  des  narines 
et  de  Ja  fosse  nasale  proprement  dite. 

la  déglutition  de  quelques  gouttes  de  la  solution  susceptibles  de 
couler  sur  le  plancher  nasal,  de  ne  point  laisser  la  tête  du  sujet 
dans  la  position  renversée,  prise  habituellement  sur  le  fauteuil  du 
dentiste,  mais  de  la  lui  faire  maintenir  droite  et  même  iléchie; 
l'excès  de  solution  anesthésique  résultant  de  l'expression  du  tampon 
au  moment  de  l'engagement  s'écoule  ainsi  au  dehors. 

«  Il  suffit  de  porter  le  tampon,  à  l'aide  dune  pince  quelconque  à 
extrémités  minces  et  mousses  (de  préférence  avec  une  pince  à  pan- 
sement d'oreilles  de  Lubet-Barbon)  entre  la  cloison  et  la  tête  du 
cornet  inférieur  et  de  l'engager  dans  la  fosse  nasale  de  2  centimètres 
environ  :  je  dis  dans  la  fosse  nasale  et  non  dans  la  narine,  car  l'appli- 
cation du  tampon  dans  la  narine  serait  suivie  d'un  échec  complet,  et 
cela  pour  deux  raisons  :  d'abord  parce  que  le  revêtement  cutané  de 
la  narine  n'absorbe  pas  les  solutions  de  cocaïne,  et  ensuite  parce  que 
le  tampon  ne  serait  pas  en  contact  avec  le  canal  du  nerf  dentaire,  qui 


ANESTHÉSIK  DU  NERF  DENTAIRE  INFÉRIEUR.  327 

parcourt  transversalement  le  plancher  nasal  en  arrière  de  la  cavité 
veslibulaire. 

«  La  limite  à  franchir  est  d'ailleurs  indiquée  en  bas  par  le  bord 
inférieur  semi-lunaire  de  Torifice  proprement  dit  de  la  fosse  nasale. 

«  Le  repère  infaillible,  pour  qui  n'est  pas  familiarisé  avec  la  rhi- 
noscopie,  est  l'extrémité  antérieure  du  cornet  inférieur,  qui  se  pré- 
sente comme  une  masse  charnue  du  côté  opposé  à  la  cloison  :  c'est 
entre  la  cloison  et  cet  organe  et  un  peu  au-dessus  de  l'extrémité 
antérieure  de  ce  dernier,  en  avant  du  méat  inférieur,  que  doit  être 
engagé  le  tampon. 

«  L'éclairage  rhinoscopique  n'est  pas  indispensable  :  toutefois  une 
simple  leçon  de  rliinoscopie  suffira  pour  donner  au  dentiste  beau- 
coup plus  d'habileté  dans  l'exécution  de  cette  petite  manœuvre. 

«  Rappelons  enfin  qu'il  ne  faut  pas  s'attendre  à  obtenir  une  anes- 
Ihésie  complète  avant  vingt  minutes  ou  une  demi-heure.  » 

Anesthésie  du  nerf  dentaire  inférieur  —  L'anesthésie  du 
nerf  dentaire  inférieur  à  son  entrée  dans  le  maxillaire  a  été  tentée 
par  Reclus,  Chevassu  et  Sauvez,  Nogué  et  Pageix.  On  conçoit 
l'intérêt  qu'il  y  a  pour  le  stomatologiste  à  obtenir  l'insensibili- 
sation de  tout  le  maxillaire  inférieur.  Le  succès  d'une  telle  opération 
est  forcément  lié  à  la  connaissance  parfaite  de  l'anatomie  topogra- 
phique de  la  région  et  du  trajet  du  nerf  dentaire. 

«  La  paroi  latérale  du  pharynx  présente  des  rapports  complexes 
avec  de  nombreux  éléments  de  la  région  cervicale  et  avec  des  élé- 
ments des  massifs  faciaux.  Aussi  a-t-on  distingué,  entre  la  base  du 
crâne  et  la  région  cervicale  supérieure,  une  région  particulière 
désignée  sous  les  noms  d'espace  maxillo-pharyngien,  de  région 
ptérygo-maxillaire,  d'espace  latéro-pharyngien  supérieur  (l). 

Il  y  a,  au  point  de  vue  topographique,  deux  espaces  importants  à 
distinguer,  en  relation  avec  la  paroi  latérale  du  pharynx.  C'est 
Jonnesco  qui,  le  premier,  a  montré  la  délimitation  de  ces  espaces. 
De  l'espace  maxillo-pharyngien  des  auteurs,  Jonnesco  a  fait  deux 
régions  distinctes  au  point  de  vue  anatomique  et  chirurgical.  Il  a 
décrit  une  aponévrose  stylo-pharyngienne  qui,  avec  les  muscles  sty- 
liens  et  les  ligaments  stylo-hyoïdien  et  stylo-maxillaire,  établit  une 
subdivision  de  l'espace  maxillo-pharyngien  en  deux  loges  :  loge 
antérieure  ou  ptérygo-pharyngienne,  loge  postérieure  ou  stylo- 
pharyngienne.  Ces  divers  éléments  ont  été  étudiés  en  détail  par 
Arsimoles,  qui  décrit  un  diaphragme  stylien  séparant  l'espace  pré- 
stylien  de  l'espace  rétro-stylien. 

C'est  l'espace  préstylien  qui  correspond  à  la  région  plérygo- 
maxillaire.  Richet,  Poirier,  Juvara,  qui  ont  admis  l'existence  d'une 
région  ptérygo-maxillaire,  la  définissent  :  l'espace  compris  entre  la 

(1)  L.  DiEULAFÉ,  Sur  la  topoj;raphie  de  l'espace  ptci-^go-maxillaire  [Bull,  inéd., 
2  sept.  1908). 


328 


NOGUÉ.  —  ANESTHESIE. 


Iji-anche  montante  du  maxillaire  inférieur,  d'une  part,  la  tubérosilé 
du  maxillaire  supérieur  et  Tapophyse  ptérygoïde,  daulre  part. 
Voici,  d'après  mes  recherches,  les  limites  quil  faut  assigner  à  cette 
région  :  «  Elle  est  circonscrite  entre  le  ligament  ptérygo-maxillaire 
el  la  tubérosité  maxillaire  en  avant,  le  diaphgrame  stylien  en  arrière, 
la  branche  montante  du  maxillaire  et  le  muscle  temporal  en  dehors, 
l'aile  interne  de  l'apophyse  ptérygoïde  et  l'aponévrose  péripharyn- 
gienne  en  dedans.  » 

Les  organes  contenus  dans  l'espace  ptérygo-maxillaire  peuvent 
être  ainsi  répartis  (voy.  fig.  97 1  :  le  muscle  ptérygoïdien  interne,  sui- 
vant un  trajet  oblique  de  haut  en  bas  et  de  dedans  en  dehors,  sub- 
divise cette  région  en  deux 
espaces  triangulaires,  l'un  ex- 
terne, maxillo-ptérygoïdien, 
à  base  supérieure  :  l'autre 
interne,  pharyngo-ptérygoï- 
dien,  à  base  inférieure.  La 
gaine  aponévrotique  de  ce 
muscle  s'insère  en  arrière, 
.sur  le  bord  postérieur  de  la 
branche  montante  ;  en  avant, 
par  des  tractus  celluleux,  elle 
adhère  à  l'aponévrose  péri- 
piiaryngienne.  Les  divers  es- 
paces sont  occupés  par  du 
tissu  cellulo-adipeux  et  con- 
tiennent des  vaisseaux  et  des 
nerfs.  En  dehors  du  muscle 
ptérygoïdien  se  trouvent  le 
nerf  lingual,  le  nerf  dentaire 
inférieur,  les  artères  et  veines 
dentaires,  satellitesdecenerf. 
En  dedans  du  muscle,  des 
branches  musculaires  issues 
de  l'artère  maxillaire  interne, 
des  branches  collatérales  de 
la  carotide  externe  destinées 
à  la  paroi  pharyngienne,  il 
faut  noter  parmi  ces  branches 
l'artère  lonsillaire,  qui  pro- 
vient de  la  palatine  ascendante.  Selon  le  plan  horizontal  considéré, 
cet  espace  contiendra  ou  non  les  nerfs  glosso-pharyngien  et  grand 
hypoglosse,  qui  descendent  de  la  base  du  crâne  et  atteignent  cet 
espace,  après  avoir  traversé  l'espace  rétro-stylien  et  perforé  le  dia- 
phragme stylien. 


97.  —  Schéma  des  organes  contenus 
dans  l'espace  ptérygo-maxillaire. 
1,  Artère  faciale;  2,  buccinateur:  3,  boule 
de  Bicliat;  4,  masséter  ;  4,  ligament  ptérygo- 
maxillaire,  6,  temporal:  ",  ptérygoïdien  in- 
terne ;  S,  nerf  lingual  ;  9,  nerf  dentaire  infé- 
rieur ;  10,  artère  et  veines  dentaires  ;  ]  1,  cons- 
tricteur supérieur  ;  12,  artère  carotide  in  terne  ; 
1.3,  artère  carotide  externe  :14,  nerfs  glosso- 
pharyngien,  pneumogastrique,  spinal  ;  15,  apo- 
physe styioïde  et  muscles  ;  16,  veine  jugu- 
laire interne  et  nerf  grand  hypoglosse. 


ANESTHÉSIE  DU  NEUF  DENTAIRE  INFERIEUR.  329 

Le  passage  de  ces  nerfs  à  travers  le  diaphragme  sLylien  indique 
qu'il  n'y  a  pas  ïix  une  cloison  absolument  fermée  au  point  de  vue 
anatomique  ;  mais  elle  est  fermée  au  point  de  vue  pathologique,  à 
cause  de  sa  constitution  celluleuse,  les  diverses  lamelles  qui  la  cons- 
tituent ayant  tendance  à  se  lasser  et  à  obturer  les  orifices  existants, 
en  présence  d'une  fusée  purulente,  dune  propagation  inflammatoire. 

En  avant,  l'espace  ptérygo-maxillaire  est  en  continuité  avec  la 
région  génienne,  grâce  à  la  disposition  du  ligament  ptérygo-maxil- 
laire. Ce  ligament  est  une  sorte  de  cloison  frontale,  insérée  en  haut 
sur  l'apophyse  ptérygoïde,  au  niveau  de  la  suture  ptérygo-maxillaire 
en  bas  sur  le  bord  alvéolaire,  au-dessus  et  en  arrière  de  la  ligne 
mylo-hyoïdienne,  et  par  des  fibres  externes  obliques  en  bas  et  en 
dehors,  sur  le  bord  antérieur  de  la  branche  monianio  ou  du  muscle 
qui  la  recouvre.  Au-dessus,  entre  ces  fibres  externes  et  la  face 
interne  du  tendon  du  muscle  temporal,  existe  un  orifice  à  travers 
lequel  s'engage  le  prolongement  postérieur  de  la  boule  de  Bichat, 
qui  va  sinsinuer  entre  le  temporal  et  le  ptérygoïdien  interne,  entre 
le  temporal  et  la  paroi  osseuse  de  la  fosse  zygomatique.  Par  cet  ori- 
fice, des  abcès  do  la  région  ptérygo-maxillaire  peuvent  fuser  vers 
la  région  génienne. 

L'espace  ptérygo-maxillaire  est  en  rapport,  en  avant,  avec  le 
ligament  ptérygo-maxillaire  et  la  muqueuse  du  vestibule  buccal,  en 
dedans,  avec  la  paroi  pharyngienne  et,  en  particulier,  avec  les 
piliers  du  voile  entre  lesquels  se  trouve  placée  l'amygdale,  en 
dehors,  avec  l'os  maxillaire  inférieur,  en  arrière,  avec  la  loge  paro- 
tidienne  et  l'espace  rétro-stylien  contenant  les  gros  vaisseaux  et 
plusieurs  nerfs  crâniens  ;  en  bas,  il  se  continue  avec  les  régions 
cervicale  et  sous-maxillaire  ;  on  ne  saurait  assigner,  à  ce  niveau, 
une  limite  anatomique  à  cette  région,  ("ependant  la  région  anté- 
rieure au  muscle  ptérygoïdien  interne  s'arrête  à  la  ligne  d'insertion 
de  ce  muscle  sur  la  face  interne  et  le  bord  inférieur  de  la  branche 
montante.  Et  ceci  m'amène  à  préciser  une  distinction  :  en  avant,  la 
région  maxillo-ptérygoïdienne  correspond  au  vestibule  buccal,  la 
région  pharyngo-ptérygoïdienne  aux  piliers  et  à  l'amygdale,  à  la 
paroi  pharyngienne. 

Cette  distinction,  ainsi  établie,  a  son  importance  au  point  de  vue 
chirurgical. 

Par  le  vestibule  buccal  on  aborde  l'espace  maxillo-ptérygoïdien 
dans  le  but  de  pratiquer  la  section  du  nerf  dentaire  (technique  bien 
connue)  ou  de  porter  au  contact  de  ce  nerf  une  solution  de  cocaïne 
destinée  à  anesthésier  tout  le  territoire  de  distribution  de  ce  nerf 
(procédé  de  Nogué).  Les  recherches  de  mon  élève,  i\l' ''  Condat, 
consignées  dans  la  thèse  de  Pageix,  ont  fixé  les  détails  de  cette 
technique.  Il  s'agit  de  plonger  une  aiguille  de  seringue  de  Pravaz, 
en  dehors  du  ligament  ptérygo-maxillaire  et  à    12  ou  15  millimètres 


330  KOGCE.  —  ANESTHÉSIE. 

au-dessus  de  la  deuxième  grosse  molaire  ;  on  enfonce  Taiguille  de 
1  cenîimètre  1/2,  en  la  dirigeant  de  sorte  que  le  corps  de  la  seringue 
passe  par  le  milieu  de  l'arcade  dentaire,  et  on  pousse  une  solution 
de  cocaïne. 

La  situation  des  nerfs  dentaire  et  lingual  dans  le  même  espace 
explique  que,  dans  certains  cas,  lanesthésicait  pu  intéresser  le  terri- 
toire du  lingual  ;  mais  la  technique  précédente  permet  d'arriver,  d'une 
façon  précise,  sur  le  dentaire  avant  sa  pénétration  dans  le  canal  creusé 
dans  le  maxillaire  inférieur. 

Le  nerf  dentaire  inférieur  pénétrant  dans  le  maxillaire  au  niveau 
du  trou  dentaire  postérieur  innerve  toutes  les  dents  de  cette  mâchoire. 
Au  moment  de  son  entrée  dans  le  canal  dentaire  inférieur,  ainsi  que 
la  si  bien  montré  Daniel  MoUière,  le  nerf  se  partage  en  deux  branches  : 
l'une  supérieure  plus  petite  [nervus  dentalis),  l'autre  inférieure  plus 
grande  {ramiis  mentalis),  qui  marchent  côte  à  côte  et  qui  commu- 
niquent par  un  grand  nombre  de  filets  anastomotiques.  Le  mentonnier 
est  un  nerf  mixte;  le  nerf  dentaire  proprement  dit  est  avant  tout  un 
nerf  sensitif,  mais  il  contient  des  fdets  sympathiques.  Chez  la  plupart 
des  sujets,  le  canal  se  bifurque  au-dessous  des  grosses  molaires  pour 
former  un  canal  collatéral  qui  va  rejoindre  le  canal  principal  un  peu 
plus  loin.  Le  nerf  dentaire  s'engage  dans  ce  canal  collatéral  ou  entre 
les  racines  de  la  première  grosse  molaire  quand  ce  canal  n'existe 
pas.  Avant  d  y  pénétrer,  il  envoie  sur  l'artère  un  filet  assez  volumineux. 
Cette  artère  a  déjà  reçu  à  son  origine  un  plexus  nerveux,  dépendance 
du  plexus  de  la  maxillaire  interne.  Les  rameaux  s'anastomosent  par 
un  filet  gros  et  court  au  tronc  commun  dentaire  et  mentonnier;  puis 
ils  forment  un  plexus  as.sez  riche  autour  des  molaires,  envoient  un 
filet  dans  chaque  racine,  puis,  s'insinuant  entre  elles  et  les  alvéoles, 
ressortent  par  les  gencives.  C'est  à  ce  niveau  qu'ils  s'anastomosent 
avec  le  lingual. 

Le  nerf  dentaire  recevant  une  deuxième,  puis  une  troisième  anas- 
tomose du  mentonnier,  se  divise  en  longs  plexus  qui  entourent  les 
racines  des  dents  ou  plutôt  qui  se  séparent  dans  les  alvéoles,  four- 
nissant une  branche  à  chaque  racine  dentaire,  et  enfin  envoie  entre 
les  alvéoles  et  les  dents  des  filets  gingivaux  analogues  à  ceux  des 
molaires. 

Arrivée  au  trou  mentonnier,  la  branche  mentonnière  sort  de  l'os, 
mais  le  plexus  dentaire  se  continue  dans  des  vacuoles  plus  ou  moins 
irrégulières  et  non  dans  un  canal  distinct  à  parois  définies.  Avant  sa 
sortie  de  l'os,  ilsedistribue  en  plexus  autour  des  racines  des  incisives, 
auxquelles  il  fournit  des  filets.  Chemin  faisant  et  dans  tout  son  trajet, 
le  nerf  dentaire  envoie  des  branches  plus  ou  moins  volumineuses 
dans  les  cellules  osseuses  situées  au-dessous  du  canal.  A  sa  sortie  de 
la  mûclioire,  le  nerf  mentonnier  va  se  distribuer  aux  glandules  buccales, 
à  la  muqueuse  labiale  et  à  la  peau  de  la  lèvre. 


ANESTHÉSIE  DU  NERF  DENTAIRi:  INFÉRIEUR.  331 

Ou  conroit  par  celle  description  que,  s'il  était  j>ossible  de  porter 
une  solution  de  cocaïne  au  contact  du  tronc  nerveux  immédialeraent 
avant  son  entrée  dans  le  canal  dentaire,  on  obtiendrait  à  ce  niveau 
une  section  physioloi^ique  du  nerf  et  parlant  une  anesthésie  complète 
de  toute  la  zone  d'innervation  de  ce  nerf. 

Sous  le  ptérygoïdien  interne,  s'étendant  obliquement  de  l'angle  de 
la  mâchoire  à  l'apophyse  ptérygoïde,  chemine  au  milieu  du  tissu 
cellulaire  le  paquet  vasculo-nerveux  constitué  par  le  nerf  lingual,  le 
nerf  dentaire  inférieur  et  son  artère  satellite. 

Le  nerf  lingual,  dirigé  de  haut  en  bas  et  d'arrière  en  avant,  se 
trouve  par  rapport  au  dentaire  sur  un  plan  antéro-interne. 

Le  nerf  dentaire  présente  une  même  direction  avec  toutefois  une 
obliquité  moindre. 

L'artère  dentaire  en  arrière  du  nerf  présente  au  contraire  une  obli- 
quité plus  accentuée  :  après  un  court  trajet,  elle  fournit  la  mylo-hyoï- 
dienne  et  pénètre  dans  le  canal  dentaire. 

Le  nerf  est  d'abord  compris  enti'e  les  deux  ptérygoïdiens,  puis, 
appliqué  directement  contre  la  surface  osseuse,  il  pénètre  dans  le  trou 
dentaire,  après  avoir  donné  un  filet  mylo-hyoïdien. 

Le  trou  dentaire,  situé  vers  le  milieu  de  la  branche  montante,  a  la 
forme  d'une  gouttière  obliquement  dirigée  de  haut  en  bas  et  d'arrière 
en  avant  et  bordée  en  bas  et  en  avant  par  l'épine  de  Spix,  petite 
saillie  de  forme  et  de  dimensions  assez  variables. 

Des  mensurations  pratiquées  sur  20  maxillaires  différents,  il  résulte 
que  la  distance  de  l'épine  de  Spix  au  bord  antérieur  de  la  branche 
montante  varie  de  8à  14  millimètres.  La  distance  comprise  entre  deux 
plans  horizontaux  passant  l'un  par  l'épine  de  Spix  et  l'autre  par  le 
rebord  alvéolaire  a  été  en  moyenne  de  16"'°, 5.  La  dent  de  douze  ans 
mesurant  environ  6  à  8  millimètres  de  hauteur  coronaire,  l'épine  de 
Spix  sera  donc  à  environ  1  centimètre  au-dessus  de  la  surface  tritu- 
rante de  cette  dent  prise  comme  point  de  repère.  Si  la  dent  manque, 
on  comptera  environ  2  centimètres  au-dessus  du  rebord  alvéolaire  (1). 

Des  injections  colorées  au  bleu  de  méthylène  poussées  sur  le 
cadavre  entre  le  ligament  ptérygo-maxillaire  et  le  bord  antérieur  de 
la  branche  montante  ont  donné  les  résultats  suivants  : 

Trois  cas  se  présentaient  :  ou  l'injection  pénétrait  en  dedans  du 
muscle  ptérygoïdien  interne,  ou  dans  l'épaisseur  du  muscle  même, 
ou  en  dehors  de  lui. 

1"  Dans  le  premier  cas.  le  liquide  se  diffuse  sur  la  paroi  latérale  du 
pharynx  :  parfois  même,  fusant  par  l'interstice  déterminé  sous  le  bord 
antérieur  du  muscle  par  le  passage  du  lingual,  il  va  intéresser  ce 
dernier  nerf.  Dans  ce  cas-là,  jamais  le  dentaire  n'est  atteint; 


(1)  G.   Pageix,    Étude  d'un  nouveau  procédé   d"anesthésie   dentaire.  Thèse  de 
Paris,  1906. 


332  NOGUE.  —  AXESTHÉSIE. 

2°  Sirinjection  a  été  faite  dans  l'épaisseur  du  muscle,  elle  ne  diffuse 
pas  et  y  reste  limitée  ; 

3"  Enfin,  si  elle  pénètre  en  dehors  du  ptérygoïdien  dans  le  tissu 
cellulaire,  elle  atteint  à  la  fois  le  dentaire  et  le  lingual. 

On  voit  donc  que  l'injection  ne  saurait  donner  de  résultat  que  si  elle 
pénètre  en  dehors  du  muscle  ptérygoïdien. 

Quelle  direction  donner  à  l'aiguille?  Une  direction  parallèle  au  plan 
de  la  branche  montante.  Ce  plan  est  oblique  et,  prolongé  en  avant, 
il  viendrait  rencontrer  celui  du  côté  opposé  au  milieu  de  l'arcade 
dentaire. 

L'aiguille  pénétrera  aussi  près  que  possible  du  nerf.  La  distance 
du  bord  antérieur  de  la  branche  montante  au  canal  variant  de  8  à 
14  millimètres,  l'artère  qui  accompagne  le  nerf  se  trouve  à  la  partie 
postérieure  du  canal,  en  arrière  du  dentaire,  à  4  ou  5  millimètres  de 
l'épine  de  Spix.  On  pourra  donc,  sans  crainte  de  blesser  cette  artère, 
pousser  l'aiguille  à  1"',5  de  profondeur. 

Si,  dans  certains  cas,  le  nerf  est  situé  plus  loin,  l'injection  l'atteindra 
par  suite  de  la  diffusion  du  liquide.  L'artère  faisant  d'ailleurs  avec 
le  nerf  un  angle  aigu  ouvert  en  haut  et  dont  elle  constitue  le  côté 
postérieur,  plus  l'injection  portera  haut,  moins  on  aura  de  chances  de 
l'atteindre.  D'où  celte  indication  de  pratiquer  l'injection  à  une 
distance  de  la  face  triturante  des  molaires  un  peu  supérieure  à  1  cen- 
timètre. 

Une  autre  disposition  anatomique  vient  encore  justifier  cette  façon 
d'agir  :  l'épine  de  Spix  occupe  fréquemment  le  bord  inférieur  du 
canal  dentaire;  elle  intéresse  même  quelquefois  son  bord  postérieur, 
prolongeant  ainsi  ce  canal  en  hauteur.  Il  faudra  donc  porter  l'injection 
suffisamment  haut  pour  qu'elle  passe  au-dessus  de  l'épine. 

Nous  avons  choisi  comme  point  de  repère  le  bord  antérieur  de  la 
branche  montante,  toujours  facilement  accessible  au  doigt,  en  dépit 
de  la  muqueuse  plus  ou  moins  épaisse  qui  le  recouvre.  Sur  ce  bord 
antérieur,  letroncdu  nerf  dentaire  se  trouve  correspondre  à  une  ligne 
horizontale  qui  passerait  à  1  centimètre  au-dessus  de  la  dent  de 
douze  ans. 

Mais,  si  l'on  voulait  faire  pénétrer  une  aiguille  directement  d'avant 
en  arrière,  un  peu  en  dedans  de  ce  bord  antérieur,  la  chose  serait 
impossible  :  l'aiguille  viendrait  buter  contre  l'os.  Le  doigt  sent  en 
elï'et  très  nettement,  immédiatement  en  dedans  du  bord  antérieur,  une 
gouttière  profonde,  limitée  par  une  saillie  longitudinale  sur  laquelle 
viennent  s'insérer  le  temporal  en  haut,  le  buccinateur  en  bas.  C'est 
en  dedans  de  celte  saillie  que  l'aiguille  trouvera  le  champ  libre. 

Par  conséquent,  avec  la  pulpe  de  l'index  gauche,  nous  déterminons 
le  bord  antérieur  de  la  branche  montante  et  immédiatement  en  dedans 
le  sillon  (jui  lui  fait  suite  et  la  saillie  osseuse,  dont  nous  venons  de 
parler.  Sur  celle  saillie,  l'index  est  arrêté  à  la  hauteur  de  la  surface 


ANESriIi:i5lE  DU  NEUF  DEXTAIRE   IXEllUlIiUU.  333 

Iriluranle  des  molaires.  L'aiguille  tenue  parallèlement  à  celte  surface 
Iriluranle,  à  /  ccnlinièlre  au-dessus  d'elle,  pénétrera  d'avant  en 
arrière,  immédiatement  en  dedans  de  la  saillie  osseuse,  et  sera  enfoncée 
de  I^'^'^ô  environ. 

Une  partie  du  liquide  est  alors  injectée  à  ce  niveau  :  puis  le  corps 
'de  la  seringue  est  porté  doucement  jusqu'à  la  commissure  labiale  du 
côté  opposé.  Dans  ce  mouvement,  la  pointe  de  l'aiguille  décrit  un  arc 
de  cercle,  contourne  l'épine  de  Spix  et  se  rapproche  du  tronc  nerveux. 
On  peut  alors  enfoncer  encore  l'aiguille  de  quelques  millimètres, 
tandis  que  le  restant  du  liquide  est  injecté  dans  toute  la  région. 

Pour  faciliter  cette  manœuvre,  nous  avons  remplacé  la  longue 
aiguille  droite  de  platine  qui  nous  servait  au  début  par  une  canule 
coudée  en  baïonnette  de  7  centimètres,  armée  à  son  extrémité  d'une 
aiguille  en  platine  mesurante  centimètres  et  faisant  corps  avec  elle. 
La  canule  se  fixe  à  frottement  sur  la  seringue.  Cette  aiguille,  de 
dimensions  bien  déterminées,  permet  à  l'opérateur  de  voir  à  quelle 
profondeur  il  pénètre  et  de  ne  pas  aller  au  delà  de  2  centimètres,  ce 
qui  nous  a  paru  toujours  suffisant. 

Le  corps  de  la  seringue  ne  présente  rien  de  particulier  :  c'est  une 
seringue  quelconque  stérilisable  par  la  chaleur,  comme  d'ailleurs  la 
canule  et  l'aiguille,  et  d'une  capacité  de  2  centimètres  cubes. 

En  se  servant  d'une  aiguille  droite  et  en  se  basant  sur  ses  expé- 
riences sur  le  cadavre,  Dieulafé  a  indiqué  la  technique  suivante  : 
au  fond  du  sinus  buccal,  avec  la  pulpe  de  l'index  gauche,  chercher  le 
ligament  ptérygo-maxillaire,  que  l'on  sent  très  résistant  lorsque  la 
bouche  est  entr'ouverte.  Enfoncer  l'aiguille  à  ^^''^S  de  profondeur  en 
dehors  de  ce  ligament,  en  un  point  situé  à  1  centimètre  au-dessus  de 
la  deuxième  grosse  molaire.  Diriger  alors  l'aiguille  de  telle  sorte  que 
le  corps  de  la  seringue  vienne  se  placer  au  milieu  de  l'orifice  buccal. 

Par  l'une  ou  l'autre  technique,  les  résultais  obtenus  sontidenliques. 

Nous  avons  appliqué  cette  méthode  dans  plus  de  cent  extractions, 
et  nous  en  avons  obtenu  d'excellents  résultats.  Dans  la  plupart  des 
cas,  nous  avons  noté  une  anesthésie  à  peu  près  complète  de  toute  la 
région  innervée  par  le  dentaire  inférieur.  Aussi  avons-nous  pu  extraire 
indifféremment  par  ce  procédé  les  incisives  ou  les  grosses  molaires, 
parfois  même  plusieurs  dents  consécutivement  dans  une  même 
séance. 

La  première  manifestation  de  cette  anesthésie  est  la  sensation 
éprouvée  par  le  patient  d'un  engourdissement  plus  ou  moins  marqué 
de  la  moitié  correspondante  de  la  lèvre  et  de  la  langue.  Elle  est  la 
preuve  évidente  que  le  liquide  anesthésique  a  bien  intéressé  le  tronc 
nerveux.  Cette  sensation  spontanément  exprimée  par  le  patient  est 
frappante.  Elle  correspond  aune  anesthésie  réelle  de  la  région,  car 
la  piqûre  de  la  lèvre  et  de  la  langue  n'est  que  peu  ou  pas  perçue.  Elle 
a  par  conséquent  la  valeur  d'une  véritable  expériencephysiologique. 


334  NOGUÉ.  —  ANESTHÉSIE. 

Elle  met  U'aillours  à  se  faire  sentir  un  temps  variable  selon  les  indi- 
vidus. Nous  avons  remarqué  qu'elle  était  généralement  assez  nette 
vers  la  cinquième  minute,  parfois  dès  la  troisième,  plus  souvent  vers 
la  sixième,  septième  ou  huitième  minute. 

Aussi  pensons-nous  qu'il  est  bon  de  mettre  entre  Tinjection  et 
rextraclionuntempsassezlong.  Mantzavait  déjà,  dans  une  série  d'in- 
terventions dont  les  résultats  avaient  été  fort  problématiques,  réussi 
à  clore  la  série  de  ses  échecs  en  allongeant  la  période  d'attente  et  en 
mettant  vingt  à  trente  minutes  entre  l'injection  et  l'acte  opératoire. 

Nous  nous  trou  vous  très  bien  d'attendre  au  minimum  quinze  minutes, 
parfois  même  davantage. 

La  substance  anesthésique  employée  a  été  le  chlorhydrate  de 
cocaïne  en  solution  au  centième.  Les  doses  ont  été  généralement 
de  1  à  2  centimètres  cubes,  soit  à  1  à  2  centigrammes  d'alcaloïde. 
Ces  doses  nous  paraissent  suffisantes,  mais  nous  sommes  convaincu 
qu'avec  des  doses  plus  élevées  le  tronc  nerveux  serait  plus  puis- 
samment intéressé.  Mais  comme  la  substance  active  est  ici  abandonnée 
dans  l'intimité  des  tissus  et  par  suite  absorbée  en  totalité,  nous 
conseillons  de  s'en  tenir  à  l'^«,5  ou  2  centigrammes. 
Peut-être,  d'ailleurs,  par  l'emploi  d'uu  anesthésique  moins  toxique, 
pourrait-on  injecter  des  doses  plus  élevées  et  obtenir  ainsi  une 
anesthésie  plus  parfaite.  Il  faut  espérer  que  la  stovaïne,  comme  nos 
expériences  nous  le  font  présumer,  pourra  supplanter  ici  la  cocaïne, 
comme  elle  est 
en  train  de  la  supplanter  dans  Tanesthésie  intrarachidienne. 

La  méthode  que  nous  venons  d'exposer  est  loin  d'être  parfaite,  et 
nous  la  croyons  susceptible  de  nombreux  perfectionnements.  Mais, 
pour  si  défectueuse  qu'elle  soit,  elle  nous  paraît  présenter  quelques 
avantages,  notamment  en  permettant  d'obtenir  avec  une  dose  médi- 
camenteuse minime  une  zone  anesthésique  très  étendue;  en  per- 
mettant, dans  les  cas  de  péricémentite  et  de  périostite,  d'injecter  le 
liquide  ailleurs  qiie  dans  les  tissus  enflammés  et  hypersensibles,  et 
d'obtenir  ainsi  une  anesthésie  très  satisfaisante  ;  en  permettant  enfin 
de  faire  l'injection  avec  un  minimum  de  douleur,  car  la  piqûre  de  la 
muqueuse  et  des  tissus  sous-jacents  est  au  point  d'élection  quasi 
indolore. 

Nous  n'avons  eu,  depuis  plusieurs  années  que  nous  employons  ce 
procédé,  aucun  accident.  La  blessure  de  l'artère  qui  accompagne  le 
nerf  dentaire  inférieur  n'a  jamais  été  observée  et  nous  paraît  d'ail- 
leurs bien  improbable,  étant  donnée  son  extrême  ténuité.  La  blessure 
du  nerf  lui-même  n'a  pas  été  notée. 

Nousavons  seulement  constaté  chezun  certain  nombre  de  patients 
une  gêne  de  la  mastication  et  de  la  déglutition  pouvant  se  prolonger 
pendant  quelques  heures,  mais  s'alténuant  l)ientôt  et  disparaissant 
d'elle-même. 


ANESTIIKSII-    DU  .NKUi     LIXGLAI..  335 

Anesthésie  régionale  de  la  langue,  du  larynx  et  de  la  région 
oculo-palpébrale.  —  L'aneslhésie  régionale  a  été  tentée  avec  suc- 
cès en  d'autres  régions.  Bien  (|ue  ces  régions  ne  soient  pas  toutes  du 
domaine  de  la  stomatologie,  nous  pouvons  tirer  de  ces  tentatives  les 
indications  les  plus  utiles. 

Anesthésie  régionale  de  la  langue  :  anesthésie  du  nerf 
lingual.  —  GhtM  rier  décrit  ainsi  la  technique  (jui  lui  a  permis 
d'obtenir  l'aneslhésie  partielle  de  cette  région  : 

Le  nerf  lingual  est  facile  à  atteindre  ;  il  est  immédiatement  sous  la 
muqueuse,  au  milieu  du  sillon  qui  sépare  la  gencive,  en  regard  de  la 
dernière  molaire,  du  bord  latéral  de  la  langue.  Et  rien  n'est  simple 
comme  de  l'entourer  d'une  boule  d'oedème  anesthésique.  Le  malade 
étant  couché  et  le  demeurant  comme  pour  toute  cocaïnisation  si  on 
«mploie  la  cocaïne;,  on  commence  par  anesthésier  la  muqueuse  de 
son  sillon  linguo-gingival,  en  y  déposant  un  fragment  de  compresse 
imbibé  de  liquide  anesthésique.  Comme  la  langue  est  un  organe 
essentiellement  mobile,  on  veillera  à  ce  que  le  petit  tampon  ne  soit 
pas  repoussé.  Le  plus  simple  est  de  le  monter  sur  une  pince  et  de 
le  maintenir  une  ou  deux  minutes  au  bon  endroit. 

Ayant  demandé  au  malade  d'ouvrir  largement  la  bouche  et  utilisant 
au  besoin  un  ouvre-bouche,  on  lui  fixe  la  langue,  tirée  au  dehors,  en 
la  maintenant  avec  une  compresse.  Si  le  sillon  linguo-gingival  ne 
semble  pas  bien  ouvert,  on  déprime  le  bord  de  la  langue  avec  un 
étroit  écarteur.  On  pique  la  muqueuse  anestliésiéeau  milieu  du  sillon 
et  à  la  hauteur  de  la  dernière  molaire,  et  on  pousse  l'injection  peu  à 
peu,  jusqu'à  2  centimètres  de  profondeur  environ. 

Pour  être  certain  que  le  nerf  baigne  bien  de  partout  dans  le  liquide 
analgésiant,  on  fera  une  autre  piqûre  et  une  autre  injection  un  peu 
en  dehors  de  la  première. 

Il  suffit  d'attendre  quelques  minutes,  en  massant  légèrement  la 
région  œdématiée  avec  un  petit  tampon  monté  sur  une  pince.  j»our 
que  l'analgésie  soit  absolument  complète. 

Le  territoire  analgésie  atteint  à  peu  près  la  ligne  médiane  et  com- 
prend la  face  dorsale  de  la  langue,  sa  face  inférieure  et  le  plancher 
de  la  bouche,  pour  une  piqûre  unilatérale.  Si  on  a  fait  une  piqûre 
au  niveau  des  deux  nerfs  linguaux,  toute  la  partie  de  la  langue  qui 
est  en  avant  des  piqûres  et  tout  le  plancher  sont  analgésies.  La  sur- 
face anesthésiée  est  donc  considérable  pour  une  quantité  minime 
d'anesthésique. 

Sans  doute  celte  analgésie  de  la  langue  n'est  pas  toujours  néces- 
saire, et  on  pourra  continuer  à  user,  dans  bien  des  cas,  de  l'analgésie 
locale  simple  ;  mais  elle  semble  appelée  à  rendre  de  réels  services, 
surtout  dans  deux  circonstances  :  dans  les  cas  de  lésions  linguales 
multiples  ^ulcérations  tuberculeuses,  par  exemple),  ou  lorsqu'il  s'agira 
de  procédera  une  exérèse  étendue  (large  extirpation  delà  muqueuse 


336 


XOGUE. 


ANESTHÉSIE. 


dorsale  de  la  lansfue,  telle  que  la  préconise  Moreslin  dans  certaines 
formes  de  leucoplasie  linguale  étendue). 

Ajoutons,  en  outre,  que  cette  anesthésie  régionale  peut  être  obtenue 
avec  tous  les  anesthésiques  locaux  :  cocaïne,  stovaïne,  novocaïne, 
alypine,  etc. 

Anesthésie  régionale  du  larynx.  —  Cest  à  Frey  (de  Berne) 
que  revient  le  mérite  d'avoir  méthodiquement  recherché  et  obtenu 
l'anesthésie  du  larynx  par  une  injection  de  cocaïne  et  adrénaline  vers 
le  laryngé  supérieur. 

Il  décrit  une  technique  qui,  dans  27  cas,  a  donné  25  résultats 
positifs,  soit  à  lui-même,  soit  à  son  maître  le  P'  Valentintde  Berne). 


Fig.  98.  —  Distribution  des  nerfs  dans  le 
larynx  humain  (demi-schématique  d'a- 
près Exner).Vue  postérieure. 

i.  X,  laryngé  sup.  ;  2.  br.  int. ;  3,  br. 
e.\t.  ;  4,  ram.  tr.thyr.  ;5,ram.  par.,  sup.  ; 
6,  ram.  perf.  inf.  ;  7,  anast.  galien  ;  s. 
br.  m.  cric.  aryt.  post. 


Fig-.  99. —  Vue  latérale  du  larynx. 

],  os  hyoïde  :  2,  membrane  thyro- 
hyoïdienne;  3,  cartilage  thyroïde  ;  4, 
nerf  laryngé  supérieur:  5,  point  où  le 
nerf  traverse  la  membrane  thyroï- 
dienne; G,  nerf  laryngé  externe. 


Cette  technique  toute  nouvelle,  nous  l'avons  étudiée  à  nouveau  au 
point  de  vue  anatomique.  Nos  recherches  sur  le  cadavre  nous  ont 
obligé  à  modifier  la  technique  de  Frey;  nous  croyons  l'avoir  simpli- 
fiée et  l'avoir  complétée  en  ajoutant  à  l'anesthésie  du  laryngé  supé- 
rieur la  cocaïnisation  du  laryngé  inférieur,  nerf  du  spasme  glot- 
lique. 


ANESTHESIE  DU  NERF  LARYNGE  SUPERIEUR. 


337 


Procédé  de  Fret)  (cocaïnisation  du  laryngé  supérieur).  — 
Sous  rinspiration  du  P'  Valentin,  Frey  a  étudié  la  situation  topo- 
graphique du  laryngé  supérieur  et  les  conditions  à  réaliser  pour 
l'atteindre  par  une  injection  de  cocaïne.  Le  nerf  laryngé  supérieur 
est  abordable  à  travers  le  peaucier,  en  arrière  du  bord  postérieur  du 
muscle  thyro-hyoïdien,  entre  la  grande  corne  de  l'os  hyoïde  et  la 
corne  supérieure  du 
thyroïde,  avant  qu'il 
ne  traverse  la  mem- 
brane thyro-hyoï- 
dienne. 

Aussi  Frey  donne- 
t-il  les  conseils  sui- 
vants: lo  chercher  la 
situation  de  la  gran- 
de corne  hyoïdienne 
et  de  l'angle  postéro- 
supérieur  du  carti- 
lage thyroïde  2° 
prendre  le  milieu  de 
la  ligne  qui  unit  ces 
deux  points  ;  enfon- 
cer l'aiguille  au-des- 
sous de  ce  troisième 
point  ainsi  trouvé, 
à  la  profondeur  de 
1  centimètre  en 
moyenne. 

Sur  le  cadavre, 
Frey  a  fait  ainsi  des 

injections  de  1  centimètre  cube  de  bleu  de  méthylène,  en  dirigeant 
l'aiguille  plutôt  en  arrière  et  en  dedans;  l'infdtration  était  très  posi- 
tive, et  jamais  Frey  ne  l'a  vue  gagner  le  paquet  vasculo-nerveux. 

Sur  le  malade,  l'auteur  s'est  servi  d'une  solution  physiologique 
contenant  1  centigramme  de  chlorhydrate  de  cocaïne  et  l  déci- 
milligramme  de  chlorhydrate  d'adrénaline  par  centimètre  cube  ; 
il  a  injecté  1  à  2  centimètres  cubes  de  chaque  côté.  Le  malade  est 
assis,  la  tête  légèrement  relevée,  et  tandis  que  la  main  gauche 
soutient  le  larynx  du  côté  opposé  à  l'injection,  la  main  droite  fait 
l'injection  au  point  d'élection  ;  l'aiguille,  dirigée  horizontalement  vers 
le  plan  médian,  éprouve  une  résistance  à  traverser  le  peaucier  ; 
aussitôt  après  cette  traversée,  on  a  la  sensation  d'être  dans  un  espace 
libre;  à  ce  moment  la  pointe  est  environ  à  1  centimètre  de  profondeur. 

On  dirige  alors  l'aiguille  légèrement  en  arrière  pour  épouser  la 
direction  du  nerf;  on  injecte  O'^^jô,  tandis  que  la  seringue  est  len 

Traité  de  stomatologie.  VI.    —  22 


Fig.  100.  —  Pendant  que  le  pouce  refoule  le  larynx, 
l'ongle  de  l'index  cherche  et  marque  le  point  où  doit 
être  faite  l'injection. 


338  NOGUE.  —  ANESTHESIE. 

Icmenl  Aidée  en  ramenant  Taiguille  en  avant  et  en  dedans,  sans 
traverser  la  membrane  thyro-hyoïdienne.  Le  malade,  pendant  ce 
temps,  doit  être  immobile  et  doit  s'abstenir  de  tout  mouvement  de 
dég'lutition. 

Bientôt  le  malade  éprouve  une  sensation  de  tension  ;  certains  se 
plaignent  de  ne  pouvoir  avaler.  Elle  commence  à  se  produire  au 
bout  d'un  temps  variable,  en  général  dix  à  quinze  minutes. 

Procédé  de  Chevrier  et  Caiizard  [cocaïnisation  du  laryngé  supé- 
rieur el  du  récurrent).  —  Les  recherches  sur  Tanesthésie  régionale 
des  nerfs  laryngés  doivent  être  basées  sur  la  connaissance  anato- 
mique  de  la  région  (1). 

Le  point  de  pénétration  du  laryngé  supérieur  dans  Tappareil 
laryngien  répond,  d'après  Lacour,  à  l'union  du  tiers  moyen  et  du 
tiers  inférieur  de  la  membrane  thyro-hyoïdienne  et  se  trouve  à  3  cen- 
timètres de  la  ligne  médiane.  Au  moment  de  traverser  la  membrane 
avec  l'artère  laryngée  supérieure  qui  l'accompagne  et  que  lui  fournit 
lartère  thyroïdienne  supérieure,  le  nerf  glisse  sur  le  plan  fibreux, 
au-dessous  d'une  double  ouverture  musculaire,  muscles  omo-hyoï- 
dien  et  sterno-hyoïdien  formant  la  première  couche,  muscle  thyro- 
hyoïdien  la  seconde,  eux-mêmes  recouverts  par  le  peaucier  et  une 
épaisseur  de  graisse  variable  suivant  les  sujets.  Rien  ne  serait  plus 
facile  que  de  déterminer  ce  point  et  d'injecter  la  cocaïne  directement 
vers  le  nerf.  C'est  ce  qu'a  fait  récemment  Frey  et  avec  succès. 

C'est  à  éviter  tout  danger  et  à  chercher  un  repère  fixe,  facile  à 
trouver  dans  tous  les  cas,  que  vise  notre  procédé  ;  nous  n'allons  pas 
au  nerf,  mais  au  plan  anatomique  du  nerf.  Que  faut-il,  en  effet,  pour 
être  certain  d'être  au-dessous  du  muscle  thyro-hyoïdien?  Prendre 
contact  avec  le  cartilage  thyroïde. 

Voici  notre  technique  : 

Cherchez  le  bord  supérieur  du  cartilage  thyroïde,  toujours  facile 
à  sentir  en  partant  de  la  «  pomme  d'Adam  ».  A  2  centimètres  de 
la  ligne  médiane,  et  à  1  ou  2  millimètres  au-dessous  du  bord, 
piquez  doucement  la  peau  avec  une  aiguille  courbe.  Poussez  dès 
maintenant  l'injection  de  cocaïne  ou  de  stovaïne,  lentement,  pour 
anesthésier  le  derme  cutané  et  les  plans  sous-jacents.  Conduisez 
l'aiguille  doucement  et  directement  dans  la  profondeur  en  poussant 
toujours  le  piston,  comme  on  doit  le  faire  dans  toute  injection  de 
cocaïne.  Ce  précepte  n'a  rien  de  spécial:  la  main  du  bon  cocaïnisateur 
doit  faire  corps  avec  la  seringue  ;  grâce  à  cette  synergie,  celle-ci  et 
l'aiguille  qui  la  prolongent  deviennent  comme  le  prolongement  des 
doigts  :  un  bon  anesthésiste  local  doit  sentir  avec  l'extrémité  de  son 
aiguille.  Oue  sent-il?  Normalement,  en  tissus  mous  et  lâches,  tant 
que  l'aiguille  peut  projeter  en  avant  d'elle  sa  boule  d'œdème,  tant 

(1)  L.  Cm-vuiEH  et  P.  Gaizard,  De  l'anesthésie  régionale  du  larynx  par  cocaïni- 
sation du  nerf  laryngé  supérieur  et  inférieur  [Bull.  méd.). 


ANESïllESlE  DU  NERF  LARYNGE  SUPERIEUR.  339 

que  le  liquide  peut  pénétrer  les  tissus,  toutes  les  sensations  données 
par  l'aiguille  sont  comme  ouatées  ;  mais  arrive  un  tissu  qui,  sollicité 
par  la  pointe  proche,  refuse  l'injection,  et  l'aiguille  va  buter  contre 
lui,  et,  à  ce  contact  imprévu,  donner  une  sensation  nette,  la  première. 

Enfoncez  toujours  directement  l'aiguille,  suivant  ces  principes 
généraux,  et  vous  sentirez  bientôt  une  résistance  :  c'est  le  cartilage 
thyroïde,  le  repère  fixe. 

Est-ce  à  dire  que  ce  cartilage  arrêtera  inévitablement  et  de  force 
une  aiguille  enfoncée  brutalement,  par  à-coups  ?  Peut-être,  si  le 
malade  âgé  s'y  prête  et  présente  un  larynx  ossifié;  non  pas,  si  le  ma- 
lade est  jeune  et  a  des  cartilages  hyalins. 

Mais  alors  la  faute  en  sera  à  l'opérateur  seul,  coupable  de  ne  pas 
savoir  manier  la  seringue  à  cocaïne,  et  non  au  procédé. 

Quand  vous  aurez  été  arrêté  par  la  résistance  élastique  du  carti- 
lage thyroïde,  avant  de  modifier  la  direction  de  l'aiguille  (ce  détail 
est  important),  poussez  un  peu  de  cocaïne  :  celle-ci  ne  pénétrera 
point  le  cartilage,  mais  elle  décollera  de  lui  le  muscle  thyro- 
hyoïdien,  créant  un  plan  d'infiltration  dans  lequel  la  pointe  de 
l'aiguille  pourra  se  mouvoir;  la  pointe  restera  forcément  sous-mus- 
culaire; elle  ne  pourra  plus  reprendre  contact  avec  le  thyro-hyoïdien 
repoussé,  ni  à  plus  forte  raison  le  traverser  de  la  profondeur  vers  la 
superficie,  pour  filer  dans  le  plan  intermusculaire  sous-jacent.  Dès 
lors,  abaissez  la  seringue  de  telle  sorte  que  l'aiguille  courbe  porte 
sa  pointe  en  haut  et  un  peu  en  arrière,  et  poussez,  en  progressant 
de  1  centimètre  environ,  le  reste  de  la  seringue  de  cocaïne;  la  masse 
anesthésique  est  projetée  dans  le  plan  du  nerf  et  vers  lui;  2  centi- 
mètres cubes  de  liquide  suffisent  à  faire  toute  cette  injection. 

Retirez  l'aiguille  et  massez  légèrement  avec  le  pouce  de  bas  en 
haut  et  d'avant  en  arrière  pour  mieux  faire  diffuser  la  cocaïne. 

Par  ce  procédé,  le  nerf  sera  fatalement  et  toujours  atteint  par 
l'anesthésique. 

Répétez  exactement  les  mêmes  manœuvres  pour  le  nerf  laryngé 
supérieur  de  l'autre  côté,  et  avec  4  centimètres  cubes  de  cocaïne 
à  2  p.  100  toute  la  partie  sus-glottique  du  larynx  sera  complètement 
anesthésiée. 

Tant  pour  compléter  l'anesthésie  du  larynx  dans  sa  portion  infé- 
rieure que  pour  obtenir  une  parésie  musculaire  momentanée  dans 
certains  spasmes,  nous  avons  cherché  à  atteindre  aussi  le  laryngé 
inférieur  ou  récurrent. 

Deux  voies  s'offraient  à  nous: l'une  inférieure, relativement  courte; 
l'autre  supérieure,  plus  longue.  Nous  avons  expérimenté  les  deux 
sur  le  cadavre,  en  faisant  des  injections  de  gélatine  colorée. 

La  voie  inférieure  consiste,  a|)rès  avoir  touché  le  bord  inférieur 
du  cartilage  thyroïde,  à  pénétrer  juste  au-dessous  de  lui,  à  1  centi- 
mètre environ  delà  ligne  médiane  :  anesthésiant  au  passage  les  filets 


340  NOGLE.   —  ANESTllESIE. 

du  laryngé  externe,  Taiguille  pique  directement  en  arrière  et  un  peu 
on  haut,  parallMement  au  plan  sagiltal,  sous  la  lame  du  thyroïde, 
dont  elle  garde  le  contact:  elle  chemine  à  travers  le  muscle  crico- 
Ihyroïdien,  (jui  monte  s'insérer  assez  haut,  parfois  à  la  face  interne 
du  cartilage. 

L'aiguille  achève  de  perforer  le  muscle  ;  elle  est  dans  le  recessus 
latéral  du  larynx,  où  le  nerf  récurrent  se  divise  en  ses  branches 
terminales;  elle  y  lance  ce  qui  reste  de  cocaïne  dans  la  seringue. 
•La  voie  supérieure  est  celle  à  laquelle  vont  nos  préférences.  Au 
fond  de  Tangle  rentrant  que  forme  sur  la  ligne  médiane  le  bord 
supérieur  du  cartilage  thyroïde,  enfoncez  une  aiguille  droite  en 
poussant  Tinjeclion  de  cocaïne.  Cherchez  et  gardez  le  contact  de  la 
face  interne  du  cartilage  thyroïde.  Conduisez  l'aiguille  en  diagonale, 
obliquement  en  bas,  en  arrière  et  en  dehors,  vers  l'angle  postéro- 
inférieur  du  cartilage,  et  injectez  le  liquide  anesthésique  :  il  disten- 
dra le  recessus  et  baignera  les  branches  terminales  du  récurrent; 
une  quantité  de  liquide  de  1",5  à  2  centimètres  cubes  au  maximum 
a  toujours  été  suffisante  dans  nos  expériences  pour  englober  le  nerf. 

Hoffmann  et  plus  tard  Levinstein,  s'inspirant  du  procédé  de 
Frey  (1906),  qui  obtenait  l'anesthésie  par  injection  de  cocaïne  dans 
l'atmosphère  celluleuse  du  laryngé  supérieur,  ont  appliqué  les  injec- 
tions d'alcool  pour  obtenir  la  sédation  de  la  douleur  de  la  phtisie 
laryngée. 

Le  patient  étant  assis  ou  couché,  l'opérateur  saisit  le  larynx  de  la 
main  gauche  et,  appliquant  son  pouce  sur  le  côté  de  l'organe  qui  ne 
doit  pas  être  soumis  à  l'injection,  le  refoule  du  côté  opposé,  de  façon 
à  le  faire  saillir  sous  les  téguments.  L'extrémité  de  l'index  explore 
alors  l'espace  qui  sépare  le  fond  supérieur  du  cartilage  thyroïde  du 
bord  inférieur  de  l'os  hyoïde,  jusqu'à  ce  qu'il  rencontre  un  point 
douloureux  caractéristique.  Ce  point  est  celui  où  la  branche  interne 
du  laryngé  supérieur  traverse  la  membrane  thyroïdienne. 

On  enfonce  l'aiguille  perpendiculairement  aux  téguments,  à  l''™,5 
de  profondeur  environ;  puis  on  l'incline  doucement  en  divers  sens, 
jusqu'à  ce  que  le  malade  éprouve  une  vive  douleur  dans  l'oreille  : 
c'est  l'indice  que  l'aiguille  touche  le  tronc  nerveux.  En  évitant  alors 
tout  déplacement  de  l'instrument,  on  pousse  lentement  le  piston  de 
la  seringue  chargée  préalablement  de  1  centimètre  cube  d'alcool 
à  85°,  chauffé  à  une  température  de  45°.  Les  premières  gouttes  pro- 
voquent une  vive  otalgie.  Après  un  instant  d'attente,  on  pousse  de 
nouveau  le  piston.  Avant  de  terminer,  on  dirige  l'aiguille  un  peu  en 
arrière,  afin  d'atteindre  l'anse  de  Galien,  qui  conduit  quelques  fibres 
sensitives  au  récurrent. 

Anesthésie  régionale  de  la  région  oculo-palpébrale.  — 
L'anesthésie  régionale  a  été  appliquée  en  oculistique  pour  les  inter- 
ventions sur  la  région  lacrymo-palpébrale  avec  un  plein  succès.  Ici, 


ANESTHESIE  DE  LA  REGION  OCULO-PALPÉBRALE.  341 

comme  dans  d'autres  parties  du  corps,  elle  a  pu  rendre  de  signalés 
services  en  évitant  IVedènie  déterminé  si  facilement  dans  ces  tissus 
par  linjcction  d'une  solution  quelconcpuî  et  en  permettant  d'obtenir 
lanesthésie  même  des  tissus  enflammés. 

Chevrier  et  Cantonnet  ont  applicpu'  cette  méthode  aux  pau- 
pières et  à  l'appareil  lacrymal,  dans  le  service  de  clinique  ophtalmo- 
logique de  l'Hôtel-Dieu,  sous  la  direction  du  P'"  de  Lapersonne,  qui 
a  pratiqué  lui-même  un  certain  nombre  d'opérations  sous  analgésie 
régionale.  Ces  régions  sont  divisées  en  quatre  territoires  distincts.  Si 
lintervention  doit  porter  sur  un  ou  plusieurs  de  ces  territoires,  le  chi- 
rurgien devra  pratiquer  autant  d'injections  analgésiantes.  Les  indi- 
cations se  résument  à  cela,  et  il  suffit  de  connaître  les  limites  de  cha- 
(|ue  territoire  et  l'étendue  de  la  zone  à  opérer  pour  savoir  quelles 
injections  prati([uer. 

1°  Le  territoire  lacrymal  (nerf  lacrymal)  répond  au  tiers  externe 
de  la  paupière  supérieure;  il  n'atleint  pas  le  bord  libre,  qui  est  sous 
la  dépendance  du  frontal  externe.  Il  est  insensibilisé  par  l'injec- 
tion externe  ou  lacrymale,  portant  au  niveau  de  la  partie  supéro- 
externe  du  rebord  orbitaire,  selon  une  ligne  partant  de  la  com- 
missure externe  et  remontant  pendant  3  centimètres  le  long  de  ce 
rebord. 

2°  Le  territoire  frontal  (nerfs  frontaux  externe  et  interne)  cor- 
respond aux  deux  quarts  moyens  de  la  paupière.  11  est  commandé 
par  l'injection  frontale  ou  sus-trochléaire  :  l'aiguille  pique  immé- 
diatement au-dessus  et  un  peu  en  dedans  de  la  poulie  du  grand 
oblique,  dont  la  pulpe  du  doigt  a  précisé  l'emplacement  exact.  Pour 
que  les  deux  nerfs  frontaux,  l'externe  el  l'interne,  baignent  dans  la 
boule  d'œdème  qui  les  analgésie  à  la  fois,  il  faut  que  l'aiguille 
pénètre  de  l'="',5  derrière  la  trochlée,  un  peu  oblique  en  haut,  en 
arrière  et  en  dehors;  le  corps  de  la  seringue  doit  donc  être  récliné 
vers  la  racine  du  nez. 

3°  Le  territoire  nasal  (nerf  nasal  externe)  cornprend  le  quart 
interne  de  la  paupière  supérieure  et  le  quart  interne  de  la  paupière 
inférieure  ;  c'est,  à  proprement  parler,  le  «  territoire  du  sac 
lacrymal  ». 

Il  dépend  de  l'injection  nasale  ou  sous-trochléaire,  portant  juste 
au-dessous  et  en  dehors  de  la  poulie  du  grand  oblique  :  l'aiguille, 
directement  antéro-postérieure,  pénètre  de  l'='",5  derrière  la 
trochlée. 

4°  Enfin  le  territoire  sous-orbilaire  répond  à  toute  la  paupière 
inférieure,  sauf  sa  partie  la  plus  interne. 

Il  est  analgésie  par  l'injection  sous-orbitaire;  l'aiguille  pénètre  un 
peu  en  dedans  d'une  ligne  unissant  la  partie  antérieure  de  la 
pommette  à  l'aile  du  nez;  elle  est  oblique  en  haut  et  en  dehors,  de 
telle  sorte  que  le  corps  de  la  seringue,  oblique  en  dedans,  croise  la 


3i2  NOGUÉ.  —  ANESTHÉSIE. 

ligne  médiane  au  niveau  de  la  bouche,  dont  un  travers  de  doigt  le 
sépare  en  hauteur;  laiguille  pénètre  de  r''",5  et  dépose  le  liquide  à 
l'orifice  du  canal  sous-orbilaire. 

Chaque  injection  est  de  1  centimètre  cube  d'une  solution  à  1  p.  100 
de  novocaïne  ou  de  stovaïne,  additionnée  dune  goutte  d'adrénaline 
au  millième,  pour  2  centimètres  cubes  d'anesthésique.  Bien  entendu, 
la  méthode  est  générale,  et  d'autres  agents  analgésiants  peuvent  être 
employés.  On  pousse  ù  la  fois  le  piston  et  la  seringue,  pour  projeter 
au-devant  de  l'aiguille  du  liquide  qui  écarte  les  tissus.  L'injection 
est  suivie  d'un  léger  massage  de  la  région,  avec  un  tampon  de 
coton,  pour  activer  la  ditTusion  du  liquide. 

Outre  la  nécessité  de  faire  les  injections  bien  exactement  aux 
points  indiqués,  il  est  une  autre  condition  indispensable  de  réussite; 
c'est  d'attendre  après  l'injection  au  moins  dix  minutes,  si  l'opération 
a  lieu  sur  la  peau  enflammée,  la  muqueuse  ou  le  bord  libre  des  pau- 
pières. Ce  temps  est  absolument  nécessaire  pour  permettre  au  tronc 
nerveux  d'être  pénétré  par  le  liquide  analgésiant  qui  le  baigne  (1). 

Anesthésie  régionale  du  globe  oculaire.  —  Siegrisl  avait 
déjà  obtenu  l'anesthésie  du  globe  en  i)ortant  profondément,  au 
moyen  dune  aiguille  recourbée,  le  liquide  aneslhésique  au  niveau 
des  quatre  méridiens  j)rincipaux  de  l'œil,  de  façon  à  atteindre  les 
nerfs  ciliaires  à  leur  entrée  dans  le  gloire;  mais,  dans  le  cas  d'inflam- 
mation, l'anesthésie  obtenue  était  très  imparfaite.  Lowenstein  a 
cherché,  sur  les  conseils  d'Elschnig,  à  obtenir  une  anesthésie 
massive  en  agissant  sur  le  ganglion  ciliaire  lui-même.  Sa  technique 
est  la  suivante  : 

La  conjonctive  étant  anesthésiée  par  des  instillations  de  cocaïne, 
on  se  sert  d'une  aiguille  de  5  centimètres  de  long  et  de  grosseur 
correspondante. 

La  commissurepalpébrale  externe  est  alors  tirée  vers  la  tempe  ;  puis 
l'aiguille  est  piquée  juste  contre  le  bord  latéral  de  l'orbite,  un  peu  au- 
dessus  du  diamètre  horizontal  de  i'œil  :  de  la  sorte  on  passe  sur  le 
bord  inférieur  du  droit  externe  sans  traverser  ce  muscle. 

Laiguille  est  alors  enfoncée  jusqu'à  0*^'",5  de  son  pavillon,  soit 
à  45  millimètres  de  profondeur,  distance  habituelle  du  ganglion 
ciliaire;  puis  l'injection  ezl  lentement  poussée,  mais  non  sans  qu'on 
se  soit  assuré,  en  imprimant  à  l'aiguille  de  petits  mouvements  de 
latéralité,  que  celle-ci  est  libre:  faute  de  cette  précaution,  on 
pourrai!  faire  l'injection  tout  entière  dans  la  gaine  du  nerf  opticjue  (2), 

Règles  gciiôralc!»  de  raiiesthésic  locale.  —  Quel  que  soit 
laneslhésique  employé,  du  moment  qu'il  s'agit  d'introduire  dans 
l'organisme  un  médicament  toxique,  un  certain  nombre  de  précau- 
tions s'imposent.  11  faut  avoir  toujours  devant  l'esprit  la  possibilité 

(1)  (i;iz.  des  hop.,  1  dcc.  1909. 

(2)  Klin.  Monnlssbliittcr  f.  Angenheill;. ,  iu\n  ]9"8. 


RÈ(UJ:S  générales  de  LANESTHÉSIE  locale.  343 

il'un  état  idiosyucrasique  chez  le  maliule   el  par  suite  ne  jamais  se 
départir  d'une  certaine  prudence. 

Les  dispositions  individuelles  jouent  un  rôle  considérable  dans 
lévenlualité  des  accidents  légers  ou  même  graves.  Ces  dispositions 
peuvent  d'ailleurs  varier  chez  le  même  individu  d'un  instant  à  l'autre, 
selon  des  influences  aussi  variées  qu'insaisissables.  De  là  la  néces- 
sité de  toujours  essayer  de  modifier,  dans  le  sens  le  plus  lavoralde, 
l'état  mental  du  sujet,  par  exemple  en  le  rassurant  sur  l'innocuité 
absolue  du  médicament  employé,  sur  son  efficacité  certaine  comme 
anesthésique,  sur  l'absence  de  toute  suite  fâcheuse  de  l'inter- 
vention. Ces  précautions  seront  prises  systématiquement  vis-à- 
vis  de  tous  les  sujets.  Mais  l'expérience  permettra  de  prévoir  qu'on 
a  atïaii'e  à  des  malades  pusillanimes  ou  nerveux.  Il  faudra,  dans  ces 
cas,  redoubler  d'ell'orts  pour  les  rassurer.  Quand  il  s'agit,  en  outre, 
de  patients  dont  l'état  général  est  médiocre,  de  sujets  très  jeunes  ou 
au  contraire  de  vieillards,  en  plus  de  toutes  ces  précautions  oratoires, 
4'opérateur  aura  soin  de  rester  toujours,  dans  l'administration  de 
l'anesthésique.  au-dessous  des  doses  normales,  et  de  recourir  plutôt  à 
l'anesthésique  le  moins  toxique,  dût-il  donner  un  résultat  moins  par- 
fait. Ces  règles  s'imposent  surtout  quand  il  s'agit  de  patients  atteints 
d'ostéopérioslite,  qui  viennent  de  subir  une  élévation  de  température, 
<le  passer  par  une  période  de  douleurs  violentes  et  d'insomnie.  Ces 
malade^  se  présentent  souvent  devant  nous  dans  un  état  de  dépi'ession 
tel  que  nous  conseillons,  à  moins  d'urgence  absolue,  de  s'abstenir  de 
toute  injection  médicamenteuse  dans  la  gencive,  et.  si  l'on  ne  peut 
remettre  l'opération,  de  recourir  à  l'anesthésie  par  réfrigération. 

Quant  à  l'heure  de  la  journée  la  plus  favorable  pour  faire 
l'injection,  nous  pensons,  d'accord  avec  nombre  de  nos  confrères, 
qu'il  vaut  mieux  intervenir  quand  le  patient  n'est  pas  à  jeun.  Évidem- 
ment il  peut  se  présenter  des  cas  où,  après  l'opération,  des  tendances 
à  la  syncope  se  produisent  avec  nausées  et  vomissements.  Mais  ce 
dernier  accident  est  relativement  très  rare,  et  nul  doute  que  le  fait 
d'être  complètement  à  jeun  n'augmente  les  risques  de  lipothymie. 
Toutes  choses  bien  considérées,  mieux  vaut  intervenir  quand  le 
patient  a  mangé,  mais  non  pas  immédiatement  après  le  repas.  Laissons 
s'écouler  au  moins  deux  heures. 

Contre  cette  tendance  à  la  syncope,  Reclus  conseille  comme 
règle  absolue  la  position  couchée.  Malheureusement,  quand  nous 
intervenons,  il  ne  s'agit  pas  de  grandes  opérations,  et  il  nous  est  fort 
difficile  défaire  accepter  au  patient  cette  attitude  anormale.  Il  nous 
est  d'ailleurs  extrêmement  pénible  d'opérer  ainsi.  Nous  en  sommes 
donc  réduits  à  donner  au  malade  une  position  légèrement  inclinée 
en  arrière,  ce  qui  est  en  général  suffisant. 

Ce  qu'il  faut  exiger,  c'est  que  tout  lien  capable  de  gêner  la  respi- 
ration soit  enlevé  :  faux  cols  ou  cravates,  corsets,  etc. 


344  NOGUE.  —  ANESTHESIE. 

Les  précautions  antiseptiques  les  plus  minutieuses  sont  absolument 
indispensables  aujourd'hui  :  antisepsie  de  la  muqueuse,  antisepsie 
des  instruments,  antisepsie  des  mains  de  l'opérateur.  Sur  la  muqueuse, 
on  passera  un  tampon  imbibé  d'éther  ou  d'alcool,  et  on  fera  faire  un 
lavage  de  la  bouche  avec  une  solution  phéniquée  au  préalable.  Les 
instruments,  seringue  et  aiguille,  seront  bouillis  immédiatement 
avant  l'opération,  devant  le  malade  lui-même,  ce  qui  lui  donne  toute 
sécurité.  La  solution  anesthésique,  conservée  dans  des  ampoules 
scellées,  est  ensuite  aspirée  dans  la  seringue,  et  enfin,  au  moment 
même  de  la  piqûre,  l'extrémité  de  l'aiguille  de  platine  est  rougie 
à  la  flamme  de  la  lampe  à  alcool.  Pendant  toutes  ces  manœuvres 
et  surtout  au  moment  même  de  l'intervention,  l'opérateur  se  lave  les 
mains  avec  un  savon  antiseptique. 

L'injection  sera  faite  lentement  et  de  préférence  en  deux  fois.  A 
la  seconde  reprise,  les  tissus  étant  déjà  en  partie  anesthésiés,  le 
patient  ne  sent  pas  les  piqûres,  ce  qui  lui  donne  la  certitude  que 
l'insensibilisation  est  obtenue.  Nous  avons  longuement  insisté 
ailleurs  sur  la  technique  de  l'injection  elle-même  selon  les  diverses 
méthodes  ;  nous  n'y  revenons  pas. 

L'opération  terminée,  il  est  nécessaire  de  faire  encore  l'antisepsie 
de  la  région  par  des  lavages  chauds. 

On  peut  alors  faire  absorber  au  patient  un  peu  de  café  noir  ou  un 
peu  d'alcool.  Il  est  prudent  de  le  faire  reposer  sur  une  chaise  longue 
pendant  quelques  instants  et  de  ne  le  laisser  sortir  que  lorsqu'il  est 
complètement  revenu  à  l'état  normal. 

ANESTHÉSIE  DE  LA  DENTINE  ET  DE  LA   PULPE. 

L'exquise  sensibilité  que  présente  parfois  la  dentine  constitue  un 
obstacle  à  tout  traitement.  Quant  à  la  sensibilité  même  de  la  pulpe, 
elle  est  telle  qu'aucune  intervention  ne  peut  être  tentée  sur  cet  organe 
sans  l'aide  des  anesthésiqucs.  Mais  le  problème  de  l'anesthésie 
dentinaire  ou  pulpaire  a  été  des  plus  difficile  à  résoudre,  et,  malgré 
bien  des  progrès  accomplis,  on  ne  peut  compter  encore  sur  des 
résultats  toujours  parfaits. 

Mais  il  s'agit  là  d'une  question  si  importante  pour  le  dentiste  qu'il 
nous  paraît  nécessaire  de  lui  consacrer  un  chapitre  spécial,  d'autant 
que  bien  des  procédés  employés  dillerent  des  méthodes  habituelles 
de  l'anesthésie. 

Nous  ne  passerons  pas  en  revue  toutes  les  substances  expérimen- 
tées pour  atténuer  la  sensibilité  de  la  dentine.  Un  grand  nombre 
d'entre  elles,  capables  d'ailleurs  de  rendre  de  grands  services,  sont 
de  véritables  caustiques  ou  agissent  par  un  mécanisme  encore  obscur. 
Telles  sont  les  substances  chimiques  suivantes  :  la  créosote,  l'acide 
phénique,  le  chlorure  de  zinc,  le  nitrate  d'argent,  le  chlorhydrate 
d'érythrophléine,  l'acide  arsénieux,  etc. 


ANESTHÉSIE  DE  LA  DEj^TIXE  ET  DE  LA  l'ULPE.  345 

Nous  nous  occuperons  surtout  des  méthodes  capables  de  produire 
Tanesthésie,  en  respectant  l'inlégrilé  même  des  tissus  de  la  dent. 

Projection  d'acide  carbonique.  —  L'acide  carbonique  gazeux 
a  été  préconisé  en  projection  sur  la  dentine,  soit  à  la  température 
ordinaire,  soit  à  une  température  plus  élevée.  Dans  le  premier  cas, 
l'acide  carbonique  aurait  une  action  purement  anesthésique.  On  sait 
en  effet,  depuis  les  expériences  de  FoUin  et  plus  tard  de  Brown- 
Sequard,  que  ce  gaz  a  pu  déterminer  l'insensibilisation  des  premières 
voies  digestives  et  de  la  membrane  du  tympan.  D'autres  ont  utilisé 
le  gaz  porté  à  une  température  élevée  à  l'aide  d'un  galvano-cautère. 
Il  est  probable  que,  dans  ce  cas,  à  l'action  anesthésique  du  gaz  vient 
se  joindre  l'action  desséchante  de  la  chaleur.  La  dentine  desséchée 
devient  en  effet  prescjue  insensible,  et  ce  fait  bien  connu  est  utilisé 
chaque  jour  par  les  dentistes.  Cependant  la  projection  d'acide 
carbonique  n'a  pas  donné  de  résultats  assez  constants  pour  entrer 
dans  la  pratique,  et  c'est  encore  là  un  procédé  peu  employé. 

Anesthésie  dcntinaire  parréfrig-ération. —  La  réfrigération 
a  été  employée  de  diverses  manières  pour  obtenir  l'aneslhésie  de 
l'ivoire,  avec  des  succès  divers. 

En  1902,  le  D'  C.-R.  Rasford  (de  San-Francisco)  préconisa  l'em- 
ploi de  l'éther  sulfurique  avec  un  appareil  de  son  invention,  consis- 
tant en  un  réservoir  d'air  comprimé,  un  récipient  contenant  de  l'é- 
ther et  un  système  de  tubes  permettant  de  projeter  en  permanence 
sur  la  dent  un  fin  mélange  des  deux. 

La  digue  étant  placée,  on  applique  sur  l'ivoire  une  boulette  de 
coton  sur  laquelle  se  pulvérise  directement  l'éther.  La  sensation  de 
froid  d'abord  éprouvée  par  le  patient  ne  tarde  pas  à  disparaître  ;  à  ce 
moment,  on  enlève  le  coton  et  on  continue  la  pulvérisation  sur  la 
dentelle-même.  Au  bout  de  trois  à  dix  minutes,  toute  sensibilité  au 
froid  est  abolie,  et  il  devient  alors  possible,  tout  en  continuant  la 
pulvérisation,  de  commencer  le  fraisage  de  l'ivoire.  Toute  sensibilité 
a  disparu.  La  température  de  la  dent  descend  à  36"  Fahrenheit; 
mais  elle  ne  tarde  pas  à  revenir  à  la  normale.  On  ne  note  aucune 
suite  fâcheuse  après  l'application  de  cette  méthode. 

S'il  est  nécessaire  d'arriver  à  la  pulpe,  on  peut  obtenir  l'aneslhésie 
pulpaire  sur  les  dents  antérieures.  Mais,  s'il  s'agit  de  dévitaliser  les 
prémolaires  et  molaires,  l'aneslhésie  obtenue  n'est  pas  suffisante. 
Toutefois  il  est  possible  d'ouvrir  la  chambre  pulpaire  en  vue  de 
l'application  d'un  caustique. 

On  a  remplacé  avantageusement  l'éther  sulfurique  par  le  chlorure 
d'éthyle  ou  divers  mélanges  de  chlorure  d'éthyle  et  de  chlorure  de 
méthyle.  On  peut  ainsi  obtenir  une  anesthésie  superficielle  de  la  den- 
tine. Mais,  malgré  de  nombreuses  tentatives,  le  procédé,  qui  avait  l'a- 
vantage d'être  toutàfaitinoffensif  pour  lapulpe,  ne  s'est  pasvulgarisé. 

Anesthéisie  de  la  dentine  et  de  la  pnlpe  par  application 


34P  NOGUÉ.  —  ANESTHÉSIE. 

directe  des  anestliésîques.  —  Les  propriétés  anesthésiques  si 
puissantes  de  la  cocaïne  pouvaient  faire  espérer  qu'on  obtiendrait 
aisément,  à  laide  de  solutions  concentrées,  l'anesthésie  de  la 
denline,  comme  on  obtenait  l'anesthésie  des  muqueuses.  Malheureu- 
sement, quand  il  s'aoit  de  la  dentine,  la  pénétration  des  solutions 
anesthésiques  dans  le  tissu  est  tout  à  fait  superficielle,  de  telle  sorte 
que  l'anesthésie  obtenue  reste  insuffisante.  Toutefois,  ce  procédé,  le 
plus  simple  de  tous,  sera  susceptible  de  rendre,  quand  il  s'agira  de 
caries  superficielles  moyennement  sensibles,  des  résultats  appré- 
ciables. 

Après  avoir  placé  la  digue,  on  appliquedans  la  cavité  une  bouletle 
de  coton  imbibée  d'alcool  absolu  qu'on  laisse  en  place  pendant  quel- 
ques instants.  On  enlève  ensuite  le  colon  et  on  sèche  la  cavité  en  y 
projetant  de  l'air  chaud.  Ce  n'est  que  lorsque  la  cavité  est  absolument 
débarrassée  de  toute  humidité  qu'on  y  introduit  l'anesthésique. 

Les  solutions  qu'il  est  possible  demployer  sont  en  grand  nombre  : 
la  base  en  sera  presque  toujours  la  cocaïne,  la  stovaïne  ou  la  novo- 
caïne. 

La  plus  simple  est  une  solution  saturée  de  cocaïne  dans  l'alcool 
absolu.  On  pourra  également  avoir  recours  à  la  mixture  de  Bonain 
avec  ou  sans  adrénaline  : 

Acide  phénique  cristallisé J 

Menthol âa  P.  E. 

Chlorhydrate  de  cocaïne ) 

ou  : 

Acide  phénique  cristallisé 1  gramme. 

Menthol 1         — 

Chlorhydrate  de  cocaïne 1         — 

Chlorhydrate  d'adrénaline 1  millier. 

ou  encore  : 

Mixture  de  Bonain 3  cent,  cubes. 

Adrénaline  pure 5  milligr. 

on  peut  aussi  employer  une  des  mixtures  suivantes  : 

Mixture  de  Grai/. 


I  ^=, 


Huile  d'aniline .     ,  _ 

Alcool  absolu j  '''^  ^*^  grammes. 

Chlorhvdrate  de  cocaïne 1  gramme. 


Mi.rliire  de  Uanrj. 

Chlorhydrate  de  cocaïne lsr,5  à  3  grammes. 

Glycérine ] 

Eau  distillée Sa  10  grammes. 

Alcool  absolu ) 

OU  encore  : 

Acide  phénique  cristallisé . 

Menthol àîi     1  gramme. 

Chloral ) 

Chlorhydrate  d'adrénaline 1  milligr. 


ANESTHÉ:?IE  DE  LA  DENTINE  ET  DE  LA  PULPE.     '.Wl 

On  laisse  la  solution  en  contact  avec  la  dentine  pendant  quelques 
minutes.  On  enlève  ensuite  le  tampon,  on  dessèche  de  nouveau  la 
cavité  et  on  iVaise. 

En  général,  l'anesthésie  obtenue  n'intéresse  qu'une  mince  couche 
d'ivoire.  Cette  couche  enlevée,  la  sensibilité  reparaît,  et  il  devient 
nécessaire  de  faire  une  nouvelle  application.  C'est  ainsi  par  étapes 
successives  qu'il  est  parfois  possible  d'arriver  au  nettoyage  complet 
de  la  cavité  et  à  la  préparation  en  vue  d'une  obturation  déterminée. 

On  peut  également  employer  les  comprimés  de  novocaïne  direc- 
tement appliqués  sur  la  denline  et  humectés  dun  peu  d'alcool. 

Il  est  possible  encore  d'appliquer  des  préparations  laissées  en  place 
pendant  vingt-quatre  heures,  comme  les  suivantes  : 

Formule  de  Viaii  : 

Phénate  de  cocaïne 50  centigr. 

lodoforme 25       — 

Gutta-percha 2  j;rammes. 

Chloroforme Q.  S. 

pour  faire  un  liquide  de  consistance  sirupeuse:  bien  sécher  la  cavité, 
étendre  une  couche  de  ce  liquide  sur  la  dentine  et  recouvrir  avec  de 
la  gutta. 

Chloroforme 2  grammes. 

Acide  tannique 1   ~    _  „  ,  • 

,,,,,,/,..  iui  oO  centigr. 

(.chlorhydrate  de  cocame ) 

Teinture  de  benjoin  à  saturation 10  grammes. 

Étendre  une  couche  de  ce  liquide  sur  la  denline  et  recouvrir  avec 
■de  la  gutta-percha. 

Cocaïne 1  gramme. 

Morphine 30  centigr. 

Acide  benzoïquc -10       — 

Eugénol 3  grammes. 

Alcool  à  90  • 4         — 

(Boyd-Wallis.) 

■ou  encore  : 

Eugénol 10  grammes. 

Cocaïne 1  gramme. 

(Brasseur.) 

Il  est  bon  toutefois  de  ne  pas  toujours  compter  sur  le  succès.  Dans 
les  cas  d'hyperesthésie  dentinaire,  en  particulier  dans  certaines 
varies  du  collet,  l'anesthésie  ainsi  obtenue  sera  tout  à  fait  insuffisante 
pour  permettre  lintervention. 

Les  mêmes  remarques  s'appliquent  naturellement  à  l'anesthésie 
pulpaire,  quand  la  pulpe  n'est  pas  à  découvert. 

Anesthésie  pulpaire  par  compression.  —  ]\Iais,  lorsque  la 
chambre  pulpaire  est  ouverte,  les  conditions  changent.  On  conçoit 
qu'il  soit  possible,  dans  ces  circonstances,  de  faire  pénétrer  par  un 


348  NOGUÉ.  —  ANESTHESIE. 

artifice  quelconque  la  solution  anesthésique  concentrée  dans  Tinti- 
mité  même  du  tissu  sensible. 

C'est  la  méthode  connue  sous  le  nom  d'anesthésie  pulpaire  par 
compression.  Elle  consiste  à  mettre  la  pulpe  à  nu  dans  la  plus  grande 
étendue  possible  à  Taide  d'excavateurs  bien  tranchants.  Cela  fait, 
on  applique  exactement  sur  la  partie  dénudée  et  saignante  une  bou- 
lette de  coton  imbibée  de  la  solution  choisie  (alcool  absolu  et  cocaïne, 
mixture  de  Bonain,  etc.).  La  périphérie  de  la  cavité  étant  alors 
soigneusement  desséchée,  on  y  applique  un  morceau  de  gutta 
ramollie  qu'on  maintient  en  place  avec  une  spatule  ou  la  pulpe  de 
l'index,  jusqu'à  ce  qu'elle  se  refroidisse  un  peu.  On  s'assure  alors  que 
la  gutta  adhère  d'une  façon  parfaite  à  tout  le  pourtour  de  la  cavité. 
C'est  là  une  condition  sine  quanon  du  succès.  Il  suffit  alors  avec  un 
fouloir  de  faire  une  pression  au  centre  de  la  gutta,  pression  trans- 
mise sur  le  coton  imbibé  de  la  solution  anesthésique.  Si  la  gutta 
adhère  d'une  façon  parfaite  au  pourtour  de  la  cavité,  le  liquide  ne 
peut  fuser  que  d'un  seul  côté,  du  côté  de  la  pulpe.  La  pénétration 
du  liquide  anesthésique  dans  la  chambre  pulpaire  se  traduit  par  une 
douleur  assez  vive.  Aussi  est-il  prudent  de  faire  cette  pression  avec 
beaucoup  de  modération,  quitte  à  la  recommencer  quelques  instants 
après.  Aubout  de  quelques  minutes,  la  pression  sur  la  gutta  ne  déter- 
mine plus  de  douleur.  C'est  la  preuve  que  l'aneslhésie  commence  à 
se  produire,  par  suite  de  la  pénétration  du  médicament  dans  le  tissu 
nerveux.  On  peut  alors  faire  une  pression  plus  énergique  encore 
pour  parachever  l'anesthésie.  Après  une  attente  de  cinq  à  dix  mi- 
nutes, on  enlève  la  gutta  et  le  coton:  on  sèche  la  cavité,  et  il  estpos- 
.sible  alors  d'ouvrir  sans  aucune  douleur  la  chambre  pulpaire, 
d'extraire  la  pulpe  et  les  fdets  nerveux  radiculaires. 

Au  lieu  d'employer  la  gutta,  on  peut  se  servir  d'un  fragment  de 
digue  ou  de  caoutchouc  à  vulcaniser.  Mais  les  résultats  sont  moins 
bons,  car  le  liquide  anesthésique  n'est  pas  ainsi  refoulé  d'une  façon 
parfaite  vers  la  cavité. 

Cette  méthode  d'anesthésie.  donne  d'excellents  résultats.  Elle  ne 
saurait  cependant  remplacer  les  autres  procédés,  car  elle  ne  peut  s'ap- 
pliquer à  tous  les  cas.  Certaines  cavités  se  prêtent  mal  à  ces  manipu- 
lations; d'autres  fois,  c'est  la  pulpe  qui,  ayant  subi  au  préalable  l'ac- 
tion de  pansements  créosotes,  absorbe  mal  le  liquide  anesthésique. 

Cette  méthode  n'est  pas  absolument  dépourvue  de  dangers.  Il 
semble  que  la  pulpe  soit  susceptible  d'absorber  le  médicament  anes- 
thésique et  qu'il  faille,  dans  l'aneslhésie  par  compression,  prendre 
les  mêmes  précautions  que  dans  l'aneslhésie  intragingivale.  En 
etîet,  Paul-Francis  Jean  a  signalé  un  cas  de  syncope  grave  sur- 
venu chez  un  homme  de  trente-deux  ans  à  la  suite  d'une  aneslhésie 
par  compression  faite  à  l'aide  d'une  solution  de  cocaïne  dans  la  glycé- 
rine. L'opérateur,  suivant  en  cela  les  errements  habituels,  ne  s'était  pas 


ANESTIIÉSIE  DE  LA  DENTLNE  ET  DE  LA  PULPE.  349 

préoccupé  du  dosai^e.  Les  accidents  survinrent  quelques  instants 
après  le  début  de  l'opération  en  dyspnée  intense,  sensation  d'an- 
goisse, convulsions  et  crises  éclamptiques  et  durèrent  près  de  trois 
heures.  Il  est  donc  prudent  de  ne  pas  employer  dans  ces  cas  la 
cocaïne  larga  manu,  mais  de  n'utiliser  que  des  solutions  titrées  et 
de  ne  pas  dépasser  les  doses  habituelles. 

Injections  intrapulpaircs. —  Quand  la  pulpe  est  bien  dénudée, 
il  est  possible  d'injecter  directement  dans  la  chambre  pulpaire  un 
liquide  anesthésique  à  l'aide  dune  seringue  quelconque.  Bock  (de 
INuremberg)  mit  le  procédé  en  pratique  dès  1885.  Il  est  bon  au 
préalable  de  placer  une  boulette  de  coton  imbibée  d'une  solution 
anesthésique  concentrée  pour  obtenir  l'insensibilisation  des  couches 
les  plus  superficielles  de  la  pulpe,  sous  peine  de  ne  pouvoir  y  intro- 
duire la  pointe  de  l'aiguille.  Ce  résultat  obtenu,  on  insinue  avec  pré- 
caution l'extrémité  de  l'aiguille  par  l'orifice  pulpaire  aussi  profon- 
dément que  possible,  et  on  pousse  le  piston  de  façon  à  faire  pénétrer 
dans  la  pulpe  une  ou  deux  gouttes  de  la  solution.  Après  quelques 
minutes  d'attente,  on  recommence  en  faisant  pénétrer  l'aiguille  plus 
profondément.  On  peut  obtenir  ainsi  une  anesthésie  absolue  de  la 
pulpe  et  parfois  des  filets  radiculaires.  La  solution  à  injecter  peut 
être  une  solution  assez  concentrée,  étant  donnée  la  faible  quantité 
employée.  On  peut  faire  pénétrer  ainsi  deux  à  trois  gouttes  d'une 
solution  de  cocaïne  à  5  p.  100  ou  de  novocaïne  à  10  p.  100.  Malheu- 
reusement ce  procédé  est  difficilement  applicable  dans  toutes  les 
cavités.  En  outre,  il  est  parfois  impossible  d'obtenir  une  anesthésie 
suffisante  des  couches  superficielles  pour  pouvoir  faire  pénétrer 
l'aiguille  dans  la  chambre  pulpaire. 

Cataphorèse.  —  La  cataphorèse  est  une  méthode  qui  consiste  à 
faire  pénétrer  dans  les  tissus  les  médicaments,  grâce  à  l'action  de 
l'électricité.  Le  mot, imaginé  par  PorretetduBois-Reymond,  signifie  à 
proprement  parler  «  porter  en  bas  » ,  c'est-à-dire  porter  vers  la  cathode 
ou  pôle  négatif.  Or  certains  médicaments  sont  au  contraire  trans- 
portés vers  le  pôle  positif.  Le  terme  d'ëlectrophorèse,  comme  le  dit 
justement  le  D""  Pont,  conviendrait  beaucoup  mieux. 

Ce  dernier  auteur,  quia  faitune  étude  approfondie  de  la  catapho- 
rèse appliquée  à  l'art  dentaire,  en  décrit  ainsi  la  technique  et  l'ins- 
trumentation. 

Les  instruments  indispensables  sont  :  une  source  quelconque  de 
courant  de  15  à  60  volts  de  tension,  un  rhéostat,  un  milliampère- 
mètre  et  des  électrodes  positives  et  négatives. 

Source  de  courant.  —  Pour  qu'un  courant  galvanique  puisse  être 
utilisé  pour  la  cataphorèse,  il  doit  :  1°  être  régulier  et  ne  pas  être 
sujet  à  des  renversements  ;  2"  être  de  faible  tension,  car,  en  art  den- 
taire, on  ne  doit  dans  aucun  cas  employer  un  courant  supérieur  à 
3  ou  4  milliampères. 


350  NOGCE.  —  ANESTHESIE. 

Dans  ces  conditions,  il  semble  au  premier  abord  qu'une  batterie 
de  piles  ou  une  série  d'accumulateurs  puissent  être  les  seules 
sources  de  courant  utilisables.  Mais  actuellement  on  trouve  aisé- 
ment des  installations  électriques  permettant  d'utiliser  directement 
le  courant  des  secteurs,  non  seulement  pour  le  moteur,  mais  pour  le 
galvano-cautère,  l'éclairage  et  la  cataphorèse. 

Rhéostat.  —  En  art  dentaire  plus  que  partout  ailleurs,  en  raison 
(le  l'extrême  sensibilité  des  tissus  sur  lesquels  on  opère,  l'intensité 
du  courant  doit  être  graduée  d'une  façon  précise  et,  à  ce  point  de 
vue,  un  rhéostat  spécial  est  nécessaire.  Il  ne  faut  cependant  pas  que 
le  courant  employé  soit  un  courant  polyphasé,  car  alors  il  faudrait  le 
transformer  au  préalable  en  courant  continu. 

Milliampèremèlre .  —  Le  milliampèremètre  est  fractionné  en 
dixièmes  de  milliampère  et  marque  de  0  à  5  milliampères.  Cet  instru- 
ment est  absolument  indispensable,  car  aucun  symptôme  subjectif 
ou  physique  ne  peut  renseigner  l'opérateur  sur  l'intensité  du  courant 
utilisé;  dans  chaque  cas,  la  résistance  varie,  et  il  faut  nécessairement 
être  renseigné  par  un  instrument  approprié. 

Électrodes.  —  Les  électrodes  et  les  rhéophores  ne  doivent  être 
fixés  à  l'appareil  que  pendant  leur  utilisation. 

On  distingue  des  électrodes  positives  et  des  électrodes  négatives. 

Les  électrodes  positives  sont  destinées  à  être  appliquées  dans  la 
cavité  ou  dans  la  région  gingivo-dentaire,  et  les  électrodes  négatives 
peuvent  être  appliquées  soit  au  niveau  de  la  joue,  soit  dans  la  main 
du  patient.  Les  électrodes  positives,  toutefois,  deviendront  négatives 
lorsqu'on  voudra  utiliser  un  corps  électro-négatif  ou  anion,  tel  que 
l'iode,  l'oxygène,  etc.  A  ce  point  de  vue,  il  serait  peut-être  juste  de 
dire  électrode  active  au  lieu  d'électrode  positive  et  électrode  indiffé- 
rente au  lieu  d'électrode  négative.  On  a  inventé  et  décrit  une  foule 
d'électrodes  ;  les  moins  compliquées  sont  les  meilleures. 

Électrodes  positives  ou  électrodes  actives.  —  La  plus  simple 
et  la  plus  employée  est  la  pointe  avec  boule  de  platine  à  l'extrémité. 
Cependant  celle-ci  a  besoin  d'être  maintenue  parla  main  de  l'opéra- 
teur, car  en  aucun  cas  l'électrode  positive  ne  doit  être  maintenue  en 
place  par  le  patient  lui-même.  D'ailleurs,  d'une  façon  générale,  il 
est  préférable  de  se  servir  d'une  électrode  positive  qui  tienne  seule 
dans  la  cavité  :  1°  parce  que  le  moindre  déplacement  de  la  pointe 
détermine  des  secousses  douloureuses;  2°  parce  qu'il  est  difficile 
de  conserver  toujours  la  même  pression  et  que,  dans  le  cas  contraire, 
on  risque  défaire  varier  l'intensité  du  courant;  3°  parce  qu'on  peut 
éviter  ainsi  une  perte  de  temps  et  un  peu  de  fatigue. 

On  préférera  donc,  toutes  les  fois  que  cela  sera  possible,  à  l'élec- 
trode précédente  l'électrode  munie  d'une  agrafe  avec  conducteur,  à 
laquelle  se  trouve  fixé  un  fil  de  platine  très  fin  ayant  une  boule  à 
l'autre  extrémité.  Le  fil  est  entouré  d'un  tube  de  caoulchouc  pour 


ANESTHESIE  DE  LA  DENTINE  E'J'  DE  EA  PULPE.  351 

éviter  les  j)erlcs  de  courant,  et  la  poinle  est  fixée  dans  la  cavité  au 
moyen  de  cire  ou  de  gutta-percha. 

Electrodes  négatives  ou  indifférentes.  —  On  a  discuté  pour 
savoir  s'il  valait  mieux  placer  l'électrode  négative  sur  la  joue  ou  sur 
la  main.  On  a  dit  qu'en  la  plaçant  sur  la  joue  on  diminuait  la  résis- 
tance, qu'on  obtenait  ainsi  des  résultats  plus  rapides  et  qu'enfin 
l'opérateur  n'était  pas  sous  la  dépendance  du  patient. 

L'électrode  indilîérente  doit  de  préférence  se  placer  sur  la  main, 
mais  parfois  la  chose  devient  impossible  quand  on  se  trouve  en  face 
d'un  enfant  ou  d'un  patient  timoré.  Mieux  vaut  alors  appliquer 
l'électrode  sur  la  joue  et  se  servir  par  exemple  de  la  KlingelfusSy 
munie  d'une  grande  plaque  métallique  pour  l'intérieur  delà  bouche 
et  d'une  plaque  isolante  de  caoutchouc  pour  l'extérieur.  On  place, 
pour  éviter  les  accidents  et  diminuer  la  résistance,  un  petit  morceau 
de  toile  imbibée  d'eau  salée  entre  la  muqueuse  et  la  plaque  métallique. 

Manuel  opératoire.  —  Avant  de  faire  passer  le  courant  à  travers  la 
dent,  il  est  bon  de  prendre  quelques  précautions  préliminaires. 
L'opérateur  s'assurera  tout  d'abord  que  son  appareil  fonctionne  bien, 
surtout  en  ce  qui  concerne  le  rhéostat  et  le  milliampèremètre  ;  il 
s'assurera  ensuite  que  les  électrodes  sont  bien  en  rapport  avec  les 
bornes  correspondantes.  Ceci  fait,  il  débarrassera  la  cavité  le  plus 
soigneusement  possible  des  portions  de  dentine  ramollies  et  de  tous 
les  corps  étrangers;  enfin  il  placera  la  digue.  Cette  dernière  précau- 
tion est  absolument  indispensable.  Il  faut  être  tout  à  fait  à  l'abri  de 
la  salive  pour  faire  l'électrophorèse,  car  sans  cela  les  solutions 
médicamenteuses  risquent  d'être  altérées  ou  tout  au  moins  diluées; 
leur  décomposition  électrolytique  peut  être  considérablementtroublée; 
enfin,  la  dent  étant  un  corps  inférieur  à  la  salive  comme  conducteur, 
il  arrivera  forcément  que  le  courant  sera  dévié  et  ne  passera  plus 
par  la  dent.  C'est  là  une  des  principales  causes  d'insuccès,  et  c'est 
pour  ne  pas  avoir  pris  cette  précaution  que  beaucoup  d'opérateurs 
ont  rejeté  l'électrophorèse. 

Toutes  ces  précautions  prises,  on  lave  la  région  opératoire  à  l'eau 
stérilisée  :  on  introduit  dans  la  cavité  une  boulette  de  coton  imbibée 
de  la  substance  médicamenteuse,  et  l'on  place  l'électrode  indifférente 
soit  sur  la  joue,  soit  dans  la  main  du  patient.  On  rassure  ce  dernier, 
s'il  paraît  timoré,  et  on  lui  demande  de  faire  un  signe  quelconque 
dès  qu'il  sentira  passer  le  courant.  Mais  il  ne  faut  à  aucun  moment, 
et  sous  aucun  prétexte,  que  cette  sensation  soit  douloureuse. 

On  place  l'électrode  active  dans  la  cavité,  et  on  la  fixe  au  moyen 
d'un  peu  de  gutta,  ou  bien  on  la  maintient  immobile  et  bien  appliquée 
sur  le  coton. 

Lorsque  les  électrodes  sont  bien  en  place,  on  tourne  doucement 
la  manivelle  du  rhéostat,  en  débutant  à  zéro.  Il  faut  avoir  presque 
constamment  les  yeux  sur  le  milliampèremètre  et  s'arrêter  dès  qu'on 


352  NOGUE.  —  ANESTHESIE. 

a  atteint  l'intensité  indiquée,  suivant  le  cas.  Jl  n'est  pas  nécessaire 
que  le  patient  perçoive  le  courant  ;  par  contre,  il  faut  s'arrêter  lors- 
qu'il aura  une  sensation  quelconque  et  ne  continuera  augmenter  l'in- 
tensité que  lorsque  ce  dernier  n'est  plus  perçu. 

La  durée  de  l'opération  est  variable;  en  général  quatre  ou  cinq  mi- 
nutes suffisent  largement. 

Au  bout  de  ce  temps,  qu'il  est  inutile  de  dépasser,  surtout  s'il  s'agit 
d'une  carie  non  pénétrante  sensible,  on  ramène  tout  doucement  le 
manivelle  du  rhéostat  à  zéro.  11  faut  abaisser  le  courant  graduelle- 
ment, sans  secousses  brusques,  et  n'enlever  les  électrodes  que 
lorsque  l'aiguille  est  à  zéro.  Sans  cela  il  se  forme  un  courant  de 
rupture  qui  provoque  une  sensation  très  désagréable,  sinon  très 
douloureuse  pour  le  malade.  C'est  pour  cette  raison  que,  pendant 
toute  la  durée  du  passage  du  courant,  il  faut  maintenir  l'électrode 
dans  la  cavité  avec  une  pression  uniforme  et  parfaitement  immobile. 

11  faudra  s'assurer,  pendant  l'application,  qu'il  n'y  a  pas  de  perte 
de  courant  soit  par  le  clampsqui  retient  la  digue,  soit  par  une  obtu- 
ration métallique  voisine.  Lorsqu'il  est  impossible  d'éviter  le  contact 
de  l'électrode  avec  une  obturation  métallique  ou  un  clamps,  on  n'a 
qu'à  isoler  ces  derniers  en  les  recouvrantd'une  couche  de  chloro-per- 
cha.  Cette  précaution  est  inutile  lorsqu'on  se  sert  de  l'électrode  posi- 
tive fixe,  dont  le  fil  de  platine  est  isolé  par  une  gaine  de  caoutchouc. 

Enfin,  dans  certains  cas,  il  est  nécessaire  de  renouveler  la  solution 
médicamenteuse.  Pour  cela,  il  faut  ou  bien  faire  l'opération  en  deux 
temps,  s'arrêter  au  milieu  et  changer  la  boulette  de  coton,  ou  bien 
laisser  tomber  de  temps  en  temps  sur  l'extrémité  de  l'électrode  une 
goutte  de  la  solution  employée. 

En  somme,  le  manuel  opératoire  est  basé  tout  entier  sur  deux  points  : 
1°  éviter  les  pertes  de  courant  pour  avoir  un  résultat  positif  et 
n'avoir  pas  d'accidents;  2°  éviter  les  augmentations  ou  les  diminu- 
tions brusques  de  courant  pour  ne  pas  faire  souffrir  le  patient. 

Anesthésie  dcladcntiiie  etdclapiilpeparinfiltrationdeu- 
tînaire.  — Malgré  que  le  tissu  dentaire  soit  peu  perméable,  on  a  essayé 
d'y  faire  pénétrer  sous  pression  une  solution  anesthésique.  Mayer  fit 
construire  pour  cela  une  seringue  spéciale  dont  le  corps  métallique, 
relativement  peu  volumineux,  recevait  un  piston  également 
métallique,  manœuvré  par  le  rapprochement  de  deux  branches  sem- 
blables aux  branches  d'un  davier.  La  pression  ainsi  obtenue  était 
considérable.  Pour  faire  pénétrer  le  liquide  dans  l'intimité  du  tissu, 
on  pratiquait  au  niveau  du  collet  de  la  dent,  à  l'aide  d'un  foret  de 
calibre  approprié,  un  trou  dans  lequel  venait  se  placer  une  canule 
conique.  Cette  canule,  obturant  d'une  façon  parfaite  l'orifice  du 
pertuis,  les  branches  de  l'appareil  étaient  rapprochées,  et  le  liquide, 
sous  la  poussée  de  cette  pression  considérable,  pénétrait  lente- 
ment dans  les  canalicules  de  l'ivoire. 


ANESTHÉSIE  DE  LA  DENTINE  ET  DE  LA  PULPE.  353 

11  existe  une  autre  seringue  clans  laquelle  le  piston  se  déplace 
par  la  manœuvre  d'une  roue,  fixée  sur  le  côté  de  la  seringue.  C'est 
la  seringue  de  Wilson-Jewet. 

L'extrémité  de  l'instrument  esl  formée  par  une  pointe  en  acier,  de 
forme  légèrement  conique  et  du  diamètre  d'un  tiers  de  millimètre  à 
son  extrémité  pointue,  à  lumière  très  fine. 

La  seringue  étant  chargée  avec  une  solution  de  cocaïne  à  10  ou 
15  p.  100,  on  fixe  le  bec  en  pointe  sur  le  corps  en  vissant  avec  assez 
de  force  pour  que  lejoint  soit  étanche.  Avec  une  fraise  deWhiten"  1, 
qui  correspond  au  calibre  de  la  pointe  en  acier,  on  fait  soit  dans  la 
cavité  même,  soit  au  collet  de  la  dent,  un  Irou  deO""",?.)  à  1  milli- 
mètre de  profondeur.  Le  bec  de  l'instrument  est  alors  engagé  dans 
ce  trou,  en  poussant  légèrement  par  des  mouvements  alternatifs  de 
rotation  de  droite  à  gauche  et  vice  versa.  De  cette  façon,  on  obtient 
un  joint  suffisant  pour  qu'il  ne  reste  plus  qu'à  actionner  le  piston. 
En  appuyant  alors  l'index  sur  la  petite  roue,  on  constate  une  résis- 
tance sérieuse  produite  par  le  liquide  qui  ne  peut  filtrer  ni  par  le 
bec,  ni  revenir  en  arrière,  ni  s'échapper  par  les  joints  si  l'instru- 
ment fonctionne  bien.  En  appuyant  plus  fortement,  la  résistance 
diminue,  le  piston  avance  ;  c'est  la  solution  qui  pénètre  dans  l'in- 
timité même  des  tissus  dentaires.  L'injection  terminée,  on  cons- 
tatera que  la  dent  entière  est  anesthésiée  (Fleischmann). 

Cette  méthode  n'est  pas  exempte  d'inconvénients.  C'est  en  premier 
lieu  les  difficultés  de  l'instrumentation  et  de  la  technique  même. 
Il  n'est  pas  aisé  d'empêchertoute  fuite  du  liquide  au  niveaudu  point  de 
pénétration  de  la  canule  dans  l'ivoire.  Les  manœuvres  même  faites 
par  l'opérateur  pour  actionner  la  seringue  tendent  à  déplacer  la 
canule.  Il  est  donc  nécessaire,  pour  obtenir  de  bons  résultats, 
que  l'opérateur  fasse  appel  à  un  aide  qui  sera  chargé  uniquement 
de  faire  tourner  la  roue  commandant  la  pression,  pendant  que 
lui-même  sera  uniquement  occupé  à  tenir  la  seringue,  à  l'immo- 
biliser en  la  solidarisant  complètement  avec  la  dent,  avec  une 
force  d'application  qui  assure  l'étanchéité  absolue  du  joint.  Cette 
manœuvre  est  difficile  et  fatigante  pour  l'un  etl'autredes  opérateurs. 

Le  D"^  Château,  au  lieu  d'assujettir  directement  la  canule  à  l'extré- 
mité de  la  seringue,  propose  d'interposer  un  conduit  en  cuivre  de 
2  millimètres  environ  de  diamètre  et  de  30  centimètres  de  longueur, 
conduit  dont  la  flexibilité  rend  indifférents  lespetits  mouvements  que 
pourrait  faire  l'aide  qui  tourne  la  roue  de  pression  et  qui,  d'ailleurs, 
pourra  être  seul  chargé  de  tenir  la  seringue  dont  l'immobilisation 
rigoureuse  n'est  plus  indispensable. 

La  fixité  automatique  de  la  canule  sur  la  dent  et,  par  conséquent, 
l'étanchéité  du  joint,  sont  assurées  en  fixant  le  corps  de  la  canule 
préalablement  muni  d'un  pas  de  vis  extérieur  sur  un  cavalier  dont 
l'écartement  peut  être  réglé  à  volonté  par  suite  de  la  présence  d'une 

Traité  de  stomatologie.  VL   —   23 


354  ^•OGUÉ.  —  ANESTHÉSIE. 

fflissière  dont  on  fixe  une  fois  pour  toutes  récartement  suivant 
l'épaisseur  de  la  dent  à  opérer. 

Le  cavalier  enjambe  la  dent  sur  laquelle  on  opère.  La  patte  interne 
du  cavalier  se  fixe  à  la  lace  interne  de  la  dent,  soit  directement,  soit 
à  l'aide  de  deux  vis  placées  à  cet  elTet  et  réglables  à  volonté. 

La  patle  externe  du  cavalier  correspondra  à  la  face  externe  de  la 
dent.  Cette  portion  externe  du  cavalier  est  percée  dun  trou  muni 
dun  pas  de  vis.  C'est  dans  ce  pas  de  vis  que  s'engagera  la  canule 
destinée  à  transmettre  la  pression,  car  le  corps  de  cette  canule  a  été 
préalablement  muni,  comme  il  a  été  indiqué,  d"un  pas  de  vis  corres- 
pondant à  celui  du  cavalier. 

Si  on  tourne  donc  la  canule  formant  vis  dans  le  pas  de  vis  qui  lui 
correspond  sur  la  face  externe  du  cavalier,  on  approche  la  pointe  de 
la  canule  de  la  face  externe  de  la  dent  :  en  continuant  davantage,  on 
engage  la  canule  à  l'entrée  du  petit  trou  perforant  l'émail  et  dont  le 
diamètre  est  légèrement  supérieur  à  la  pointe  de  cette  canule. 

La  canule  étant  ainsi  assujettie  et  la  pointe  se  trouvant  fixée 
avec  une  force  qu'on  peut  régler  avec  la  vis.  on  conçoit  parfaitement 
que  l'injection,  n'ayant  aucune  autre  issue,  pénétrera  dans  les  canali- 
cules  de  Tomes  pour  arriver  à  la  pulpe  et  l'insensibiliser  (Château). 

Il  faut  bien  savoir  que,  malgré  les  plus  minutieuses  précautions,  le 
liquide  ne  pénètre  jamais  bien  aisément  dans  les  canalicules  de 
Tomes,  même  avec  une  pression  très  élevée.  11  est  bien  des  cas,  par 
exemple  quand  il  s'agit  de  dents  très  calcifiées,  dans  lesquels  la 
pénétration  est  insignifiante  et  l'anesthésie  quasi  nulle. 

Anesthésie  de  la  dentinc  et  de  la  pulpe  par  la  voie  gingri- 
vale.  —  Il  était  tout  naturel  de  chercher  à  obtenir  l'insensibilisation 
de  la  pulpe  et  de  l'ivoire  par  une  injection  dans  les  tissus  gingi- 
vaux. Le  P'  Reclus  avait  Jni-mème  indiqué  la  voie  en  disant  :  «  Les 
dentistes  qui  ont  recours  à  la  cocaïne  insensibilisent  les  tissus 
lorsqu'ils  veulent  extraire  une  dent,  mais  s'abstiennent  dans  les  cas, 
si  douloureux  pourtant,  où  ils  arrachent  ou  détruisent  la  pulpe  par 
des  vrilles  ou  par  des  caustiques.  Pourquoi  ne  pas  faire  alors  des 
injections  profondes,  jusqu'au  niveau  des  racines.  Certainement  ces 
injections  seraient  efficaces  :  elles  agiraient  sur  les  nerfs  qui  abordent 
la  pulpe,  puisque  lors  de  l'extraction  on  étire  et  l'on  rompt  les 
nerfs  sans  que  le  patient  éprouve  la  moindre  souiTrance.  » 

M.  Touchard  essaya  le  premier  d'obtenir  cette  anesthésie.  Il  se  ser- 
vait d'une  solution  contenant  l'^".5  de  cocaïne  et  O-^-^o  d'eucaïne 
dans  1  centimètre  cube  d'eau.  A  laide  de  la  seringue  de  Pravaz,  il 
injectait  lentement  le  liquide,  l'aiguille  enfoncée  de  plus  en  plus  pro- 
fondément jus(iu';i  2  centimètres  environ  dans  la  direction  de  l'apex, 
en  restant  le  plus  près  possible  du  périoste.  L'anesthésie  était  obte- 
nue dans  un  temps  variant  de  deux  à  quinze  minutes,  et  elle  se  pro- 
longeait de  dix  à  quarante  minutes.  Malheureusement  les  résultats 


AM'STIIKSIE  DE  LA  DENTIXE  ET  DE  LA  PULPE.  355 

étaient  très  variables.  Pour  certaines  dents,  tantôt  Tanesthésie 
était  parfaite,  tantôt  insul'tisanle  ou  nulle.  Pour  d'autres,  elle 
était  incertaine,  à  tel  point  que  cette  méthode  si  simple  et  si  ration- 
nelle tomba  en  désuétude,  tant  les  déceptions  qu'elle  donna  furent 
nombreuses.  Il  est  difficile  de  déterminer  les  causes  réelles  de  ces 
insuccès,  d'autant  qu'avec  une  technique  semblable  lanesthésie  est 
aujourd'hui  obtenue,  en  ayant  recours  à  la  novocaïne  et  à  l'adréna- 
line. La  solution  de  cocaïne  était-elle  trop  diluée?  La  quantité  d'alca- 
loïde était-elle  insuffisante? 

Cette  dernière  hypothèse  est  la  plus  vraisemblable.  Une  quantité 
plus  grande  de  cocaïne  eût  très  probablement  atteint  le  faisceau 
vasculo-nerveux  à  son  entrée  dans  l'apex  à  travers  les  pertuis  de  la 
lame  compacte  de  l'os,  comme  la  chose  se  produit  aujourd'hui  avec 
la  novocaïne. 

MÉTHODE  DE  Welin  (de  Stockholm).  —  M.  Welin  préconisa  une 
méthode  d'anesthésie  de  la  denline  et  de  la  pulpe  par  la  voie  gingi- 
vale basée  sur  l'action  d'un  anesthésique  et  d'une  forte  pression. 
L'anesthésique  employé  était  un  mélange  assez  complexe  compre- 
nant de  la  novocaïne  et  de  l'adrénaline. 

Après  une  antisepsie  soigneuse  du  champ  opératoire  obtenue 
avec  une  solution  phéniquée  à  5  p.  100,  la  pointe  de  la  seringue  spé- 
ciale est  introduite  dans  l'épaisseur  du  bourrelet  gingival  verticale- 
ment. On  fait  d'abord  pénétrer  un  peu  de  liquide  dans  les  tissus  grâce 
à  une  pression  légère.  On  augmente  ensuite  cette  pression  de  façon 
à  obtenir  une  anémie  complète  des  tissus  autour  de  la  dent.  Cette 
pression,  d'après  M.  \\'elin,  déterminerait  une  anémie  assez  mar- 
quée de  la  pulpe  pour  que  l'anesthésie  se  produise. 

Pour  les  dents  antérieures,  l'injection  doit  être  faite  dans  la  gen- 
cive sur  le  côté  distal,  mésial,  buccal  et  lingual.  Pour  les  prémolaires 
du  haut  et  du  bas,  on  agit  de  même,  mais  il  est  nécessaire,  avant 
d'intervenir,  d'attendre  quelques  instants.  Il  en  est  de  même  pour  les 
grosses  molaires  du  bas  :  il  est  indispensable  de  pousser  le  liquide 
anesthésique  jusqu'au  périoste. 

On  obtiendrait  ainsi  une  anesthésie  suffisante  pour  préparer  les 
cavités  de  la  dentine  sans  aucune  douleur,  pour  extraire  extempora- 
nément  la  pulpe  et  pour  pratiquer  l'avulsion  des  dents. 

Cependant  un  certain  nombre  de  reproches  furent  faits  à  cette 
méthode.  Le  premier  et  le  plus  grave  est  que  l'auteur  se  refusait  à 
faire  connaître  la  nature  de  l'anesthésique  eraj^loyé.  Il  est  probable 
que  la  cocaïne  ou  la  novocaïne  en  formaient  l'élément  actif.  Mais  le 
véhicule  pouvait  lui-même  jouer  un  certain  rôle.  Toujours  est-il 
qu'on  observa,  à  la  suite  de  ces  injections,  des  cas  d'arthrite  très 
intense  et  des  escarres,  sans  qu'il  soit  possible  de  dire  si  ces  acci- 
dents étaient  dus  au  véhicule  lui-même,  aux  composants  entrant 
dans  le  produit  injecté  ou  à  la  pression  elle-même. 


356 


NOGUL:.  —  ANESTHÉSIE. 


Voici,  à  litre  de  document,  le  résultat  de  16  cas  daneslhésies  pul- 
paires  faites  d'après  cette  méthode  par  M.  Flygare,  élève  de  Welin,  et 
M.  (jodon  : 


NOMS. 

Ml 

e  G 

M. 

B 

M» 

A 

M» 

D 

M. 

D 

M. 

H 

M« 

C 

M' 

G 

M. 

V 

M. 

G 

M» 

M 

M. 

G 

M. 

G 

M. 

A 

M. 

G 

M. 

B 

DENTS 

traitées. 


3   s. 


6  S 
6  i. 
6  s 
5  i. 
4  i. 


6 
5  i. 

5  i. 
1  s. 
7  s. 

6  s. 
5  i. 
3  i. 


NOMBRE 

(le  jjiqi'ires 


BfREE 

de  l'opéralion. 


2  piqûres. 


15  minutes. 

25  — 

30  — 

30  — 

•iS  — 

35  — 

10  — 

15  — 

15  — 

là  — 

30  — 

20  — 

30  — 

15  — 

15  — 

15  — 


RESULTAT. 


Bonne  anesthésie. 


Très  bonne  anesthésie. 

Pas  d'anesthésie. 

Très  bonne  anesthésie. 

Escarre. 
Arthrite. 

Bonne  anesthésie. 


Quoi  quil  en  soit,  celte  méthode  n'a  guère  aujourd'hui  de  partisans. 
Anesthésie  de  la  pulpe  par  trauinatisnie  brusque.  —  Ce 

procédé,  qui  n'est  guère  employé  aujourd'hui  que  nous  possédons 
des  moyens  plus  efficaces  d'obtenir  l'anesthésie,  a  été  longtemps  en 
faveur  parmi  les  dentistes.  C'est  certainement,  dit  M.  Barden,  auquel 
nous  empruntons  ces  détails,  le  procédé  d'anesthésie  pulpaire  le 
plus  anciennement  connu  (1).  Il  a  été  découvert  empiriquement  et 
successivement  par  tous  les  dentistes  lorsque,  dans  un  but  prothé- 
tique,  ils  furent  amenés  à  sectionner  à  la  pince  coupante  des  dents 
à  pulpe  vivante.  En  effet,  si,  immédiatement  après  la  section  de  la 
couronne,  on  enlève  la  pulpe  à  l'aide  d'une  broche,  on  constate  que 
cette  énucléation  ne  donne  lieu  à  aucune  réaction  douloureuse. 
Partant  vraisemblablement  de  cette  donnée  empirique  que  le  choc 
brusque  anesthésie  la  pulpe,  un  dentiste  chercha  le  moyen  d'utiliser 
cette  action  bienfaisante  du  traumatisme,  sans  être  obligé  de  recourir 
à  la  section  de  la  dent,  et  il  imagina  le  procédé  de  traumatisation 
pulpaire,  actuellement  en  usage.  Pour  déterminer  le  choc,  on  se 
sert  d'un  petit  bâton  de  bois  d'oranger.  On  l'amincit  de  manière  à 
lui  donner  la  grandeur  et  la  forme  approximative  du  canal  radicu- 
laire,  et  l'on  aiguise  la  pointe.  On  découvre  la  pulpe  ;  on  met  à  son 
contact  la  pointe  effilée  du  petit  bCiton,  et  on  l'enfonce  d'un  coup 
rapide  et  sûr  du  maillet  à  aurifier.  Sous  la  violence  du  choc,  la 

(1)  M.  Barden,  La  pulpectomie  totale  et  immédiate.  Étude  critique  des  diverses 
méthodes  thérapeutiques  permettant  de  procéder  à  cette  opération  {Rapport  au 
Congrès  de  Heiins  1907,  et  Secl.  d'odonloloyie  de  VAssoc.  franc,  pour  Vavancement 
des  sciences). 


ANESTHÉSIE  DE  LA  DENTINE  ET  DE  LA  PULPE.  357 

jmlpo  est  parfois  tout  entière  enlraînce  liors  du  canal  ;  dans  le  cas 
contraire,  on  ronlève  à  laide  d'une  broche. 

On  peut  employer  celte  méthode  chacpie  fois  qu'on  a  à  enlever  la 
pulpe  d'une  canine  :  la  facilité  d'accès  du  canal  de  cette  dent,  son 
grand  volume,  sa  forme  conique  qu'on  peut  facilement  donner  au 
bâton  d'oranger,  rendent  alors  cette  opération  réellement  commode 
et  avantageuse.  Ce  procédé  d'aneslhésie  peut,  bien  entendu,  être 
employé  pour  d'autres  dents  que  la  canine.  Fred.  A.  Peeso,  dans  son 
ABC  des  couronnes  ei  des  bridges,  l'apprécie  en  ces  termes  (1)  : 

«  Celte  méthode  réussit  spécialement  pour  les  dents  ne  présentant 
qu'une  racine,  mais  elle  peut  être  appliquée  avec  succès  aux  bicus- 
pides  et  aux  molaires  dans  de  bonnes  conditions,  alors  que  les  cou- 
ronnes sont  mal  cassées  (?)  et  permettent  l'accès  des  canaux. 

«  Cette  opération  a  été  souvent  qualifiée  de  barbare  par  les  prati- 
ciens, mais  elle  ne  l'est  en  aucune  façon.  Si  on  l'accomplit  convena- 
blement, on  peut  l'elTectuer  sans  plus  de  douleur  qu'avec  toute  autre 
méthode  de  dévitalisation.  Elle  est  si  rapide  que  la  pulpe  est  paraly- 
sée par  le  choc,  et  la  douleur  n'est  pas  plus  vive  que  celle  qu'on 
éprouve  d'une  légère  piqûre  d'épingle.  Tout  dépend  de  la  manière 
de  faii'e  ;  un  opérateur  maladroit  peut  occasionner  de  grandes  souf- 
frances au  patient.  » 

11  est  intéressant  de  se  demander  par  quel  mécanisme  se  produit 
cette  anesthésie  pulpaire  de  courte  durée,  mais  si  complète,  déter- 
minée par  la  traumatisation  brusque.  On  peut  recourir  à  deux  hypo- 
thèses (2)  :  «  Ou  bien  il  se  produit  une  inhibition  due  au  brusque 
traumatisme,  —  et  Brown-Sequard  a  signalé  des  anesthésies  passa- 
gères parce  mécanisme  ;  —  ou  bien  il  n'y  a  pas  impression  doulou- 
reuse à  cause  de  l'intensité  même  de  l'irritation  mécanique.  »  On  sait, 
en  effet,  que  nos  appareils  nerveux  ne  sont  adaptés  que  pour  des  exci- 
tations de  rythme  déterminé.  Or,  si  la  pulpe  est  habituée  à  recevoir 
et  à  transmettre  des  excitations  de  rythme  bien  défini,  comme  les 
impressions  thermiques  ou  encore  les  impressions  mécaniques  parmi 
lesquelles  on  peut  ranger,  par  exemple,  l'appréciation  du  degré  de 
dureté  d'un  corps  placé  entre  les  dents,  —  impressions  que  la  pulpe 
reçoit  journellement  et  dont  le  rythme  lui  est  en  quelque  sorte  fami- 
lier, —  elle  n'est  préparée  en  rien  à  ce  traumatisme  violent  et  subit, 
dont  le  rythme  inaccoutumé  surprend  si  brusquement  les  éléments 
cellulaires  que  ceux-ci,  —  comme  sidérés,  —  perdent  pendant  un 
instant  la  faculté  de  transmettre  aux  centres  l'impression  ressentie, 
&oii  l'absence  de  douleur  constatée. 

Quelle  que  soit  la  valeur  des  hypothèses  émises  pour  expliquer 

(1)  L'A  B  C  des  couronnes  et  des  bridges,  par  Frek.  A.  Peeso,  Dental  Cosmos 
de  janvier  1903  à  mai  1904.  Traduit  par  ^L  Godox,  Odontologie,  30  mars  1905, 
p.  350. 

(2)  Gi.EV,  Lettre  particulière. 


358  XOGUE.   —  AXESTHESIE. 

cette  anesthésie,  le  l'ait  môme  qu'elle  existe  suffilà  donner  au  procédé 
son  importance.  Est-ce  à  dire  que  le  dentiste  ait  dans  la  traumatisa- 
tion  brusque  un  moyen  aussi  simple  de  déterminer  Tanesthésie  pul- 
paire  qu'on  serait  tenté  de  le  croire  au  premier  abord?  Malheureuse- 
ment non.  Et  quoi  qu'en  dise  Peeso,  ce  procédé  ne  peut  s'appliquer 
—  avec  chance  de  succès  —  que  dans  quelques  cas  restreints. 
D'abord  il  faut  quelentrée  des  canaux  soit  très  accessible  et,  si  l'on 
peut,  à  la  rigueur,  employer  ce  procédé  pour  anesthésier  la  pulpe 
des  incisives  et  des  canines  dont  la  cavilé  radiculaire  est  large,  la 
difficulté  d'avoir  des  bâtons  de  bois  d'oranger  assez  ténus  pour  péné- 
trer dans  les  canaux  des  premières  bicuspides,  dans  les  canaux  ex- 
ternes des  molaires  supérieures  et  dans  les  canaux  antérieurs  des 
molaires  inférieures  suffitàcontre-indiquer  la  méthode.  Et  puis  com- 
ment aller  dans  la  cavité  buccale,  à  l'aide  d'un  maillet,  donner  un 
coup  vertical  et  bien  appliqué  sur  un  bâton  de  bois  d'oranger  fiché 
dans  une  seconde  molaire  inférieure  par  exemple  ?  A  notre  avis,  les 
cas  sont  en  petil  nombre  où  le  procédé  se  trouve  formellement  indi- 
qué par  le  siège  de  la  carie,  par  la  facilité  d'accès  du  canal  radiculaire 
et  son  grand  calibre.  Hormis  ces  cas,  qui  se  rencontrent  rarement 
dans  la  pratique,  la  Iraumatisation  brusque,  malgré  sa  valeur  réelle 
au  point  de  vue  de  l'anesthésie  obtenue,  devra  élre  rejelée,  car  cette 
anesthésie  ne  s'obtient  qu'avec  les  conditions  de  facilité  d'accès  du 
canal  et  de  choc  bien  appliqué  dont  nous  avons  parlé  plus  haut. 

Méthode  des  injections  distales  ou  înterdentaires.  — 
LesD'^A.  Vanmosuenck  (deLouvain)  et  le  D'M.  Pôletfde  Bruxelles) 
ont,  lun  et  l'autre,  préconisé,  pour  obtenir  l'anesthésie  de  la  den- 
tine  et  de  la  pulpe,  des  méthodes  qui  présentent  entre  elles  de 
grandes  ressemblances.  Le  premier  lui  donne  le  nom  dinjection 
interdentaire  et  le  second  d'injection  distale. 

Nous  avons  déjà  parlé  de  la  méthode  des  injections  distales  quand 
nous  avons  passé  en  revue  les  différentes  méthodes  d'injection  des 
anesthésiques  dans  la  région  gingivo-dentaire.  Ce  procédé  permet 
d'obtenir  l'anesthésie  de  la  dentine  et  de  la  pulpe.  Rappelons  qu'il 
con.siste  à  injecter  un  peu  de  liquide  dans  la  gencive,  contre  le  collet 
de  la  dent  du  côté  mésial,  entre  celle-ci  et  sa  voisine.  On  relire 
alors  la  seringue  et,  la  saisissant  à  pleine  main,  sans  injecter,  on 
cherche  dans  l'espace  proximal  lendroit  par  où  la  canule  entrera  le 
plus  profondément.  La  seringue  étant  parallèle  à  l'axe  de  la  dent,  on 
injectera  lentement  une  quantité  de  liquide  variant  suivant  le  degré 
et  la  durée  d'anesthésie  recherchés.  La  canule  entrera  sur  une  lon- 
gueur variant  entre  O-^™,  5  et  1  centimètre,  voire  12  millimètres; 
elle  pénètre  ainsi  soit  dans  le  ligament,  soit  dans  le  tissu  conjonctif, 
là  où  une  extraction  a  eu  lieu,  soit  dans  un  pore  de  l'os. 

Le  D'"   A.  Vanmosuenck  (de  Louvain)  procède  ainsi  :   avec  une 
solide  seringue  à   ailettes,   bien  ctauciie,  car  il   faut  (lé|)loyer  une 


ANESTllÉSIE  DE  LA  DENTINE  ET  DE  LA  PULPE.  359 

force  considérable,  il  iiiiecte  I  cenliniùlrc  cube  de  .solulioii  cocaï- 
nique  à  1  p.  100  additionnée  d'une  goutte  d'adrénaline,  dans  l'espace 
inlerdenlaire.  L'aiguille  est  glissée  le  long  de  la  racine  aussi  bien 
que  faire  se  peut,  jusqu'à  ce  qu'on  la  sente  fermement  calée  entre  les 
deux  plans  osseux  et  qu'on  éprouve  une  résistance  considérable  à 
l'entrée  du  liquide  (1). 

L'injection  doit  être  poussée  bien  lentement  et  sera  nécessairement 
lente,  vu  le  peu  d'espace  où  le  liquide  doit  pénétrer  ;  on  sera  assuré 
que  ce  liquide  a  bien  pénétré  par  l'apparition  d'une  zone  blanchâtre 
-après  une  ou  deux  minutes  d'attente,  au  niveau  de  l'espace  inter- 
dentaire. 

Une  fois  l'injection  terminée,  ajoute  l'auteur,  quelques  minutes 
suifisent  pour  obtenir  l'anesthésie  complète  ;  le  temps  de  poser  la 
digue,  de  laver  et  dessécher  la  cavité,  d'enlever  la  dentine  ramollie 
et,  chaque  fois  qu'il  s'agissait  d'extraction  pulpaire,  j'ai  pu  ouvrir  la 
■chambre  pulpaire  et  extirper  la  pulpe  sans  que  le  patient  éprouve  la 
moindre  douleur.  La  durée  de  l'anesthésie  n'a  jamais  été  inférieure  à 
un  quart  d'heure  ;  souvent  elle  s'est  prolongée  bien  au  delà. 

L'une  de  ces  méthodes  est  plutôt  une  injection  intraligamenteuse  ; 
l'autre  participe  de  l'injection  ligamenteuse  et  de  l'injection  diploïque. 
En  etfet,  dans  cette  dernière,  le  D""  Pôlet  parle  de  la  pénétration  de 
la  canule  dans  un  pore  de  l'os.  Et  en  effet,  dans  la  crête  alvéolaire 
qui  sépare  deux  dents  contiguës,  se  trouvent  de  nombreux  pertuis 
osseux  donnant  accès  dans  le  diploé.  C'est  par  la  pénétration  intra- 
osseuse  du  liquide  qu'on  peut  expliquer  l'extension  de  l'anesthésie 
à  trois  ou  quatre  et  même  six  dents. 

Les  résultats  obtenus  par  l'une  ou  l'autre  de  ces  méthodes  sont 
généralement  satisfaisants.  On  ne  saurait  cependant,  dans  tous  les 
cas  qui  se  présentent  dans  la  pratique,  compter  sur  le  succès. 

Méthode  des  injections  para-apicalcs.  —  C'est  aux  D"  Ouin- 
tin  et  Pitot  que  revient  le  mérite  d'avoir  obtenu  systématiquement 
l'insensibilisation  de  la  dentine  et  de  la  pulpe  par  les  injections 
para-apicales  de  novocaïne.  Les  premières  expériences  datent  de 
1908,  et  cette  méthode  est  aujourd'hui  entrée  dans  la  pratique 
courante. 

Elle  est  essentiellement  caractérisée  par  la  technique  même  de 
l'injection  médicamenteuse  et  par  la  nature  de  l'anesthésique.  L'in- 
jection doit  être  faite  dans  le  tissu  cellulaire  sous-muqueux,  le  plus 
près  possible  du  périoste  qui  recouvre  le  maxillaire,  dans  la  région 
de  l'apex.  Ainsi,  au  lieu  de  pousser  l'injection  au  niveau  de  la  fibro- 
muqueuse  gingivale,  Quintin  et  Pitot  recommandent,  la  lèvre 
et  la  joue  une  fois  écartées,  de  tenir  l'aiguille  dans  une  direction 
presque  perpendiculaire  à  l'axe  de  la  dent  et  de  pousser  le  liquide 

(1)  Soc.  beUje  de  slomalolo(jie,  18  oct.  1908. 


360  NOGUE.  —  AJNESTHÉSIE. 

aneslhésique  le  plus  près  possible  de  l'apex,  peut-être  même  au  delà 
et  légèrement  en  arrière. 

Pour  les  dents  uni-radiculaires,  une  seule  injection  du  côté  vesti- 
bulairc  est  en  général  suffisante.  Pour  les  dents  pluri-radiculaires, 
on  fera  une  injection  du  côté  vestibulaire  et  une  injection  du  côté 
lingual. 

Quant  au  médicament  injecté,  c'est  la  novocaïne  associée  à  l'adré- 
naline qui  a  donné  les  résultats  les  plus  constants.  Au  point  qu'on 
a  pu  attribuer  à  la  novocaïne  une  sorte  d'action  élective  sur  la 
pulpe  et  la  dentine.  Cependant  d'autres  auteurs  pensent  que,  s'il 
existe  une  action  spécifique,  c'est  plutôt  à  l'adrénaline  qu'il  faudrait 
l'attribuer. 

Les  doses  de  novocaïne  employées  varient  de  2  à  5  centigrammes 
dans  1  à  2  centimètres  cubes  de  sérum  physiologique,  avec  I  à 
II  gouttes  d'adrénaline  à  1  p.  1  000.  La  quantité  couramment  utilisée 
aujourd'hui  est  de  5  centigrammes. 

Mahé,  qui  trouve  cette  dernière  dose  excessive,  pense  qu'il  est 
facile  de  la  diminuer  en  ayant  recours  à  l'injection  en  deux  temps. 
Il  y  aurait  d'après  lui  un  gros  avantage  à  fractionner  l'administra- 
tion de  l'anesthésique  en  deux  injections  :  la  première,  superficielle 
et  de  faible  quantité;  la  seconde,  profonde  et  plus  abondante,  alors 
que  la  première  a  déjà  procuré  une  certaine  insensibilité.  J'ai  été 
beaucoup  frappé,  dit  le  D'  Mahé,  lors  de  mes  premiers  essais,  de  la 
répétition  fréquente  des  faits  suivants.  D'une  part,  je  voyais  des 
injections  de  3  centigrammes  d'emblée  n'avoir  procuré  nulle  anes- 
thésie  au  bout  de  dix  à  douze  minutes.  D'autre  part,  si  je  faisais 
d'abord  une  première  injection  de  2  centigrammes,  puis  une  seconde 
de  1  centigramme,  trois  à  quatre  minutes  après  la  première,  l'anes- 
thésie  survenait  immédiatement  après  cette  seconde  piqûre. 
L'impression  éprouvée  était  absolument  que  la  seconde  injection 
poussait  la  première.  Je  me  suis  bien  trouvé  de  généraliser  le  pro- 
cédé, au  moins  pour  les  dents  multi-radiculaires. 

Toutes  les  dents  sans  exception,  de  l'incisive  centrale  à  la 
troisième  molaire  inclusivement,  sont  susceptibles  de  bénéficier  de 
l'anesthésie  novocaïnique.  Mais  il  faut  reconnaitre  que,  comme  tous 
les  procédés  hypodermiques,  celle-ci  réussit  moins  facilement  à  la 
mâchoire  inférieure.  Ici,  enelTet,  de  l'avis  de  tous  les  auteurs,  l'anes- 
thésie est  très  difficile  à  obtenir,  et  nous  pensons  que  cela  est  dû 
unifjuement  à  l'épaisseur  de  la  lame  de  tissu  compact.  Cependant 
Ouintin  et  Pitot  (1)  seraient  arrivés  tout  récemment  à  des  succès 
bien  plus  considérables  (60  à  70  p.  lOOi  au  cours  de  l'anesthésie  de 
la  dentine  et  de  la  pulpe,  au  niveau  des  grosses  molaires  inférieures» 
p;)r  le  seul  fait  de  l'augmentation  de  la  dose  de  suprarénine,'qui,  en. 

(1)  Df  .Tamcot,  Contribution  à  l'étude  de  l'anestliésic  de  la  dentine  et  de  la  pulpe 
dentaire.  Thèse  de  Paris,  1009. 


ANESTIIÉSIE  DE  LA  DEMINE   ET  DE  LA  PULPE.  361 

quelque  sorte,  fixe  pendant  plus  longtemps  lanesthésique  au  sein  de 
la  région  et  lui  permet  d'agir  plus  sûrement.  Dans  ce  but,  Ouintin 
recommande  également  un  procédé  d'injection  en  deux  temps. 
Dans  un  premier  temps,  il  commence  par  encercler  la  dent  de 
piqûres,  puis,  dans  \\n  second  temps,  il  pratique  rinjection  classique 
au  niveau  de  la  région  apicale.  C'est  ainsi  qu'il  a  obtenu  des  résul- 
tats excellents  dans  la  dévitalisation  des  dents  de  sagesse  inférieures, 
en  employant  iusqu'i\  10  centigrammes  de  novocaïne-suprarénine. 

Enfin  si,  malgré  toutes  ces  précautions,  l'injection  pratiquée  dans 
la  région  de  l'apex  ne  donne  pas  de  résultats,  Chompret  conseille  de 
recourir  aux  injections  diploïques  qui  permettent  de  mettre  la 
novocaïne  directement  en  contact  avec  le  paquet  vasculo-nerveux, 
au  sein  même  des  mailles  du  diploé.  Ouintin  partage  cette  opinion 
et  préconise  également  l'injection  de  novocaïne  au  niveau  de  l'épine 
de  Spix. 

Ce  n'est  cependant  pas  seulement  au  niveau  des  grosses  molaires 
inférieures  que  la  méthode  des  injections  para-apicales  échoue  par- 
fois. Si  elle  réussit  d'une  façon  très  régulière  pour  les  incisives,  les 
canines  et  les  prémolaires,  elle  réussit  beaucoup  moins  bien  pour  les 
grosses  molaires,  même  dans  la  mâchoire  supérieure.  Il  est  vrai  de 
dire  que,  en  multipliant  les  injections  et  en  augmentant  les  doses  de 
novocaïne  et  d'adrénaline,  le  nombre  des  insuccès  diminue:  mais 
d'autres  facteurs  peuvent  également  jouer  un  rôle  dans  la  production 
de  l'arrêt  de  l'anesthésie.  Tel  est,  par  exemple,  le  degré  de  calcifica- 
tion des  os.  De  l'avis  d'un  grand  nombre  d'observateurs,  l'anesthé- 
sie réussit  beaucoup  mieux  et  avec  des  doses  plus  faibles  chez  des 
sujets  jeunes,  à  calcification  peu  avancée.  Au  contraire,  l'anesthésie 
est  très  lente  à  se  produire  chez  des  sujets  très  calcifiés.  Après 
avoir  cité  une  observation  de  Chompret  chez  un  homme  neuro- 
arthritique et  hypercalcifié,  le  D'  Janicot  ajoute  excellemment  : 
«  Il  est  évident  que  le  retard  considérable  de  l'action  de  l'anesthé- 
sique  ne  peut  s'expliquer  dans  ces  cas  que  par  une  hypercalcification 
très  marquée  de  tous  les  tissus,  l'alvéole  et  la  dent  s'opposant  en 
quelque  sorte  à  l'inhibition  du  liquide  injecté.  » 

Cette  observation  type  (1)  montre  que  l'action  anesthésiante  de  la 
novocaïne  est  parfois  très  lente  à  se  produire  chez  les  sujets  hyper- 
calcifiés.  C'est  là  du  reste,  même  dans  les  cas  habituels,  même  sur 
les  dents  les  plus  aisées  à  aneslhésier,  une  des  particularités  de 
l'anesthésie  novocaïnique.  Comme  le  dit  Mahé,  la  novocaïne  n'est 
pas  l'anesthésique  des  opérateurs  pressés  ou  nerveux.  Avec  cette 
substance,  il  faut  attendre,  et  savoir  attendre  un  temps  qu'il  est 
difficile  de  fixer  mathématiquement,  puisqu'il  varie  avec  la  plus  ou 
moins  grande  ditïusibilité  de  l'anesthésique,  si  dilïérente   suivant 

(1)  D'"  Jamcot,  loc.  cH. 


362  NOGUE.  —  ANESTHÉSIE. 

que  Ton  s'adresse  à  tel  ou  tel  sujet,  atteint  de  telle  ou  telle  diathèse. 
Quoi  qu'il  en  soit,  on  peut  poser  en  principe  qu'il  faut  attendre  cinq 
à  dix  minutes,  cinq  n'étant  souvent  qu'un  minimum. 

Et  sur  ce  point  particulier,  ajoute  Janicot,  nous  ne  partageons 
pas  Tavis  de  Pitot  pour  lequel  lanesthésie  est  rapide  si  l'on  a  soin 
de  faire  l'injection  exactement  au  lieu  d'élection.  En  effet,  nous 
avons  maintes  et  maintes  fois  pratiqué  ou  vu  pratiquer  de  telles 
injections  suivant  les  règles,  et  cependant  on  n'obtenait  une  anes- 
thésie  parfaite  qu'au  bout  de  dix  minutes  et  plus.  Xous  croyons  qu'en 
règle  générale,  avec  la  novocaïne,  il  est  difficile  de  prédire  à  l'avance 
au  bout  de  combien  de  temps  l'anesthésie  se  produira.  Le  mieux  est 
de  procéder  par  tâtonnements,  de  constater,  au  fur  et  à  mesure 
qu'ils  se  produisent,  l'apparition  des  phénomènes  indiquant  l'insen- 
sibilisation parfaite,  et  de  n'intervenir  qu'à  ce  moment,  quel  que 
soit  le  laps  de  temps  qui  ait  pu  s'écouler  depuis  l'injection. 

Pour  obvier,  dans  une  certaine  mesure,  à  ces  inconvénients,  et 
accélérer  la  production  de  l'anesthésie,  Quintin,  Godon,  Lemierre 
se  sont  bien  trouvés,  et  c'est  une  pratique  qu'on  ne  peut  que  recom- 
mander, d'un  massage  énergique  de  la  région  injectée. 

Aiiesthésîe  de  la  dentine  et  de  la  pulpe  par  la  méthode 
des  injections  diploïqucs.  — Avant  que  fût  connue  la  méthode 
des  injections  para-apicales,  linjection  du  liquide  dans  le  diploé 
permettait  d'obtenir  l'anesthésie  de  la  dentine  et  de  la  pulpe.  En 
effet,  dès  1907,  nous  nous  exprimions  ainsi  dans  un  travail  sur  ce 
sujet  : 

On  comprend  donc  que,  après  avoir  obtenu  par  linjection  diploïque 
une  anesthésie  absolue  des  tissus  péridentaires,  nous  ayons  cherché 
si  cette  anesthésie  s'étendait  à  tous  les  éléments  nerACux  entrant 
dans  la  constitution  même  de  la  dent.  Dans  l'affirmative  en  elTet,  on 
pouvait  espérer  obtenir  bientôt  par  ce  procédé  l'anesthésie  tant 
cherchée  de  la  dentine. 

Nos  deux  premières  tentatives  nous  prouvèrent  que  nos  espé- 
rances n'étaient  pas  chimériques,  car  les  résultats  pratiquement 
obtenus  nous  parurent,  ainsi  qu'aux  confrères  présents,  absolument 
probants. 

Il  s'agissait  de  caries  hypersensibles  :  le  moindre  contact  de  l'acier, 
môme  d'une  fine  sonde,  déterminait  les  plus  vives  douleurs,  au 
point  de  rendre  tout  traitement  impossible.  Une  injection  diploïque 
de  Os", 005  de  cocaïne  dans  1  centimètre  cube  d'eau  fit  instantané- 
ment disparaître  cette  sensibilité  et  permit  le  fraisage  immédiat  et 
complet  de  la  cavité.  Cette  insensibilité  absolue  de  la  dent  injectée 
s'étendait  assez  nettement  à  la  dentine  de  la  dent  voisine,  mais 
n  intéressait  pas  la  suivante.  La  même  tentative  faite  le  lendemain 
sur  la  même  patiente,  pour  une  autre  dent,  fut  suivie  du  môme 
succès.  Dans  un  second  cas  du  même  genre,  nous  injectâmes  1  cen- 


ANESTHÉSIE  DE  LA  DENTINE  ET  DE  LA  PULPE.  363 

tigramme  de  slovaine  dans  1  centimètre  cube  d'eau  :  mais  la  sensi- 
bilité denlinaire  persista.  Nous  eûmes  alors  Tidée  d'injecter  par  le 
même  perluis  une  dose  nouvelle  de  médicament  :  dès  que  le  second 
centigramme  eut  pénétré  dans  le  tissu  spongieux,  Tanesthésie  fut 
absolue.  La  dent  put  être  complètement  fraisée  et  même  obturée 
séance  tenante.  Chez  l'une  et  l'autre  patiente,  qui  furent  revues 
pendant  plusieurs  semaines,  on  ne  nota  aucun  accident  consécutif, 
ni  du  côté  du  maxillaire  ni  du  côté  des  dents. 

El,  après  avoir  cité  quelques  observations  tout  à  fait  probantes 
d'anesthésie  des  dents  mono-radiculaires,  nous  pouvions  ajouter  :  on 
voit  par  ces  exemples  que  Tanesthésie  de  la  denline  peut  être  obte- 
nue, du  moins  dans  les  incisives,  canines  et  prémolaires.  Il  est  infi- 
niment probable  qu'il  en  sera  de  même  pour  les  grosses  molaires, 
ainsi  que  nos  recherches  en  cours  nous  permettent  de  l'espérer. 

Il  semble  que  la  condition  sine  qiia  non  du  succès  est  d'injecter 
une  quantité  suflisante  de  liquiile  jiour  que  tous  les  fdets  nerveux 
efférents  de  la  dent  en  soient  imprégnés.  Mieux  vaudra  donc  injecter 
2  et  3  et  même  4  centimètres  cubes  de  liquide,  la  dose  d'alcaloïde, 
cocaïne,  stovaïno  ou  autre,  restant  faible.  On  emploiera,  dans  ce  cas, 
une  solution  stérilisée  de  stovaïne  ù  1,5  p.  100,  ce  qui  donnera 
0*^6,5  d'alcaloïde  par  centimètre  cube.  On  pourra  injecter  ainsi 
rg,5  à  2  centigrammes  de  stovaïne.  Si  l'on  emploie  la  cocaïne,  la 
solution  devra  être  abaissée  à  1,4  p.  100.  Chaque  centimètre  cube 
donnera  alors  un  quart  de  centigramme  de  cocaïne,  et  on  ne  risquera 
pas  de^dépasser  1  centigramme,  même  si  l'on  croit  devoir  injecter 
4  centimètres  cubes. 

Quant  à  l'insensibilisation  de  la  pulpe  et  des  filets  nerveux  radicu- 
laires,  il  était  physiologiquement  à  prévoir  que,  si  l'anesthésie  de  la 
dentine  pouvait  être  ainsi  obtenue,  on  obtiendrait  de  même  l'anes- 
thésie de  la  pulpe.  C'est,  en  etfet,  ce  qui  s'est  produit.  Cette  anes- 
thésie  est  si  complète,  ainsi  que  le  montrent  les  observations, 
qu'il  est  possible  de  pratiquer  l'extirpation  extemporanée  de 
l'organe  et  des  filets  nerveux  radiculaires  et  d'obturer  séance 
tenante  la  dent. 

Ici  encore  nous  pensons  qu'il  faut  se  servir  de  solutions  faibles, 
mais  injecter  d'assez  grandes  quantités  de  liquide,  2,  3  et  parfois 
même  4  centimètres  cubes.  Il  sera  bon  également  de  faire  la  perfo- 
ration aussi  haut  que  possible,  à  la  hauteur  présumée  et  approxi- 
mative de  l'apex.  La  technique  ne  présente,  d'ailleurs,  rien  de 
particulier. 

Elle  reste  telle  que  nous  l'avons  exposée  dans  un  chapitre  précé- 
dent traitant  de  l'anesthésie  diploïque. 

Le  D'  Henri  Pierron  (1),  qui  est  venu  à  la  méthode  des  injections 

(1)  D''  Henri  Pierron,  AnesLhésic  à  la  novocaïne  par  injection  diploïque  {Comm. 
à  la  Soc.  odontologiqiie  de  Genève,  14  nov.  1910). 


36i  NOGUE.  —  ANESTHESIE. 

diploïques  pour  l'anesthésie  denlinaire  el  pulpaire  après  avoir  cons- 
taté l'échec  des  injections  para-apicales  au  niveau  des  grosses  mo- 
laires, procède  ainsi  :  après  avoir  injecté  quelques  gouttes  de  Tanes- 
thésique  dans  le  bourrelet  gingival  à  la  hauteur  de  l'espace 
inlerdentaire.  à  l'aide  d'un  foret  un  peu  plus  fort  que  le  diamètre  de 
l'aiguille,  il  traverse  directement  la  gencive  à  environ  5  à  6  milli- 
mètres de  son  bord  libre,  puis  la  couche  externe  et  dense  du  maxil- 
laire pour  tomber  dans  le  diploé. 

Faire  cette  ouverture  de  bas  en  haut  et  sur  un  angle  de  45°  environ 
par  rapport  à  l'axe  de  la  dent  pour  le  maxillaire  supérieur. 

Pour  le  maxillaire  inférieur,  il  est  préférable  de  faire  l'ouverture 
perpendiculaire  à  l'axe  de  la  dent. 

Au  lieu  d'employerlescanulestronconiquesdontnousnous  servons, 
le  D'  Henri  Pierron  se  sert  d'une  aiguille  ordinaire  fixée  dans  un 
porte-aiguille  dont  l'extrémité  vient  obturer  le  pertuis  osseux.  Aussi 
faut- il  que  la  partie  libre  de  cette  aiguille  n'ait  pas  plus  de  4  à  5  milli- 
mètres afin  que  l'épaulement  du  porte-aiguille  vienne  obturer  hermé- 
tiquement l'ouverture  pratiquée  dans  le  maxillaire.  On  n'aura  alors 
qu'à  pousser  l'injection,  qui  pénétrera  très  aisément.  11  est  prudent 
d'employer  les  aiguilles  de  nickel  ou  de  platine  ;  celles  en  acier,  au 
moindre  mouvement  de  latéralité,  se  cassent,  et  il  est  fort  malaisé 
d  extraire  l'extrémité  fichée  dans  l'os  et  brisée  à  ce  niveau. 

Neuf  fois  sur  dix,  aussitôt  l'injection  terminée,  on  peut  passer  sans 
aucune  perte  de  temps  à  la  préparation  de  la  cavité  sans  que  le  patient 
manifeste  la  moindre  douleur. 

Les  avantages  de  la  méthode,  d'après  le  même  auteur,  seraient  les 
suivants  : 

1°  L'emploi  d'une  quantité  minime  d'anesthésique.  En  effet, 
0 '''-", 5  suffit  souvent  à  anesthésier  deux  dents  adjacentes  et  uni- 
radiculaires,  et  il  est  rarement  nécessaire  d'employer  plus  de  1  cen- 
timètre cube  pour  les  molaires  ; 

2"  L'anesthésie  très  rapide  et  complète  en  une  à  deux  minutes  au 
plus  et  d'une  durée  amplement  suffisante  pour  préparer  les  cavités 
ou  enlever  la  pulpe  de  deux  dents  adjacentes; 

3°  Pas  de  réaction  post-opératoire  ni  d'entlure. 

En  ce  qui  concerne  l'anesthésique,  dit  encore  le  D""  Henri 
Pierron,  je  n'avais  employé  jusqu'à  il  y  a  un  mois  presque  exclusive- 
ment que  la  cocaïne  à  I  p.  100  et  moins,  sans  avoir  jamais  eu  que 
quelques  cas  de  malaise,  palpitations  du  cœur  ou  céphalalgie  subsé- 
quente. J'avais  lieu  d'en  être  satisfait,  car  les  essais  que  j'avais  faits 
avec  la  novocaïne  ne  m'avaient  pas  assez  bien  réussi  pour  que  je 
l'adoptasse  à  l'exclusion  de  la  cocaïne.  Pour  l'extraction,  je  n'avais 
pas  obtenu  une  insensibilité  aussi  complète  qu'avec  la  cocaïne,  même 
en  injectant  2  centimètres  cubes  de  liquide  à  2  p.  100. 

Cependant  tout  le  bien  que  l'on  en  disait  m'engagea  à  persévérer 


A.XliSTHÉSIE  DE  LA  DENTINE  ET  DE  LA  PULPE.  :J65 

dans  son  emploi,  mais  j'y  ajoiilai  quelque  peu  de  cocaïne  dans  les 
proportions  de  1  à  :2  milligrammes  par  centimètre  cube. 

Celte  petite  dose  de  cocaïne,  parfaitement  inofïensive,  semble 
augmenter  la  puissance  anesthésique  de  la  novocaïne  dans  une  forte 
proportion. 

L'action  en  est  beaucoup  plus  rapide. 

Voici  la  formule  à  laquelle  je  me  suis  arrêté  : 

Novocaïne 0Kr,02 

Cocaïne 0",001 

Adrénaline Os-'.OOOl 

Les  résultats  que  j'ai  obtenus  jusqu'à  présent  avec  cette  formule 
sont  en  tous  points  satisfaisants. 

Cependant  les  formules  qui  donnent  de  si  bons  résultats  pour  les 
dents  uni-radiculaires  seraient  parfaitement  de  mise  dans  l'anesthésie 
diploïque  pour  lesmèmesgroupes  de  dents.  L'usage  de  la  novocaïne 
présente  encore  un  avantage  considérable  :  c'est  la  faible  toxicité  de 
l'agent  anesthésique.  Aussi  quand  il  s'agira  d'obtenir  l'insensibilisation 
de  la  pulpe  ou  de  la  dentine  dans  les  grosses  molaires  du  haut  ou  du 
bas,  pourra-t-on,  sans  aucun  inconvénient,  injecter  4  à  5  centimètres 
cubes  de  sérum  physiologique  contenant  3  ou  5  centigrammes  de 
novocaïne  associée  à  quelques  gouttes  d'adrénaline.  Nos  recherches 
en  cours  nous  permettent  d'espérer  que  l'anesthésie  pulpaire  ou 
dentinaire  pourrait  être  obtenue  par  celte  méthode  dans  tous  les 
cas. 

Nous  avons,  dans  un  chapitre  précédent,  montré  que  les  craintes 
d'infection  osseuse  étaient  très  faibles  avec  la  méthode  des  injections 
diploïques.  En  fait,  nous  n'en  avons  jamais  observé  aucun  cas  dans 
notre  pratique  personnelle,  et  nous  n'avons  eu  connaissance  d'aucune 
observation  de  ce  genre.  Cependant  un  certain  nombre  d'auteurs 
font  des  réserves,  surtout  quand  ils'agit  d'obtenir  l'anestht'sie  denti- 
naire ou  pulpaire,  au  lieu  de  procédera  l'extraction.  «  L'anesthésie 
diploïque,  dit  par  exemple  le  D^  G.  Piquand  (1),  donne  une  anesthésie 
complète  de  la  dentine  et  de  la  pulpe  permettant  toutes  les  opérations 
dentaires.  Mais  ce  mode  d'injection  n'est  guère  à  conseiller,  sauf 
dans  les  cas  d'extraction  dentaire,  à  cause  des  accidents  infectieux 
auxquels  il  expose.  En  effet,  l'injection  diploïque  est  une  injection 
intra-osseuse  ;  si,  après  une  injection  de  ce  genre,  rextraction  de  la 
dent  voisine  est  pratiquée,  un  large  drainage  se  trouve  assuré,  et 
toute  crainte  d'accidents  infectieux  (ostéite,  nécrose)  du  fait  de 
l'injection  sera  écartée  ;  mais,  lorsque  l'injection  n'est  pas  suivie  de 
l'extraction  de  la  dent,  aucun  drainage  n'est  assuré,  et  des  compli- 
cations infectieuses  sont  à  craindre.  Pour  ce  motif,  et  aussi  en  raison 

(1)  G.  Piquand,  L'anesthésie  locale,  méthode  du  D''  Reclus,  O.  Doin,  Paris,  1911. 


3G6  NOGUE.  —  AXESTHESIE. 

de  leur  plus  grande  simplicité,  nous  préférons  les  injections  sous- 
muqueuses  aux  injections  diploïques,  sauf  pour  les  molaires 
inférieures.  >- 

Ces  réflexions  sont  très  judicieuses  et  prudentes.  Cependant,  en 
pratique,  après  avoir  pris  les  précautions  antiseptiques  habituelles 
et  en  ne  faisant  usage  que  d'ampoules  stérilisées  qui  offrent  toute 
garantie,  Tinjection  diploïque  faite  dans  le  but  d'obtenir  l'insensibi- 
lisation de  la  dentine  ou  de  la  pulpe  n'est  suivie  d'aucun  accident. 

ANESTHÉSIE    MÉDULLAIRE  OU  RACHI-ANESTHÉSIE. 

Cette  méthode,  de  date  récente,  consiste  à  porterie  liquide  anes- 
thésique  au  niveau  de  la  moelle,  pour  obtenir  l'insensibilisation  de 
toute  la  région  innervée  par  le  segment  intéressé.  C'est  là  une  véri- 
table anesthésie  régionale  ou  sectionnelle,  ne  différant  pas  essentiel- 
lement des  anesthésies  régionales  obtenues  dans  la  région  du  larynx, 
des  maxillaires  ou  des  membres.  Il  y  a  quelques  années,  cette 
méthode  n'aurait  eu  pour  nous  qu'un  intérêt  physiologique,  car  cette 
anesthésie  ne  s'étendait  qu'à  la  partie  inférieure  du  corps,  et  sa  limite 
supérieure  ne  dépassait  guère  l'ombilic.  Mais  des  travaux  récents 
ont  permis  détendre  la  zone  anesthésique  jusqu'au  cou  et  à  la  face. 
Elle  est  donc  susceptible  d'être  appliquée  un  jour  par  le  stomatolo- 
giste et  ne  saurait  donc  aujourd'hui  être  passée  sous  silence. 

On  reconnaît  à  Léonard  Corning  le  mérite  d'avoir  le  premier 
cocaïnisé  la  moelle.  Mais  c'est  surtout  après  les  travaux  de  Bier  que 
la  méthode  s'est  généralisée. 

Technique  de  Jîier.  —  Bier  fait  coucher  le  malade  sur  le  côté 
gauche,  le  liaut  du  corps  suffisamment  élevé  et  courbé.  On  fait  la 
ponction  du  côté  convexe  de  la  colonne  vertébrale,  et  on  prend 
Comme  point  d'orientation  une  ligne  réunissant  les  deux  crêtes 
iliaques.  Cette  ligne  coupe  l'intervalle  situé  entre  la  troisième  et  la 
quatrième  vertèbre  lombaire.  C'est  dans  le  sac  lombaire  formé  par  le 
feuillet  viscéral  de  l'arachnoïde  d'un  côté  et  par  la  pie-mère  de 
l'autre  qu'il  faut  pénétrer  sans  léser  la  moelle. 

On  se  sert  pour  cela  d'une  des  plus  minces  aiguilles  à  ponction 
lombaire.  Quand  l'aiguille  a  pénétré,  on  laisse  s'écouler  quelques 
gouttes  de  liquide  rachidien,  puis  on  fait  pénétrer  le  liquide  anesthé- 
sique, et  on  retire  l'aiguille.  Quincke  enfonce  l'aiguille  au-dessous 
du  troisième  ou  du  cinquième  arc  vertébral  lombaire.  Tuffier  fait  la 
piqûre  le  malade  étant  assis  et  prend  comme  point  de  repère  une 
ligne  passant  au-dessus  des  deux  épines  iliaques  supérieures  et  posté- 
rieures. Il  fait  la  piqûre  à  1  centimètre  en  dehors  des  apophyses 
épineuses,  vers  la  ligne  médiane. 

L'aneslhésie  survient  au  bout  de  quelques  minutes  avec  des  doses 
très  faibles  de  cocaïne.   On  a  pu  ainsi  obtenir  avec  5  milligrammes 


AXESTIIKSIE  MEDULLAIRE  OU  RACIII-ANESTHESIE. 


367 


de  cocaïne  une  anosUicsiesélcnclaiil  juscju'au  mamelon.  Après  Topé- 
ralion,  il  est  recommandé  aux  malades  de  j^^arder  pendant  plusieurs 
heures  la  position  couchée. 

Celle  méthode  est  loin  d'être  inofï'ensiv^e,  et  de  nombreux  accidents 
onl  été  observés.  Un  des  plus  fréquents  est  la  céphalée  violente  qui 
se  manifeste.  ïl  est  vrai  de  dire  que,  depuis  qu'on  a  remplacé  l'eau  par 
du  sérum  isotonique  comme  véhicule,  ces  céphalées  sont  moins 
fréquentes. 

Signalons    encore  la  méthode  préconisée  par  le  D'  Cathelin  el 


f^ 


-% 


Fig.  101  et  102.  —    Points  d'élection  des  piqûres. 

qui  consiste  à  injecter  le  liquide  anesthésique  dans  l'espace  épidural 
par  l'ouverture  inférieure  du  canal  sacré.  Le  malade  étant  couché 
sur  le  côté,  on  suit  avec  l'index  la  direction  des  apophyses  épineuses 
vertébrales  jusqu'à  ce  que  le  doigt  rencontre,  à  l'extrémité  du  sacrum, 
une  dépression  triangulaire  ouverte  en  bas.  C'est  le  point  d'élection. 
L'opération  doit  se  faire  en  deux  temps  :  premier  temps,  aiguille 
oblique  à  20  ou  30°  sur  l'horizontale  ;  deuxième  temps,  aiguille  hori- 
zontale et  poussée  tout  droit. 

Méthode  de  Th.  Joiiiiesco.  —  Cette  méthode  comprend  deux 
points  essentiels  etabsolumentnouveaux(l)  :  l^la ponction,  pratiquée 

(1)  Th.  Joms'esco  et  Amza.  Jiano,  L'anesthésie  générale  par  injections  intrarachi- 
diennes  {C.  R.  du  ll*^  Congrès  de  la  Soc.  int.  de  chir.  1908,  lîruxelles,  vol.  l,  p. 
282-304).  —  Th.  Joknesco,  La  rachianesthésie  générale  {Acad.  de  méd.). 


368  NOGUE.  —  AXESTHESIE. 

à  tous  les  niveaux  du  rachis,  pour  obtenir  lanesthésie  de  la  région  où 
Ton  opère  ;  '2°  l'emploi  d'une  solution  anesthésianle  tolérée  par  les 
centres  nerve,ux  supérieurs,  grâce  à  l'adjonction  de  la  strychnine  à 
Tanestliésique.  Celui-ci  peut  varier,  et  on  peut  employer  la  stova'ine, 
à  laquelle  l'auteur  donne  la  préférence,  ou  bien  la  tropacocaïne  ou  la 
novocaïne. 

La  technique  comprend  :  la  préparation  de  la  solution  anesthé- 
sianle ;  rinstruraentation  ;  la  ponction  ;  l'injection  et  l'attitude  à 
donner  au  malade  pour  obtenir  l'anesthésie  de  la  région  oii  l'on  doit 
opérer. 

1"  La  préparalion  de  la  solution  se  fait  au  moment  même  de 
son  emploi,  c'est-à-dire  le  jour  même  de  l'opération,  de  la  façon 
suivante  : 

Dans  des  tubes  de  verre,  munis  de  bouchons  en  caoutchouc  et 
stérilisés  à  l'autoclave,  on  introduit,  au  moment  de  l'opération,  la 
quantité  nécessaire  de  stovaïne  Iropacocaine,  novocaïne)  variable  avec 
le  niveau  de  la  ponction  et  le  malade.  Ces  substances  étant  antisep- 
tiques n'ont  besoin  d'aucune  stérilisation  préalable,  qui  ne  ferait 
que  leur  enlever  leurs  propriétés  sans  aucun  avantage.  Dans  un 
l)Ocal  en  verre,  muni  d'un  bouchon  en  verre  et  préalablement  stéri- 
lisé, on  introduit  100  grammes  d'eau  distillée  (pour  lui  conserver 
tous  ses  principes)  et  5  ou  10  centigrammes  de  sulfate  neutre  de 
strychnine.  La  solution  strychninisée  à  4  centigrammes  contient 
0'"8,5  de  strychnine  par  centimètre  cube  ;  celle  à  10  centigrammes, 
1  milligramme  par  centimètre  cube.  La  première  sera  utilisée  dans 
les  ponctions  hautes,  la  seconde  dans  les  ponctions  basses.  La  disso- 
lution de  la  strychnine  demande  un  certain  temps;  il  est  bon,  par 
conséquent,  de  préparer  la  solution  strychninisée  un  peu  avant  son 
emploi,  pour  ne  pas  perdre  de  temps. 

Avant  de  procéder  à  la  ponction,  on  fait  le  mélange  définitif,  qui 
doit  être  injecté.  Pour  cela,  avec  une  seringue  de  Pravaz  ordinaire, 
munie  d'une  aiguille  à  ponction  lombaire,  préalablement  stérilisée 
par  ébullition,  on  aspire  du  flacon  contenant  la  solution  strychni- 
nisée 1  centimètre  cube,  c'est-à-dire  une  seringue  pleine.  Ce  liquide 
est  poussé  ensuite  dans  le  tube  en  verre  contenant  la  dose  de 
stovaïne  jugée  nécessaire  pour  la  ponction  qu'on  va  faire.  La 
dissolution  du  mélange  se  fait  immédiatement  si  l'on  a  eu  soin  de 
boucher  de  nouveau  le  tube  et  d'agiter  un  peu  le  contenu.  Puis  on 
aspire  le  contenu  du  tube  avec  la  même  seringue  munie  de  son 
aiguille.  La  seringue,  remplie  du  centimètre  cube  du  mélange,  est 
posée  sur  une  compresse  stérilisée,  tandis  que  l'aiguille  est  enlevée 
pour  pratiquer  la  ponction. 

'2"  L' instrumental jon^  déjà  indiquée,  est  très  simple  et  à  la  portée 
de  tout  chirurgien  et  dans  toutes  les  circonstances  :  c'est  la  seringue 
ordinaire  de   Pravaz,  à   1    centimètre  cube,  et  l'aiguille  ordinaire  à 


ANESTHÉSIE  MÉDULLAIRE  OU  RACUI-ANESTilÉSIE.         :)(i9 

ponction  lombaire,  préalablement  stérilisée  par  ébullition.  Mais, 
parmi  les  aiguilles,  Th.  Jonnesco  préfère  celles  à  l)Out  coupé  court, 
car,  l'espace  arachnoïdien  étant  relativement  petit,  quand  le  bout  de 
Taiguille  est  coupé  sur  une  étendue  plus  grande,  on  risque  ({u'une 
partie  de  la  gouttière  ipii  en  résulte  se  trouve  sous  la  dure-mère  et 
1  autre  partie  au-dessus  d'elle.  Alors  une  partie  de  la  solution  pénètre 
dans  la  cavité  araclinoïdienne,  tandis  qu'une  quantité  plus  ou  moins 
grande  passe  entre  la  dure-mère  et  le  canal  osseux,  d'où  anesthésie 
incomplète  ou  nulle,  qu'on  met  trop  souvent  sur  le  compte  de  la 
méthode  ou  sur  l'idiosyncrasie  si  difficile  à  expliquer. 

3"  La  ponction.  Dans  ses  premières  communications,  Jon- 
nesco avait  indiqué  quatre  points  du  rachis  où  la  ponction  devait 
être  faite  pour  obtenir  l'anesthésie  de  la  région  à  opérer.  L'obser- 
vation des  faits  et  une  pratique  plus  longue  lui  prouvèrent  que  la 
rachianesthésie  n'était  pas  aussi  rationnelle  qu'il  l'avait  cru  et  que 
la  ponction  médio-cervicale  était  aussi  inutile  que  nocive.  En  effet, 
la  ponction  médio-cervicale  favorise  la  production  des  phénomènes 
d'intolérance  bulbaire,  nausées,  vomissements,  pâleur  de  la  face, 
lipothymies,  arrêt  momentané  de  la  respiration,  etc.,  phénomènes 
dus  à  l'action  trop  directe  du  liquide  anesthésiant  sur  le  bulbe.  Ces 
phénomènes  cessent  dès  qu'on  pratique  la  ponction  plus  bas,  entre 
la  première  et  la  deuxième  vertèbre  dorsale,  et  l'anesthésie  est  aussi 
parfaite,  aussi  profonde  que  dans  la  ponction  médio-cervicale  pour 
tout  le  scg'ment  supérieur  du  corps  (tête,  cou,  membres  supé- 
rieurs, etc.).  La  ponction  médio-dorsale  (entre  la  septième  et  la 
huitième  dorsale),  souvent  difficile,  est  inutile,  car  on  obtient 
l'anesthésie  parfaite  du  segment  inférieur  du  thorax  par  la  ponction 
pratiquée  entre  la  douzième  vertèbre  dorsale  et  la  première 
lombaire,  facile  et  utilisable  pour  l'anesthésie  de  tout  le  segment 
inférieur  du  corps. 

Jonnesco  a  donc  pu  réduire  à  deux  les  points  du  rachis  où  doivent 
se  pratiquer  les  ponctions  : 

a.  La  ponction  dorsale  supérieure.,  entre  la  première  et  la 
deuxième  vertèbre  dorsale.  Elle  est  facile.  Comme  points  de 
repère,  on  a  les  proéminences  et  les  saillies  visibles  et  tangibles  des 
apophyses  épineuses  des  deux  premières  vertèbres  dorsales  sous- 
jacentes.  La  ponction  sera  pratiquée  au-dessous  de  l'apophyse 
épineuse  sous-jacente  à  la  proéminente.  La  tète  du  malade  sera  for- 
,  tement  fléchie,  le  menton  touchant  le  sternum.  Dans  cette  attitude, 
les  saillies  apophysaires  sont  très  prononcées  et  l'espace  qu'elles 
limitent  très  agrandi. 

Donc,  le  malade  étant  assis,  la  tête  fortement  fléchie,  avec  le 
menton  appliqué  contre  le  sternum,  l'indicateur  de  la  main  gauche 
sépare  l'espace  compris  entre  la  première  et  la  deuxième  vertèbre 
dorsale,   tandis  que  l'aiguille,  tenue   entre  le  pouce,  l'index  et  le 

Traité  de  stomatologie.  VL   —   24 


370  NOGUÉ.  —  AXESTHÉSIE. 

médius  de  la  main  droite,  est  poussée  en  suivant  le  bord  supérieur 
de  lapophyse  épineuse  de  la  deuxième  vertèbre  dorsale.  Cette 
ponction  sera  utilisée  pour  les  opérations  portant  sur  la  tète,  le  cou, 
ks  memljres  supérieurs  et  le  thorax  proprement  dit. 

b.  La  ponction  dorso-lombaire,  entre  la  douzième  vertèbre  dor- 
sale et  la  première  vertèbre  lombaire,  est  très  facile  grâce  au  large 
espace  qui  sépare  les  deux  apophyses  épineuses.  L'auteur  l'a 
choisie  de  préférence  à  la  ponction  lombaire  classique  (entre  la  troi- 
sième et  la  quatrième  vertèbre  lombaire;,  parce  quelle  donne  une 
anesthésie  de  tout  l'abdomen  et  du  segment  inférieur  du  corps  plus 
parfaite  que  la  ponction  classique.  La  recherche  de  lespace  est 
facile,  car  on  na  qu'à  compter  les  apophyses  lombaires  de  bas  en 
haut.  Le  malade  est  assis,  le  tronc  fortement  incurvé  en  avant, 
comme  dans  la  ponction  lombaire  classique. 

La  ponction  se  pratique  comme  dans  le  cas  précédent  :  l'index  de 
la  main  gauche  repère  l'espace,  tandis  que  laiguille  est  poussée  de 
la  main  droite,  en  suivant  le  bord  supérieur  de  l'épine  inférieure. 

Dans  les  deux  cas,  la  ponction  sera  faite  sur  la  ligne  médiane. 
Laiguille  sera  poussée  lentement,  une  fois  la  résistance  de  la  peau 
vaincue,  pour  se  rendre  compte  des  tissus  traversés.  Ordinairement 
on  pénètre  facilement  jusqu'à  la  dure-mère  qui  présente  une  résis- 
tance momentanée,  qu'on  perçoit.  Celle-ci  vaincue,  l'écoulement  du 
liquide  par  laiguille  nous  prouve  que  nous  sommes  dans  le  bon 
espace.  Mais,  dans  la  ponction  dorsale  supérieure,  où  la  pression  du 
liquide  céphalo-rachidien  est  faible,  celui-ci  ne  s'écoule  que  goutte 
à  goutte,  tandis  que,  dans  la  ponction  dorso-lombaire,  il  sort  un  jet 
puissant.  C  est  la  règle,  mais  il  y  a  des  exceptions.  Dans  la  ponction 
dorsale  supérieure,  il  arrive  assez  souvent  que  le  liquide  ne  se 
montre  pas,  quoiqu'on  se  trouve  dans  la  cavité  arachnoïdienne  :  un 
effort  de  toux  suffit,  le  plus  souvent,  pour  le  faire  paraître:  d'autres 
fois,  il  faudra  adapter  à  laiguille  une  seringue  de  Pravaz  stérilisée 
pour  aspirer  le  liquide  paresseux. 

Si,  malgré  tout,  le  liquide  ne  vient  pas,  c'est  qu'on  n'est  pas  dans 
la  cavité  arachnoïdienne  ;  il  faut  alors  dégager  le  bout  de  l'aiguille, 
en  la  retirant  légèrement  pour  la  repousser  dans  le  bon  espace, 
qu'on  arrive  toujours  à  trouver.  Il  se  peut  aussi  que  laiguille, 
engagée  obliquement,  aille  s'implanter  dans  une  lame  vertébrale, 
La  sensation  spéciale  que  donne  l'os  suffit  pour  se  rendre  compte  de 
l'erreur  et  y  remédier  immédiatement  en  retirant  l'aiguille  complè- 
tement et  en  l'engageant  de  nouveau  dans  la  bonne  voie,  c'est-à-dire 
sur  la  ligne  médiane. 

Enfin  il  est  possible  que  le  liquide  sorte  sanguinolent  :  c'est  qu'on 
a  transpercé  une  veinule.  Cet  incident  na  aucune  importance,   car 
bientôt  le  Hquide  se  clarifie,  l'hémorragie  cesse  d'elle-même. 
Telle  est  décrite  la  ponction  dans  la  position  assise  du  malade;  il 


ANESTHESIE  MEDULLAIRE  OU  RACHI-ANESTHÉSIE.        371 

faut  ajouler  (|uo  celle-ci  esl  possible  et  môme  facile  dans  le  décubitus 
latéral  droit,  le  torse  étant  incurvé  en  avant  pour  la  ponction  dorso- 
lombaire,  la  t(He  fortement  fléchie  sur  la  poitrine  pour  la  ponction 
<lorsale  supérieure,  (lelte  altiliulo  sera  à  choisir  dans  les  cas  où  les 
malades,  faibles  et  très  impressionnables,  ne  peuvent  garder  la 
position  assise  sans  défaillir,  ou  dans  le  cours  d'une  opération  qui, 
ayant  duré  plus  qu'on  ne  pensait,  nécessite  une  seconde  ponction 
■et  injection  pour  prolong-er  l'aneslhésie  (1). 

4°  Uinjection  sera  pratiquée  immédiatement  après  qu'on  aura 
acquis  la  certitude  d'avoir  pénétré  dans  l'espace  araclinoïdien,  par 
la  présence  du  liquide.  En  elTet,  il  ne  faut  laisser  couler  le  liquide 
céphalo-rachidien  qu'autant  (pi'il  est  nécessaire  pour  s'assurer  qu'on 
se  trouve  dans  le  bon  espace.  M.  Jonnesco  a  la  conviction  que 
l'extraction  d'une  certaine  quantité  de  liquide  est  plutôt  nuisible 
qu'utile,  car  elle  peut  avoir  la  double  conséquence  :  I"  de  provoquer 
des  signes  de  défaillance,  la  pâleur,  la  sueur,  etc.  :  2°  de  favoriser, 
par  la  diminutionsubile  de  la  quantité  de  liquide  céphalo-rachidien, 
la  diffusion  trop  rapide  du  liquide  anesthésiant,  chose  inutile,  voire 
•même  nuisible. 

Ainsi,  une  fois  quelques  gouttes  de  liquide  sorties,  on  bouche 
l'aiguille  à  l'aide  de  l'index  de  la  main  gauche,  tandis  que, 
de  la  main  droite,  on  saisit  la  seringue  pleine  du  mélange  anesthé- 
siant, et,  après  l'avoir  adaptée  à  l'aiguille,  on  pousse  le  liquide  lente- 
ment, pour  ne  pas  impressionner  trop  brusquement  la  moelle. 

b°  La  position  qu'on  doit  donner  an  malade  après  l'injection, 
pour  assurer  lanesthésie  de  la  région  où  l'on  doit  opérer,  constitue 
un  point  capital  dans  l'application  de  la  méthode  ;  car  on  peut,  par 
ce  moyen,  favoriser  la  ditïusion  du  liquide  dans  la  direction  voulue 
pour  anesthésier  le  segment  du  corps  sur  lequel  doit  porter  l'opé- 
ration. 

Après  Vinjection  dorsale  supérieure^  si  l'on  veut  obtenir  l'anesthésie 
de  la  tête  et  du  cou,  immédiatement  après  l'injection  on  met  le  patient 
en  décubitus  dorsal,  la  tête  un  peu  relevée  si  l'opération  doit  porter 
sur  le  cou,  la  tète  horizontale  si  l'opération  porte  sur  la  face  ou  sur 
le  crâne.  Si  l'opération  porte  sur  le  membre  supérieur  ou  sur  le  tho- 
rax, on  laisse  le  malade  assis  deux  à  trois  minutes,  afin  que,  si  on  le 
met  dans  le  décubitus  dorsal,  la  tête,  le  cou  et  le  thorax  soient  légè- 
rement inclinés  en  avant.  Si,  au  bout  de  quatre  ou  <:-inq  minutes,  on 
constate  que  l'anesthésie  de  la  tète  et  du  cou  n'est  pas  parfaite,  on 
abaisse  pour  quelques  minutes  (trois  à  quatre)  la  tète  du  malade 
au-des-sous  du  niveau  du  reste  du  corps. 

Après  Vinjection  dorso-lombaire,  si  l'opération  doit  porter  sur  les 
viscères  de  l'étage  abdominal  supérieur,  le  malade  garde  la  position 
assise  deux  à  trois  minutes,  puis  il  est  mis  dans  le  décubitus  dorsal, 

(1)  Acad.  de  mcd.,  12  oct.  1909,  et  Bull,  de  l'Acad.,  n"  32,  1909. 


372  NOGUÉ.  —  ANESTHÉSIE. 

la  lèle,  le  cou  cl  les  épaules  légèrement  relevés.  Si  Tanesthésie,  au 
bout  (le  cinq  ou  six  minutes,  paraît  imparfaite,  on  doit  incliner 
(Trendelenburg),  pour  quelques  minutes  (trois  à  quatre),  le  malade, 
après  quoi  on  le  ramène  dans  la  position  définitive  sus-indiquée. 

Si  l'opération  porte  sur  l'étage  abdominal  inférieur,  sur  le  pelvis, 
le  périnée,  les  organes  génitaux  externes  ou  les  membres  inférieurs, 
le  malade  gardera  la  position  assise  cinq  à  six  minutes,  puis  il  sera 
mis  dans  le  décuhitus  dorsal,  mais  en  ayant  la  partie  supérieure  du 
corps,  c'est-à-dire  la  tête,  le  cou  et  le  tronc,  relevés  et  inclinés  en 
avant.  La  position  de  Trendelenburg  ne  sera  donnée  qu'après  cinq  à 
six  minutes  de  position  assise. 

6°  Les  quantités  de  strychnine  et  de  stovaïne  que  doit  contenir 
le  mélange  anesthésiant  varient  avec  le  siège  de  l'injection,  l'agc 
du  malade  et  son  état  général. 

a.  La  quantité  de  strychnine  varie  relativement  peu. 

Pour  V  injection  dorsale  supérieure,  chez  les  enfants  dunà  six  ans, 
on  emploiera  un  tiers  de  milligramme  par  centimètre  cube  (solu- 
tion :  100  grammes  d'eau  stérilisée  et  3*^*^,5  de  sulfate  neutre  de 
strychnine).  Chez  les  enfants  au-dessus  de  cinq  ans  et  les  adolescents, 
les  adultes  et  les  vieillards,  la  solution  comprend  un  demi-milli- 
gramme de  sulfate  neutre  de  strychnine  par  centimètre  cube  (solution  : 
100  grammes  d'eau  et  5  centigrammes  de  strychnine). 

PouvViniection  dorso-lombaire,  chez  les  enfants  d'un  à  dix  ans,  on 
emploiera  0™",5de  strychnine  par  centimètre  cube  ;  chez  les  enfants 
au-dessus  de  dix  ans,  chez  les  adolescents,  les  adultes  et  les 
vieillards,  1  milligramme  par  centimètre  cube(solution  :  lOOgrammes 
d'eau  stérilisée  et  10  centigrammes  de  sulfate  neutre  de  strychnine). 

b.  La  quantité  de  stovaïne  varie  avec  le  siège  de  l'injection,  l'âge 
de  l'opéré  et  l'état  général. 

Pour  V  injection  dorsale  supérieure,  chez  les  enfants  d'un  à  cinq  ans: 

1  centigramme  ;  de  cinq  à  quinze  ans,  2  centigrammes  ;  chez  les 
adolescents,  adultes  et  vieillards,  2  centigrammes. 

Pour   V injection  dorso-lombaire,  chez  les  enfants  d'un  à  cinq  ans, 

2  à  3  centigrammes  ;  de  cinq  à  quinze  ans,  de  4  à  6  centigrammes  ; 
chez  les  adolescents  de  quinze  à  vingt  ans,  de  6  à  8  centigrammes: 
chez  les  adultes  et  vieillards,  10  centigrammes. 

L'état  général  du  malade  modifie  sensiblement  la  dose  nécessaire 
de  stovaïne  :  chez  les  cachectiques,  les  malades  très  anémiés,  dans 
les  cas  d'intoxication  ou  d'infection  graves,  chez  ceux  qui  sont  sous 
l'influence  d'un  traumatisme  violent,  chez  les  ischémies  par  hémor- 
ragies profuses,  5  à  6  centigrammes  de  stovaïne  produisent  une 
anesthésie  profonde  et  durable.  Les  doses  ordinaires  sont  mal 
tolérées  dans  ces  cas;  elles  peuvent  produire  de  la  pâleur  de  la  face, 
des  nausées,  des  vomissements,  voire  même  des  lipothymies  tran- 
sitoires. 


AXESTllKSIi:  MÉIJLLLVIRE  OU  RA.CIII-ANESTHÉSIE.  373 

7"  La  densité  du  mélange  injeelé  do  slovaïne-stryclinine,  com- 
parée à  celle  du  liquide  céplialo-raciiidien,  est  utile  àconnaîti-e  poui- 
pouvoir  juger  du  degré  de  dilïusibilitt'  du  liquide  injecté  dans  le 
canal  arachnoïdien.  On  sait  que  la  densité  moyenne  du  liquide 
céphalo-rachidien  est  de  1003;  elle  varie  jusqu'à  1020.  Hancu  a 
établi  ainsi  la  densité  des  diverses  solutions  injectées  : 

1»  Sulfate  neutre  de  strychnine. . . .         os^^oô  l 

Stovaïne 1  grammes.      Densité  1,0019. 

Eati  stérilisée JOO         —  ' 

2°  Sulfate  neutre  de  strychnine....         Ooi',05  \ 

Slovaïnc 3  grammes.  '  Densité  1,0030. 

Eau  stérilisée 100         —  ) 

3"   Sulfate  neutre  de  strychnine Osr^lO  \ 

Stovaïne 6  grammes.  [  Densité  1,0071. 

Eau  stérilisée 100         —  ) 

4"   Sulfate  neutre  de  strychnine....         0Ç'",10  \ 

Stovaïne s  grammes.  [  Densité  1,0103. 

Eau  stérilisée 100         —  ) 

5"  Sulfate  neutre  de  strychnine....         OB', 10  \ 

Stovaïne 10  grammes.  '  Densité  1,0120. 

I']au  stérilisée 100         —  ) 

Ainsi  la  densité  de  la  st)lution  injectée  varie  avec  la  quantité  de 
stovaïne  et  de  strychnine  qu'elle  contient.  La  solution  qu'on  injecte 
parla  ponction  dorsale  supérieure  (I  à  3  centigrammes  de  stovaïne, 
0'ng,5  de  strychnine)  a  une  densité  inférieure  ou  égale  à 
la  densité  m.oyenne  du  liquide  céphalo-rachidien.  Gela  expli- 
que la  rapide  diffusion  de  l'injection  vers  le  rachis  cervical  et 
la  cavité  crânienne  et  la  rapidité  aussi  de  l'anesthésie.  La  solution 
qu'on  injecte  parla  ponction  dorso-lombaire  présente,  au  contraire, 
une  densité  supérieure  à  celle  du  liquide  céphalo-rachidien  et 
dautant  plus  prononcée  que  la  quantité  de  stovaïne  est  plus  grande. 
Ainsi  la  diffusion  de  la  solution  dans  ces  cas  est-elle  plus  lente  à  se 
produire  ;  elle  a  moins  de  tendance  à  monter  vers  les  parties  supé- 
rieures du  rachis  et  vers  la  cavité  crânienne,  ce  qui  explique  la 
lenteur  relative  de  l'anesthésie,  et.  en  partie,  l'innocuité  de  la 
position  inclinée  de  Trendelenburg,  la  solution  ayant  des  tendances 
à  rester  dans  les  parties  déclives  du  canal  rachidien. 

Résultats.  —  Phénomènes  observés  pendant  l'anesthésie.  —  Le 
débutdel'anesthésievarie  aveclesiègede  l'injection.  AprèsTinjection 
dorsale  supérieure,  l'anesthésie  est  parfaite  au  bout  de  deux  à  trois  mi- 
nutes, rarement  plu  s  :  cela  s'explique  par  la  grande  diffusibili  té  delà  so- 
lationàdensité  moindreque  celle  du  liquide  céphalo-rachidien.  Après 
l'injection  dorso-lombaire,  l'anesthésie  est  plus  lente  à  se  produire; 
ordinairement  elle  est  parfaite  au  bout  de  vingt  minutes  au  maximum. 
Celie  lenteur  relative  est  due  à  la  ditïusibilité  moindre  de  la  solution 
par  suite  de  sa  densité  supérieure  à  celle  du  liquide  céphalo-rachidien . 
Si,  au  bout  de  dix  minutes,  on  n'obtient  pas  d'anesthésie,  c'est  que 
la  solution  n"a  pas  pénétré  ou  a  peu  pénétré  dans  le  canal  arachno  - 
dien.  11  faut  refaire  la  ponction  et  Tinjection 


37  4  NOGUÉ.  —  ANESTHESIE. 

Dans  les  cas  diiisuccès,  on  est  tenté  de  croire  à  une  idiosyncrasie 
qui  rendrait  le  malade  réfractaire  à  lanesthésique  :  c'est  une  grave 
erreur.  L'insuccès  tient  à  toute  autre  cause.  En  effet,  Jonnesco  a  vu 
des  cas  où,  après  la  ponction  suivie  d'écoulement  du  liquide  céphalo- 
rachidien,  l'injection  a  été  négative.  Or,  une  deuxième,  quelquefois 
une  troisième  inje»ction,  faite  avec  la  même  dose  d'anesthésiant,  a 
donné  uneanesthésie  parfaite.  On  pourrait  croire  que  ces  malades, 
réfractaires  aux  doses  normales,  exigent  des  doses  supérieures  pour 
être  anesthésiés.  C'est  une  erreur,  car  il  n'y  a  pas  de  malades  qui 
puissent  supporter  20  à  30  centigrammes  de  stova'ine  et  2  à  3  milli- 
grammes de  strychnine  injectés  dans  leur  canal  rachidien  sans 
présenter  des  phénomènes  bulbaires  graves  :  arrêt  de  la  respiration 
et  du  cœur  par  excès  de  stovaïne  ou  convulsions  dues  à  l'excès  de 
strychnine.  Le  fait  s'explique  autrement  :  il  est  dû  à  un  mouvement 
intempestif  du  malade  au  moment  de  l'injection  de  la  solution;  ce 
mouvement,  minime  en  apparence,  est  suffisant  en  réalité  pour 
déplacer  le  bout  de  l'aiguille,  déjà  engagée  dans  le  canal  arachnoï- 
dien  :  ce  déplacement  imperceptible  fait  que  l'orifice  de  l'aiguille 
sort  en  partie  ou  en  totalité  du  canal  arachnoïdien,  et  la  solution  est 
injectée  en  partie  ou  en  totalité  en  dehors  du  canal  arachnoïdien, 
entre  la  dure-mère  et  le  canal  osseux. 

Dans  un  cas  de  ponction  dorsale  supérieure,  M.  Jonnesco  a  obtenu 
l'anesthésie  à  la  troisième  injection  seulement,  c'est-à-dire  après 
l'emploi  de  9  centigrammes  de  stovaïne  et  0116,5  de  strychnine,  doses 
qu'aucun  malade  ne  peut  supporter  et  qui  amèneraient  sûrement 
des  phénomènes  graves  du  côté  du  bulbe:  arrêt  de  la  respiration  et 
du  cœur  et  convulsions.  Il  est  donc  certain  que  la  troisième  injection 
seule  a  pénétré  dons  le  canal  arachnoïdien  et  a  produit  l'anesthésie. 
Dans  un  autre  cas  d'injection  dorso-lombaire,  il  eut  sur  le  même 
malade,  une  première  fois,  une  excellente  anesthésie  avec  6  centi- 
grammes de  stovaïne,  tandis  que,  à  une  seconde  intervention^ 
16  centigrammes  en  deux  injections  ne  donnèrent  rien,  et  la 
troisième  injection,  de  6  centigrammes  seulement,  fut  suivie  de 
succès. 

Pendant  l'anesthésie,  le  malade  conserve  toute  sa  conscience,  et 
M.  Jonnesco  a  l'habitude  de  causer  avec  ses  malades,  ce  qui  les 
distrait  de  l'opération,  dont  le  plus  souvent  ils  ne  se  rendent  pas 
compte,  car  le  champ  opératoire  leur  est  caché  par  une  toile  soute- 
nue par  deux  barres  adaptées  à  la  table  d'opération  au  niveau  du 
cou.  11  préfère  cette  toile  au  masque,  qui  serait  gênant  pour  le 
malade  et  lui  ferait  perdre  patience,  surtout  dans  les  opérations 
d'une  certaine  durée.  Il  n'est  pas  rare  de  voir  des  malades  de- 
mander que  l'opération  commence,  alors  qu'elle  est  déjà  complè- 
tement terminée. 

IJ'inimohilUé  des  membres  ou  du  cou  et  de  la  tête,  due  à  la  parésie 


ANESTllÉSIF.  MÉDULLAIRE  OU  RACIILANESTIII' SIE .  375 

produite  par  la  rachi-aneslhésie,  constitue  un  grand  avaulas?e  de  la 
méthode,  car  elle  supprime  les  mouvements  qui  gênent  tant  Topéra- 
tour.  Il  est  à  noter  qu'on  peut  avoir  une  anestliésie  parfaite  sans 
immobilité  des  membres:  ceci  est  rare,  mais  il  faut  connaître  le  fait 
et  ne  pas  attendre  la  parésie  pour  commencer  Topéralion. 

Après  l'injection  dorso-lombaire,les  viscères  abdominaux  mobiles, 
les  intestins  sont  dans  l'immobilité  parfaite.  Ce  silence  abdominal 
constitue  un  grand  avantage  de  la  rachi-anesthésie  dans  les  laparo- 
tomies gynécologiques  surtout  :  les  viscères  restent  comme  figés  à 
leur  place;  ils  ne  sont  sollicités  par  aucun  elîort  de  toux  ou  de 
vomissement  et  ne  viennent  pas  encombrer  le  champ  opératoire, 
comme  cela  arrive  si  souvent  dans  lanesthésie  par  inhalation. 

Les  phénomènes  tels  que  pâleur  de  la  face,  nausées,  sueurs,  vomis 
semenls,  etc.,  si  souvent  observés  dans  la  rachi-aneslhésie  par  la 
stovaïne,  tropacocaïne  ou  novocaïne,  sont  exceptionnels  dans  la 
rachi-anesthésie  par  la  stovaïne-strychnine.  Le  faciès  conserve 
presque  toujours  son  aspect  normal:  les  nausées  existent  dans 
2,25  p.  100  des  cas;  les  vomissements,  uniques  et  sans  efforts,  dans 
1,25  p.  100;  les  sueurs,  dans  2  p.  100.  On  observe  quelquefois 
l'incontinence  des  matières  fécales  (4  p.  100)  chez  les  sujets  cachec- 
tiques, affaiblis.  Le  pouls,  ralenti  dans  la  rachi-slovaïnisation,  est 
ordinairement  normal  comme  nom43re  et  force;  quelquefois  il  est 
plus  fréquent  (80  à  90).  mais  toujours  fort.  Ces  faits  prouvent  la 
puissante  action  de  la  strychnine,  qui  enlève  à  la  stovaïne  son  action 
déprimante.  L'arrêt  momentané  de  la  respiration  a  été  observé  dans 
5  cas,  mais  dans  des  conditions  toutes  spéciales:  dans  3  cas  de  ponc- 
tion médio-cervicale,  on  avait  ajouté  l'ali-opine  (un  tiers  de  milli- 
gramme) à  la  solution  ordinaire.  Jonnesco  a  abandonné  et  l'atro- 
pine et  la  ponction  cervicale.  Dans  1  cas  il  avait  employé  4  cen- 
tigrammes de  stovaïne  dans  l'injection  dorsale  supérieure:  la  dose 
était  trop  forte,  la  pratique  l'a  prouvé.  Enfin,  dans  1  cas  où  l'injection 
dorso-lombaire  de  6  centigrammes  de  stovaïne  avait  été  précédée 
dinjection  sous-cutanée  (trois  heures  et  demie  avant  l'opération) 
de  scopolamine-morphine,  la  respiration  s'est  arrêtée  ;  Jonnesco 
avait  prévu  le  fait,  convaincu  d'avance  que  l'intoxication  préalable 
de  l'organisme  par  un  agent  aussi  puissant  que  la  scopolamine  devait 
être  contre-indiquée  dans  la  rachi-anesthésie  :  la  respiration  est  reve- 
nue au  bout  de  quinze  minutes  seulement.  —  En  somme,  ces  acci- 
dents ne  peuvent  pas  être  imputés  à  la  méthode  telle  qu'elle  a  été 
décrite  ici,  mais  à  des  écarts  qu'on  peut  et  doit  éviter. 

hadurée  de  l'anesthésie  varie  entre  une  heure  et  demie  à  deux  heures. 

C'est  plus  qu'il  ne  faut  pour  mènera  bien  n'importe  quelle  opération. 

Lne  petite   remarque   pour   les    chirurgiens  peu    habitués  à  la 

rachi-anesthésie  et  qui,  craignant  les   complications,  cherchent   à 

l'obtenir  par  des  doses  moindres.  On  peut  obtenir  l'anesthésie  avec 


376  XOGUE.  —  AXESTIIESIE. 

moins  de  :i  centigrammes  de  stovaïne  pour  la  ponction  dorsale 
supérieure  et  moins  de  10  centigrammes  pour  la  dorso-lombaire. 
Mais  alors  elle  n"est  ni  aussi  profonde  ni  aussi  durable. 

En  efl'et,  avec  8  centigrammes,  par  exemple,  Tanesthésie  existe, 
maisTopéi-é  conserve  la  sensation  du  contact,  et  les  tractions  sur  les 
viscères  ou  sur  les  bords  de  la  plaie  sont  senties  sans  être  doulou- 
reuses. En  employant  la  dose  de  10  centigrammes,  toute  sensation 
est  abolie.  C'est  pourquoi  il  ne  faut  jamais  hésitera  recourir  à  ces 
doses,  qui  paraissent  massives,  mais  qui  ne  sont  nullement  nuisibles, 
tout  en  assurant  une  parfaite  anesthésie. 

Si  la  durée  de  l'opération  a  dépassé  celle  de  Faneslhésie,  Jonnesco 
pratique  une  nouvelle  ponction,  l'opéré  étant  mis  dans  le  décubitus 
latéral.  De  cette  façon,  on  peut  prolonger  Tanesthésie  aussi  long- 
temps qu'on  veut  sans  aucun  inconvénient.  La  dose  employée  alors 
sera  ou  égale  à  la  première  ou  inférieure,  suivant  la  durée  probable 
de  l'opération. 

Phénomènes  observés  après  l' anesthésie.  — La  céphalalgie,  la 
rétention  d'urine  et  l'élévation  de  température,  si  fréquentes  dans  la 
rachi-slovainisalion,  sont  très  rares  et  peu  durables  dans  cette 
méthode.  La  céphalalgie  existe  dans  6,25  p.  100  des  cas  :  elle  est 
légère  et  disparait  rapidement  (dans  quelques  heures).  La  rétention 
d'urine,  passagère,  est  rare  (4.25  p.  100)  et  ne  s'observe  que  dans 
les  mêmes  opérations  oîi  on  l'observe  même  après  l'anesthésie  par 
inhalation  (opérations  sur  l'anus,  hernie,  utérus).  La  température 
n'atteint  jamais  40°;  elle  a  été,  le  jour  de  l'opération,  de  39°  dans 
1,75  p.  100descas,de  38°  dans  1(3  p.  100  des  cas,  deS'odans  50  p.  100 
des  cas  et  au-dessous  de  ol"  dans  52  p.  100.  Les  vomissements  post- 
opératoires sont  très  rares.  On  n'a  jamais  remarqué  de  paralysie 
post-anesthésique. 

L'dge  des  opérés  a  varié  entre  l'enfant  d'un  an  à  neuf  mois  et  le 
vieillard  de  soixante-quinze  ans.  Jonnesco  a  opéré  Jo  enfants  au- 
dessous  de  dix  ans  :  1  d'un  an  et  neuf  mois;  4  de  deux  ans  ;  1  de 
trois  ans;  2  de  quatre  ans;  1  de  cinq  ans;  2  de  huit  ans;  1  de  neuf 
ims  et  1  de  dix  ans.  Tous  ont  parfaitement  supporté  l'injection  avec 
les  doses  de  stovaïne-strychnine  indiquées  plus  haut.  Donc  l'âge  ne 
constitue  aucune  contre-indication. 

L'état  général  des  malades,  les  affections  chroniques  cardiaques,  pul- 
monaires, rénales  ou  hépatiques  n'empêchent  pas  l'emploi  de  la  mé- 
thode; car  il  a  opéré  des  malades  atteints  d'affections  cardiaques 
avancées  :  myocardites,  insuffisance  aortique,  insuffi.sance  ou 
rétrécissement  mitraux  sans  inconvénient.  Il  en  est  de  même  des 
autres  affections  chroniques  indiquées  plus  haut. 

Les  étals  infectieux,  aigus  ou  chroniques,  ne  constituent,  pas  non 
plus  des  contre-indications,  mais  il  faut  diminuer  la  dose  de 
l'anosthésique. 


ANtSTHÉSIli:  MÉDULLAIRE  OU  UACllI-ANESTlIÉSIE.  377 

La  gibbosité,  la  scoliose  n'empêchent  pas  la  ponction  de  réussir, 
sauf  dans  les  cas  exceptionnels  d'ossification  des  ligaments. 

Le  V'  Jonnesco  a  lait  ainsi  1015  opérations  sans  aucun  accident, 
el  il  lire  de  là  les  conclusions  suivantes: 

1"  La  rachi-anesthésie  générale  a  deux  principes  fondamentaux: 
la  ponction  du  rachis  à  tous  les  niveaux  et  l'adjonction  de  la  slry- 
chnine   à  l'anesthésiant  :    stovaïne,    tropacocaïne,  novocaïne,  etc.  : 

2°  La  ponction  du  rachis  à  n'importe  quel  niveau  est  bénigne;  la 
crainte  de  la  piqûre  de  la  moelle  est  absolument  non  fondée.  Peut- 
être  la  produit-on,  mais  elle  est  tout  à  fait  innocente; 

3°  La  ponction  médio-cervicale  est  inutile  et  même  nocive  ;  la 
ponction  dorsale  moyenne  est  difficile  et  inutile.  Les  ponctions 
dorsale  supérieure  (entre  la  première  et  la  deuxième  vertèbre  dor- 
sale) et  dorso-iombaire  (entre  la  douzième  vertèbre  dorsale  et  la 
première  vertèbre  lombaire)  sont  faciles  et  suffisantes  pour  obtenir 
l'anesthésie  de  toutes  les  régions  du  corps  ; 

4°  Le  sulfate  neutre  de  slrijchnine  ajouté  à  la  solution  anesthésiante 
lui  conserve  toute  sa  puissance  analgésique,  tout  en  lui  enlevant  son 
action  nocive  sur  le  bulbe.  C'est  grâce  à  elle  que  l'anesthésie  supé- 
rieure est  possible  sans  danger: 

5°  Des  anesthésiques  connus,  la  stovaïne  et  la  neuocaïne  paraissent 
les  meilleurs.  On  peut  les  employer  indifféremment  mélangés  à  la 
strychnine  : 

6°  La  strychnine  et  l'anesthésique  (stovaïne  ou  novocaïne)  ne 
doivent  pas  être  stérilisés,  la  stérilisation  leur  enlevant  en  partie  leur 
qualité; 

7°  La  préparation  de  la  solutionanesthésipnte  doit  être  faite  au  mo- 
ment de  l'emploi,  car  elle  s'altère  assez  vite  et  perd  ses  propriétés: 

8°  On  doit  employer  l'eau  non  distillée,  mais  préalablement  stéri- 
lisée ; 

9°  L'injection  sera  faite  avec  1  centimètre  cube  de  la  solution  : 
eau,  strychnine  et  stovaïne  ou  novocaïne  en  quantités  variables; 

10°  La  technique  est  simple  ;  la  seringue  de  Pravaz,  l'aiguille  ordi- 
naire à  ponction  lombaire  constituent  linstrumentation  nécessaire; 

11°  La  rachi-anesthésie  générale  ne  connaît  aucune  contre-indi- 
cation. Elle  doit  réussir  toujours  si  le  liquide  a  pénétré  dans  l'espace 
arachnoïdien  et  si  la  dose  d'anesthésique  employée  a  été  suffisante  ; 

12°  La  rachi-anesthésie  générale  est  absolument  bénigne:  elle  n'a 
jamais  causé  la  mort  ni  donné  lieu  à  des  accidents  de  quelque  im- 
portance, immédiats  ou  tardifs  ; 

13°  La  rachi-anesthésie  générale  est  infiniment  supérieure  à  l'anes- 
thésie par  inhalation;  par  sa  simplicité,  elle  est  à  la  portée  de  tous; 
par  son  manque  de  contre-indication,  elle  peut  être  employée  chez 
tous  les  malades  et  pour  toutes  les  opérations. 

Pouvant  être  pratiquée  par  le  chirurgien  lui-même,  elle  supprime 


378  XOGUÉ.  —  ANESTHÉSIE. 

un  aide,  souvent  insuffisant  et  toujours  irresponsable.  Dans  les 
opérations  sur  la  face  et  sur  le  cou,  où  Tanesthésie  par  inhalation 
est  difficile  et  souvent  incomplète,  elle  sera  d'une  grande  ressource. 
Dans  les  laparotomies,  par  le  silence  abdominal  qu'elle  détermine, 
elle  est  de  beaucoup  supérieure  à  l'anesthésie  par  inhalation  ; 

14°  Les  faits  consignés  dans  ce  travail  prouvent  combien,  en 
science,  les  condamnations  a  priori,  comme  celles  des  P''  Bier  et 
Rehn.  sont  précipitées  et  mal  fondées  ; 

15°  La  rachi-anesthésie  générale  sera  la  méthode  daneslhésie 
de  l'avenir. 

Depuis  cette  époque,  quelques  modifications  heureuses  ont  été 
apportées  à  la  méthode.  La  préparation  de  la  solution  présentait 
plusieurs  inconvénients  :  l'emploi  de  la  stovaïne  non  stérilisée,  les 
difficultés  du  dosage  exact  des  deux  substances,  la  perte  rapide 
dune  partie  des  propriétés  de  la  stovaïne  au  contact  de  l'air,  ce  qui 
expliquait  son  action  imparfaite  dans  certains  cas  ;  enfin  la  nécessité 
d'avoir  avec  soi  des  flacons  stérilisés  pour  la  solution  strychninisée 
et  des  tubes  stérilisés  pour  y  introduire  la  stovaïne  et  obtenir  la 
solution  définitive  (1).  Tous  ces  inconvénients  ont  disparu  grâce  aux 
ampoules  synèses  préparées  par  le  D'  Racovitza  (de  Jassy),  qui  a  pu 
obtenir  la  stérilisation  de  la  stovaïne  tout  en  lui  gardant  ses  pro- 
priétés et  en  les  exagérant  même. 

La  préparation  du  D'  Racovitza  consiste  en  une  paire  d'ampoules 
dont  une  contient  la  stovaïne  pesée,  purifiée,  stérilisée  et  solidifiée, 
l'autre  la  solution  titrée  d'eau  strychninisée.  Ces  ampoules  fermées 
conservent  indéfiniment  leur  contenu  sans  altération  possible.  Pour 
o'itenir  une  solution  anesthésiante  d'un  titre  déterminé  de  1  centi- 
mètre cube,  toute  l'opération  consiste  à  aspirer  1  centimètre  cube 
de  solution  strychninisée  d'une  des  ampoules  synèses  et  à  l'intro- 
duire dans  l'ampoule  contenant  la  stovaïne  cristallisée  et  stérilisée. 
La  dissolution  de  la  stovaïne  se  produit  au  bout  de  deux  à  trois 
minutes  à  froid,  et  presque  instantanément  en  maintenant  quelques 
secondes  l'ampoule  au  contact  de  la  flamme  d'une  lampe  à  alcool  ou 
dans  de  l'eau  chaude. 

Les  quantités  de  stovaïne  et  de  strychnine  ont  été  modifiées  : 
a.  la  stovaïne,  grâce  à  la  préparation  de  Racovitza,  a  été  réduite  à 
peu  près  de  moitié.  En  effet,  chez  l'adulte,  dans  la  ponction  basse, 
dorso-lombaire,  la  dose  maxima  est  de  6  centigrammes  ;  chez  les 
enfants  et  les  adolescents,  elle  varie  entre  1  et  4  centigrammes, 
suivant  l'âge.  Pour  la  ponction  haute,  dorsale  supérieure,  chez 
l'adulte,  la  dose  ordinaire  est  de  2  centigrammes,  rarement  3  :  chez 
les  adolescents,  elle  varie  entre  un  quart  de  centigramme  (enfant 
d'un  mois)  et2  centigrammes  suivant  l'âge  :  b.  la  dose  de  strychnine 

(1)  La  rachi-anesthésie  générale,  par  Tu.  JoNNnsco(7îei'(/e  de  tlu'rapeiiliqiie  médi- 
co-chirnrçjicale,  1er  (j^c.  1910). 


AXESTllESIE  MEDULLAIRE  OU  llAClil-ANESTKESIE.  379 

a  rlr  augmentée  ;  dans  la  ponction  basse,  dorso-lombaire,  2  milli- 
iirammes  (solution  :  100  g^ramnies  eau,  20  centigrammes  sulfate 
neutre  de  strychnine,  donc  2  milligrammes  par  centimètre  cube); 
dans  la  ponction  haute,  dorsale  supérieure,  1  milligramme 
chez  l'adulte  ;  chez  Tenfant  et  l'adolescent,  elle  varie  entre  ()^",!y 
jusquà  deux  ans  et  1  milligramme  chez  les  plus  âgés  pour  la  ponc- 
tion dorso-lombaire  ;  pour  la  ponction  dorsale  supérieure,  elle  varie 
entre  un  cpiart  de  milligramme  (enfant  d'un  mois)  et  O^es  suivant 
làge. 

Telles  sont  les  doses  normales  chez  les  individus  dont  l'état  géné- 
ral est  bon  ;  mais  elles  subissent  de  profondes  modifications  quand 
il  s'agit  de  malades  dont  l'état  général  est  altéré,  soit  par  cachexie 
avancée,  soit  par  une  infection  ou  une  intoxication  aiguë  ou  chro- 
nique, soit  par  un  choc  traumatique  violent,  soit  enfin  par  des  hémor- 
ragies profuses.  Alors,  avec  des  doses  relativement  minimes  comme 
2  à  4  centigrammes  de  stovaïne  pour  la  ponction  basse  chez  l'adulte, 
on  obtient  une  anesthésie  parfaite  et  durable.  Les  doses  ordinaires 
deviennent  toxiques.  C'est  pour  avoir  méconnu  ce  fait  qu'on  a  eu  à 
déplorer  des  accidents  graves. 

La  position  à  donner  aux  malades  après  l'injection  a  été  modifiée 
aussi.  Le  P^  Jonnesco  couche  ses  malades  immédiatement  après 
l'injection,  àmoins  qu'il  ne  pratique  celte  injection  systématiquement 
dans  le  décubitus  latéral,  quel  que  soit  le  niveau  de  la  ponction, 
haute  ou  basse. 

Grâce  à  cette  pratique,  l'anesthésie  est  toujours  plus  rapide  et  plus 
complète,  et  on  voit  disparaître  la  tendance  à  la  pâleur,  les  sueurs, 
que  ces  malades  présentaient  quelquefois  dans  la  position  assise- 
^Mettre  en  effet  le  malade  dans  le  décubitus  horizontal  et  dans  le 
plan  incliné  tête  en  bas,  c'est  augmenter  l'afflux  du  sang  vers  les 
centres  supérieurs  et  du  coup  faire  cesser  ou  empêcher  de  se  pro- 
duire les  symptômes  d'anémie  cérébrale. 

Enfin,  grâce  aux  doses  relativement  petites  employées  par  le 
P'  .Jonnesco  et  surtout  grâce  à  la  petite  quantité  de  solution  qu'il 
injecte,  l'anesthésie  reste  presque  toujours  cantonnée  dans  le  segment 
du  corps  où  a  été  pratiquée  l'injection.  Ainsi,  après  la  ponction  haute, 
rarement  l'anesthésie  dépasse  les  fausses  côtes  ;  dans  les  ponctions 
basses,  elle  atteint  rarement  les  mamelons,  de  sorte  que  le  segment 
supérieur  du  tronc  est  parfaitement  libre  et  conserve  intégralement 
la  sensibilité  et  la  mobilité.  Ce  fait  a  été  prouvé  d'une  façon  origi- 
nale et  probablement  unique  parleD^Tzaicou,  assistant  du  P^  Juvara 
(de  Jassy  ).  En  effet  le  D^  Tzaïcou,  enthousiasmé  par  les  résultats  de  la 
rachi-strychnino-stovaïnisation,  qui  devait  faire  l'objet  de  sa  thèse 
inaugurale,  s'opéra  lui-même  d'une  hernie  inguinale.  Le  P^  Juvara  lui 
injecta,  entre  la  douzième  vertèbre  dorsale  et  la  première  vertèbre 
lombaire,  1  centimètre  cube   d'eau   contenant  5   centigrammes    de 


380  >OGUÉ.  —  ANESTHESIE. 

stovaïne  et  1  milligramme  de  strychnine.  Quelques  minutes  après, 
Tanesthésie  étant  suffisante,  le  D'  Tzaïcou  se  mit  dans  la  position 
assise  et  commença  sa  propre  opération,  qu'il  put  conduire  à  bonne 
lin  sans  Taide  de  personne. 

Cette  mémorable  opération  fut  faite  le  23  septembre  1909,  et  il 
est  du  plus  haut  intérêt  de  connaître  la  succession  des  phénomènes 
anesthésiques  observés  par  un  médecin  sur  sa  propre  personne. 

«  Après  que  Ton  eut  retiré  l'aiguille,  dit  en  effet  le  D""  Tzaïcou  (1), 
et  que  j'eus  changé  de  position,  je  me  trouvai  à  quatre  heures  moins 
onze  minutes  sur  la  table  d'opération,  appuyé  contre  le  dossier, 
attendant  l'anesthésie  et  analysant  les  sensations  qui  devaient 
l'accompagner. 

«  Une  minute  après,  à  quatre  heures  moins  dix,  j'eus  une  agréable 
sensation  à  partir  du  bassin  vers  le  bas  ;  il  me  semblait  qu'un  courant 
doux,  agréable,  chatouilleux,  me  descendait  dans  les  membres  infé- 
rieurs jusqu'à  la  plante  des  pieds,  sensation  que  je  ne  pourrais  mieux 
décrire  qu'en  la  comparant  à  la  sensation  qu'on  éprouve  lorsque, 
après  une  grande  fatigue,  on  relâche  ses  muscles,  en  s'étendant  pour 
se  reposer  dans  le  plan  horizontal. 

«  A  quatre  heures  moins  huit  minutes,  un  fourmillement  se  fit  sentir 
dans  les  membres  inférieurs;  j'éprouvai  ensuite  une  sensation  de  chaleur 
dans  les  pieds  et  surtout  à  la  plante.  Lentement  et  insensiblemeni, 
l'engourdissement  s'empara  des  membres  inférieurs,  progressive- 
ment du  haut  en  bas.  Pendant  que  l'engourdissement  se  prononçait, 
la  sensation  de  chaleur  à  la  plante  des  pieds  fut  remplacée  par  une 
sensation  de  fraîcheur  nullement  désagréable  et  semblable  à  un 
souffle  rafraîchissant. 

«  Lorsque  j'essayai  de  contracter  le  sphincter  anal  ainsi  que  les 
autres  muscles  :  périnéaux,  bulbo-caverneux,  etc.,  je  constatai  que, 
dans  ces  muscles,  la  molilité  commençait  à  disparaître. 

«  A  quatre  heures  moins  sept  minutes,  c'est-à-dire  quatre  minutes 
après  que  l'on  eut  enlevé  l'aiguille,  je  sentis  que  le  périnée  était  anes- 
thésié.  Dans  les  membres  inférieurs,  les  mouvements  commençaient  à 
être  plus  lourds,  l'engourdissement  s'en  emparait  de  plus  en  plus  et 
montait  toujours.  L'engourdissementparvintauxcuisseset  commença 
à  envahir  le  bassin.  Je  mentionnerai  ici  que  cet  engourdissement  est 
comparable  à  la  sensation  que  l'on  éprouse  lorsqu'un  doigt  ou  un 
pied  s'engourdit, à  cette  différence  près  qu  ici  il  n'est  pas  douloureux; 
les  mouvements  passifs  ou  actifs,  les  pressions  sur  les  régions 
engourdies  ne  provoquent  ni  douleur  ni  sensation  désagréable.  A 
mesure  que  l'engourdissement  augmente,  l'insensibilitédevient  plus 
grande,  et,  lorsque  l'on  croit  que  l'engourdissement  va  atteindre  son 
maximum,  Tanesthésie  complète  le  remplace  insensiblement. 

(1,1  Presse  mèil  .  Il  f^vr.  1911. 


AAESTlli:SlE    MEDULLAlRi:  OU  RACllI-ANliSTIIl. SIi:.  381 

a  A  ([ualre  heures  moins  six  minutes,  cinq  minutes  par  conséquent 
après  l'injection,  la  motilité  avait  complètement  disparu  dans  les 
membres  inférieurs.  Les  testicules  étaient  encore  sensibles  à  la 
pression.  La  région  à  opérer  était  encore  sensible  :  les  muscles 
crémasters  étaient  absolument  intacts.  Les  muscles  abdominaux 
n'étaient  pas  paralysés,    même  sous  l'ombilic. 

«  Dans  la  région  hypogastrique,  le  voisinage  du  pubis  et  la  partie 
inférieureet  interne  de  la  région  inguinale,  la  sensibilité  est  diminuée. 
La  fosse  iliaque  et  la  région  hypogastrique  dans  sa  plus  grande 
partie  gardent  encore  leur  sensibilité  intacte,  chose  qui  m'inquiète, 
car  je  me  rends  compte  que  l'anesthésie  ne  monte  pas  autant  qu'il  le 
faudrait.  Tandis  que,  aux  membres  inférieurs  et  au  périnée,  com- 
plètement anesthésiés,  on  aurait  pu  couper  n'importe  où,  comme 
dans  un  morceau  de  bois,  dans  la  région  inguinale,  au  contraire,  il 
eût  été  impossible  de  commencer  l'incision. 

<t  Convaincu  de  l'importance  du  changement  de  position  du  malade 
pour  que  raneslhési(|ue  se  répande  dans  le  canal  rachidien,  je  priai 
M.  Septilici  de  donner  à  la  table  d'opération  une  position  déclive, 
ce  qui  fut  fait.  C'est  ainsi  que,  six  minutes  après  l'injection,  à  quatre 
heures  moins  cinq  minutes,  je  fus  amené  lentement  dans  la  position 
déclive  maxima.  Je  priai  un  de  mes  collègues  de  me  tenir  la  tête 
penchée  en  avant,  de  sorte  que  le  menton  touchât  la  poitrine.  Ce 
changement  de  position  ne  provoqua  pas  en  moi  de  sensations  désa- 
gréables. Aussitôt,  j'éprouvai  dans  les  lombes,  dans  la  région 
dorsale  du  thorax  et  dans  la  nuque  une  agréable  sensation  de 
chatouillement. 

«  Je  fus  tenu  pendant  deux  minutes  dans  la  position  déclive.  Durant 
ce  temps,  je  pus  observer,  en  m'examinant,  que  l'anesthésie  com- 
mençait à  intéresser  également  la  région  inguinale. 

«  A  quatre  heures  moins  deux  minutes,  soit  neuf  minutes  après 
l'injection,  je  dis  à  ceux  qui  m'entouraient  que  je  sentais  ma  figure 
se  congestionner:  une  sorte  d'euphorie  s'empara  de  moi,  comme  si 
la  solution  aneslhésique  avait  détruitlesubstralum  physiologique  des 
moindres  traces  de  peur,  souci,  ou  inquiétude,  en  le  remplaçant 
par  le  substratum  d'états  d'âme  tout  à  fait  contraires.  Je  conservai 
le  maximum  de  calme,  d'assurance  et  de  confiance  en  moi- 
même.  Je  demandai  même  à  ceux  qui  m'entouraient  s'ils  n'avaient 
pas  observé  de  changement  sur  ma  face.  Ce  que  j'avais  senti  subjec- 
tivement, c'est-à-dire  que  ma  figure  s'était  congestionnée,  me  fut 
confirmé. 

«  Les  mouvements  respiratoires  étaient  plus  espacés  et  plus  pro- 
fonds ;  j'étais  content  et  disposé  à  vaincre  n'importe  quelle  diffi- 
culté qui  aurait  pu  surgir  durant  mon  opération,  que  l'on  croyait 
risquée,  eu  égard  à  la  petitesse  de  l'homme  devant  la  douleur. 

«  A  quatre  heures  moinsune  minute,  c'est-à-dire  vingt  minutes  après 


382  NOGUE.  ~  ANESTHÉSIE. 

l'injection,  examinant  Té  volutionanesthésique,  je  trouvai  les  membres 
inférieurs  et  le  périnée  complètement  anesthésiés  et  paralysés,  le 
bassin  lourd  comme  du  plomb  el  presque  paralysé  dans  ses  mouve- 
ments. 

«Le scrotum  était  paralysé;  les  testicules,  élevés  par  une  contrac- 
tion involontaire  des  crémasters  au  niveau  des  orifices  inguinaux 
superticiels,  étaient  absolument  insensibles,  et  en  les  palpant  j'avais 
l'impression  de  toucher  des  corps  étrangers.  L'anesthésie  commen- 
çait à  intéresser  de  plus  en  plus  les  régions  inguinales  ;  toutefois 
l'insensibilité  de  la  fosse  iliaque  n'était  pas  encore  assez  grande 
pour  me  permettre  de  commencer  l'opération. 

«  En  lavant  la  région  à  l'alcool  et  à  Téther,  j'éprouvais  une  brûlure. 
Il  était  impossible  de  faire  l'incision  dans  la  fosse  iliaque.  Sachant 
qu'il  y  a  des  cas  où  l'anesthésie  peut  ne  venir  que  vingt  minutes  après 
l'injection,  je  me  décidai  à  attendre.  Durant  ce  laps  de  temps,  je  pus 
constater  que  tout  mouvement  brusque  provoquait  en  moi  des  ver- 
tiges qui  devenaient  pénibles  lorsque  je  penchais  le  corps  en  avant  ; 
je  ne  pouvais  rester  appuyé  contre  le  dossier  de  la  table. 

«A  quatre  heures  et  sept  minutes,  autrement  dit  vingt-huit  minutes 
après  l'injection,  quoique  l'anesthésie  eût  augmenté,  elle  ne  per- 
mettait pas  encore  de  commencer  l'opération,  à  cause  de  la  douleur 
que  je  ressentis  en  essayant  de  faire  l'incision  dans  la  fosse  iliaque. 

«  Le  P^"  Juvara,  m'ayant  conseillé  d'ajourner  au  lendemain  l'opé- 
ration pour  être  opéré  au  chloroforme,  je  répondis  que  :  «  j'étais 
décidé  à  m'opérer  ce  jour-là  même  »  ;  je  pensais  en  ce  moment  à  un 
petit  surplus  d'anesthésie  dont  j'avais  besoin. 

((  Connaissant  ma  résistance  à  la  stovaïne,  je  demandai  à  ce  que  l'on 
me  fît  une  seconde  injection  intrarachidienne,  tout  en  regrettant  de 
n'avoir  pas  été  obéi,  et  surtout  de  n'avoir  pu  me  la  faire  moi-même, 
là  où  elle  aurait  dti  être  faite,  entre  la  onzième  et  la  douzième  ver- 
tèbre dorsale.  Mes  essais  précédents,  à  l'aide  de  miroirs,  m'avaient 
montré  qu'ilneme  serait  possible  de  faire  seul  l'injection  rachidienne 
que  dans  la  région  cervicale,  juste  au-dessous  de  la  proéminente,  et 
dans  la  région  lombaire,  exception  faite  de  l'espace  compris  entre 
la  première  et  la  deuxième  vertèbre  lombaire. 

«  Je  demandai  avec  insistance  à  ce  que  l'on  me  fît  dans  la  fosse 
iliaque  et  dans  la  partie  externe  de  la  région  inguinale  un  surplus 
d'anesthésie  locale  avec  la  solution  de  stovaïne  à  0,.5O  p.  100  que 
j'avais  préparée  ;  mon  désir  n'ayant  pas  été  satisfait,  je  fus  obligé  de 
mefaire  moi-même  une  injection  de  4  centimètres  cubes,  c'est-à-dire 
quatre  seringues  de  la  solution  de  stovaïne  à  0,50  p.  100  que 
j'avais  préparée. 

('  Après  ces  quatre  injections,  par  lesquelles  je  n'introduisis  que 
2  centigrammes  de  stovaïne,  je  fus  en  état  de  commencer  l'opération. 

«  Pendant  toute  la  durée  de  l'opération,  l'anesthésie  resta  parfaite. 


ANESTHÉSIE   MÉDULLAIRE  OU  RACHI-ANESTHÉSIE.  38J 

Klle  disparut  comme  Topéralion  prenail  fin;  aussi  la  sulure  delà 
peau  fut-elle  un  peu  douloureuse.  A  cinq  heures  un  quart,  le  panse- 
ment lut  termine  el  l'opéré  transporté  dans  son  lit.  La  sensibilité 
était  complètement  revenue,  et  tout  était  rentré  dans  l'ordre. 

«  Les  phénomènes  qui  suivirent  l'opération  furent  les  suivants. 
Pendant  trois  jours,  il  y  eut  une  insomnie  complète  et  des  phéno- 
mènes d'excitation.  Deux  heures  après  l'opération,  se  manifesta  une 
douleur  sourde  dans  la  région  épigastrique  s'irradiant  dans  l'hypo- 
condre  droit,  sous  les  fausses  côtes  droites,  qui  disparut  le  soir  du 
huitième  jour.  On  nota  également  une  douleur  thoracique  localisée 
dans  la  paroi  costale  pendant  les  troisième  et  quatrième  jours.  Le 
quatrième  jour  se  fit  sentir  une  violente  douleur  fessière  semblable  à 
la  douleur  d'un  phlegmon,  qui  disparut  complètement  le  neuvième 
jour. 

«  Le  cinquième  jour  après  l'opération,  se  manifesta  une  céphalalgie 
localisée  dans  les  régions  frontales  et  temporales,  accompagnée  de 
douleurs  dans  les  globes  oculaires.  Cette  céphalalgie  légère  croissait 
avec  le  mouvement  de  la  tête.  Elle  disparut  le  septième  jour.  Il  y  eut 
un  peu  de  constipation,  mais  la  miction  resta  normale.    » 

Après  avoir  résumé  les  conclusions  tirées  de  cette  auto-obser- 
valion,  leEKTzaicou  termine  en  disant  :  «  Une  méthode  anesthésiq'ue 
assez  efficace  et  assez  innocente  pour  permettre  à  quelqu'un  de 
s'opérer  seul  d'une  hernie,  avec  succès  et  sans  conséquences  désa- 
gréables, pourra  être  soumise  à  toutes  les  modifications  et  à  tous  les 
perfectionnements  possibles,  mais  elle  ne  disparaîtra  pas  du  domaine 
de  la  chirurgie,  tant  qu'il  n'y  aura  que  les  méthodes  actuelles  d'anes- 
thésie  et  tant  que  l'imagination  humaine  n'aura  pas  conçu  une  autre 
méthode  plus  merveilleuse  encore.  » 


38'±  jNOGUE.  —  ANESTHESIE. 

XVII.    -  L'ADMINISTRATION  DES  ANESTHÉSIQUES   AU 
POINT  DE  VUE  MÉDICO-LÉGAL 

L'administration  des  anesthésiques  soulève,  au  point  de  vue  médico- 
légal,  des  problèmes  complexes  et  engage  gravement  la  responsabilité 
du  médecin.  En  outre,  la  loi  du  10  novembre  1892  a  étendu  aux  chi- 
rurgiens-dentistes et  même,  dans  certaines  conditions,  aux  dentistes 
patentés  la  redoutable  prérogative  de  pratiquer  Tanesthésie.  11  est 
donc  nécessaire  de  Ijien  envisager  dans  quelles  circonstances  et  dans 
quelles  limites  la  responsabilité  des  uns  et  des  autres  peut  être 
engagée. 

D'abord,  en  cas  d'accident  dû  à  une  faute  grave,  le  médecin  est 
passible  de  deux  juridictions.  11  peut  être  poursuivi  en  police  correc- 
tionnelle pour  homicide  par  imprudence,  s'il  est  prouvé  qu'il  était,  au 
moment  où  il  a  pratiqué  l'anesthésie,  en  état  d'ivresse,  s'il  est  prouvé 
qu'il  a  oublié  une  compresse  imbibée  de  chloroforme  sur  le  nez  de  son 
patient,  qu'il  a  abandonné  sonmalade  dans  les  mêmes  conditions,  etc. 
11  peut  dans  ce  cas  être  condamné  à  la  prison. 

En  second  lieu,  il  peut  être  ])Oursuivi  au  civil  en  paiement  d'une 
indemnité  à  la  famille  du  décédé,  chacun  étant  responsable  du  dom- 
mage qu'il  a  causé.  C'est  le  cas  le  plus  fréquent. 

On  peut  dire,  d'ailleurs,  que  ces  poursuites  sont  devenues  aujour- 
dhui  la  règle.  Déjà,  en  1896,  le  P'  Brouardel  disait:  «  Depuis  quelques 
années,  les  affaires  de  responsabilité  médicale  se  multiplient.  Il  s'est 
constitué,  en  eft'et,  une  espèce  de  syndicat,  formé  par  des  agents 
d'affaires,  qui  recherche  les  cas  de  mort  dus  à  l'emploi  des  anesthé- 
siques survenant  dans  les  hôpitaux.  Depuis  1889-1890,  j'ai  été  amené 
ainsi  à  pratiquer  17  autopsies.  11  y  a  donc  lieu,  pour  nous,  de  nous 
préoccuper  de  ce  fait,  afin  de  nous  mettre  à  l'abri  de  toute  respon- 
sabilité. »  Depuis  celte  époque,  loin  de  s'atténuer,  ces  pratiques  n'ont 
fait  que  se  généraliser. 

Devant  un  accident  mortel  dû  à  l'emploi  d'un  anesthésique général, 
la  première  question  que  le  magistrat  pose  est  la  suivante  :  La  per- 
sonne endormie  pouvait-elle  être  endormie  sans  le  consentement 
d'une  autre  personne  ?  11  est  certain  qu'il  s'agit  ici  des  cas  où 
un  enfant  ou  un  mineur  a  été  anesthésié.  Le  consentement  des 
parents  est  alors  nécessaire,  et  il  faut  se  garder  de  donner  à  un 
enfant  un  anesthésique  général  quelconque  sans  la  présence  et  le 
consentement  des  parents.  S'il  s'agit  de  donner  le  chloroforme  ou 
l'éther,  cette  obligation  est  évidente,  et  nul  médecin  ne  commettrait 
aujourd'hui  l'imprudence  de  s'y  soustraire  :  d'ailleurs,  il  s'agit  dans 
ces  cas,  en  général  du  moins,  d'une  intervention  assez  importante, 
pour  laquelle  l'autorisation  des  parents  est  elle-même  nécessaire. 
Mais  souvent,  et  surtout  chez  lesenfants,  on  emploie  d'autres  anesthé- 


ANESTHÉSIQUES  AU  POINT  DE  VUE  MÉDICO-LÉGAL.        385 

si<|ucs  généraux,  tels  ((uc  le  bromure  d'élhyle,  le  chlorure  d'éthyle,  le 
protoxyde  d'azote,  dontrinnocui  Lé  relative  est  bien  connue.  C'est  alors 
que  le  médecin  peut  céder  Ji  la  tentation  de  l'administration  de  ces 
anesthésiques  pour  des  opérations  rapides,  de  peu  d'importance, 
ablation  de  végétations  adénoïdes,  paracentèse  du  tympan, 
extractions  dentaires  très  douloureuses,  etc.  Ici  encore  il  faudra 
s'abstenir  d'une  fa^on  absolue  tant  que  les  parents  ne  sont  pas 
consentants.  Le  cas  s'est  déjà  présenté.  Un  chirurgien  avait  prévenu 
la  famille  dun  de  ses  petits  malades  qu'il  l'opérerait  le  lendemain.  La 
famille  ne  se  dérangea  pas,  et  l'enfant  mourut  pendant  l'aneslhésie. 
Le  chirurgien  fut  mis  hors  de  cause.  Mais  il  est  évident  que  cette 
jurisprudence  ne  saurait  être  considérée  comme  invariable.  Et,  sauf 
le  cas  d'urgence  absolu,  mieux  vaut  attendre  l'autorisation  écrite  ou 
la  présence  des  parents  pour  intervenir. 

Mais  cette  autorisation  nécessaire  ne  se  limite  pas  aux  enfants. 
Dans  un  cas  cité  par  Brouardel,  deux  médecins  endormirent  une 
femme  afin  de  lui  réduire  une  luxation  du  pied.  Au  moment  où  ils 
allaient  commencer  les  tentatives  de  réduction,  la  femme  mourut. 
Heureusement  qu'avant  de  la  soumettre  au  chloroforme  ils  avaient 
demandé  à  cette  femme,  devant  une  de  ses  amies,  si  elle  était  mariée; 
elle  répondit  qu'elle  était  divorcée.  Mais,  quand  elle  fut  morte,  le  mari 
reparut  et  intenta  une  action  en  responsabilité  civile  aux  deux 
médecins  ;  le  divorce  n'avait  pas  été  prononcé,  mais  la  séparation 
existait  de  fait  depuis  cinq  ans  ;  cette  femme  menait  une  vie  extrê- 
mementlibreaux alentours dufaubourg  Montmartre, etjamais,  durant 
les  cinq  années,  son  mari  n'avait  un  instant  songé  à  entraver  cette 
liberté,  quelque  excessive  qu'elle  fût.  Le  tribunal  jugea  que  les  deux 
médecins  avaient  pris  toutes  les  précautions  voulues,  et  le  mari  fut 
débouté  de  sa  demande. 

Quand  il  s'agit  donc  d'une  femme  sous  puissance  de  mari,  il  est 
absolument  nécessaire  de  demander,  pour  pratiquer  sur  elle  l'anes- 
lhésie générale,  l'autorisation  du  mari. 

Le  premier  procès  qui  marqua  la  mort  par  les  anesthésiques  eut  lieu 
en  1853.  On  ne  parlait  alors  (1 1  (jue  de  la  découverte  de  Soubeiran  ; 
on  redoutait  les  dangers  et  les  crimes  qui,  pendant  le  sommeil,  pou- 
vaient être  commis  ;  mais  les  opérés  étaient  surtout  frappés  des 
avantages  de  cette  méthode.  Un  faïencier,  nommé  Breton,  étant  venu 
consulter  un  docteur,  ancien  interne,  médaille  d'or  des  hôpitaux,  pour 
une  petite  loupe  qu'il  portai  ta  la  joue,  accepta  l'opération  à  condition 
de  bénéficier  des  avantages  du  chloroforme  (jue  l'on  venait  de 
découvrir. 

Le  chirurgien  l'endormit  avec  l'aide  d'un  interne  qui  n'était  paâ 
docteur.  Dès  les  premières  inhalations,  le  faïencier  mourut  ;  on  l'avait 

(1)  P.  Brouardel,  Les  aspliyxies  par  les  gaz,  les  vapeurs  et  les  anesthésiques, 
Paris,  J.  B.  Baillière  et  fils,  1896. 

Traité  de  stomatologie.  VL  —  25 


386  NOGUÉ.  —  ANESTHESIE. 

endormi  assis  dans  un  fauteuil.  Les  deux  médecins  perdirent  la  tête^ 
au  point  que  le  chirurgien  quitta  la  chambre  précipitamment  et,  tra- 
versant une  pièce  où  se  tenaient  les  parents  du  malade,  leur  cria  : 
«  Tout  va  bien.  »  L'interne  fit  piteuse  contenance  devant  la  famille, 
qui,  pénétrant  enfin  dans  la  chambre,  se  trouvait  en  présence  d'un 
cadavre. 

Le  commissaire  de  police  intervint:  il  yeut  un  procès,  etletribuna! 
condamna  les  deux  médecins  à  50  francs  d'amende  chacun.  Le 
jugement  reflète  bien  les  opinions  alors  en  honneur.  On  reprochait  aux 
médecins  d'avoir  donné  le  chloroforme  dans  une  petite  pièce, 
encombrée  de  meubles  et  où  lair  ne  pouvait  pas  se  renouveler  suffi- 
samment. L'affaire  vint  en  appel.  Devant  la  cour,  Velpeau,  dont  on 
avait  demandé  l'avis,  se  prononça  d'une  façon  très  nette  et  très  caté- 
gorique : 

«  Vous  tenez  entre  vos  mains  l'avenir  de  la  chirurgie,  dit-il  aux 
magistrats.  La  question  intéresse  le  public  plus  que  le  médecin.  Si 
vous  condamnez  le  chirurgien  qui  a  employé  le  chloroforme,  aucun 
de  nous  ne  consentira  à  l'employer  désormais  ;  aucun  médecin,  s'il 
sait  qu'à  la  suite  d'un  accident  impossible  à  prévoir  il  encourt  une 
responsabilité,  ne  voudra  l'administrer.  C'est  à  vous  de  maintenir 
l'abolition  de  la  douleur  ou  de  la  réinventer.  » 

Lorsque  l'avocat  des  accusés  se  leva  pour  commencer  sa  plaidoirie,^ 
le  président  l'interrompit  en  disant  :  la  cause  est  entendue.  Les  deux 
médecins  furent  acquittés. 

Au  point  de  vue  médico-légal,  le  médecin  poursuivi  aura  à  répondre 
aux  questions  suivantes  du  juge  d'instruction  :  1°  toutes  les  pré- 
cautions en  vue  de  l'administration  de  l'anesthésique  ont-elles  été 
prises?  2"  tous  les  soins  nécessaires  au  moment  de  l'accident  ont-ils- 
été  donnés?  S»  l'opération  justifiait-elle  l'emploi  des  anesthésiques? 
■i°  l'opérateur  était-il  légalement  autorisé  à  pratiquer  l'anesthésie  ? 
Nous  les  envisagerons  successivement  : 

loTouleslesprécautionsont-elIes  été  prises?  —  En  premier 
lieu  se  placent  les  contre-indications  possibles  de  l'anesthésie.  Nous 
les  avons  passées  en  revue  à  propos  de  chacun  des  anesthésiques.  Il 
est  bon  cependant  d'y  revenir  ici.  Les  magistrats,  le  grand  public  et 
un  certain  nombre  de  médecins  admettent  que,  parmi  celles-ci,  il  faut 
placer  au  premier  rangles  alTections  cardiaques.  P.  Brouardel  affirme 
que,  parmi  les  nombreuses  autopsies  qu'il  a  eu  l'occasion  de  faire 
d'individus  morts  par  le  chloroforme,  il  n'a  jamais  constaté  une  lésion 
valvulaire.  Cependant  mieux  vaut,  dans  ce  cas,  se  montrer  très  prudent 
et  suivre  à  la  lettre  le  conseil  de  Brouardel.  «  Lors([ue  vous  consta- 
terez une  lésion  valvulaire  chez  un  malade  que  vous  avez  l'intention 
d'endormir,  ne  procédez  pas  à  l'anesthésie  sans  avoir  pris  au  préalable 
l'avis  d'un  ou  deux  de  vos  confrères,  sans  avoir  rédigé  une  consul- 
tation expliquant  pourquoi  vous  ne  privez  pas  votre  malade  de  l'anes- 


ANESTHÉSIQUES  AU  POINT  DE  VUE  MÉDICO-LÉGAL.         387 

thésie,  malgré  l'existence  de  cette  afîection  reconnue.  Faites-vous 
de  ce  conseil  une  règle  absolue.  »  Lo  même  auteur,  qu'on  ne  saurait 
trop  suivre,  donne  encore  les  règles  suivantes. 

La  dégénérescence  du  cœur,  quand  il  est  possible  de  la  diagnostiquer, 
peut  être  une  contre-indication.  Si  l'individu  qu'il  s'agit  de  chloro- 
former est  sujet  i\  des  syncopes,  il  y  a  lieu  de  s'abstenir,  à  moins 
d'indication  impérative  ;  l'artériosclérose  justifie  la  même  prudence. 

Dans  le  cas  de  lésions  rénales,  d'albuminurie,  de  diabète  et 
d'obésité,  il  faut  également  se  montrer  très  réservé.  Il  en  est  de  même 
de  l'état  cachectique  profond  ou  de  la  tendance  aux  syncopes. 

Enfin  il  est  bon  que  l'opérateur  se  préoccupe  toujours  de  la  pureté 
des  produits  anesthésiques  qu'il  emploie.  Deux  moyens  de  prouver 
cette  pureté  s'offrent  au  médecin,  d'après  Brouardel.  Le  premier,  c'est 
l'analyse  chimique,  difficile  et  compliquée. 

Le  second  moyen  est  beaucoup  plus  simple  et  conduira  aux  mêmes 
résultats.  Deux  cas  peuvent  se  présenter:  ou  bien  le  malade  est  mort 
à  l'hôpital,  ou  il  est  mort  en  ville.  Si  l'accident  a  eu  lieu  à  l'hôpital, 
on  s'est  servi,  pour  endormir  le  malade,  de  chloroforme  pur  à  même 
la  bouteille  de  réserve  ;  on  a,  avec  ce  même  chloroforme,  endormi  un 
certain  nombi*e  de  malades,  la  veille,  l'avant-veille,  le  jour  même  : 
aucun  n'a  présenté  d'accidents.  Le  chloroforme  n'était  donc  pas 
chargé  d'impuretés.  Si  l'accident  est  arrivé  en  ville,  le  pharmacien 
qui  a  fourni  le  chloroforme  pourra  donner  l'adresse  d'un  certain 
nombre  de  médecins  ou  de  chirurgiens  qui  ont  l'habitude  de  prendre 
chez  lui  le  chloroforme  dont  ils  ont  besoin  et  qui  n'ont  pas  eu  d'acci- 
dents à  déplorer. 

Mais  aujourd'hui  il  est  de  pratique  courante  de  recourir  à  des  pré- 
parations faites  par  des  maisons  connues,  qui  se  sont  spécialisées  dans 
la  fabrication  de  ces  produits  anesthésiques.  Pour  chaque  malade,  on 
a  recours  à  un  ilacon  non  entamé  ;  du  côt^  des  impuretés  on  est  donc 
à  l'abri  de  toute  surprise. 

Il  est  bon  de  savoir  aussi  que  certaines  afTections  exposent  plus  que 
d'autres  à  des  syncopes  chloroformiques.  Il  est  bien  connu,  par 
exemple,  que  les  fractures  se  compliquent  souvent  de  thromboses  ou 
d'embolies  qui,  au  cours  d'une  anesthésie,  peuvent  déterminer  la  mort. 

Comme  précaution  importante  encore,  il  faut  éviter  d'opérer  seul. 
Il  est  facile  de  concevoir  qu'en  cas  d'accidents  graves  on  sera  dans 
l'impossibilité  matérielle  de  donner  les  soins  nécessaires.  Ne  serait-ce 
que  la  respiration  artificielle  qu'il  faut  prolonger  parfois  pendant 
plusieurs  heures,  il  est  impossible  à  un  homme  seul  de  la  pratiquer 
convenablement. 

Une  autre  raison  d'un  ordre  tout  différent  qui  doit  toujours 
s'opposer  à  l'administration  des  anesthésiques  généraux  quand  on 
est  seul,  c'est  la  possibilité  chez  la  femme  de  rêves  voluptueux  pris  au 
réveil  pour  la  réalité.  De  là  à  porter  contre  l'opérateur  des  accusations 


388  NOGUE.  —  ANESTHESIE. 

graves,  il  n'y  a  qu'un  pas.  Et  ce  pas  a  été  plusieurs  fois  franchi. 
Brouardel  en  cite  deux  exemples,  qu'il  est  bon  de  rappeler.  «  Deux 
fois,  dit-il,  à  ma  connaissance,  des  femmes  sont  sorties  du  cabinet  où 
elles  étaient  restées  seules  avec  l'opérateur  qui  les  avait  endormies 
pour  entrer  dans  celui  du  commissaire  et  y  déposer  une  plainte.  Il 
s'agissait  une  fois  d'un  médecin  et  une  fois  d'un  dentiste.  Les  inculpés 
firent  quelques  jours  de  prison  préventive.  II  a  fallu  que  Verneuil  et 
moi  nous  démontrions  au  juge  d'instruction  que  les  opérées  ne  con- 
servaient aucun  souvenir  de  l'opération  quelles  venaient  de  subir  et 
quelles  avaient  eu  des  rêves  pendant  l'anesthésie.  Le  j  uge  vint  assister  à 
des  chloroformisations  dans  le  service  de  Verneuil  :  il  interrogea  les 
opérées  et  se  rendit  un  compte  exact  des  faits.  Dans  les  deux  cas, 
l'innocence  des  inculpés  fut  reconnue.  Mais  l'afTaire  peut  aller  plus 
loin  :  le  médecin  peut  passer  en  justice.  Il  a  beau  être  acquitté,  il 
n'en  a  pas  moins  fait  quelques  jours  de  prison  préventive;  quoique 
son  innocence  soit  hautement  proclamée,  son  arrestation  même  aura 
fait  subir  à  ses  affaires  et  à  son  honorabilité  professionnelle  de 
graves  atteintes.  Sous  aucun  prélexle,  que  ce  soit  par  le  chloro- 
forme, par  l'éther.  ou  au  moyen  de  pratiques  de  l'hypnotisme, 
n'endormez  jamais   quelqu'un  sans  être  assisté   d'un  témoin.  » 

Une  recommandation  que  faisait  encore  l'éminent  médecin  légiste 
était  la  suivante;  n'administrez  jamais  un  anesthésique  à  un  malade 
assis.  Depuis  les  premiers  accidents  mortels  dus  au  chloroforme,  on 
a  toujours  considéré  qu'il  était  imprudent  d'endormir  un  malade 
dans  la  position  assise;  on  ne  peut  nier  en  effet  que  cette  position  ne 
favorise  la  syncope.  Il  est  probable  que  les  accidents  sont  plus 
i'réquents  chez  les  dentistes,  parce  qu'ils  assoient  leur  patient  au  lieu 
de  le  coucher.  Dans  tous  les  cas,  l'opinion  des  magistrats  est  fixée  à 
ce  sujet. 

Enfin  il  est  un  certain  nombre  d'autres  précautions  qu'il  est  néces- 
saire de  prendre,  telles  que  de  s'assurer  qu'aucun  obstacle  ne  s'oppose 
à  la  respiration,  ceinture,  corset,  appareil  de  prothèse  dentaire,  etc. 

'2°  Tous  les  soins  nécessaires  au  moment  de  l'accident 
ont-ils  été  donnés?  —  Il  faudrait  passer  ici  en  revue  toutes  les 
méthodes  préconisées  pour  combattre  les  accidents  dus  à  l'adminis- 
tration des  anesthésiques.  Le  médecin  légiste  aura  à  examiner  si 
tout  ce  que  l'on  devait  faire  a  été  fait.  Il  est  donc  de  la  plus  haute 
importance,  pour  celui  qui  pratique  l'anesthésie,  d'avoir  à  sa  dispo- 
sition l'arsenal  nécessaire.  Rappelons  qu'il  faut,  dans  le  cas  d'acci- 
dents dus  aux  anesthésiques  généraux,  débarrasser  la  gorge  et 
l'arrière-gorge  des  mucosités  qu'elles  peuvent  contenir,  pratiquer  la 
respiration  artificielle,  les  tractions  rythmées  de  la  langue,  la 
ilagellation,  l'électrisation  des  muscles  respirateurs,  les  injections 
d'éther,  la  trachéotomie.  Dans  le  cas  d'accidents  dus  aux  anesthé- 
siques locaux,  ce  sont  des  injections  d'éther,  de  caféine,  l'adminis- 


ANESTHÉSIQUES  AU  POINT  DE  VUE  MEDICO-LEGAL.         :J89 

tration  de  boissons  chaudes,  d'alcool,  etc.  De  là  la  nécessité  d'avoir 
à  portée  de  la  main  des  seriniçues  à  injections  hypodermiques,  une 
batterie  électrique,  une  boîte  à  trachéotomie  et  les  médicaments 
qui  peuvent  être  nécessaires  d'urgence.  Nous  avons  longuement 
insisté  sur  les  différentes  manœuvres  utiles  pour  combattre  les 
accidents  déterminés  par  les  anesthésîques  à  propos  de  chacun 
d'eux.  Nous  n'y  reviendrons  pas. 

Mais  ce  qu'il  est  bon  de  savoir,  c'est  que,  faute  d'avoir  préparé 
à  l'avance  toute  cette  instrumentation,  on  peut  se  trouver  dans 
l'impossibilité  de  lutter  avec  chance  de  succès,  L'anesthésiste 
encourt  de  ce  fait  une  lourde  responsabilité. 

S^L'opérationjustiflait-elle  l'emploi  des  anesthésîques?  — 
Il  faudrait  ici  passer  en  revue  toutes  les  indications  des  anesthé- 
siques  généraux  et  des  anesthésiques  locaux.  Mais  on  ne  saurait 
trop  insister,  surtout  quand  il  s'agit  d'opérations  pratiquées  par  des 
spécialistes,  sur  l'importance  qu'il  y  a  à  faire  un  choix  judicieux  de 
l'anesthésique. 

Il  est  hors  de  doute  qu'un  certain  nombre  d'accidents  mortels 
eussent  été  évités  si  l'opérateur  avait  eu  recours  à  l'aneslhésie  locale 
au  lieu  d'administrer  de  piano  le  chlorure  d'éthyle,  léther  ou  le 
chloroforme. 

Nous  avons  déjà  insisté  sur  l'état  d'esprit  régnant  parmi  nos 
confrères  des  pays  anglo-saxons,  surtout  parmi  les  dentistes,  qui 
leur  fait  considérer  l'administration  du  protoxyde  d'azote  comme 
infiniment  moins  dangereuse  qu'une  injection  de  cocaïne.  Nous  ne 
saurions  en  France  souscrire  à  de  pareilles  pratiques.  Notre  avis  est 
que  l'anesthésie  locale  doit  être  en  stomatologie  la  règle  absolue  et 
l'anesthésie  générale  l'exception. 

Mais  les  indications  de  cette  dernière  se  rencontreront.  Sans 
parler  des  opérations  chirurgicales,  qui  ne  sauraient  être  menées  à 
bonne  fin  sans  une  anesthésie  profonde  et  prolongée  comme  celle 
que  donnent  le  chloroforme  et  l'éther,  il  est  des  interventions,  même 
de  courte  durée,  qui  peuvent  nécessiter  une  anesthésie  semblable. 
Telle  est,  pour  ne  citer  qu'un  exemple,  l'extraction  de  la  dent  de 
sagesse.  L'opération  en  elle-même  est  d'ordre  banal.  Cependant  elle 
n'est  possible  que  lorsque  le  trismus  qui  s'oppose  à  l'ouverture  de 
la  bouche  a  cédé.  Ce  trismus  lui-même  ne  cède  qu'à  l'anesthésie 
générale  profonde,  telle  que  la  procurent  le  chloroforme  ou 
l'éther.  Or  les  accidents  déterminés  par  l'inflammation  des  tissus 
autour  de  cette  dent  sont  parfois  graves  et  de  nature  à  nécessiter 
une  intervention  d'urgence.  D'un  autre  côté,  il  est  possible  que 
l'extraction  de  cette  dent,  d'une  conformation  si  spéciale,  souvent 
implantée  en  dehors  de  l'arcade  ou  sur  la  branche  montante  elle- 
même,  présente  des  difficultés  considérables.  Avoir  recours  dans  ce 
cas  à  des  anesthésiques  donnant  une  anesthésie  de  courte  durée,  tels 


390  NOGUE,  —  ANESTHESIE. 

que  le  protoxyde  d'azote,  le  chlorure  ou  le  bromure  d'éthyle,  c'est 
s'exposer  à  n'avoir  qu'une  résolution  musculaire  insuffisante  et  à 
être  surpris  par  le  réveil  avant  que  l'opération  ne  soit  terminée. 

Ici  donc  nous  trouvons  une  indication  bien  nette  de  l'anesthésie 
générale  et  de  l'anesthésie  générale  prolongée.  C'est  donc  au  chloro- 
forme ou  à  l'éther  qu'il  faudra  recourir. 

Nous  avons  examiné  ailleurs,  d'après  les  statistiques,  quels  étaient 
les  dangers  que  faisaient  courir  les  divers  anesthésiques  généraux,  et 
nous  les  avons  classés  par  ordre  décroissant,  le  plus  dangereux,  le 
chloroforme,  venant  en  tête.  Nous  savons  que  seuls  le  chloroforme 
et  l'éther  procurent  une  anesthésie  prolongée.  Si  on  a  le  choix  entre 
les  deux,  mieux  vaudra  recourir  à  l'éther,  puisque  celui-ci  paraît 
jouir  d'une  plus  grande  innocuité. 

Viennent  ensuite  les  anesthésiques  généraux  ne  donnant  qu'une 
anesthésie  de  courte  durée,  le  bromure  d'éthyle,  le  chlorure  d'éthyle 
et  le  protoxyde  d'azote. 

Ce  dernier,  de  l'avis  de  tous,  est  de  beaucoup  le  moins  dangereux. 
Sans  pouvoir  dire  qu'il  est  tout  à  fait  inofîensif,  il  fait  courir 
infiniment  moins  de  dangers  que  les  autres.  C'est  lui,  sauf  contre- 
indications  spéciales,  qui  devra  être  toujours  choisi.  Tel  serait,  par 
exemple,  le  cas  d'un  enfant  atteint  d'ostéopériostite  grave  de  la 
dent  de  six  ans,  avec  menace  d'abcès  sur  la  joue.  Ici  "l'anesthésie 
locale  ne  serait  pas  de  mise  et  l'anesthésie  générale  serait  parfaitement 
indiquée.  C'est  le  protoxyde  d'azote  qui  constituerait  l'anesthésique 
de  choix. 

S'il  s'agit  d'un  adulte  et  que  l'anesthésie  générale  paraisse  indi- 
quée, c'est  au  protoxyde  d'azote  qu'il  vaut  mieux  recourir  de  préfé- 
rence à  tous  les  autres  anesthésiques  de  courte  durée.  L'expérience 
prouve  à  l'évidence  que,  administré  selon  les  règles,  il  jouit  d'une  très 
grande  innocuité.  En  France,  surtout  depuis  l'accident  survenu  chez 
le  dentiste  Duchesne,  les  médecins  ont  sur  le  protoxyde  d'azote  des 
idées  préconçues, à  la  généralisation  desquelles  Brouardcl  n'a  pas  été 
étranger.  Il  s'étend  en  effet  avec  une  certaine  complaisance  sur  les 
cas  mortels.  Le  protoxyde,  dit-il,  a  cet  avantage,  qui  l'a  fait  préférer 
par  tous  les  dentistes,  d'endormir  vite  et  de  maintenir  le  sujet  très 
peu  de  temps  sous  son  influence.  On  a  prétendu  qu'il  ne  tuait  pas. 
C'est  une  erreur.  Maurice  Perrin,  dans  une  communication  faite  à 
la  Société  de  chirurgie  en  1875,  a  cité  5  ou  6  cas  de  mort  dus  au 
protoxyde  en  Angleterre  et  aux  États-Unis,  et  un  cas  de  mort  en 
France.  C'est  dans  le  laboratoire  de  Vauquelin  que  l'accident  eut 
lieu.   Un  de  ses  préparateurs   fut  tué  en  respirant  le  protoxyde 
d'azote.  Au  cours  de  la  discussion  qui  suivit,  Magitot  rappela  trois 
autres  cas  de  mort  survenus  en  Angleterre  et  tous  les  trois  suivis 
d'autopsie  établissant  que  la  mort  était  bien  le  résultat  de  l'asphyxie. 
Il  faut  ajouter  à  cette  statistique  un  cas  de  mort  par  asphyxie  sur- 


ANESTHÉSIQUES  AU  POINT  DE  VUE  MÉDICO-LÉGAL.         391 

venu  au  Dental  Ilospilal  de  Londres,  le  15  septembre  1883:  un  cas 
survenu  chez  un  denlisle  d'Exeler  en  1884;  le  cas  de  Watson  sur- 
venu le  28  septembre  1889  ;  enfin  le  cas  de  Duchesne  en  1884.  Le  gaz 
hilarant  n'est  donc  pas  aussi  inolTensif  qu'on  l'a  affirmé,  et,  si  l'on 
faisait  la  statistique  des  accidents  mortels  que  ce  genre  d'anesthcsie 
^  provoqués,  elle  ne  serait  sans  doute  pas  très  consolante  pour  les 
familles.  Et  Brouardel  faisait  en  outre  un  tableau  des  plus  terrifiant 
■de  l'aneslhésie  elle-même  :  «  Au  moment  où  l'anesthésie  est  obtenue, 
le  sujet  est  cyanose;  il  vire  au  bleu  ou  au  noir.  Il  serait  extrêmement 
imprudent  de  le  laisser  arriver  au  bleu  foncé;  il  faut  s'arrêter  au 
bleu  pale,  au  bleuâtre.  Les  personnes  qui  ont  l'habitude  de  manier 
le  protoxyde  d'azote  se  sont  évidemment  fait  des  points  de  repère 
qui  les  guident  pendant  l'anesthésie;  ces  points  de  repère  m'ont  sans 
■doute  échappé,  mais  l'impression  que  j'ai  gardée  de  la  séance  à 
laquelle  je  venais  d'assister  n'a  guère  été  engageante.  » 

Mais  aujourd'hui  ce  tableau  a  complètement  changé.  L'emploi  de 
protoxyde,  fabriqué  par  des  chimistes  experts  en  la  matière,  permet 
i'anesthésie  avec  un  gaz  absolument  pur.  Nous  savons,  en  outre,  que 
l'exclusion  totale  de  l'air  n'est  pas  la  condition  sine  qua  non  de 
l'anesthésie,  comme  on  le  croyait  alors.  Aussi  donne-t-on  couram- 
ment avec  le  protoxyde  une  certaine  quantité  d'air  atmosphérique 
ou  d'oxygène.  L'anesthésie  survient  sans  cyanose,  et  certes  le 
tableau  d'une  anesthésie  protoazotée  est  aujourd'hui  dépourvu  de 
tout  aspect  dramatique.  On  n'en  saurait  dire  autant  de  l'anesthésie 
«u  bromure  d'éthyle,  à  laquelle  ont  si  volontiers  recours  tant  de 
médecins. 

En  outre,  dans  les  cas  de  mort  que  Brouardel  citait,  il  ne  parlait 
pas  du  nombre  d'anesthésies  pratiquées.  Or  déjà  à  cette  époque  le 
nombre  de  ces  anesthésies  était  formidable  et  s'élevait  à  plusieurs 
millions.  Nous  avons  dit,  en  outre,  que  longtemps  ces  anesthésies 
avaient  été  faites  par  des  hommes  sans  aucune  instruction  médicale 
«t  avec  un  gaz  tout  à  fait  impur,  puisqu'ils  étaient  obligés  de  le 
fabriquer  eux-mêmes  avec  une  instrumentation  primitive  et  sans 
<iucun  contrôle  scientifique.  En  faisant  la  statistique  globale  de  tous 
les  accidents  et  de  toutes  les  anesthésies,  on  ne  trouverait  certaine- 
ment pas  un  cas  de  mort  sur  200000  narcoses.  Et  il  est  permis  d'ajouter 
<iu'avec  le  gaz  absolumentpur,  administré  avec  addition  d'oxygène  ou 
îl'air,  ce  pourcentagediminue  de  plus  en  plus.  Leprotoxyde  reste  donc 
l'agent  de  l'anesthésie  générale   de  beaucoup  le  moins  dangereux. 

C'est  donc  à  lui  qu'il  faudra  recourir  de  préférence;  vient  ensuite 
le  chlorure  d'éthyle,  qui,  malgré  son  innocuité  relative,  comptée  son 
^ctif  une  trentaine  de  cas  de  mort  sur  un  nombre  d'anesthésies  rela- 
tivement restreint.  En  troisième  lieu,  on  placera  le  bromure  d'éthyle, 
dont  les  laryngologistes  qui  en  font  surtout  usage  connaissent  bien 
le  danger. 


392  NOGUE.  —  ANESTHESIE. 

Ainsi,  quel  quil  soit,  l'agent  qui  détermine  l'anesthésie  générale 
peut  donner  la  mort.  Le  devoir  de  recourir  à  Tanesthésie  locale 
et  de  réserver  l'anesthésie  générale  pour  les  cas  exceptionnels  devient 
donc  impérieux  pour  le  stomatologiste  dans  sa  pratique  courante. 

Est-ce  à  dire  que  l'anesthésie  locale  n'ait  pas  également  ses  dan- 
gers? Non.  L'anesthésie  locale  compte  à  son  actif  quelques  cas  de 
mort,  mais  très  rares  el  dus  aux  doses  considérables  de  cocaïne 
administrées  au  début.  Depuis  que  notre  connaissance  de  cet  alca- 
loïde s'est  étendue  et  complétée,  les  accidents  sont  devenus  excessi- 
vement [rares.  En  outre,  la  chimie  a  mis  à  notre  disposition  des  pro- 
duits moins  toxiques,  donnant  des  résultats  anesthésiqueséquivalents. 
On  peut  donc  dire  que,  aujourd'hui,  maniés  avec  les  précautions 
nécessaires,  les  anesthésiques  locaux  ne  font  courir,  sauf  des  cas 
absolument  exceptionnels,  aucun  risque  de  mort.  Nous  avons 
donné  l'ordre  de  leur  classement  au  point  de  vue  de  leur  toxicité. 
Cette  toxicité  étant  connue,  les  doses  thérapeutiques  de  chacun 
d'eux  l'étant  également,  le  médecin  pourra  faire  un  choix  judi- 
cieux selon  l'état  de  son  malade,  son  sexe  ou  son  âge.  Mais,  dans 
l'administration  de  tout  médicament,  si  inoffensif  qu'il  paraisse, 
il  faut  toujours  songer  aux  idiosyncrasies  individuelles  et,  dans 
la  détermination  des  doses,  ne  jamais  se  départir  d'une  grande 
prudence. 

4°  L'opérateur  était-il  légfalement  autorisé  à  pratiquer 
l'anesthésie.  —  Au  sujet  des  docteurs  en  médecine,  il  n'y  a  aucune 
erreur  possible.  Tous  ont  le  droit  de  pratiquer  l'anesthésie.  Dans  les 
hôpitaux,  il  arrive  que  l'interne  soit  chargé  par  le  chef  de  service 
d'endormir  un  malade.  Des  accidents  étant  survenus  dans  ces 
circonstances,  les  internes  ont  été  mis  plusieurs  fois  en  cause  comme 
n'étant  pas  docteurs  en  médecine.  A  ce  propos,  Brouardel  demanda 
au  parlement  l'insertion  dans  la  loi  d'un  article  spécial  ainsi  conçu  : 
«  Les  internes  des  hôpitaux  et  hospices  français  nommés  au  concours 
et  munis  de  douze  inscriptions,  et  les  étudiants  en  médecine  dont  la 
scolarité  est  terminée,  peuvent  être  autorisés  à  exercer  la  médecine 
pendant  une  épidémie  et  à  titre  de  remplaçants  de  docteurs  en 
médecine  ou  d'officiers  de  santé. 

«  Cette  autorisation,  délivrée  par  le  préfet  du  département,  est 
limitée  à  trois  mois.  Elle  est  renouvelable  dans  les  mêmes  condi- 
tions. » 

A  Paris,  il  suffit  que  le  Préfet  de  la  Seine  appose  tous  les  trois 
mois  sa  signature  sur  la  liste  des  internes  des  hôpitaux  pour 
<iue  ceux-ci  aient  légalement   le   droit   de   donner  le   chloroforme. 

Quant  aux  dentistes,  depuis  la  loi  du  30  novembre  1892,  il  faut  les 
classer  en  deux  catégories  :  les  dentistes  patentés  et  les  chirurgiens- 
dentistes  diplômés  de  la  Faculté  de  médecine. 

Les  premiers    n'ont   le   droit    de    pratiquer   l'anesthésie  qu'avec 


ANESTHÉSIQUES  AU  POIKT  DE  VUE  MÉDICO-LÉGAL.         393 

Tassistance  d'un  docteur  en  médecine  ou  d'un  officier  de  sanlé  sous 
peine  de  poursuites  pour  exercice  illégal  de  l'art  dentaire. 

Ouant  au  chirurgien-dentiste,  il  a  le  droit  de  pratiquer  l'anesthé- 
sie  locale  aussi  bien  que  l'anesthésie  générale  seul,  c'est-à-dire  sans 
l'assistance  d'un  docteur  en  médecine.  Pour  si  paradoxale  que  puisse 
paraître  semblable  autorisation,  elle  a  cependant  été  inscrite  dans 
la  loi,  et  cela  grâce  aux  efforts  de  Brouardel.  Les  raisons  invoquées 
furent  les  suivantes  :  «  Le  gouvernement  pense  qu'il  y  a  avantage  à 
ce  que,  lorsque  les  dentistes  auront  reçu  cette  éducation  spéciale  qui 
se  terminera  par  l'obtention  d'un  brevet,  ils  puissent  accomplir  tous 
les  actes  de  leur  profession  sans  surveillance.  Il  nous  paraît  difficile 
de  les  leur  interdire,  puisque  nous  avons  demandé  qu'on  leur  donne 
l'instruction  qui  les  mette  à  même  d'exercer  seuls.  Ceux  qui  auront 
obtenu  le  brevet  pourront  anesthésier  d'après  le  projet  du  gouverne- 
ment. Ce  droit  ne  sera  pas  reconnu  à  ceux  qui  continueront  à  exercer 
parce  qu'ils  sont  actuellement  en  possession  du  titre  de  dentiste. 
Nous  avons  demandé  que  les  dentistes  fussent  obligés,  pour  pouvoir 
exercer,  de  faire  des  études  particulières  et  de  subir  des  examens. 
Pourquoi?  Précisément  pour  qu'ils  puissent  employer  les  substances 
toxiques  en  connaissant  leur  maniement,  pour  qu'ils  fussent  exercés 
à  pratiquer  l'anesthésie.  La  commission  du  Sénat  accorde  ce  que 
nous  demandons.  Mais  elle  dit  :  même  après  les  études,  les  dentistes 
ne  pourront  pas  pratiquer  l'anesthésie  générale.  Cela  coûtera  cher, 
et  les  personnes  qui  ne  seront  pas  riches  ne  seront  pas  mises  à 
l'abri  de  la  souffrance.  D'un  autre  côté,  on  tournera  la  loi  et 
nous  arriverons  aux  inconvénients  que  nous  voudrions  supprimer. 
Nous  demandons  que  les  dentistes  diplômés  puissent  pratiquer 
l'anesthésie  locale  ou  générale,  et  nous  mettrons  dans  le  programme 
d'enseignement  ce  qui  sera  nécessaire  pour  qu'ils  puissent  le  faire 
sans  danger,  et  par  l'examen  qu'ils  doivent  subir  ils  auront  à 
démontrer  qu'ils  ont  l'habitude  de  chloroformer,  de  cocaïner,  qu'ils 
connaissent  les  doses  à  employer.  » 

Ainsi  Brouardel  fit  adopter  ses  idées,  et  actuellement  la  loi  est 
formelle  :  le  chirurgien-dentiste  peut,  sans  l'assistance  d'un  docteur 
en  médecine,  pratiquer  l'anesthésie  générale.  Dans  un  commentaire 
de  cette  loi,  M.  Goret  fait  les  réflexions  suivantes  :  «  Mais  ce  droit 
du  chirurgien-dentiste  de  pratiquer  seul  touLe  espèce  d'anesthésie  se 
trouve  singulièrement  limité  dans  la  pratique.  Un  opérateur  doit  se 
rappeler  que,  dans  le  cas  d'accident  survenu  dans  le  cours  d'une 
anesthésie  générale  chez  un  dentiste,  le  juge  posera  de  multiples 
questions  au  médecin  légiste.  L'opération  justifiait-elle  l'emploi  des 
anesthésiques  généraux?  Remarquons  ici  qu'aux  yeux  de  la  magis- 
trature la  responsabilité  sera  plus  engagée  si  l'on  endort  quelqu'un 
pour  lui  extraire  une  dent  que  pour  enlever  un  sein. 

Le  dentiste  a-t-il  montré  les  connaissances  requises  pour  l'admi- 


394  KOGUE.  —  ANESTHESIE. 

nislration  des  anesthésiques  généraux  et  a-t-il  tenu  compte  des 
contre-indications?  Est-il  à  même,  par  une  instruction  technique, 
de  reconnaître  les  contre-indications  et  de  les  juger?  » 

Poser  ces  questions,  c'est  les  résoudre.  On  ne  sait  vraiment  à  quel 
mobile  a  pu  obéir  un  médecin  de  la  valeur  de  Brouardel  en  deman- 
dant cette  autorisation  pour  le  chirurgien-dentiste  de  pratiquer 
Tanesthésie  générale,  alors  que  le  Sénat,  avec  un  jugement  très  sur, 
voulait  la  lui  refuser.  Qui  ne  sait  que  ladministration  des  anesthé- 
siques généraux  demande  les  connaissances  les  plus  étendues  au 
point  de  vue  médical,  la  prudence  la  plus  grande  et  le  sang-froid  le 
plus  éprouvé?  Où  le  chirurgien-dentiste  apprendra-t-il  à  diagnostiquer 
les  affections  du  cœur,  du  poumon  ou  des  reins  qui  peuvent  être  des 
contre-indications  formelles  à  Tanesthésie?  Où  apprendra-t-il,  en  cas 
d'alerte  grave,  à  appliquer  d'urgence  la  médication  nécessaire? 
Gomment  sera-t-il  capable  de  pratiquer  la  trachéotomie  en  cas 
d'asphyxie  menaçante?  Seules  les  études  complètes  telles  que  les 
fait  le  docteur  en  médecine  pourraient  le  mettre  en  mesure  de  faire 
face  à  ces  redoutables  éventualités. 

Il  faut  donc  conseiller  au  chirurgien-dentiste  de  ne  pas  hésiter, 
quand  il  jugera  devoir  recourir  à  Tanesthésie  générale,  de  s'en 
remettre  complètement  à  l'expérience  d'un  médecin  habitué  à  la 
pratique  de  la  narcose. 

Quant  à  l'anesthésie  locale,  elle  est  de  son  domaine,  et,  avec  la 
connaissance  que  nous  avons  aujourd'hui  des  doses,  les  accidents 
peuvent  être  évités  en  prenant  les  précautions  dusage. 

Le  dentiste  patenté  est  tenu  à  ne  pratiquer  l'anesthésie  qu'avec 
l'assistance  d'un  docteur  en  médecine  ou  d'un  officier  de  santé. 
M.  Goret  pense  que  le  mot  d'assistance  veut  dire  présence  et  que  le 
dentiste  peut  lui-même  administrer  les  anesthésiques.  Nous  pensons 
que,  pris  dans  le  sens  médical ,  le  mot  assistance  ne  signifie  pas  simple 
présence,  mais  collaboration. 

D'ailleurs,  en  cas  d'accident,  le  médecin  engage  sa  responsabilité 
pénalement  et  civilement  au  même  litre  que  le  patenté.  En  réalité, 
c'est  le  médecin  qui  porterait  le  poids  de  toute  la  responsabilité. 
Aussi  mieux  vaut  ici  encore  que  ce  soit  lui-même  qui  administre 
l'aneslhésique. 

11  est  bon  de  rappeler  comment  les  choses  se  passaient  avant 
1892.  L'art  dentaire  a  été  libre  en  France  jusqu'en  1677.  A  cette 
époque,  Louis  XIV  rendit  un  édit  qui  soumettait  les  dentistes  à  cer- 
taines épreuves.  Ceux-là  seuls  qui  avaient  satisfait  à  ces  épreuves 
pouvaient  prendre  le  titre  de  dentiste  expert  (1). 

Durant  le  cours  du  xviii'^  siècle,  l'art  dentaire  fit  de  grands  pro- 
grès en  France.  La  réglementation  édictée  par  Louis  XIV  était 
bonne  :  elle  fut  imitée  en  Autriche  et  en  Allemagne. 

(li  BnoiAnnEi.,  loc.  cil.,  p.  190 


ANESTIIÉSIQUES  AU  POINT  DE  VUE  MÉDICO-LÉGAL.         :]95 

L'ôilit  de  Louis  XIV  fut  aboli  avec  les  loisqui  régissaient  la  médecine 
au  moment  de  la  Révolution.  Dans  la  loi  de  ventôse  an  XI,  qui  régle- 
mentait l'exercice  de  la  profession  médicale,  le  législateur  oublia  de 
mentionner  les  dentistes.  Aussi  Texercice  de  Tart  dentaire  ne  fut-il 
plus,  depuis  cette  époque,  contrarié  en  France  par  aucune  réglemen- 
tation. Était  dentiste  qui  voulait,  et  l'on  a  vu  jusqu'à  des  serruriers 
faillis  ouvrir  des  cabinets  de  dentistes.  La  liberté  d'extraire  ou  de 
plomber  les  dents  enlrainait-elle  le  droit,  bien  autrement  grave,  de 
pratiquer  l'anesthésie? 

En  fait,  il  faut  reconnaître  qu'un  grand  nombre  de  dentistes  la 
pratiquaient,  mais,  s'il  se  produisait  des  accidents,  il  y  avait  toujours 
une  enquête  judiciaire  qui  aboutissait  bien  souvent  à  une  condam- 
nation. 

A  Lille,  il  y  eut  un  dentiste  condamné  pour  avoir  pratiqué  chez  une 
jeune  fille  une  anesthésie  suivie  de  mort. 

A  Paris  même,  avant  que  la  loi  sur  l'exercice  de  la  médecine  n'ait 
été  votée  par  les  chambres,  il  y  avait  eu,  dans  un  grand  établissement 
de  dentistes,  un  accident  mortel.  Une  dame  était  morte  pendant 
l'anesthésie  :  le  procureur  de  la  République  intervint;  mais  le  mari 
déclara  ne  pas  déposer  de  plainte,  et  l'enquête  fut  arrêtée. 

L'année  suivante,  nouvel  accident,  non  suivi  de  mort,  mais  de 
troubles  graves.  Le  mari  de  la  patiente  déposa  une  plainte.  «  Je  fus 
chargé  de  l'enquête,  dit  Brouardel;  je  me  rendis  à  l'établissement 
indiqué,  et  j'entrai  successivement  dans  les  autres  cabinets,  où  je 
trouvais  les  clients,  les  uns  endormis,  les  autres  cocaïnés  entre  les 
mains  des  opérateurs.  Ces  opérateurs  étaient  au  nombre  de  15  ou  16. 
Aucun  d'eux  n'était  docteur.  Ils  étaient  anglais  ou  américains; 
après  quelques  hésitations,  ils  reconnurent  qu'ils  étaient  des 
stagiaires  du  Dental  London  HospitaL  Ils  avaient  passé  le  détroit  et 
étaient  venus  à  Paris  pour  faire  un  stage  qui  durait  trois  à  quatre 
mois.  Je  leur  demandai  le  nom  de  leur  directeur  ;  ils  ne  le  connais- 
saient pas;  je  finis  cependant  par  rencontrer  ce  directeur,  et  celui-ci 
me  dit  qu'un  médecin  était  attaché  à  l'établissement  et  qu'on  le 
prévenait  en  cas  d'accident  ;  ce  médecin  demeurait  aux  Ternes. 
L'accident  avait  donc  toutes  les  chances  pour  devenir  définitif  pen- 
dant que  ce  médecin  arrivait  des  Ternes  aux  environs  de  la  Tour 
Saint-Jacques.  Le  dentiste  fut  évidemment  condamné.   » 

Quant  à  l'affaire  Duchesne,  qui  fit  tant  de  bruit,  elle  survint  de  la 
façon  suivante:  Un  négociant,  ^I.  L...,  vint,  le  "25  novembre  1884, dans 
le  cabinet  de  Duchesne  pour  se  faire  extraire  une  dent.  Sur  sa 
demande,  il  fut  anesthésie  au  protoxyde  d'azote  et  succomba.  Devant 
le  commissaire  de  police,  Duchesne  affirma  que  le  docteur  était  pré- 
sent. C'était  faux;  Brouardel  et  le  P""  Pouchet  furent  commis  comme 
-experts,  Duchesne  fut  condamné. 

Il  est  bon  de  citer  ici  les  considérants  du  triiiunal. 


396  NOGUE.  —  ANESTHÉSIE. 

*<  Attendu  que,  dans  cette  opération,  Duchesne  a  eu  le  tort  de  ne 
pas  se  faire  assister  par  un  docteur  en  médecine; 

«  Qu'en  elîet  l'administration  du  protoxyde  d'azote  exige  chez 
l'opérateur  des  connaissances  physiologiques  sérieuses,  qui  lui  per- 
mettent d'examiner  au  préalable  et  avec  soin  l'état  des  organes  du 
sujet  qui  réclame  l'anesthésie  ; 

«  Que,  quelle  que  soit  l'expérience  du  prévenu,  expérience  qui  a 
pu  suffire  dans  la  plupart  des  cas,  mais  non  dans  tous,  ces  connais- 
sances spéciales  paraissent  faire  défaut  à  Duchesne,  qui  n'est  ni 
docteur  en  médecine,  ni  officier  de  santé,  bien  qu'il  prenne  fausse- 
ment la  qualité  de  médecin; 

«  Qu'un  examen  médical  approfondi  du  sieur  L...  était  d'autant  plus 
nécessaire  que,  d'après  son  propre  médecin,  c'était  un  homme  dont 
la  constitution  ne  permettait  pas  de  lui  faire  respirer  sans  danger 
une  substance  anesthésique; 

«  Attendu  que  Duchesne  a  si  bien  compris  sa  faute  que,  pour  se 
disculper,  il  s'est  hâté  d'affirmer,  contrairement  à  la  vérité,  comme 
il  l'a  plus  tard  avoué,  qu'il  s'était  fait  assister  d'un  docteur  en 
médecine; 

«  Attendu  que  l'un  des  experts  commis,  le  D""  Brouardel,  entendu  à 
l'audience,  estime  que,  pour  l'application  de  l'anesthésie,  deux  per- 
sonnes compétentes,  dont  l'une  au  moins  docteur  en  médecine,  sont 
nécessaires  et  que  c'est  une  imprudence  réelle  d'appliquer  l'anes- 
thésie, comme  l'a  fait  Duchesne,  sans  observer  ces  conditions; 

«  Que,  d'après  le  même  témoin,  c'était  dans  le  cas  particulier  une 
imprudence  spéciale  d'administrer  le  protoxyde  d'azote  au  sieur  L..., 
étant  donné  le  tempérament  de  ce  dernier,  qu'il  était  admissible  de 
pratiquer  sur  lui  ce  mode  d'anesthésie,  s'il  se  fût  agi  de  l'opérer  pour 
une  maladie  grave,  mais  non  pas  alors  qu'il  s'agissait  dune  pure 
opération  de  complaisance,  suivant  l'expression  du  témoin  lui-même; 
«  Attendu,  d'un  autre  côté,  que  si,  parmi  les  opérations  chirurgi- 
cales, l'extraction  d'une  dent  doit  être  considérée  comme  une  opé- 
ration généralement  sans  importance  et  qui,  exigeant  seulement 
une  certaine  habileté  de  main,  peut  sans  danger  être  confiée  à  un 
dentiste  quelconque,  même  non  diplômé,  il  n'en  est  pas  ainsi  quand 
cette  opération  est  accompagnée  d'anesthésie; 

«  Que  dans  ce  dernier  cas,  et  d'après  les  avis  des  experts,  elle 
appartient  sans  conteste  à  la  catégorie  des  grandes  opérations; 
«  Qu'à  ce  titre,  aux  termes  de  l'article  29  de  la  loi  du  19  ventôse 
an  XI,  les  officiers  de  santé,  à  plus  forte  raison  les  dentistes,  qui  ne 
possèdent  aucun  grade,  n'ont  le  droit  de  la  pratiquer  que  sous  la 
surveillance  et  l'inspection  d'un  docteur. 

«  Qu'il  en  résulte  encore  qu'une  telle  opération  est  une  contra- 
vention à  l'article  35  de  la  même  loi  qui  interdit  d'exercer  la  méde- 
cine ou  la  chirurgie  sans  diplôme  ; 


ANESTHÉSIQUES  AU  POINT  DE  VUE  MEDICO-LEGAL.         397 

«  Attendu  que  le  directeur  de  l'École  dentaire  de  Paris  nhésite 
pas  à  reconnaître  la  nécessité  de  Tintervenlion  d'un  docteur  dans 
l'applicaliou  faite  par  les  dentistes  des  procédés  aneslhésiques  ; 

«  Attendu  que,  dans  les  circonstances  de  la  cause,  il  n'est  pas  dou- 
teux pour  le  tribunal  que  la  faute  de  Duchesne  ait  occasionné  la 
mort  de  L...  ; 

«  Que  telles  sont  d'ailleurs  les  conclusions  du  rapport  des  experts, 
lesquelles  s'expriment  ainsi  :  «  On  doit  considérer  cette  anesthésie 
«  comme  ayant  déterminé  la  mort  »  ; 

«  Qu'ainsi  il  ressort  de  tout  ce  qui  précède  que  Duchesne,  au 
1"  novembre  1884,  à  Paris,  a  par  négligence  ou  inobservation  des 
règlements,  commis  involontairement  un  homicide  sur  la  personne 
de  L...,  délit  prévu  par  l'article  319  du  Code  pénal... 

«  Condamne,  etc..  (I).  » 

Quand  l'anesthésie  est  pratiquée  par  un  individu  non  diplômé  et 
non  inscrit  au  rôle  des  patentes  de  189'2,  et  sans  l'assistance  d'un 
médecin,  comment  se  caractérise  le  délit  commis,  et  dans  quelles 
conditions  tombe-l-il  sous  le  coup  de  la  loi?  Y  a-t-il  exercice  illégal 
de  l'art  dentaire  et  exercice  illégal  de  la  médecine  pour  pratique 
illicite  de  l'anesthésie? 

D'un  arrêt  de  la  cour  de  Rouen  (7  juillet  1904)  confirmant  un  juge- 
ment du  tribunal  de  cette  ville,  il  résulte  que  le  fait,  par  un  mécani- 
cien-dentiste, non  diplômé,  de  pratiquer  l'anesthésie  ne  constitue 
pas  un  délit  distinct,  —  délit  d'exercice  illégal  de  la  médecine,  —  de 
celui  d'exercice  illégal  de  l'art  dentaire. 

Le  fait  peut  être  taxé  avec  raison  de  paradoxal,  mais  les  juges,  tant 
de  première  que  de  seconde  instance,  ont  décidé  que  «  la  pratique 
i\e  l'anesthésie  pour  les  soins  à  donner  à  la  bouche  ne  saurait  être 
envisagée  que  comme  un  accessoire,  un  procédé  en  usage  dans  l'art 
dentaire  ;  qu'elle  doit  par  suite  avoir  le  même  caractère  que  les  faits 
d'exercice  de  l'art  dentaire.  »  Or,  le  délit  d'exercice  illégal,  qui  com- 
prend aussi  la  pratique  de  l'anesthésie,  étant  un  délit  d'habitude, 
les  tribunaux  ont  le  devoir  d'apprécier  souverainement  le  caractère 
habituel  ou  non  d'exercice  illégal  (2).  Les  premiers  juges  ayant 
déclaré  que  les  quatre  ou  cinq  faits  de  ce  genre  relevés  dans  l'espace 
d'une  année  dans  un  cabinet  relativement  bien  suivi  et  d'une  cer- 
taine importance  ne  sauraient  être  considérés  comme  constitutifs  de 
l'habitude,  qui  est  un  des  caractères  essentiels  du  délit  d'exercice 
illégal  de  l'art  dentaire,  la  Cour  de  Rouen  a  confirmé  le  jugement 
qui  acquittait  le  mécanicien-dentiste. 

On  arrive  ainsi  à  une  inconséquence  frappante,  c'est  qu'un  individu 
exerçant  illégalement  l'art  dentaire  et  pratiquant  l'anesthésie  sans 
l'assistance  d'un  médecin  se  trouve,  au  regard  de  la  loi,  dans  des 

(1)  Jugement  du  Tribunal  correctionnel  de  la  Seine,  audience  du  27  novembre  1885. 

(2)  Se:n.  méd. 


398  NOGUÉ.  —  ANESTHESIE. 

conditions  plus  favorables  qu'un  dentiste  autorisé  par  tolérance  à 
exercer  son  art. 

En  ce  qui  concerne  le  délit  d'exercice  illégal  de  la  médecine  pour 
pratique  illicite  de  l'anesthésie  dans  les  conditions  sus-indiquées,  il 
V  a  lieu  de  faire  remarquer  que  la  prévention  ayant  été  dirigée  dans 
l'espèce  par  le  syndicat  des  chirurgiens-dentistes  de  France,  la  Cour 
a  déclaré  que,  si  le  délit  constituait  un  délit  distinct  de  celui  d'exer- 
cice illégal  de  l'art  dentaire,  le  syndicat  des  chirurgiens-dentistes 
serait  sans  qualité  pour  exercer  des  poursuites.  Mais  il  nous  semble 
([ue  la  Cour  a  commis  ici  quelque  confusion,  puisque,  dans  le  cas  où 
l'anesthésie  est  pratiquée  par  un  dentiste  toléré,  ce  n'est,  aux  termes 
de  la  loi,  que  le  second  paragraphe  de  l'article  19  (usurpation  du 
titre  de  dentiste)  qui  est  applicable. 

Si  l'arrêt  de  la  Cour  est  bien  fondé  au  point  de  vue  juridique,  on 
aboutit  à  ce  paradoxe  que  la  loi  exige  l'assistance  du  médecin  toutes 
les  fois  qu'un  toléré  pratique  l'anesthésie,  mais  que,  lorsque  celui-ci 
ou  tout  autre  individu  non  diplômé  et  faisant  de  la  dentisterie  pra- 
tique l'anesthésie  sans  médecin,  il  n'y  a  pas  délit  d'exercice  illégal 
de  la  médecine.  A  quoi  sert  alors  la  présence  du  médecin?  Il  serait 
curieux  de  savoir  ce  qu'il  adviendrait  si,  dans  les  cas  de  ce  genre» 
la  poursuite  était  dirigée  par  un  syndicat  médical.  Le  législateur,  en 
exigeant  la  présence  du  médecin,  a  eu  certainement  ses  raisons,  et 
il  n'est  peut-être  pas  exact  de  considérer,  ainsi  que  l'ont  fait  le  Tri- 
bunal et  la  Cour  de  Rouen,  l'anesthésie  comme  un  simple  accessoire 
dans  l'art  dentaire.  Quoi  qu'il  en  soit,  c'est  un  point  qu'il  serait  bon 
de  faire  trancher  par  la  Cour  suprême. 


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Woch.,  no»  32  et  33,  1903). 

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sien  {Monatsber.  f.  Urol.,  1902). 

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let 1897. 
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Brown-Sequard. —  Recherches  expérimentales  sur  la  physiologie  et   la  pathologie 

des  capsules  surrénales  (C.  R.  Ac.  des  sciences,  25  août  et  8  sept.  1858; — Arch.  gén. 

de  méd.,  oct.  1858). 
Chevalier.  —  L'adrénaline  {Bull.  Soc.  dethér.,  1903,  n"  8,  p.  197). 
Elsberg.  —  Addition  d'adrénaline  aux  solutions  employées  pour  l'anesthésie  locale 

(Americ.  med.,  1"  mars  1902). 
Erlanger.  —  Thèse  de  Paris,  1903. 
EscAT.  —  Rev.  hebd.  de  laryngol.,  n"  22,  31  mai  1902,  et  Arch.  méd.  de  Toulouse,  1"  août 

1802. 
Fois   .  —  Presse  méd.,  2  5  mars  1903,  p.  24. 

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de  la  Soc.  de  biol.,  29  mai  1897). 

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LÉPiNE.  —  Lyon  méd.,  août  1902  ;  —  Sem.  méd.,  1903,  p.  53. 

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minary  report  {The  Therapeutic  Gazette,  15  avril  1901)  ;  —  The  Journal  of  the  Am. 

med.  Assoc,  18  janv.  1902,  et  Rev.  hebd.  de  laryng.,  n<>  13,  1902. 

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Soc,  16  juillet  1902  ;  —  Items  of  interest.,  1902,  p.  133;  —  Dental\  Cosmos,  p.  398. 

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1902). 
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Trivas.  —  L'adrénaline.  Thèse  de  Bordeaux,  1902. 


TABLE  DES  MATIÈRES 


ANESTHÉSIE,  par  le  D'  Nogué î 

I.  —  Historique 3- 

II.  —  Physiologie  de  la  douleur 10 

III.  —  Sommeil  naturel  et  sommeil  anesthésique 17 

IV.  —  Protoxyde  d'azote 2ft 

Action  physiologique  du  protoxyde  d'azole 26 

Anesthésie  par  le  protoxyde  d'azote  pur 37 

Anesthésie    par    le  protoxyde   d'azote   sous    pression.    Méthode    de 

Paul  Bert 4ï 

Anesthésie  par  le  protoxyde  d'azote  et  loxygène  à  la  pression  nor- 
male   46- 

Anesthésie  par  le  protoxvde  d'azote  et  l'air  atmosphérique 52 

Administration  du  protoxyde  d'azote  parla  voie  nasale 52 

Indications  et   contre-indications  du   protoxyde  d'azote.   Son   inno- 
cuité    53. 

Malades  réfractaires  à  l'anesthésie  protoazotée 57 

V.  —  Chlorure  d'éthyle 5!> 

Action  du  chlorure  d'éthyle  sur  L'organisme 59 

Instrumentation 62 

Technique  de  l'anesthésie  au  chlorure  d'éthyle 64 

Procédé  de  la  compresse 64 

Procédé  du   masque 66 

Avantages  et  inconvénients  du  chlorure  d'éthyle 6& 

VI.  —  Bromure  d'éthyle • 71 

Phyxiologie  du  bromure  d'éthyle 72 

Instrumentation 73 

Technique  de  l'anesthésie 74 

Méthode  des  doses  massives 74 

Méthode  des  doses  fractionr.ées 77 

Prophylaxie  des  accidents  broraéthyliques 79 

VII.  —  Éther  sulfurique 8» 

Action  de  l'éther  sur  l'organisme 86 

Administration   de  l'éther S2 

Technique  de  l'anesthésie  par  l'éther 85 

VIII.  —  Chloroforme sa 

Action  du  chloroforme  sur  l'organisme S* 

Technique  et  marche  de  l'anesthésie 91 

Instruments  divers.  —  Machines  à  anesthésier 92 

IX.  —   Narcose    par  mélanges   ou    combinaisons    de  divers    anesthé- 

siques 107 

X.  —  Administration  des  anesthésiques  par  d'autres  voies  que  la  voie 

bucco-nasale 113 

Anesthésie  par  la  voie  trachéale 1 13 

Anesthésie  par  la  voie  rectale 115. 


TABLE  DES  MATIÈRES.  409 

XI.  —  Narcose  générale  par    injection  intraveineuse   ou  sous  cutanée 

de  la  substance  anesthésique ]19 

Injeclion  intraieineuse  de  chloral 121 

Narcose  par  la  scopolamine  el  la  morphine 122 

XII.  —  Agents  anesthésiques  peu  employés 123 

XIII.  —  Anesthésie  générale  par  les  agents  physiques 125 

Anesthésie  par  le   magnétisme. . . , 125 

Anesthésie  (jénérale  par  la   lumière  bleue 127 

Sommeil  électrique 13<) 

-XIV.  —  Accidents  de  la  narcose 137 

^y-  —  Choix  des  anesthésiques  généraux  en  stomatologie 143 

^yi.  —  Anesthésie  locale 148 

I-    AnESTHKSIE    P.A.U    RÉFRIGÉRATION 149 

II-  —  Anesthésie  par  compression  et  divers  .\gents.  ...    158 

III-  —  Anesthésie  loc.\le  par  l'électricité Igj 

I^'-  —  Anesthésie  locale  par  injection  oe   liquides  dans  les  tissus J64 

Anesthésie  locale  par  injection  d'eau 164 

Anesthésie  par   injeclion    dans    les    tissus    de   médicaments  aneslhé- 

«'V"es Igg 

Cocaïne Igg 

Adrénaline 2]  2 

Association  de  l'adrénaline  avec  les  anesthésiques  locaux 223 

Tropacocaïne 226 

Holocaïne r,2() 

Alypine [[     229 

Eucaïne 235 

Stovaïne _  237 

Novocaïne 245 

Acoïne 252 

Chlorétone 254 

Aneson,  anésine..   255 

Orthofornie 255 

Nirvanine 255 

Anesthésine 257 

Nervocidine 259 

Sténocarpine 259 

Subcutine 259 

Mésonal 260 

Gaïacol 260 

Carbonate  de  gaïacol 263 

Gaïacyl 264 

Sulfate  de  spartéine 266 

Chlorhydrate  double  de  quinine  et  d'urée 266 

Préparations  spécialisées  de  cocaïne,  stovaïne,  novocaïne,  etc....     270 
Étude   comparée    des  divers   anesthésiques  locaux.  —  Choix  d'un 

anesthésique 271 

Instrumentation 279 

Technique 286 

Anesthésie  de  la  muqueuse 286 

Injection  gingivale 289 

Injection  sous-périostée 292 

Injection  intraligamenteuse 292 

Injection    diploïque 292 

Injection  distale 308 

Anesthésie  sectionnelle  ou  régionale 309 

Régies  générales  de  l'anesthésie  locale 342 

Anesthésie  de  la  dentine  et  de    la  pulpe , 344 

Projection  d'acide  carbonique 345 

Anesthésie  dentinaire  par  réfrigération 345 


410  NOGUE.  —  ANESTHESIE. 

Anesthésie  de  la  dentine  et  de  la  pulpe   par  application  directe 

des  anesthésiques 346 

Anesthésie  pulpaire  par  compression 347 

Anesthésie  de  la  dentine   et  de  la  pulpe  par  infdtration  denti- 

naire 352 

Anesthésie  de  la  dentine  et  de  la  pulpe  par  la  voie  gingivale. . .  354 

Anesthésie  de  la  pulpe  par  traumatisme  brusque 356 

Méthode  des  injections  distales  ou  interdentaires 358 

Méthode  des  injections  para-apicales 359 

Anesthésie  de  la  dentine  et  de   la   pulpe    par    la   méthode    des 

injections  diploïques 362 

Anesthésie    médullaire    ou    rachi-anesthésie 366 

Technique  de   Bier 366 

Méthode  de  Th.  Jonnesco 367 

L'administration  des  anesthésiques  au  point    de  vue  médico-légai 384 

1"  Toutes  les  précautions  ont-elles  été  prises? 386 

2°  Tous  les  soins  nécessaires  au  moment  de  l'accident  ont-ils  été 

donnés  ? 388 

3°  L'opération  justifiait-elle  l'emploi  des  anesthésiques"? 388 

40  L'opérateur  était-il  légalement  autorisé    à   pratiquer    l'anes- 

thésie  ? 392 

Bibliographie 399 


8919-09.  —  Corbeil.  hiiprimerie  Crété. 


Librairie   J.-B.   BAILLIÈRE  et   FILS,    19,   rue   Hautefeuille,   Paris 

Atlas=Manuel  de  Prothèse  Dentaire  et  Buccale 

Par    le    D'    PREISWERK 

Édition   française  par  le  D'   CHOMPPbT 

Dentiste  des  hôpitaux  de  Paris 

1907,  I  vol.  in-i6  de  430  pages,  avec  21  planches  c?:nprei:rat  50  figtircs  coloriées  et  362  figures 

dans  le  texte  dont  100  coloriées. 
Relié  maroc[uin  souple,  tête  dorée 1  °  "  • 

Encouragé  par  le  succès  de  son  Atlas-manuel  des  maladies  des  dents,  M.  Preiswerk  a  con- 
sacré un  autre  Atlas-Manuel  à  la  technique  dentaire. 

Voici  lui  aper(;u  des  matières  traitées  : 

Dents  à  pivot  :  Préparation  des  racines  pour  la  pose  des  dents  à  pivot  quand  la  pulpe  est 
eu  bon  état  ;  quand  la  pulpe  est  enflammée  ;  quand  la  pulpe  est  détruite  en  partie  ou  en  totalité 
tandis  que  le  périodoute  reste  sain.  Préparation  des  racines  en  cas  de  périodontite.  Préparation 
des  racines  profondément  cariées.  Préparation  de  la  base  de  la  racine.  Agrandissement  du  canal 
de  la  racine.  Traitement  des  racines  perforées.  Forme  et  fixation  des  pivots. 

Différents  systèmes  de  dents  a  pivot:  i"  Couronnes  à  pivots  séparés  :  A.  Couronnes  plates. 
Cotironne  plate  avec  pivot  et  plaque  radiculaire.  Couromie  plate  fixée  avec  de  l'étain,  de  la  por- 
celaine ou  du  caoutchouc.  Svstèmes  Gilbert,  .Smith,  Richmond,  Buttner,  Sachs,  I,ôw;  B.  Cou- 
ronnes spéciales.  Systèmes  Davis,  Bouwill,  Mountford,  How.  —  2°  Couronnes  à  pivots  fixes. 
Systèmes  Logan.  Robius,  Brown,  Richmond. 

Couronnes  en  or  :  Technique  des  couronnes  en  or.  Couronnes  en  or  à  face  triturante  coulée, 
à  face  triturante  en  amalgame,  à  face  triturante  en  émail.  Couronnes  en  or  avec  facette  en  émail. 
Couronnes  en  or  et  en  platine  indépendantes  avec  facettes  de  porcelaine  fondues.  Couronnes 
en  or  sans  soudure.  Réparation  des  couronnes  et  des  pivots. 

Bridges  :  Bridges  fixes.  Scellement.  Technique  générale.  Parties  de  bridges  entièrement 
coulées   en   or.    Ajustage   du   bridge,    pose. 

Différents  bridges  fixes  petits  et  grands  :  Bridges  suspendus  fixes.  Bridges  à  selle 
fixes. 

Bridges  fixes  spÉci.A.t'x  :  Svstèmes  Dalma,  Low,  Melotte.  Bourrage  du  caoutchouc.  Méthode 
de  moulage  de  \^'urderling  et"  Humm.  \'ulcanisation.  Réparation  du  dentier  brut  vulcanisé. 
Pose  du  dentier  achevé.  Réparation  des  pièces  en  caoutchouc. 

Préparation  des  dentiers  en  or  :  I.e  modèle.  Préparation  des  estampes  en  zinc  et  des  con- 
tre-estampes en  plomb  ou  en  étain.  Estampage  des  plaques  en  or.  Préparation  des  estampes 
en  alliages  fusibles  et  en  composition  de  Spence.  Articulation  des  plaques  en  or.  Ajustage 
des  crochets  à  la  plaque  en  or  et  pose  des  dents.  Association  de  l'or  et  du  caoutchouc.  Affinage 
des  pièces  en  or.  Pose  des  pièces  en  or.  Réparation  des  pièces  en  or.  Construction  des  appareils 
en  aluminium.  Dentiers  émaillés.  Dentiers  chéoplastiques.  Obturateurs  du  palais  après  interven- 
tion chirurgicale  pour  les  cas  qui  n'ont  pas  été  opérés.  Pièces  pour  le  maxillaire.  Appareil  pour 
corriger  la  rétraction  du  voile  du  palais. 

Orthopédie  :  Règles  pour  la  construction  des  appareils  de  redressement.  Orthothérapie  des 
anomalies  les  plus  fréquentes  des  dents  et  du  maxillaire.  Version  des  dents.  Position  d'une  dent 
en  dedans  ou  en  dehors  de  l'arcade  dentaire.  Rétention  et  demi-rétention  d'tme  dsnt.  Diastéma. 
Prognathisme.  Progénie.  Opistognathie  et  opistogérie^ 

Atlas-Manuel  des  Maladies  des  Dents 

Par   le    D-^   PREISWERK 
Édition  française  par  le    D'   CHOMPRET 

1905,  I  vol.  in-i6  de  360  pages,  avec  44  planches  coloriées  et  163  figures,  rehé  maroquin  souple, 
tête  dorée 10  fr. 

Ce  livre  contient  toutes  les  notions  indispensables  de  stomatologieetd'art  dentaire,  expliquées, 
conmientées  à  chaque  page  par  de  nombreuses  figures  en  noir  et  en  couleur  ;  cette  partie  icono- 
graphique, spécialement  remarquable,  repose  entièrement  sur  des  documents  photographiques 
dont  l'exactitude  ne  peut  être  contestée.  _  , 

Cet  Atlas-Manuel  constitue  ime  innovation  des  plus  heureuse  comme  méthode  d  enseigne- 
ment par  les  yeux.  I,es  planches  sont  merveilleuses  d'exécution. 

Voici  un  aperçu  des  matières  traitées  : 

Anatomie  comparée  de  la  dentition.  Histologie,  Physiologie,  Bactériologie.  Maladies  de  la 
Bouche.  Tumeiu-s  de  la  cavité  buccale.  Fractures  de  la  mâchoire  inférieure  et  supérieure.  Luxa- 
tions de  la  mâchoire  inférieure.  Empvème  du  sinus  maxillaire,  fissures  acquises  ou  congénitales 
de  la  face.  Anomalies  des  dents  et  de  la  mâchoire.  Dépôts  dentaires.  Imperfections  congénitales 
ou  acquises  des  substances  dures  dentaires.  Carie  dentaire.  Thérapeutique  des  imperfections 
dentaires.  Plombage  des  dents.  Techniqtie  de  l'obturation.  Maladies  de  la  pulpe.  Maladies  alveo- 
lo-dentaires  (périodontite).  Extractions  des  dents.  Anesthésiques.  Préparation  de  la  bouche  pour 
les  dents  artificielles. 

ENVOI     FRANCO     CONTRE      UN     M.\NUAT      POSTAL 


Librairie  J-B.   BAILLIÈRE  et  FILS,   19,   rue  Hautefeuille,   Paris 

Atlas=Manuel  des  Maladies  de  la  Bouche 

Par   le    D'    QRUNWALD 
Édition   française  par  le    D'   G.    LAURENS 

1903,  I  vol.  in-i6  de  200  pages,  avec  42  planches  coloriées  et  41  figures,  relié  maroquin  souple, 

tête  dorée 14  fr. 

Le  lecteur  étudiant  ou  praticien,  trouvera  dans  cet  Atlas-Manuel  tout  ce  qu'il  lui  est  utile  de 
savoir  en  rhinologie  et  en  stomatologie. 

I^  partie  iconographique  est  très  intéressante,  car  en  regard  de  chaque  planche  une  courte 
description  de  la  lésion  anatomique  réalise  une  véritable  observation  clinique,  très  précise. 
1,' Atlas,  à  lui  seul,  peut  former  un  résumé  concis  de  la  pathologie  naso-sinusale  et  bucco-pharjm- 
gée. 

Voici  un  aperçu  des  matières  qui  y  sont  traitées  : 

Anatomie  et  physiologie,  pathologie,  sémiologie  et  thérapeutique  générales.  Pathologie  et 
thérapeutiques  spéciales.  ISIaladies  aiguës,  formes  idiopathiques,  formes  symptomatiques  et 
associées.  Maladies  chroniques,  affections  diffuses  et  localisées,  formes  symptomatiques,  affec- 
tions de  l'anneau  lymphatitiue  du  pharynx,  néoplasmes,  rhino  et  pharyngopathies  dans  les  mala- 
dies générales,  troubles  neuro-mu'iculaires,  lésio  1?  traumatiques,  corps  étrangers,  malformations. 

Traité  de  FAnesthésie  générale  et  locale 

Par   le   professeur   D"^   F.-L.    DUMONT 

et   le  D''  F.  CATHELIN,  .\ncien  Chef  de  clinique  de  la  Faculté  de  médecine  de  Paris. 
1904, 1  vol.  in-8  de  380  pages,  avec  180  figures 8  fr. 

Préparation  et  position  du  malade.  Accidents.  Choix  de  l'anesthésique.  Instruments.  Art 
d'anesthésier. 

Anesthésie  génér.'vi.e.  —  Éther,  chloroforme,  protoxyd:  d'azote,  chlorure  d'éthyle,  bro- 
mure d'éthyle,  pental,  chloral,  alcool,  acide  carbonique,  hypnose  et  électricité,  Narcoses  par 
mélanges.  —  Anesthésie  médullaire.  —  Injections  sous-arachnoïdiennes.  Injections  épi- 
dur  aies. 

Anesthésie  loc.'^le.  —  Par  compression,  par  le  froid,  par  mélanges  réfrigérants,  par  pulvé- 
risation de  liquides.  Brométhyle.  Chlorure  de  méthyle.  Chlorure  d'éthyle.  Coryl.  Anesthésie. 
Météthyle.  Acide  carbonique,  acide  phénique. 

Anesthésie  locale  par  l'emploi  de  médicaments.  Cocaïne.  Tropacocaïne.  Eucaïne.  Acome. 
Holocaïne.  Anésine.  Orthoforme.  Xirvanine.  Anesthésine.  Subcutine.  Sténocarpine.  Nerrocidine. 
Parésine.  ^ ^_^^ 

Manuel  du  Chirurgien=Dentiste 

Publié  sous  la  direction  du   D''  Ch.    GODON,  Directeur  de  1  École  dentaire  de  Paris. 

Avec  la  collaboration  de  MM.  les  û^^  L.  FREY,  FRITE  AU,  LEMERLE, 

MARIÉ.     MARIE,     MARTINIER,     MASSON,     ROY,     SAUVEZ,     WICART. 

9  volumes  in- 18  de  300  pages,  avec  figures. 

Chaque   volume,    cartonné 3  fr. 

Notions  de  Chimie,  de  Physique,  de  Mécanique  et  de  Métallurgie  dentaires,  par 

MM.  Cousin  et  Serres,  professeurs  à  l'école  dentaire  de  Paris.  1910,  i  vol.  in-i8,  cart.     3  fr. 
Notions  générales  d'Anatomie,  d'Histologie  et  de  Physiologie,  à  l'usage  des  den- 
tistes, par  le  D''  M.\rié.  iqgo,  i  vol.  in-i8  cart 3  fr. 

Notions  générales  de  Pathologie,  à  l'usage  des  dentistes,  par  le  D'  Marié.  1900,  i  vol. 

in-i8  de  272  p.,  avec  fig.,  cart 3  ^^■ 

Anatomie  et  Physiologie  de  la  Bouche  et  des  Dents,  par  les  D"  Sauvez,  Wicart 

et  I^emerle.  2*=  édition.  1905,  i  vol.  in-i8,  avec  figures,  cartonné 3  fr. 

Pathologie   des   Dents  et  de  la  Bouche,  par  les  D"  i^éon  Frey  et  G.  i^emerle. 

s''  édition.  1910,  i  vol.  in-i8  de  398  pages,  avec  54  figures,  cartonné 3  fr. 

Thérapeutique  de  la  Bouche  et  des  Dents,  par  le  D'  M.  Roy,  3«  édition.  1910,  i  vol. 

in-18  de  320  pages,  cart 3  fr- 

Clinique  des  Maladies  de  la  Bouche  et  des  Dents,  par  les  D"  Ch.  Godon  et  Fmteatj. 

2«  édition,  1905,  i  vol.  in-18  avec  fig.  cart 3  ^• 

Dentisterie  opératoire,  par  les  D^^  Godon  et  Masson.  2«  édition.  1906,  i  vol.  in-18  avec 

fig.  cart 3  f"^- 

Clinique  de  Prothèse  et  Orthodontie,  par  le  D"^  Ch.  Martinier.  3<=  édition,  1910.  i  vol. 

in-18  de  350  p.,  avec  50  fig.,  cart 3  iJ"- 

Hn  créant  un  diplôme  officiel  de  cliirurgien- dentiste,  la  loi  oblige  cetix  qui  veulent  exercer  la 
profession  de  chirurgien-dentiste  à  des  études  spéciales  et  à  des  examens  déterminés.  M.  Godon 
a  pensé  répondre  à  un  besoin  des  élèves  autant  qu'à  tm  désir  des  professeurs  en  rétmissant,  sous 
une  forme  facilement  assimilable,  toutes  les  matières  qui  font  officiellement  partie  de  l'étudiant 
dentiste  et  sont  exigibles  aux  examens.  

K.NVOl     KHANCO     CONTHE     IN     M  A  N  D  .\  T     POSTAL 


LIBRAIRIE  J.-B.  BAILLIÉRE  et  FILS.  19,  rue  Hautefeuille,  à  Paris 

NOUVEAU 

TRAITÉ  DE  MÉDECINE 

Publié  en  fascicules 

SOLS    LA    DIRECTION    DK    UM. 

A.   GILBERT  L.  THOINOT 

Professeur  à  la  Faculté  de  Médecine  de  Paris  Professeur  à  la  Faculté  de  Médecine  de  Paris 

Médecin  de  l'hôpital  Broussais  •  Médecin  de  l'hôpital  l.aennec 

Membie  de  l'Académie  de  Médecine  Membre  de  l'Académie  de    Médecine. 

1.  Maladies  microbiennes  en  général.  Ce  tirage  (272  p.,  75fig.).       6  fr.     » 

2.  Fièvres  éruptives,  4^  tirage  (255  pages,  8  fig.) 4  fr,     » 

3.  Fièvre  typhoïde    et    Infections    paralifphoïdes,  6®  tirage 

(300  pages,  1(3  iig .  ) '. 6  fr.     » 

4.  Maladies  parasitaires,  2e  tirage  (566  p.,  81  fig.) 10  fr.     » 

5.  Paludisme  et  Tri/panosomiase,  4e  tirage  (124  p.,  13  fig.)-  2  fr.  50 

6.  Maladies  exotiques,  3-  tirage  (440  pages,  29  figures)....  8  fr.     » 

7.  Maladies  vénérietmes,  A.^  tirage  (318  pages,  20  fig.) 6  fr.     » 

8.  Rlmmatismes,  b'  tirage  (164  p.,  18  fig.) 3  fr.  50 

9.  Grippe,  Coqueluche,  Oreillons, Diphtérie,  4^  tirage  (172p.).  3  fr.  5o 

10.  iStreplococcie,  ^taphi/lococcie,  Pneumococcie,  3"  tirage. . .       3  fr.  50 

11.  Intoxications,  2°  tirage  (352  pages,  6  fig.) 6  fr.     » 

12.  Maladies  de  la  nutrition  (diabète,  goutte,  obésité) 7  fr.     » 

13.  Cancer  (662  pages  et  180  fig.) 12  fr.     » 

14.  Maladies  de  la  peau  (508  pages  et  180  fig.) 10  fr.     » 

15.  Maladies  de  la  Bouche,  du  Pharynx  et  de  l'Œsophage. ...       5  fr.     » 

16.  Maladies  de  rEslomac. 

17.  Maladies  de  rintestin,  2°  tirage  (501  pages,  79  fig.) 9  fr.     » 

18.  Maladies  du  Péritoine  (324  p.) 5  fr.     « 

19.  Maladies  du  Foie  et  de  la  Baie. 

20.  Maladies  des  Glandes  Salivaires  et  du  Pancréas 7  fr.     » 

21.  MaladJëslles  Beins  (462  p.,  76  fig.) 9  fr.     » 

22.  Maladies  des  Organes génito-iirinaires  (458  p.,  67  fig.). . .       8  fr.     » 

23.  Maladies  du  CœiïF. 

24.  Maladies  des  Artères  et  de  l'Aorte  (472  p.,  63  fig.) 8  fr.     » 

25.  Maladies  des   Veines  et  des  Lymphatiques 4  fr.     » 

26.  Maladies  du  !Sang. 

27.  Maladies  du  Nez  et  du  Larynx  (277  p. ,  65  fig.) 5  fr.     » 

28.  Sémiologie  de  l'Appareil  respiratoire  (176  p.,  93  fig.) 4  fr.     >» 

29.  Maladies  des  Poumons  et  des  Bronches  (860  p.,  50  fig.)..      16  fr.     » 

30.  Maladies  des  Plèvres  et  du  Médiastin. 

31.  Sémiologie  nerveuse  (620  p.,  122  fig.) 12  fr.     » 

32.  Maladies  de  CLncéphale. 

33.  Maladies  mentales. 

34.  Maladies  des  Méninges. 

35.  Maladies  de  la  Moelle  épinière  (839  p.,  420  fig.) 16  fr.     »» 

36.  Maladies  des  Nerfs  périphériques. 

37.  Névroses. 

38.  Maladies  des  Muscles  (170  p.) 5  fr.     »» 

39.  Maladies  des  Os. 

40.  Maladies  du  Corps  thyroïde  et  des  Capsules  surrénales. 

CHAQUE    FASCICULE    SE     VEND    SÉPARÉMENT 

Chaque  fascicule  se  vend  égaiement  cartonné,  avec  une  augmentation  de  1  fr.  50  pai-  fasc- 
Les  fascicules  parus  sont  soulignés  d'un  trait  noir. 


Librairie  J.-B.  BAILLIÉRE  et  FILS,  19,  rue  Hautefeuille,  PARIS 
NOUVEAU 

TRAITÉ  DE  CHIRURGIE 

Publié  en  fascicules 

sous    LÀ    DIRECTION    DE 

•     A.    LE   DENTU  PIERRE  DELBET 

Professeur  à  la  Faculté  de  Médecine  de  Paris  Professeur  à  la  Faculté  de  Médecine  de  Paris 

Membre  de  l'Académie  de  Médecine.  Chirurgien  de  Thôpital  Necker. 

1.  Grands  processus  morbides  [traumatismes,  infections,  troubles 

vasculaires    et    trophiques,     cicatrices]     (Pierre     Delbet, 
Chevassu,  Schvvartz,  Veau) 10  fr.     » 

2.  Néoplasmes  (Pierre  Delbet). 

3.  Maladies  chirurgicales  de  la  peau  (J.-L.  Faure) 3  fr.     » 

4.  Fractures  (Tanton). 

5.  Maladies  des  Os  (P.  Mauclaire) 6  fr.     » 

6.  Lésions  traumatigues  des  Arliculalions,'  plaies,  entorses,  luxa- 

tions] (Cahier) , . . . .       6  fr.     » 

7.  Maladies  des  Arfir.u/afions  [lésions  inllammatoires,  ankyloses  et 

néoplasmes]  (P.  Mauclaire)  [Troubles  trophiques  et  corps 
étrangers]  (Dujarrier) 6  fr.     » 

8.  Arthriles  tuberculeuses  (Gangolphe) 5  fr,     » 

9.  Maladies    des  Muscles,   Aponévroses,  Tendons,    Tissus  périlen- 

dineux,  Bourses  séreuses  (Ombrédanne) 4  (V.  » 

10.  Maladies  des  Nerfs  (Cunéo) 4  fr.  » 

11.  Maladies  des  Artères  (Pierre  Delbet  et  Pierre  Mocouot).  .  .  8  fr.  » 

12.  Maladies    des    Veines    (Launay).    Maladies    des   Lymphatiques 

(H.  Brodierj ï 5  fr.     » 

13.  Maladies  du  Crâne  et  de  l'Encéphale  (Auvray) 10  fr.     » 

14.  Maladies  du  Hachis  et  de  la  Moelle  (Auvray  et  Mouchetj. 

15.  Maladies  chirurgicales  de  la  face   (Le   Dentu    et   Morestin). 

Névralgies  faciales  (P.  Delbet  et  Chevassu) 8  fr.  » 

16.  Maladies  des  Mâchoires  (Ombrédanne) 5  fr,  » 

17.  Maladies  de  VOEU  (A.  Terson)   (400  p.,  142  fig,). 8  fr.  » 

18.  Oto-Iihino-Larifngologie  (Castex  et   Lubet-Barbon)    (601   p., 

215  iig.).....' '. 12  fr.     » 

19.  Maladies  de  la  Bouche,  du  Pharynx  et   des  Glandes  salivaires 

(Cauchoix).  Maladies  de  l'OEsophage  (Gangolphe). 

20.  Maladies  du  Corps  thyroïde  (Bérard) 8  fr.     » 

21.  Maladies  du  Cou  (Arrou  et  Frédet). 

22.  Maladies  de  la  l^oilrine   (Souligoux) 6  fr.     » 

23.  Maladies  de  la  Mamelle  (Baumgartner). 

24.  Maladies  de  V Abdomen  (A.  Guinard). ; 12  fr.     » 

25 .  Hernies  (Jaboulay  et  Patel) 8  fr.     » 

26.  Maladies  du  Mésentère,  du  Pancréas  et  delà  Raie  {Chavannaz  et 

Guyot). 

27.  Maladies  du  Foie  et  des  Voies  biliaires  (J.-L.  Faure  et  Labey).       6  fr.     » 

28.  Maladies  de  l'Anus  et  du  Jiectum  (Pierre  Delbet). 

29.  Maladies  du  Rein  et  de  l'Uretère  (Albarran  et    Heitz-Bovft!). 

30.  Maladies  de  la  Vessie  et  du  Pénis  (F.  Legueu  et  E.  Michon). 

31.  Maladies  de  F  Urètre,  de  la  Prostate  (Albarran  et  Legueu). 

32.  Maladies  des  Bourses  et  du  Testicule  (P.  Sebileau). 

33.  Maladies  des  Membres  (P.  Mauclaire). 


CHAQUE    FASCICULE    SE     VEND    SEPAREMENT 

Cba([ue  fascicule  se  vend  également  cartonné,  avec  une  augmentation  de  1  tV.  50  parfasc. 
Les  fascicules  parus  sont  soulignés  d'un  trait  noir. 


LIBRAIRIE  J.-B.  BAILLIËRE  et  FILS,  19,  rue  Hautefeuille,  à  Paris 

TRAITÉ     D'HYGIÈNE 

Publié  en  fascicules 

sous   LA    DIRECTION    DE   MM. 

A.  CHANTEMESSE  E.   MOSNY 

PROFESSEUR  D'HYGIÉNE  MÉDECIN 

*  LA  FACULTÉ    DK  MÉDECINE    DE    PARIS  R)      ©      ffi  "  "     LHÔPITAL      S  A  I N  T  -  A  N  TOI  NI 

MEMBRE  DE  L' ACADÉMIE  DE    MÉDECINE  MEMBRE     DE     L' ACADÉMIE     DE     MÉDECIN» 

Avec  la  Collaboration  de  MM. 

ACHALME.  —  ALLIOT.  —  ANTHONY.  —  BLUZET.  —  BONJEAN.  —  BOREL.  — 
BOULAY.  —  BROUARDEL.  —  CALMETTE.  —  CHANTEMESSE.  —  CLARAC.  — 
COURMONT(J.).  —  COURTOIS-SUFFIT.  —  DOPTER.  —  DUCHATEAU.  —  DUPRÉ.  — 
FONTOYNONT.  —  GENÉVRIER.  -  IMBEAUX.  —  JAN.  —  JEANSELME.  —  KERMOR- 
GANT.   —   LAFEUILLE.  —  LAUNAY  (DE).  -  LECLERG  DE  PULLIGNY.   —  LESIEUR. 

—  LEVY-SIRUGUE.  —  MARCH.  —  MARCHOUX.  —  MARTEL.  —  MARTIN.  —  MORAX. 

—  MÉRY.  —  MOSNY.  —  NOC.  —  OGIER.  —  PIETTRE.  —  PLANTE.  —  POITTEVIN.  — 
PUTZEYS.  E.  —  PUTZEYS.  F.  —  REY.    -  RIBIERRE.  —   ROLANTS.  —  ROUGET.    — 

SERGENT.  —  SIMOND.  —  THOINOT.  —  WIDAL.  —  WURTZ. 


1.  Atmosphère  et  climats,  par  les  D"  Courmont  et  Lesieur.  124  pages, 

avec  27  ligures  et  2  planches  coloriées 3  fr.    » 

2.  Le  sol  et  l'eau,    par  M.   de   Launay,  E.   Martel,  Ogier   et  BoNJEA^. 

460  pages,  avec  80  figures  et  2  planches  coloriées 10  fr.    » 

3.  Hygiène  indioiduelle,    par    A?<tiiony,    Brouardel,     Dupré,    Ribierre, 

BouLAY,  MoRAX  ct  Lafeuille.  300  pages  avec  38  figures 6  fr.    » 

4.  Hygièns  alimentaire,  par  les  D"  Rouget  et  Ûopter.  320  pages 6  fr.    » 

5.  Hygiène  de  l' habitation 

6.  Hygiène  scolaire 16  fr.    » 

7.  Hygiène  industrielle,  par  Leclerc   de    Pulligny,    Boullin,    Courtois- 

SuFFiT,  Levy-Sirugue  et  Courmont.  612  pages,  85  figures 12  fr.     »> 

8.  Hygiène  hospitalière,  par  le  D""  L.  Martin,  255  pages  avec  44  figures. ..    6  fr.     » 

9.  Hygiène  militaire,  par  les  D"  Rouget  et  Dopter.  348  p.  avec  69  flg 7  fr.  50 

10.  Hygiène  naoale,   par  les  D"   Duchateau,  Jan  et  Planté.  356   pages, 

avec  38  figures  et  3  planches  coloriées 7  fr.  50 

11.  Hygiène    coloniale,   par   Wurtz,  Sergent,  Fontoynont,  Glarac,    Mar- 

CHOux,  SiMOND,  Kermorgant,  Noc,  Alliot.  530  pages  avec  figures 

et  planches  coloriées 12  fr.    » 

12.  Hygiène  générale  de  villes  et  des  agglomérations  communales 12  fr.    » 

13.  Hygiène  rurale,  par  Imbeaux  et  Rolants 6  fr.    u 

14.  Approoisionnement  communal,  Eaux  potables,  Abattoirs,  Marchés,  par 

E.  et  F.  Putzeys  et  Piettre.  463  pages,  129  figures 10  fr.    » 

15.  É goûts,   Vidanges,  Ordures  ménagères,    Cimetières,  par  Calmette, 

Imbeaux,  Potievin.  56«  pages,  268  figures 14  fr.     » 

16.  Etiologie  générale 

17.  Etiologie  et  Prophylaxie  des  maladies  transmissibles  par  la  peau,  par 

AcHALME,  Sergent,  Marchoux,  Simond,  ïhoinot,  Ribierre,  Levauht, 
Jeanselme,  Mouchotte.  720  pages,  200  figures 16  fr.    » 

18.  Etiologie  et  prophylaxie  spéciales 

19.  Administration  sanitaire 

20.  Hygiène  sociale 

CHAQUE  FASCICULE  SE  VEND  SÉPARÉMENT 

Chaque  faocicule  se  vend  également  cartonné  avec  un  supplément  de  1  fr.  50  par  fascicule. 
Les  faselcules  parus  sont  soulignés  d'un  trait  noir. 


Librairie    J.-B.    BAILLIÈRE,    ET    FILS    19,    rue    Hautefeuille,    PARIS 


LA    PRATIQUE 

DES 


Maladies  des  Enfants 

DIAGNOSTIC   et    THÉRAPEUTIQUE 

Publiée  en  fascicules 


APERT,  ARMAND  DELILLE,  AVIRAQNET,    BARBIER,  BROCA,    CASTAIGNE,  FARGIN- 

FAYOLLE,  QÉNÉVRIER,  QRENET,  GUILLEMOT,  GUINON,   CUISEZ,  HALLE,  MARFAN, 

MÉRY,  MOLCHET,  SIMON,  TERRIEN,  ZUBER 

Professeur,  Professeurs  agrégés,  médecins  des  hôpitaux,  anciens   internes  des  hôpitaux  de  Paris, 

ANDÉRODIAS,  CRUCHET,  DENUCÉ,  MOUSSOUS,  ROCAZ 

Professeur,  professeurs  agrégés,  médecins  des  hôpitaux  de  Bordeaux. 

NOVÉ-JOSSERAND,  WEILL,  PÉHU 

Professeurs  à  la  Faculté  de  médecine  de  Lyon.  ^Médecin  des  hôpitaux  de  Lyon. 

CARRIÈRE,  FRŒLICH,  HAUSHALTER 

Professeurs  aux  Facultés  de  Lille  et  de  Nancy. 

DALOUS,   LEENHARDT 

Professeurs  agrégés  aux  Facultés  de  Toulouse  et  de  Montpellier. 

AUDEOUD,  BOURDILLON  DELCOURT 

Privât  docents  de  la  Faculté  de  Genève.  Agrégé  à  la  Faculté  de  médecine  de  Bruxelles. 


SECRÉTAIRE    DE     LA    RÉDACTION 

R.   CRUCHET 

Professeur  agrégé  à  la  Faculté  de  médecine  de  Bordeaux. 


8  volumes  in-8  de  chacun  500  pag-es  avec  fig-ures. 

I.    Introduction  à  la  Médecine  des  Enfants,  par  les  D'^   Marfan,   Andé- 

BOLiAS,  Cruchet.  I  vol.  gf.  in-8  de  480   pages,  avec  100  figures 10  fr. 

II.     Maladies  du  tube  digestif  (482  pag;s,  89    figures 12  fr. 

m.    Maladies  de  l'appendice  et  du  Péritoine,  du  Foie,  des  Reins,  du  Sang, 

des  Ganglions  et  de  la  Kate  [bôb  pages,    ii8  figures) 12  fr. 

IV.    Maladies  duCxur  et  des  Vaisseaux,  au  Nez,  du  Larynx,  des  Bronches 

et  des  Poumons ^^  f""- 

V.    Maladies  du  Système  nerveux,  des  Os  et  des  Articulations. 
VI.    Maladies  de  la  Peau  et  Fièvres  érnptives. 

Vil.    Chirurgie  des  Enfants 14  fr. 

VIIl.    Chirurgie  osseuse  et  Ortho.éiie 

CHAQUE  FASCICULE  SE  VEND  SÉPARÉMENT 

Chaque  fascicule  se  vind  également  cartonné  av  c  un  supplùnent  de  /  fr.  5o  par  fasc. 

Les  fascicules  parus  sont  soulignés  d'un  trait  noir. 


Librairie  J.-B.  BAILLIÈRE  et  FILS,  19,  rue  Hautefeuille,  à  Paris. 

Traité  de  Stomatologie 

Publié  en  fascicules 

sous    LA    DIRECTION    D IC 

G.    GAILLARD    et    R.     NOGUÉ 

Dentistes  des  Hôpitaux  de  Paris. 

10  fascicules  grand  in-8  de  3oo  à  5oo  pages  avec  figures. 
J.  Anatomie  de  la  Bouche  el  des  Dents,  par  les  D"  Dieulafé 

et  Herpin  (180  pa<<es,  49  fig-ures) G  fr.     » 

2.  Phijsiologie,  Bactériologie,  Malformations  et  Anomalies  de 

la  Bouche  et  des  Dents,  Accidents  de  Dentition,  par  les 
D"  GuiBAUD,  NoGuÉ,  Besson,  Dieulafé,  Herpin,  Baudet, 
Fargin-Fayolle  (3-2-2  pages,  "217  figures) 10  fr.     » 

3.  Maladies  des  Dents  et  Carie  dentaire,  par  les  D"  Dieulafé, 

Herpin  et  Nogué 

i.  Dentisterie  opératoire,  parles  D"Guibaud,  Fargin-Fayolle, 
Mahé,  Nespoulous,  Nogué 

5.  Affections  paradentaires,    par    les    D*"*    Fargin-Fayolle, 

GuiBAUD,  KoEMG,  Gaumerais,  E.   Maurel,  Lebedlnsky, 

L.  MoMER,  Terson,  PiETKiEwicz,  Mahé(500  p.  avec  fig-.).     12  fr.     » 

6.  Anesthésie,  par  le  D'  Nogué  (2.50  pages) 

7.  Maladies  de  la  Bouche,  par  le  D""  L.  Fournier 

S.  Maladies  chirurgicales  de  la  Bouche  et  des  maxillaires,  par 

les    U""'    DiELLAiiJ,    Herpin,    Duval,    Bréchot,   Baudet 

(420  pages,  240  ligures) 12  fr.     » 

9.   Orthodontie,  Radiologie,  par  les  D''"  Gaillard  et  Belot.  . 
10.  Prothèse  bucco-dentaire  et  faciale,  par  le  D''  Gaillard.    . . 

TRAITÉ 

de  Pathologie  exotique 

CLINIQUE  ET  THÉRAPEUTIQUE 

Publié  en  fascicules 

sous    LA    DIRECTION    DE 

Ch.    GRALL  ET  CLARAC 

Médecin  inspecteur  du  service  de  santé  1  Directeur  de  l'Ecole  d'.\pplication 

des  Troupes  coloniales.  I    du    service   de   santé   des    Troupes    coloniales. 

8  fascicules  grand  in-8  de  25o  à  35o  pages  avec  figures 

1.  Paludisme  (565  pages,  140  figures) 12  fr.     » 

2.  Parapaludisme  et  Fièvres  des  pags  chauds  (3iO  p.,  25  (ig.  .       8  fr.     » 

3.  Fièvre  Jaune,  Peste,  Choléra 

4.  Maladies  exotiques  de  l'Appareil  digestif 

5.  Intoxications  et  Empoisonnements,  Béribéri 12  fr.     » 

6.  Maladies  parasitaires  exotiques 

7.  Maladies  de  la  peau  exotiques 

S.  Maladies  chirurgicales  aux  colonies 

CHAQUE    FASCICULE    SE    VEND    SÉPARÉMENT 

Chaque  fascicule  se  vend  égaleinenl  cartonné  avec  un  supplément  de  1  fr.  50  par  fascicul». 
Les  fascicules  parus  sont  soulignés  d'un  trait  noir 


Librairie  J.-B.  BAILLIÈRE  et  FILS,  19,  rue  Hautefeuille,  à  Paris 

Atlas  d'Anatomie  Descriptive 

Par  le    D"^   J.  SOBOTTA 

Professeur    d'Anatomie    à    l'Université     de    Wurzbourg. 

Édition  française   par    le   D"^   ABEL    DESJARDINS 

Aide  d'Anatomie  k  la  Faculté  de  Médecine  de  Paris. 

3  Tol.  de  texte  et  3  atlas  grand  in-8  colombier,  avec  150  planches  en  couleurs  et  environ 

1500  photogravures,  la  plupart  tirées  en  couleurs,  intercalées  dans  le  texte. 

Ensemble,    6  volumes  cartonnés  :  90    francs. 

l.   Ostéoloffie,   Arthrologie,  H/lyologie. 

\  volume  de  texte  et  1  atlas,  cartonnés 30  fr. 

H.  Splanchnologle,  Cœur. 
1  volume  de  texte  et  1  atlas,  cartonnés 30  fr. 

III.  Nerfs,  Vaisseaux,  Organes  des  sens. 
1  volume  de  texte  et  1  atlas,  cartonnés 30  fr. 

Chacune  des  3  parties  peut  être  acquise  séparément  au  prix  de  30  fr.  les  deux  volumes  cartonnés. 

Les  plus  récents  traités  d'anatomie  ne  répondent  pas  aux  besoins  de  la  très  grande 
majorité  des  étudiants,  mais  s'adressent  seulement  à  quelques  rares  élèves,  candidats  aux 
concours  d'anatomie.  Ceux-ci  doivent  savoir,  dans  tous  ses  détails,  l'anatomie  théorique, 
alors  que  ceux-là  n'ont  besoin  de  savoir  que  les  notions  qui  leur  serviront  dans  la  pra- 
tique journalière  de  la  médecine.  Il  ne  faut  pas  oublier  que  l'anatomie  n'est  et  ne  doit 
être  qu'une  branche  accessoire  de  la  médecine  et  qui,  pour  indispensable  qu'elle  soit 
à  connaître,  ne  doit  pas  accaparer,  au  détriment  des  autres  branches  de  beaucoup  plus 
importantes,  la  plus  grande  partie  des  études  médicales.  L'anatomie  normale  ne  doit 
être  qu'une  introduction  à  l'anatomie  pathologique,  à  la  clinique  et  à  la  thérapeutique. 
Un  médecin  qui  ne  s'attacherait  qu'à  l'étude  de  la  première  ferait  un  travail  stérile, 
puisque  plus  tard  il  ne  se  trouvera  jamais  en  présence  d'organes  normaux,  semblables 
à  ceux  qu'il  aura  appris  dans  les  livres,  sa  science  ne  trouvant  son  emploi  que  sur  des 
organismes  malades. 

Le  livre  de  Sobotta,  qui  s'adresse  aux  apprentis  médecins,  est  conçu  dans  cette  idée; 
—  on  n'y  trouvei'a  ni  les  multiples  plans  aponévrotiques,  ni  la  fastidieuse  bibhographie, 
d'un  polyglottisme  si  exagéré,  chers  aux  anatomistes  actuels,  mais  simplementles  notions 
essentielles  à  connaître  pour  examiner  et  soigner  un  malade.  On  a  supprimé,  de  parti 
pris,  tout  ce  qui  n'avait  pas  une  réelle  importance  pratique,  tandis  qu'on  a,  par  contre, 
donné  tous  les  détails  que  le  médecin  devra  savoir  et  retenir.  Un  tel  élagage  facilitera 
l'étude  au  débutant,  qui  sera  moins  égaré  que  dans  les  gros  traités  classiques,  auxquels 
d'ailleurs  il  pourra  se  reporter  lorsqu'il  désirera  de  plus  amples  détails  sur  un  point  spécial. 

Ce  livre  se  compose  de  deux  parties  distinctes  :  un  atlas  et  un  texte. 

On  trouvera  dans  l'Atlas,  sur  chaque  organe,  un  nombre  de  figures  suffisant  pour 
en  comprendre  tous  les  détails  indispensables.  Sur  la  page  en  regard  du  dessin,  un 
court  résumé  explique  ce  dessin  et  donne  les  notions  fondamentales.  C'est  ce  volume 
que  l'étudiant  doit  emporter  au  pavillon  de  dissection  pour  vérifier  sa  préparation  en 
regardant  la  figure,  pour  chercher  dans  le  texte  une  explication  qu'il  trouvera  toujours 
rapidement,  grâce,  précisément,  à  la  brièveté  de  ce  texte. 

Le  volume  de  texte  qui  accompagne  l'Atlas  servira  à  l'étudiant  pour  repasser,  chez 
lui,  avec  un  peu  plus  de  détails,  ce  qu'il  aura  appris  dans  l'Atlas  et  sur  le  cadavre 
pendant  la  dissection.  Il  acquerra  ainsi  graduellement  et  méthodiquement  des  notions  de 

f)lus  en  plus  détaillées,  si  bien  qu'une  question  lue  d'abord  dans  l'Atlas,  le  cadavre  et 
es  plancnes  sous  les  yeux,  relue  dans  le  texte,  sera  plus  nettement  apprise  et  plus 
facilement  retenue. 

Atlas   d'Anatomie   Topographique 

Par  le  D'^  O.  SCHULTZE 

Professeur  d'Anatomie     k    l'Université    de    Wurzbourg. 

Édition  française  par  le  D'  PAUL  LECÈNE 

Professeur  agrégé  à  la  Faculté  de   Médecine  de  Paris. 
1  volume  grand  in-8  colombier  de  180  pages,  accompagné  de  70  planches  en  couleurs 
et  de  nombreuses  figures  intercalées  dans  le   texte.  Cart 24  fr. 

VAtlas  d'Anatomie  topographique  de  Schultze  se  signale  par  le  nombre  et  la  qualité 
de  ses  planches  en  couleurs  hors  texte  et  de  ses  figures  intercalées  dans  le  texte. 

L'étudiant  ou  le  médecin,  désireux'de  revoir  rapidement  une  région,  trouvera  dans 
cet  Allas  do  nombiouses  et  bonnes  figures  reproduites  avec  soin.  Cet  atlas  est  très 
portatil,  ce  qui  n'est  pas  un  mince  avantage  pour  un  livre  que  l'étudiant  doit  emporter 
a,  la  salle  de  dissection,  s'il  veut  que  ses  études  sur  le  cadavre  lui  soient  de  quelque 
profit. 

Envoi  francod'un  spécimen  du  texte  et  des  planches  à  toute  personne  qui  en  fera  la  demanda 


Librairie  J.-B.  BAILLIÉRE  et  FILS,  19,  rue  Hautefeuille,  Paris. 


Atlas  Manuels  de  Médecine  coloriés 


Atlas  Manuel  d'Anatomie  pathologique,  par  les  D"  Bollinger  et  Googbt.  1902, 

1   vol.   in-16,  avec  i:î7  planches  coloriées  et  27  figures.  Relié 20  fr. 

Atlas  Manuel  deBactériologie,  par  les  D''  Lehmann,   Neumann  et  Griffon.  1906^ 

1  vol.  in-10,  avec  74  pi.  comprenant  plus  de  600  flg.  col.  Relié 20  fr. 

Atlas  Manuel  des  Banda.ges,  Pansements  et  Appareils,  par  les  D"  Hoffa  et 

P.  Hallopeau.  Préface  de  P.  Bergkr.  1  vol.  iu-IO  avec  128  pi.  Relié 14  fr. 

Atlas  Manuel  des  Maladies  de  la  Bouche,  du  Pharynx  et  du  Nez,  par  les 

D""»  GfiUNWALDet  Laurens.  1  vol.  iu-16,  avec  42  pi.  color.  et  41  fig.  Relié 14  fr. 

Atlas  Manuel  des  Maladies  des  Dents,  par  les  D"  Prbiswerk  et  Chompket.  1905, 

1  vol.  in-16   de  366  pages,  avec  44  pi.  col.  et  163  fig.  Relié 18  fr. 

Atlas  Manuel   de   Prothèse    dentaire    et  buccale,  par  les  D"  Preiswerk   et 

Ghompret.    1907,    1  vol.   in-16  de    450   pages,    avec  21    planches   comprenant  50   fig. 

coloriées,  et  362  fig.  dans  le  texte  dont  100  coloriées.  Relié 18  fr, 

Atlas  Manuel  de  Chirurgie  oculaire,   par  0.  Haab  et  A.    Monthus,  1905,  l  vol. 

in-16  de  270  pages,  avec  30  planches  col.  et  166  figures.  Relié 16  fr. 

Atlas    Manuel    de   Chirurgie   opératoire,     par     les    D''    0.    Zuckerkandl    et 

A.  Mouchet.  Préface  du  D''  Que.nu.  Nouvelle  édition.  1910,  1  vol.  in-16  de  490  p.,  avec 

404  fig.  et  41  pi.  col.  Relié 20  fr. 

Atlas  Manuel  de  Chirurgie  orthopédique,  par  Luning,  Schulthess  et  Villemin. 

1902,  1  vol.  in-10  avec  10  pi.  col.  et  'i:M  fig.  Relié '  ^fr. 

Atlas    Manuel   de  Diagnostic  clinique,  par  les  Dr»  G.   Jakob  et   A.  Létiknnb. 

3«  édition.  1  vol.  in-lO  de  396  pages,  avec  68  pi.  coloriées  et  86  fig 15  fr. 

Atlas   Manuel    des   Maladies   des    Enfants,    par    Hecker,  Tbumpp    et  Apert, 

médecin  des  hôpitaux  de  Paris.   1906,    1  vol.    in-16  de  423  pages,   avec    48  planches 

coloriécset  174  figures.  Relié 20  fr. 

Atlas  Manuel  des  Fractures  et  Luxations,  par  les  D"  Helferich  et  P.  Delbet. 

2«  édition.  1  vol.  in-16  avec  68  pi.  col.  et  137  fig.  Relié 20  fr. 

Atlas  Manuel  de  Gynécologie,  par  les  D"  Sch^effer  et  J,  Bolglé,  chirurgien  des 

hôpitaux  de   Paris.  1903,  1  vol.  in-16,  avec  90  pi.  col.  et  76   fig.  Relié 20  fr. 

Atlas    Manuel    de  Technique  gynécologique,  par  les  D"  Sch^effer,  P.  Segond 

et  0.  Lenoir.  1905,  1  vol.  in-18,  avec  42  planches  col.  Relié 15  fr. 

Atlas  Manuel  d'Histologie  pathologique,  par  les  D"  Durck  et  Gouget,  prof. 

agr.  à  la  Fac.  de  Paris.  1902,  1  vol.  in-16,  avec  120  pi.  col.  Relié 20  fr. 

Atlas   Manuel   d'Histologie  et  d'Anatomie  microscopique,  par    les  D"  J. 

SoBOTTA  et  P.  MuLON.  1903,   1  vol.  in-16,  avec  80  pi.  col.  Relié 20  fr. 

Atlas  Manuel  des   Maladies  du   Larynx,  par  les   D"""  L.  Grunwald  et  Castei, 

2«  édition.  1  vol.  in-16,  avec  44  pi.  col.  Relié 14  fr. 

Atlas    Manuel  des   Maladies  externes  de  l'Œil,   par   les  D"   0.   Haab  et  A. 

Tbrson.  1905,  1  vol.  in-16  de  316  pages,  avec  40  planches  col.  Relié 16  fr*. 

Atlas    Manuel    des   Maladies    de   l'Oreille,   par   les    D"    Bruhl,  Politzer  et 

G.  Laurens.  1  vol.  in-16  de  395  p.,  avec  39  pi.  col.  et  88  fig.  Relié 18  fr. 

Atlas  Manuel  des  Maladies  de  la  Peau,  par  les  D"  Mracek  et  L.  Hudelo.  2«  édi- 
tion. 1905,  1  vol.  in-16,  avec  1 15  planches,  dont  78  coloriées.  Relié 24  fr. 

Atlas    Manuel  de     Médecine    et     de    Chirurgie    des     Accidents,    par  les 

D"  Golebiewski  et  P.  Riche,  chirurgien  des  hôpitaux   de    Paris.    1   vol.    in-16  avec 

14b  planches  noires  et  40  planches  coloriées.  Relié 20  fr. 

Atlas  Manuel  de  Médecine  légale,  par   les  D"  Hofmann  et  Ch.  Vibkrt.  Préface 

par  le  prof'  Brouardel.  2«  édition.  1  vol.  in-16,  avec5G  pi.  col.  Rel 18  fr. 

Atlas  Manuel    d'Obstétrique,  par  les  D"  Schiffer  et  Potocki.  Préface  de  M.  le 

professeur  Pinard.  1  vo'.  in-16,  avec  55  pi.  col.  et  18  fig.  Relié 20  fr. 

Atlas  Manuel  d'Ophtalmoscopie,  par  les  D"  0.  Haab  et  A.   Tkrson.  3*  édition. 

1  vol.  in-16  de  276  p.,  avec  88  planches  coloriées.  Relié .- . .     15  fr. 

Atlas  Manuel  de  Psychiatrie,  par  les  D"  Weygandt  et  J.  Roubinovitch,  médecin 

de  la  Salpêtrière.  1  v.  in-16  de  643  p.,  avec  24  pi.  col.  et  264  fig.  Relié 24  fr. 

Atlas  Manuel  du  Système  nerveux,  par  les  D"  G.  Jakob,  Rémond  et  Clavelier, 

2«  édition.  1  vol.  1-16,  avec  84  pi.  coloriées  et  fig.  Relié 20  fr- 

Atlas   Manuel   des    Maladies    nerveuses,    par  les   D"   Seiffer    et    G.    Gasnb. 

médecin  dos  hôpitaux  de  Paris.  1904,  1  vol.  in-16  de  352  pages,  avec  26  planches  colo- 
riées et  264  figures  Relié 18  fr. 

Atlas  Manuel    des    Maladies  vénériennes,    par   les   D"    Mracek    et    Embrt. 

2«  édition.  1904,  1  vol.  in-16,  avec  71  pi.  coloriées  et  12  pi.  noires.  Relié 20  fr. 

Atlas  Manuel  de  Chirurgie  générale,   par  les  D"  Marwedel  et  Ghetassu.  1908, 

1  vol.  in-16  de  420  p.,  avec  171  fig.  et  28  pi.  coloriées.  Relié 16  fr, 

Atlas  Manuel   de  Chirurgie  des  Régions,  par  le  professeur  G.  Sultan  et    G. 

Kuss.  1909-1911,  2  vol.  in-16    de   500  p.,   avec   250  fig.   et  40  pi.   col.   Rehé.  Chaque 

volume , , 20  fr. 


LIBRAIRIE  J.-B.  BAILLIERE  et  FILS,  19,  me  Hautefeuille,  à  Paris 

Bibliothèque  du  Doctorat  en  Médecine 

PUBLIÉE  SOUS  LA    DIRECTION  DE 

A.   GILBERT  &  L.   FOURNIER 

Professeur  à  la  Faculté  de  médecine  de  Paris  Médecin    dts    hôpitaux    de    Paris. 

Membre  d«  l'Académie  de  Médecine. 

1908-19H.  —  30  volumes  in-8,  d'environ  500  pages,  illustrés  de  nombreuses  figures. 
Chaque  volume  cartonné  :  10  à  16  fr. 

Premier  examen. 
ANATOmiE  —  DISSECTION  —  HISTOLOGIE 

Âttatomle,  3  vol Grégoire  . . .    Prof,  agrégé  à  la  Fac.  de  méd.  de  Paris. 

Histologie. • Branca Prof,  agrégé  à  la  Fac.  de  méd.  de  Paris..      15  fr. 

Deuxième  examen. 
PHYSIOLOGIE  —  PHYSIQUE  ET  CHIMIE  BIOLOGIQUES 

Physique  médicale Broca(A.).    Prof,  agrégé  à  la  Fac.  de  méd.  de  Paris.      12  fr. 

Chimie  biologique Desgrez Prof,  agrégé  à  la  Fac.  de  méd.  de  Paris, 

Physiologie 

Troisième  examen. 

I.    MÉDECINE    OPÉRATOIRE    ET    ANATOMIE    TOPOGRAPHIQUE 
PATHOLOGIE    EXTERNE    ET    OBSTÉTRIQUE 

Ânatomie  topographique Soulié Prof,  adjoint  à  la  Fac.  de  méd.  de  Toulouse.  16  fr. 

I  Faure,  Ombrédanne }  r,    e        ^^-ic      j       •jjr."\ 

Pathologie  externe\  Chevassu,   Schwartz \  ^^°^-  agrégés  a  la  Fac.  de  med.  de  Paris.J  Chaq.e 

4  vol )  Alglave Chirurgien  des  hôpitaux  de  Paris.  i  volume 

l  Cauchoix,   Mathieu Chefs  de  clin,  à  la  Fac.  de  méd.  de  Paris.  )  '•0  '''• 

Médecine  opératoire. Lecéne Prof,  agrégé  à  la  Fac.  de  méd.  de  Paris,      ig  fr. 

Oùstetrique .T Fabre Prof,  à  la  Fac.  de  méd.  de  Lyon. |g  jp" 

II.  PATHOLOGIE    GÉNÉRALE  —  PARASITOLOGIE,  MICROBIOLOGIE 
PATHOLOGIE   INTERNE—  ANATOMIE   PATHOLOGIQUE 

Pathologie  générale Icao^  s(J)    \  ^^^^'  ^g'^'^gésàlaFac.  de  méd.  de  Paris.    \2  fr. 

Parasitotogie Guiart Prof,  à  la  Faculté  de  médecine  de  Lyon.  \2  fr. 

microbiologie Dopter,  Sacquépée.    Prof,  agrégés  au  Val-de-Gràce 

S  Gilbert,  Widal Professeur  à  la  Faculté  de  méd.  de  Paris., 
Castaigne,  Claude )  p    j-  agrégés  à  la  Fac.  de  méd.  de  Paris,  j  chaaw 
Lœper.  Rathery )  ^    *  ^  i.naque 

Garnier,  Jomier,  Josué....    /  „..  »  •   .    j      i  &       .    r.    •    ( ''°'"'"* 

uaiiiici,  juujioi,  «uouc...      t  Médccius  ct  anc.  int.  des  hôp.  de  Paris.\  |o  fr 
X  ol1SS6cLl.l>     i\li316FFG )  1  * 

Dopter Prof,  agrégé  au  Val-de-Gràce.  / 

Ânatomie  pathologique Achard  et  Lœper.   Prof,  agrégé  et  à  la  Fac.  de  méd.  de  Paris.   |2  fr. 

Quatrième  examen. 

THÉRAPEUTIQUE—  HYGIÈNE  —  MÉDECINE  LÉGALE  —  MATIÈRE  MÉDICALE 
PHARMACOLOGIE 

Thérapeutique. Vaqnez Prof,  agrégé  à  la  Fac.  de  méd.  de  Paris.      |0  fr. 

Hygiène Macaigne. . .    Prof,  agrégé  à  la  Fac.  de  méd.  de  Paris.      io  Ir. 

médecine  légale. Balthazard..    Prof,  agrégea  la  Fac.  de  méd.  de  Paris..      12  fr. 

Matière  médicale  et  Pharmacologie 

Cinquième  examen. 
I.  CLINIQUE  EXTERNE  ET  OBSTÉTRICALE  —  II.  CLINIQUE  INTERNE 

Oarmatologie  et  Syphitlgraphie —    Jeanselme. .  Prof,  agrégé  à  la  Fac.  de  méd.  de  Paris. 

Ophtalmologie Terrien..  ..  Prof,  agrégé  à  la  Fac.  de  méd.  de  Paris.     12  fr, 

Laryngologie,  Otologie,  Rhlnologle.    Sébileau. . . .  Prof,  agrégé  à  la  Fac.  de  méd.  de  Paris. 

Psychiatrie  \  Dupré Prof,  agrégé  à  la  Fac.  de  méd.  de  Paris. 

(  Camus  (F.)  .  Médecm  des  asiles  d'aliénés. 

Maladies  des  Enfants Apert Médecin  des  hôpitaux  de  Paris lofr. 

Les  volumes  parus  sont  soulignés  d'un  trait  noir. 


LIBRAIRIE  J.-B.  BAILLIÈRE  et  FILS,  19,  rue  Hautefeuille,  à  Paris 

Bibliothèque  de  Thérapeutique 

PUBLIÉE  SOUS  LA  DIRECTION  DE 

A.  GILBERT  &  P.  CARNOT 

Professeur  de  clinique  médicale  Professeur  agrégé  de  Ihérapeutique 

à  la  Kacuilé  de  médecine  de  Pans.  à  la  Faculté  de  médecine  de  Paris. 

30  volumes  in-8,  d'environ  500  pages,  illustrés  de  nombreuses  figures. 

/'«  Série.  —  LES  AGENTS  THÉRAPEUTIQUES. 

L'Art  de  Formuler,  par  le  professeur  Gilbert.  1  vol 

Technique  thérapeutique  médicale,  par  le  D>"  Milian.  i  vol. 

Technique  thérapeutique  chirurgicale,  par  les  D''^  Pauchet  et  Ducuoquet.  1  vol.. .   15  f'r. 

Physiothérapie  :     .<  ' 

Èlech'olhérapie,  par  le  D""  Nogier.  1  vol 10  fr. 

Hadiul/ierapie,  Radiumthérapie,  Photothérapie,  par  les  D"Oudin  et  Zimmern.1  vol. 
liinésitliPt  gn'ie :  Massage.  Gipnnaslirine,  par  les  D"  P.  Garnot,  Dagron,  Ducroqvet, 

INageuite,  L.AU'rnu,  iJouiicART,  1  vol 12  fr. 

Alécanoihérapie,    Ihjd)  olkéropie,  par  les  D""*   Fhaikin,  de  Gaudenal,  Constensoux, 

TissiÉ,  Delagenière,   Fariset.  1  vol ' 8  fr. 

Crénothérapie  (Eaux  minérales).  Thalassothérapie.    Climatothérapie.  par   les 

professeurs  Landouzv,   Gautier,  Mouheu,   Ue  Lau.n.^v  ,  lus  U"  Heitz,  LiAMArql'e, 

Lalesoue,  p.  Gaunot.  1  vol 14  fr. 

Médicaments  chimiques  et  végétaux,  parle  P""  Pic,  les  D"  Bonnamour  el  Imbert.  2  vol. 

Opothérapie,  par  le  D"^  P.  Garnot.  1  vol 12  fr. 

Médicaments   microbiens    (Bactério thérapie.    Vaccinations,    Sérothérapie),    par 

Metchnikoff,  Sacquépée,  Remlinger,  Louis  Martin,  Vaillabd,  Dopter,  Besredka, 

Salimbeni,  Wassermann,  Dujardin-Beaumetz,  Galmette,  1  vol 8  fr. 

Régimes  alimentaires,  par  le  D""  Marcel  Labbé.  1  vol 12  fr. 

Psychothérapie,  par  le  professeur  Dejerine  et  le  D^  André  Thomas.  1  vol. 

2'=  Série.  -  LES  f/IÊDICATIONS. 
Médications  générales,  par  les  D^'   Bouchard,  H.   Roger,  Sabouraud,  Sabrazès, 

Bergonié,    Langlois,  Pinard,  Apert,  Maurel,  Rauzier,    P.  Garnot,  P.   Marie  et 

Glunet,  Lépine,  Pouchet,  Balthazard,  a.  Robin  et  Goyon,  Ghauffard,  Widal  et 

Lemierre.  1  vol     14  fr. 

Médications  symptomatiques  [Mal.  nerv.,  circulai.,  génitales  et  cutanées),  par 

J.  Lépine,    Sicard,   Guillain,  M.  de  Fleury,  Mayor,   Jacquet  et  Ferrand.   1  vol. 
Médications  symptomatiques   (Mal.  digest.  Iiépat.,   rénales,  respiratoires),  par 
Gilbert,  Gast.ugne,  Ménétrier.  1  vol. 

5«  Série.  -  LES  TRAITEMENTS. 
Thérapeutique  des  Maladies  infectieuses,  par  les  D"  Nobécourt,  Noc,  Marcel 

Garnier.  1  vol. 
Thérapeutique    des   Maladies  de    la    Nutrition    et    Intoxications,     par    les 

D"  Lereboullet,  Loeper.  1  vol. 
Thérapeutique  des  Maladies  nerveuses,  par  les  D"  Claude,  Lejonne,  de  Martel. 

i  vol. 
Thérapeutique  des  Maladies  respiratoires  et  Tuberculose,  par  les  D"  Hirtz, 

KisT,  Ribadeau-Dumas,  Tuffier,  Kuss  et  Martin.  1  vol 14  fr- 

Thérapeutique  des   Maladies   circulatoires  (Cœur,'  Vaissiaux,   Sang),   pat    les 

D"  JosuÉ,  Vaquez  et  Aubertin,  Wiart.  1  vol. 
Thérapeutique  des  Maladies  digestives.  Foie.   Pancréas,  par  les  D"  P.  Garnot, 

Gombe,  Lecène.  1  vol. 
Thérapeutique  des  Maladies  urinaires  [Reins,  Voies  urinaires.  Appareil  génital 

rfe  l'homme),  par  les  U^*  Achard,  Marion,  Paisseau.  1  vol 12  fr. 

Thérapeutique  gynécologique  et  obstétricale  par  les  D"  Brindeau  et  Jeannin. 

1  vol. 
Thérapeutique  des  Maladies  cutanées  et  vénériennes,  parles  D"Audry^  Durand, 

Nicolas.  1  vol 12  fr. 

Thérapeutique    osseuse  et  articulaire,  par  les  D'»  Marfan,  Piatot,  Mouchet. 

\  vol. 
Thérapeutique  des  Maladies  des  Yeux,  des  Oreilles,  du  Nez,  du  Larynx  de  la 
Bouche,  des  Dents,  par  les  D"  Dupuy-Dutemps,  Etienne  Lombard,  M.  Roy.  1  vol. 

Les  volumes  parus  sont  soulignés  d'un  trait  noir. 


Librairie  J.-B.   BAILLIÈRE   et   FILS,  19,  rue  Hautefeuille,   Paris 

Les  Actualités  Médicales 


Collection  de  volumes  ln-16  de  96  pages  et  figures,  cartonnés  à  I 

Le  Rachitisme,  par  le  P'  A.-B.  Marfax.  1911.  1  vol.  in-16 

Hygriènedeia  Peau,  par  J.ISicoLAs.PràlaFac.deLyon,  1911.  1vol.  in-16 

Diagnostic  de  la  Syphilis,  par  le  D""  P.  Gastou.  1910.  1  vol.  in-16 

L' Ultra-microscope,  par  le  D"-  P.  Gastoc    1910,  1  vol.  in-16 

Hygiène  du  visage,  par  le  D'  P.  Gastou.  1910,  1  vol.  in-16 

Les  Courants  de  haute  fréquence,  par  le  D'^Zimmern.  1910, 1  vol.  in-16  . 

Les  Opsonines,  par  le  D^  R.  Gaultier.  19. .9,  1  vol.  in-16 

L'Artériosclérose,  par  le  D^  Gouget.  2«  édilion,  1911.  1  vol.  in-16... 

Moustiques  et  Fièvre  jaune,  par  Chantemesse  et  Borel.  i  vol 

Mouches  et  Choléra,  par  Chantemesse  et  Borel.  1  vol.  in-16 

La  Déchloruration,  parle  P'  F.  Widal  et  Javal.  1  vol.  in-16 

Traitements  des  maladies  nerveuses,  par  Laxxois  et  Porot.  1  vol. 
Exploration  du  Tube  digestif,  par  le  D»-  Gaultier.  1  vol.  in-16... 
Les  Dilatations  de  l'Estomac,  par  le  Dr  Gaultier.  1  vol.  in-16.... 

Les  Traitements  des  Entérites,  par  le  D'  Jouaust.  1  vol.  in-16 

Les  Myélitefi  syphilitiques,  par  le  D^  Gilles  de  la  Tourette.  1  vol. 

La  Syphilis  de  la  Moelle,  par  Gilbert  et  Lion.  1  vol.  in-16 

Traitement  de  la  Syphilis,  par  le  Dr  Emery.  1  vol.  in-16 

La  Diphtérie,  par  H.  Barbier  et  G.  Ulmann.  1  vol.  in-16 

Cancer  et  Tuberculose,  par  le  D»"  Claude.  1  vol.  in  16 

Les  Rayons  de  Rôntgeii,  par  le  D^  Béclère.3  vol.  in-16 

Les  Accidents  du  Travail,  par  le  D''  G.  Brouardel.  1  vol.  in-16... 
Diagnostic  des  Maladies  de  la  Moelle,  par  le  D^  Grasset.  1  vol. 
Diagnostic  des  Maladies  de  l'Encéphale,  par  le  D^  Grasset.  1  vol. 
Calculs  biliaires  et  pancréatites,  par  le  Di-  R.  Gaultier.  1  vol.  in-16. 
Les  Médications  nouvelles  en  obstétrique,  par  le  D'  Keim.  1  vol. 

La  Mécanothérapie,  par  le  D'  Régnier.   1  vol.  in-16 

Le  DiaJbètee£sesco2npiicaiiOf3S,parleDrR.LÉPiNE. 2vol. in-16, chaque. 

Les  Albuminuries  curables,  par  le  Dr  J.  Teissier,  1  vol.  in-16 

LeRhumatisme  articulaire  aigu,  parles  D'^Triboulet  et  Coton.  1vol. 
Les  Régénérations  d'organes,  par  le  D""  P.  Carnot.  1  vol.  in-16... 

La  Fatigue  oculaire,  par  le  D^  Don.  1  vol.  in-16 

Thérapeutique  oculaire,  par  le  D^  Terrien.  1  vol.  in-16 

Diagnostic  de  l'Appendicite,  par  le  D^  Auvr.vt.  1  vol.  in-16 

Les  Aufo-IntoATica  tions  de  ia  grossesse,  par  B. DE  Saint-Blaise.  1vol. 

Traitement  des  névralgies  et  névrites,  pa^r  le  Df  Plicque 

Radiothérapie  et  Photothérapie,  par  le  D^  Régnier.  1  vol.  in-16.. 

Les  Enfants  retardataires,  par  le  D^  Apert.  1  vol.  in-16 

La  Goutte,  par  le  D'  Apert.  1  vol.  in-16 

Les  Oxydations  de  l'organisme,  par  Enriqdez  et  Sicard.  1  vol 

Les  Maladies  du  Cuir  chevelu,  par  le  D'  Gastou.  1  vol.  in-16 

Le   Cytodiagnostic,   par  le  D^  Marcel  Labbé.  1  vol.  in-16 

La  Démence  précoce,  par  les  D"  Deny  et  Rov.  1  vol.  in-16 

Les  Folies  intermittentes,  par  Deny  et  Camus,  1  vol.  in-16 

Chirurgie  intestinale  d'urgence,  par  le  D'  Mouchet.  1  vol.  in-16. . 
La  Protection  de  la  santé  publique,  par  le  D'  Mosny.  1  vol.  in-16. 

La  Médication  phosphorée,  par  H.  Labbé.  1  vol.  in-16 

La  Médication  surrénale,^p3.r  Oppenheim  et  LœpER.  1  vol.  in-16  — 
LesMédications préventives,  par  le  D^  Natt.a^n-Larrier.  1  vol.  in-16. 
Les  Rayons  N  et  les  Rayons  N',  par  le  D""  Bordier.  1  vol.  in-16. . . 
Le  Traitement  de  la  Surdité,  par  le  D'  Chavanne.  1  vol.  in-16  — 

Le  Rein  mobile,  par  le  D'  Legueu.  1  vol.  in-16 

L'Obésité,  par  le  D'  Le  Nmn .   1  vol.  in-16 

L'Ionothérapie   électrique,    par  Delherm  et  Laquerrière 

Syphilis  et  Cancer,  par  le  D'  Hor.and.  1  vol.  in-16 

La  Radioscopie  de  l'Estomac,  par  Cerné  et  Delaforge 

L'Alimentation  des  Enfants,  par  Péhu.  1  vol.  in-16 . 

La  Diathèse  urique,  par  H.  Ladbé.  1  vol.  in-16 

Les  États  neurasthéniques,  par  A.  Riche.  1  vol.  in-16 

L'Arthritisme,  par  le  D^  M.\ub.o;,  1911.  1  vol.  in-16 


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Traité  élémentaire  de  Thérapeutique 

Par  A.  MANQUAT 

Professeur  agrégé  à  l'École  du  Val-de-Grâce,  Membre  correspondant  de  l'Académie  de  Médecine. 

6^  édition  entièrement  refondue. 

igi  I,  3  vol.  grand  in-8,  ensemble  2200  pa^es 3o  fr. 

Reliés  maroquin  souple,  tête  dorée 36  fr. 

Chaque  volume  se  vend  séparément. 

CONSULTATIONS   MÉDICALES 

Par  H.  HUCHARD 

Médecin  de  l'Hôpital  Necker,  Membre  de -l'Académie  de  Médecine. 

MALADIES     DU     CŒUR 

1910,  I  vol.  in-8  de  bo\  pas»es |2  f-- 

MALADIES    DE    L'APPAREIL    DIGESTIF 
ET     DE     L'APPAREIL      RESPIRATOIRE 

191 1,  I  vol.  in-8  de  5o4  pages 12  fr. 

Guide   clinique   et  thérapeutique 

DU    PRATICIEN 

Par  le  D'  PALASNE  DE  CHAMPEAUX 

Professeur  à  l'École  de  médecine  de  Toulon. 

1909,  i  vol.  in-8  de  334  P^g^s,  cartonné 5  fr. 

Manuel    de    Sémiologie   médicale 

Par  le  D'  PALASNE  DE  CHAMPEAUX 

Professeur  à  l'École  de  médecine  de  Toulon. 

3"  édition. 

i^ii,  I  vol.  in-8  de  35o  pages,  avec  90  figures  noires  et  coloriées,  cartonné 5  fr. 

Nouveaux   Eléments  de   Pharmacie 

Par  A.  ANDOUARD 

Professeur  à  l'École  de  médecine  de  Nantes. 

7«  édition  en  concordance  avec  le  Nouveau  Codex. 

1910,  I  vol.  grand  in-8  de  i3i4  pages,  avec  225  figures,  cartonné 26  fr. 

Nouveaux     Eléments     d'Hygiène 

Par  le  D"^  J.  ARNOULD 

Professeur  à  la  Faculté  de  médecine   de  Lille. 
et   le  D"'  E.   ARNOULD,    Médecin-Major  de  l'Armée 

5'  édition. 
1907,  I  vol.  grand  in-8  de  1048  pages,  avec  252  figures,  cartonné 20  fr. 

Technique  Microbiologique  et  Sérothérapique 

Par  le  D^  BESSON 

Directeur  du  Laboratoire  de  Bactériologie  de  1  hôpital  Péan. 

5^  édition 

191 1,  I  vol.  gr.  in-8  de  856  pages,  avec  393  figures  noires  et  coloriées 18  fr. 


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Toute  la   Bibliothèque   du   praticien   en    2    volumes    à    10   fr. 

HERZEN  -  MARTIN 

Le  meilleur  Formulaire  par  ordre  alphabétique  de  maladies 

GUIDE  ET  FORMULAIRE  de  THÉRAPEUTIQUE 

OÉNÉRALE    ET    SPÉCIALE 
Par  le  D^  HERZEN 

6»  édition  1911.  1  vol.  in-18  de  1012  pages  sur  papier  mince.  Reliure  souple  ...     10  fr. 

Le  formulaire  du  D'  Herzen  est  conçu  dans  un  esprit  très  pratique  qui  lui  a  assuré  dès  son 
apparition  un  succès  sans  précédent,   auprès  des  étudiants  et  des  praticiens.  Ce  formulaire  a 

Lour  but  de  donner  au  médecin  un  schéma  des  cas  particuliers  qu'il  peut  êt'-e  appelé  à  soigner, 
es  formules  sont  simples  et  bien  choisies.  L'auteur  a  adopté  l'ordre  alphabétique  des  mala- 
dies, qui  permet  facilement  de  s'orienter  dans  un  cas  donné  sans  perdre  du  temps  en  recherches. 
La  th«rapeulique  de  chaque  maladie  embrasse  les  diverses  phases  qui  demandent  un  traite- 
ment spécial,  les  diverses  formes,  les  complications,  les  symptômes  dominants.  Un  des  graves 
défauts  des  formulaires  de  ce  genre  était  l'absence  de  toute  indication  dé  thérapeutique  chirur- 
gicale ;  c'est  là  une  lacune  que  comble  ce  formulaire.  M.  Herzen  a  donné  la  préférence  aui 
moyens  recommandés  par  les  médecins  des  hôpilaux  de  Paris,  tout  en  faisant  une  large  place 
aux  traitements  que  prescrivent  les  cliniciens  étrangers  les  plus  renommés. 

H  a  paru  bien  des  formulaires  depuis  quelques  années.  Il  n  en  existe  pas  d'aussi  pratique  que 
celui  du  D"'  Herzen,  où  il  soit  tenu  compte  dans  une  aussi  large  mesure  des  indications  si 
variées  qui  peuvent  se  présenter  dans  le  cours  d'une  même  maladie. 

M.  Herzen  a  tenu  à  remanier  la  sixième  édition  de  ce  livre,  à  le  compléter  et  à  le  déve- 
lopper, tout  en  s'efforçant  de  lui  garder  l'esprit  et  les  qualités  qui  ont  fait  le  succès  des  deux 
premières  éditions  :  concision,  clarté,  ulililé  pratique.  Tous  les  chapitres  ont  été  repris  et  refondus; 
quelques-uns  ont  été  complètement  transformés.  Plusieurs  sont  entièrement  nouveaux. 

M.  Herzen  a  dû  tenir  grand  compte  de  la  rénovation  gui  s'accomplit  de  nos  jours  dans  les 
méthodes  thérapeutiques  (thérapeutique  pathogénique,  thérapeutique  compensatrice,  thérapeu- 
tique préventive,  balnéothérapie,  sérumtliérapie,  opothérapie)  et  même  suivre  le  mouvement 
qui  enlraine  actuellement  la  médecine  vers  la  chirurgie,  dans  le  traitement  de  nombreuses 
alTeclions  considérées  jusqu'à  ces  dernières  années  comme  de  son  ressort  exclusif. 

Il  a  dû,  en  outre,  citer  dans  cette  édition  les  nombreux  médicaments  nouveaux  introduits  en 
thérapeulique  pendant  le  cours  de  ces  d  rnières  années. 

Celle  édition  a  été  enrichie  d'un  grand  nombre  de  formules  nouvelles. 

Le  meilleur  Formulaire  par  ordre  alphabétique  de  médicaments 

NOUVEAU  FORMULAIRE  MAGISTRAL 

de  Thérapeutique  clinique  et  de   Pharmacologie 
Par  le  D-^  O.  MARTIN 

PRÉFACE     DU     PROFESSEUR     QRASSET 

4«  édition  1911.  1  vol.  in-18  de  1000  pages,  sur  papier  mince.  Reliure  souple 10  fr. 

Le  Nouveau  Formulaire  magistral  du  D'  O.  Martin  vaut  plus  et  mieux  qu'un  Formulaire. 

Un  form.ulaire  est  en  effet,  étymologiquement  et  par  délinition,  un  recueil  déformâtes  :  c'est-à- 
dire  que,  dans  le  formulaire  classique,  sur  chaque  substance,  l'article  débute  par  une  ligne  de 
caractéristique  physique  ou  chimique;  puis  viennent  trois  lignes  sur  la  posologie  aux  divers 
âges  et  sur  les  incompatibilités  chimiques,  et  ensuite  s'alignent  les  formules,  empruntées  à  l'un 
ou  à  l'autre,  avec  le  nom  des  maladies  auxquelles  on  peut  les  appliquer. 

U  y  a  bien  tout  cela  dans  le  formulaire  du  D'  Odilon  Martin.  Mais  il  y  a  aussi  autre  chose  : 
il  y  a  sur  chaque  médicament  un  chapitre  résumé  de  thérapeutique. 

La  formule  n'est  utile  que  si  le  médecin  en  connaît  bien  les  indications  et  les  contre-indica- 
tions ;  le  livre  ne  doit  pas  seulement  lui  enseigner  les  maladies  dans  lesquelles  il  faut  la  pres- 
crire, mais  les  malades  auxquels  «lie  sera  utile  ou  nuisible. 

C'est  pour  cela  que  le  D'  Odilon  Martin  ne  se  borne  pas  à  une  sèche  énumération  en  deux 
colonnes,  contenant  :  l'une,  les  formules,  et  l'autre,  les  maladies.  Il  expose  d'abord  la  pharma- 
cologie du  médicament,  puis  ses  actions  pharmacologiques,  son  histoire  à  travers  l'économie 
{absorption,  transformations,  élimination)  ;  les  premiers  signes  de  l'intolérance  (toxicité);  de  là,  il 
déduit  les  applications  thérapeutiques  {indicalions  et  contre- indications):  expose  les  modes  d'admi- 
nistration ei  les  doses,  les  incompatibilités  (en  précisant  les  conditions  particulières  dans  les- 
quelles certains  médicaments  sont  incompatibles),  et  enfin  les  diverses  formules  avec  leurs 
indications  particulières  et  respectives. 

Avec  un  livre  comme  celui-là,  le  praticien  saura  formuler  non  seulement  dans  une  maladie 
donnée,  mais  chez  un  sujet  donné,  en  tenant  compte  de  son  tempérament,  de  ses  antécédents 
héréditaires  et  personnels,  physiologiques  ou  pathologiques,  de  la  période  de  la  maladie,  de  sa 
forme,  de  ses  complications.  En  nn  mot,  tout  médecin  capable  défaire  d'abord  un  diagnostic 
vrai,,  précis  et  complet,  pourra  faire  une  bonne  thérapeutique,  rationnelle  et  appropriée. 

Dr  Grasset,  professeur  à  la  Faculté  de  médecine  de  Montpellier. 

Ce  formulaire  est  certainement  un  des  meilleurs  que  nous  possédions.  ♦ 

Journal  des  Praticie-iS  de  Huchard. 

Ce  formulaire  est  exceller.t.  Malgré  ses  looo  pages,  l'impression  sur  papier  mince  en  fait  ua 
volume  portatif  et  léger.  Luon  Médical 


LIBRAIRIE  J.-B.  BAILLIÈRE  et  FILS,  19,  rue  Hautefeuille,  à  Paris 

Dictionnaire  de  Médecine 

De    CHIRURGIE,    de     PHARMACIE 

et  des  Sciences  qui  s'y  rapportent 


E.   LITTRE  A.  GILBERT 

MEMBRE     DE     L'INSTITUT  PROFESSEUR    A    LA    FACULTE    DE    MéDBCINB 

(Académie  Française,  Inscriptions  et  Belles-Lettres)  DE  PARIS 

MEMBRE  DE  L'ACADÉMIE  DE  MÉDECINE  MEMBRE  DE  L'ACADEMIE   DE   MÉDECINE 

VINGT  ET   UNIÉdrlE  ÉDITION   ENTILREIYIENT   REFONDUE 


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Broché 25  fr.  —  Relié 30  fr. 


Le  Dictionnaire  de  médecine  de  Liltré  est  certainement  le  pliis  grand  succès  de  la  librairie 
médicale  de  notre  époque,  et  il  s'explique  non  seulement  par  la  valeur  scientifique  fiu  livre,  mais 
par  la  nécessité,  quand  on  lit  ou  qu'on  écrit,  d'avoir,  pour  la  recherche  d'une  étymologie  ou  d'une 
définition,  un  guide  sur  et  méthodique. 

Ce  Diclionnaire,  —  dont  l'étendue  s'explique  par  sa  compréhension  même,  puisqu'il  embrasse 
à  la  tois  les  termes  de  médecine,  de  chirurgie,  de  pharmacie,  des  sciences  qui  s'y  rapportent,  — 
présente  dans  des  articles  courts,  mais  substantiels,  un  résumé  synthétique  des  connaissances 
actuelles  sur  les  sujets  qu'il  embrasse. 

Il  est  incontestable  que  le  Diclionnaire  de  médecine  le  plus  complet  est  celui  qui  porte  le  nom 
de  LiTTRÉ,  le  grand  philosophe,  le  savant  universel,  et  qui  a  été  entièrement  refondu  par  le 
professeur  Gilbert. 

Cent  soixante-quinze  mille  exemplaires  vendus  de  ce  Diclionnaire  de  médecine  sont  le 
témoignage  le  plus  éclatant  de  sa  haute  valeur  et  de  sa  grande  utilité,  pour  les  savants,  pour  les 
étudiants,  pour  les  gens  du  monde,  pour  tous  ceux  qui  veulent  se  tenir  au  courant  des  progrès 
des  sciences  contemporaines. 

C'est  une  œuvre  rédigée  avec  une  précision  et  une  netteté  admirables,  illustrée  de  figures 
d'une  excellente  exécution  qui  sont  semées  dans  le  texte  avec  profusion. 

Il  y  a  cent  ans  exactement  que  parut  la  première  édition  du  Diclionnaire  de  la  médecine 
de  Nysten,  devenu  par  la  suite  Diclionnaire  de  médecine  de  Littré. 

Voici  que,  nouveau  phénix,  il  renaît  de  ses  cendres.  Un  grand  travailleur,  doublé  d'un 
éminent  praticien,  le  professeur  Gilbert,  vient  de  remanier  l'antique  dictionnaire  de  fond  eu 
comble,  avec  la  collaboration  du  D'  Marcel  Garnier,  médecin  des  hôpitaux  de  Paris.  Ils  en  ont 
fait  une  œuvre  nouvelle  et  considérable  (2000  pages  et  1000  ligures)  bien  à  jour  et  qui,  par  suite, 
sera  d'une  extrême  utilité  non  seulement  pour  les  étudiants,  voire  même  les  médecins,  mais  aussi, 
pour  le  public  lettré.  Les  uns  pourront  y  apprendre  beaucoup  de  choses  et  être  sûrs  que  les 
descriptions  sont  exactes  et  au  courant  de  la  science.  Les  autres  y  retrouveront  souvent  le 
détail  oublié,  le  point  particulier  qu'on  sait  au  moment  et  dont  on  ne  se  souvient  plus  après 
quelques  semaines.  De  nombreuses  figures  nouvelles  illustrent  et  éclairent  le  texte. 

Le  Diclionnaire  de  médecine  Ae  Littré  est  un  véritable  monument  historique.  Et  il  a  cela  de 
particulier  qu'il  peut  indéfiniment  se  rajeunir,  lorsque  des  maîtres  comme  le  professeur  Gilbert 
en  donnent  de  nouvelles  éditions.  Celle-ci  formera  une  bonne  encyclopédie  de  choses  médicales. 
le  Larousse  de  l'art  médical,  bien  illustré,  sévèrement  revisé.  Au  reste,  le  nom  du  professeur  Gilbert 
n'esl-il  pas  la  meilleure  garantie  de  sa  valeur? 

Il  est  bien  difficile  d  analyser  un  pareil  ouvrage.  En  le  feuilletant  page  par  page,  en  s'arrêtant 
aux  articles  que  l'on  connaît  le  mieux  et  qui  nous  intéressent  particulièrement,  on  se  rend 
compte  facilement  que  pour  chaque  mot  tout  est  dit,  résumé  en  quelques  phrases  concises  et 
précises,  au  courant  des  dernières  découvertes  de  la  science. 

Aussi  ce  dictionnaire  rendra-t-il  service  à  tous,  même  aux  plus  documentés 


Le  plus  grand  Succès  de  la  Librairie  Médicale 

1000  figures.  ^^  ^  BROCHÉ 

FRANCS 


2000  pages  à  deux  colonnes.  ^^Hfc 

45.000  articles.  ^         ^^%^ 

15.000.000  de  lettres.  ï^elié   ^Q 


LIBRAIRIE  J.-B.  BAILLIÈRE  et  FILS,  19,  rue  Hautefeuille,  à  Paris 


LA   MEDECINE 


EN 

Tableaux  Synoptiques 

A  L'USAGE  DES  ÉTUDIANTS  ET  DES  PRATICIEHS 

COLLECTION     VILLEROY    

SÉRIE  A  3  FR,  50  LE  VOLUME  : 

Tableaux  synoptiques  de  Pathologie   générale,  par  le   D^  Codtance,   1899, 

1  vol.  in-8,  200  pages 3  fr.  50 

Tableaux    synoptiques    d'Hygiène,    par     le    D^     Reille,    1900,    1  vol.    in-8, 
208  pages 3  fr.  50 

Tableaux   synoptiques  d'Anatomie    descriptive,   par  le    D^  Boutigny,   1900, 

2  vol.  in-8.  Chaque  volume 3  fr.  50 

Tableaux  synoptiques  de  Physiologie,  par  Blaincourt,  1904,  1   vol.  in-8   de 
171  pages 3  fr.  50 

Tableaux  synoptiques  de  Symptomatologie    clinique   et   thérapeutique, 

par  le  D^  M.  Gautier,  1900,  1  vol.  in-8,  180  pages 3  fr.  50 

Tableaux    synoptiques     d'Exploration    médicale     des    Organes,   par   le 

D'  Champe.\ux,  1902,  1   vol.  in-8,  184  pages 3  fr.  50 

Tableaux  synoptiques  d'Exploration    chirurgicale  des  Organes,   par    le 

D""  Ghampeaux.  1901 ,  1  vol.  in-8,  176  pages 3  fr.  50 

Tableaux  synoptiques  de  Médecine  d'urgence,  par  Debussièbes,  1902,  l  vol.  in-8 
de  184  pages 3  fr.  50 

Tableaux  synoptiques  de  Médecine  opératoire,  par  le  D'  Lavarède,  1900,  1  vol 
in-8,  avec  150  figures 3  fr.  50 

Tableaux  synoptiques  d'Anatomie  topographique,  par  le  D^  Boutigny,  1900. 

I  vol.  in-8  de  176  pages,  avec  117  figures 3  fr.  50 

SÉRIE  A  5  FR.  LE  VOLUME  : 

Tableaux  synoptiques  de  Pathologie  externe,  par  le  D'  Villerot,  8«  édition. 
revue  et  corrigée,  1899,  1  vol.  in-8,  200  pages,  cartonné 5  fr. 

Tableaux  synoptiques  de  Thérapeutique  descriptive  et  clinique,   par  le 
Df  JIenri  Durand,  1899,  1  vol.  in-8,  224  pages,  cartonné 5  fr. 

Tableaux  synoptiques  de  Diagnostic   sémiologique  et  différentiel,   par  le 

U""  CouTANCE,  1899,  1  vol.  in-8,  200  pages,  cartonné 5  fr. 

Tableaux  synoptiques  d'Obstétrique,   par  les   D"-'   Jean  Saumeu  et  G.  Lebief. 
1900.  1  vol.  in-8,  avec  200  photographies  d'après  nature  et  114  fig.,  cartonné 5  fr. 

Ces  'tableaux  st/nopliques,  avec  leurs  caractères  noirs  qui  se  détachent  en  saillie,  avec  leurs 
accolades  mulliples  qui  établissent  une  hiérarcliie  dans  les  divisions  et  les  sulidivisions  du 
sujet,  se  présenlenl  à  la  vue  et  à  l'esprit  avec  une  netteté  et  une  précision  qui  faciliteront 
singulièrement  la  mémoire. 

II  est  vraiment  extraordinaire  qu'on  ait  pu  faire  tenir  autant  de  matière  dans  un  nombre 
aussi  limité  de  pages  cl  pour  un  prix  aussi  modique,  et  cela  sans  nuire  à  la  clarté  lumineuse 
de  l'exposition. 

Le  but  de  ces  tableaux  synoptiques  a  été  de  condenser  sous  le  plus  petit  volume  possible  la 
Bomme  des  connaissances  nécessaires  et  suffisantes  à  tout  étudiant  pour  lui  permettre  de 
passer  ses  examens  avec  succès.  On  a  surtout  cherchée  donner  beaucoup  sous  une  forme 
concise,  frappant  l'œil  et  l'esprit. 

Ces  tableaux  synoptiques  seront  également  d'un  utile  secours  aux  praticiens  dont  la  mémoire 
n  est  pas  infaillible  et  qui  n'ont  pas  le  loisir  de  suivre  l'évolution  de  la  science  :  ils  trouveront 
signalés  dans  ces  ouvrages  à  la  fois  l'eiposè  des  méthodes  classiques  et  des  théories  les  plus 
récentes. 


Libraîrie  J-B   BAILLIÈRE   et  FILS,  19,   rue  Hautefeuille,  à  Paris 

COLLECTIONS    LEFERTçsa  volumes  à  3  tr.) 

25  volumes  MANUEL  DU  DOCTORAT  EN  MÉDECINE  25  voiume,. 


Premier  Examen 

Aide-mémoire    d'Anatomie    à   l'amphithéâtre. 

i'éditioîi.  1897.  1  v.  in-18,306n.,  car  t.     S  te. 
Aide-mémoire  d'Anatomie    et   d'Embryologie. 
b'édit.  190(1,  1  vol.  in-8,  276  p.,  cari.     3  fr. 
Deuxième  Examen 

Aide-Mémoire  d'Histologie.  1906,  1  vol.  in-18, 

317  p.,  avec  64  fif^ures,  cartonné...  3  l'r. 

Aide-Mémoire   de   Physique   médicale.  1894, 

1  vol.  in-18,  278  p.,  cartonnù 3  fr. 

Aide-mémoire  de  Physiologie.  5»  édition,  1905, 

1  vol.  in-18,  312  p.,  cartonné 3  fr. 

Troisième  Examen 

Aide-mémoire  de  Pathologie  générale,  "inédit, 
1910,  1  vol..  in-18,  800  p.,  cartonné.     3  IV. 

Aide-mémoire  de  Pathologie  interne.  7»  édition. 
1908.  3  vol.  in-18  de  838  p.,  cart....     9  Ir. 

—  Le  moine  en  1  volume  relié  en  maroquin 
souple,  tète  dorée 10  fr. 

Aide-mémoire  de  Pathologie  externe  et  de  Chi- 
rurgie des  régions.  2»  édition.  1898,  3  vol. 
in-18  de  930  p.,  cart 9  fr. 

—  Le  même  en  1  volume  relié  en  maroquin 
souple,  tète  doréi; 10  fr. 

Aide-mémoire  de  Bactériologie.   1901,  1  vol. 

in-18,  275  p.,  cartonné 3  fr. 

Aide-mémo. re  de  Médecine  opératoire.  1904, 

1  vol,  in-18.  300  p.,  cartonné 3  fr. 


Aide-mémoire  d'Anatomie  pathologique,  3*  édil, 
1898,  1  vol.  in-18,  296  p.,  cartonné. .     3  fr. 

Aide-mémoire  d'Accouchements.  2»  édition. 
1898,  1  vol.  in-18,  286  p.,  cartonné.  3  fr. 
Quatrième  Examen  '-^ 

Aide-mémoire  de  Thérapeutique.  1906,  1  vol. 

in-18,  318  p.,  cartonné 3  fr. 

Aide-mémoire    d'Histoire   naturelle  médicale. 

1894.  1  vol.  in-18,  288  p.,  cartonné..  3  fr. 
Aide-mémoire  de  Pharmacologie  et  de  Matière 

médicale.  1894, 1  v.  in-18,  288  p.,  cart.  3  fr. 
Aide-mémoire  d'Hygiène.  5»  édit.  1902,  1  vol. 

in-18,  288  p.,  cart 3  fr. 

Aide- mémoire  de  Médecine  légale.  6»  édition 

1910,  f  vol.  in-18,  280  p.,  cart 3  fr. 

Cinquième  Examen 

Aide-mémoire  de  Clinique  médicale  et  de 
Diagnostic.  1895.  1  vol.  in-18,  314  p., 
cart 3  fr. 

Aide  mémoire  de  Clinique  chirurgicale.  2«  éd. 
1902,  1  vol.  in-18,  308  p.,  cart 3  fr. 

Aide-mémoire  de  Petite  chirurgie  et  de  Théra- 
peutique chirurgicale.  1901,   1   vol.  in-18, 

340  pages,  cartonné 3  fr. 

Examen  de  médecin  auxiliaire 

Aide-mémoire  de  l'examen  de  Médecin  auxi- 
liaire. 3»  édition.  1910,  1  vol.  in-18,  250 


cartonné 3 


&; 


15  volumes  LA  PRATIQUE  DES  HOPITAUX  DE  PARIS  is  volumes 


La  Pratique  journalière  de  la  Médecine  dans  les 
Hôpitaux  de  Paris.  Maladies  microbiennes 
et  parasitaires.  —  Intoxications.  —  Affec- 
tions constitutionnelles.  1895.  1  vol.  in-18 
de  288  p.,  cartonné 3  fr. 

La  Pratique  journalière  de  la  Chirurgie  dans 
les  Hôpitaux  de  Paris.  1894,  1  vol.  in-18, 
324  p.,  cartonné 3  fr. 

La  Pratique  Gynécologique  dans  les  Hôpitaux  de 
Paris.  1896, 1  vol.  m-18  de  288  p.,  cart.     3  fr. 

La  Pratique  Obstétricale  dans  les  Hôpitaux  de 
Paris.  1896, 1  vol.  in-18  de  288  p.,  carf.     3fr. 

La  Pratique  Dermatologique  et  Syphiligraphique 
dans  les  Hôpitaux  de  Paris.  2=  édition.  1902. 
1  vol.  in-lS  de  288  p.,  cartonné 3  fr. 

La  Pratique  des  Maladies  des  Enfants  dans  les 
Hôpitaux  de  Paris.  2«  édition,  1898,  1  vol. 
in-18  de  302  p.,  cartonné 3  fr. 

La  Pratique  des  Maladies  du  Système  neroeux 
dans  les  Hôpitaux  de  Paris.  1894,  1  vol. 
in-18  de  285  p..  cartonné 3  fr. 

La  Pratique  des  Maladies  de  l'Estomac  et  de 
l'Appareil  digestif  dans  les  Hôpitaux  de  Paris. 
1894,  1  vol.  in-18  de  288  p.,  cart 3  Ir. 


La  Pratique  des  Maladies  des  Poumons  et  de 
l'Appareil  respiratoire  dans  les  Hôpitaux  de 
Paris.  1894,  1  volume  in-18  de  283  pages, 
cartonné 3  fr. 

La  Pratique  des  Maladies  du  Cœur  et  de  l'Appa- 
reil circulatoire  dans  les  Hôpitaux  de  Paris. 

1895,  1  vol.  m-18  de  281  p.,  cart....     3  fr. 

La  Pratique  des  Maladies  des  Voies  urinalres 
dans  les  Hôpitaux  de  Paris,  1895.  1  vol. 
in-18  de  288  p.,  cartonné 3  fr. 

La  Pratique  des  Maladies  des  Yeux  dans  les 
Hôpitaux  de  Paris.  1895,  1  vol.  in-18  de 
324  p.,  cartonné 3  fr. 

La  Pratique  des  Maladies  du  Larynx,  du  Nez  et 
des  Oreilles  dans  les  Hôpitaux  de  Paris,  1896, 
1  vol.  in-18  de  288  p.,  cartonné 3  fr. 

La  Pratique  des  Maladies  de  la  Bouche  et  des 
Dents  dans /es  Hôpitaux  de  Paris.  1896, 1  vol. 
in-18  de  288  p.,  cartonné 3  fr. 

Aide-Mémoire  de  Médecine  hospitalière.  —  Ana- 
tomie.  —  Pathologie.  —  Petite  chirurgie, 
1895,  1  vol.  in-18,  288  p.,  cartonné.     3  fr. 


lO    Volumes 


MA/VUEL  DU  MEDECIN  PRATICIEN       lo  volumes 


iide-mémoire  de  Gynécologie.  1900, 1  vol.  in-18 
de  276  p.,  cartonné 3  fr. 

iide-mémoire  de  Dermatologie  et  de  Syphili- 
graphie.  1899.  1  vol.  in-18  de  288  pages, 
cartonné 3  fr . 

iide-mémolre  de  Neurologie.  1900,  1  vol.  in-18 
de  274  p.  et  26  figures,  cartonné. . .     3  fr. 

4ide-mémoire  des  Maladies  de  l'Estomac.  1900, 
1  vol,  in-18  de  304  p.  et  19  fîg.,  cart.     5  fr. 

Ude-mémolre  des  Maladies  de  l'Intestin  et  du 
Péritoine.  1901,  1  vol.  in-18  de  285  pages, 
cartonné 3  fr. 


Aide-mémoire  des  Maladies  des  Poumons,  1902. 

1  vol.  in-18  de  300  p.,  cart 3  fr. 

Aide-mémoire  des  Maladies  du  Cœur.  1901, 

1  vol .  in-18  de  285  p.,  avec  fîg.,  cart.  3  fr. 
Aide-mémoire  de  Médecine  infantile.  1901, 1  vol. 

in-18  de  139  p.,  avec  fig..  cart 3  fr. 

Aide-Mémoire    de   Chirurgie   infantile.    1902, 

1  vol.  in-18  de  300  p.,  avec  fîg.,  cart.  3  fr. 
Lexique-formulaire  des  Nouoeautés  médicales. 

Nouvelles  maladies,  nouveaux  syndromes, 

nouveaux  remèdes,  nouvelles  opérations. 

1898.  1  vol.  in-18  de  336  p.,  cart. ...     3  fr. 


ENVOI    FRANCO    CONTRE    UN    MANDAT    POSTAL 


Librairie  J.-B.  BAILLIÉRE  et  FILS,  19,  rue  Hautefeuille,  à  Paris. 

PARIS  MÉDICAL 

LA   SEMAINE    DU   PRATICIEN 


PUBLIÉ    SOUS    LA    DIRECTION    DU 


Professeur      A.      GILBERT 

PROFESSEUR    DE    CLINIQUE   A    LA    FACULTÉ    DE    MÉDECINE    DE   PARIS, 
MÉDECIN    DE   L'HOTEL-DIEU,  MEMBRE   DE  L'aCADÉMIE  DE  MÉDECINE 


COMITÉ   DE    RÉDACTION 


Jean  CAMUS 


Professeur  agrégé  à  la 
Faculté  de  médecine  de  Paris. 

P.  LEREBOULLET 

Médecin 
des  Hôpitaux  de   Paris. 

MOUCHET 

Chirurgien  des  Hôpitaux 
de  Paris. 


Paul  CARNOT 

Professeur  agrégé  à  la 
Faculté  de  médecine  de  Paris. 

G.   LINOSSIER 

Professeur  agrégé  à  la  Faculté 
de  médecine  de  Lyon. 

A.  SCHWARTZ 

Professeur  agrégé  à  la  Faculté 
de  médecine  de  Paris. 

Secrétaire  G^  de  la  Rédaction  : 
Paul  CORNET 

Médecin  en  chef 
de   la  Préfecture   de   la    Seine. 


DOPTER 

Professeur  agrégé  au 
Val-de-Grâce. 

MILIAN 

Médecin  des 
Hôpitaux  de  Paris. 

ALBERT-WEIL 

Chef  de  Laboratoire 
à    l'Hôpital    Trousseau. 


PARIS  MÉDICAL  paraît  tous  les  Samedis. 

Les    abonnements  partent  du  i"  de  chaque   mois. 

Prix  de  l'abonnement  (/«r  Décembre  au  3o  Novembre)  : 

France,  12  fr.  —  Etranger,  15  fr. 

Adresser  le  montant  des  abonnements  à  la  Librairie  J.-B.  BAILLlÈRE 

et  FILS,  19,  rue  Hautefeuille,  à  Paris. 

Le  premier  numéro  de  chaque  mois,  consacré   à  une  branche  de  la  médecine, 

contient  52  à  68  pages. 

Tous  les  autres  numéros  ont  36  à  52  pages. 

Le  troisième  numéro  de  chaque  mois  contient  une  Revue  générale 

sur  une  question  d'actualité. 


Ordre  de  publication  des  numéros  spéciaux  (68  pages) 


Maladies    des     voies    respira- 
toires. —  Tuberculose. 

Physiothérapie  ;        physiodia- 
gnostic. 

Dermatologie;  —  syphilis;  ma- 
ladies vénériennes. 

Gynécologie;    —   obstétrique; 
—  voies  urinaires. 

Mai Maladies   de    la  nutrition,    — 

eaux   minérales,    climatothé- 
rapie;  —  diététique. 


Janvier 
Février 
Mars... 
Avril... 


Juillet Maladies  du  cœur,  du  sang, 

des  vaisseaux. 

Août •  .     Bactériologie  ;  —  hygiène  ; 

—  maladies  infectieuses. 

Maladies  des  oreilles  du 
nez,  du  larynx;  des  yeux; 
des  dents. 

Maladies  nerveuses  et  men- 
tales ;  médecine  légale. 

Thérapeutique. 

Médecine  et  Chirurgie 
infantiles. 


Septembre . 


Octobre  . . . 

Novembre. 
Décembre. 


Juin Maladies  de  l'appareil  digestif 

Les  abonnés  d'une  année  sont  remboursés  par  des  primes  représentant 
six  fois  le  prix  de  l'abonnement. 

ENVOI    FRANCO    d'uN    NUMÉRO   SPÉCIMEN    SUR    DEMANDE 

14027-11.     ■-  COKBEIL.   Impr.merie  CRETB.